« Cours
Lola cours » aurait pu être le film de la génération X. Il est arrivé un
peu tard (fin 1998), et de toutes façons après « Trainspotting ».
N’empêche, il n’en reste pas moins un des films les plus novateurs de la
décennie pré-motion capture.
Le maître
d’œuvre du projet « Cours Lola cours », c’est Tom Tykwer. Touche à
tout du cinéma indépendant allemand (il est crédité au générique de scénariste,
réalisateur, producteur et compositeur de la BO, rien que ça …), il n’avait
réalisé qu’une paire de films que personne avait vus. Et là, tout à coup, il va
sortir un truc totalement hors normes, avec une mise en scène ultra speedée et
un scénario totalement délirant.
Tom Tykwer |
A la base, un
couple de jeunes, Manni et Lola. Lui vivote et commence à s’engluer dans des
trafics chelous, elle s’emmerde chez papa-maman dans un milieu bourgeois (une
mère au foyer délaissée qui cherche le frisson amoureux dans l’horoscope, et un
père directeur de banque qui se tape la sous-directrice et envisage très
sérieusement le divorce). Après une première séquence euh … métaphysique
ponctuée de mouvements délirants de caméra, les ressorts de l’intrigue se
mettent en place. Un piqué vertigineux de caméra qui entre dans la maison de
Lola pour finir sur un gros plan de téléphone qui sonne. A l’autre bout du fil,
Manni. Mal barré. Un très gros paquet de pognon venant d’un trafic de bagnoles,
qu’il doit remettre à un caïd qui rigole pas. Problème, il a connement perdu le
pognon dans une rame de métro, et n’a plus que vingt minutes pour remettre le
fric. Sinon il se fera buter. Lola ne sait pas quoi faire, mais veut à tout
prix sauver son mec. Elle part au sprint le rejoindre, espérant trouver en
route le bon plan qui va sauver son chéri.
Bon, ce genre
de scénar, on l’a vu des milliards de fois. Sauf qu’ici il n’y a pas un film,
mais trois. A partir du moment où Lola dévale les escaliers de sa baraque, un
petit détail va survenir qui va perturber sa course folle. Et cette seconde
gagnée ou perdue au démarrage va provoquer des réactions en chaîne, ses choix à
elle, à Manni, vont être différents. Et au bout des vingt fatidiques minutes,
l’issue aussi sera totalement différente… les trois séquences de vingt minutes
sont quasiment filmées en temps réel, et les lumières se rallument dans la
salle au bout d’une heure et quart. Autant dire que ça déménage à l’écran …
Lola & Manni |
D’abord parce
qu’il y a des « personnages », des gueules. La mignonne et plutôt
glamour Franka Potente campe une Lola à cheveux rouges et Doc Martens, passant
entre deux courses folles d’un calme olympien au milieu de situations qui
partent en quenouille, à des montées d’adrénaline hurlantes (comme un autre
héros de film allemand, Oskar, celui du « Tambour », et certainement
pas par hasard, quand Lola s’énerve grave, elle crie dans les aigus jusqu’à
casser les verres), et cette actrice pratiquement inconnue crève l’écran (et ne
laissera pas insensible son réalisateur puisqu’ils formeront un couple à la
ville). L’autre figure majeure du casting, c’est Manni (Moritz Bleibtreu), un
peu paumé, qui fonce d’abord et réfléchit après, mais qui partage avec Lola une
furieuse envie de se sortir de ce sac de nœuds dans lequel il s’est enlisé. Les
seconds rôles forcent sur l’aspect caricatural de leur personnage et le rendent
immédiatement mémorisable dans les différents scénarios qui s’enchaînent.
Techniquement,
il n’y a rien de révolutionnaire, qui n’ait déjà été vu dans un film. Par contre,
rarement les images collent aussi bien à l’histoire. Les sprints de Lola
rythment la structure filmique. Et la tarte à la crème utilisée à toutes les sauces
et plutôt à tort et à travers depuis vingt ans, à savoir le montage façon
vidéo-clip épileptique, prend ici toute sa mesure et tombe sous l’évidence. D’autant
plus que la musique (Tykwer aux machines et Potente pour quelques parties
chantées) repose sur une techno survitaminée (genre Prodigy meets Chemical
Brothers) qui renforce encore un peu plus l’aspect oppressant de ces courses
contre la montre. Autre bonne idée de Tykwer, celle d’inclure à chaque « épisode »
une séance d’animation représentant Lola descendant quatre à quatre les étages
de sa maison. Certes pas une nouveauté dans un film « conventionnel »,
mais là aussi, cet intermède animé s’intègre parfaitement dans le rythme du
scénario. Et puis, tant qu’à montrer trois déroulements d’histoire différents,
Tykwer en faisant se succéder des polaroids à un rythme échevelé, nous évoque
de façon tout juste perceptible à l’œil les destins différents des gens croisés
par les protagonistes principaux.
Natural Born Killers ? |
Et comme si
ça ne suffisait pas dans ce crépitement d’images en mode rafale, Tykwer glisse
des hommages au « A bout de souffle » (c’est tellement évident que
personne ne semble s’en être aperçu). Le final du film de Godard est quasiment
plagié dans une des fins de « Cours Lola cours », et entre les « épisodes »,
Manni et Lola discutent dans un lit de questions philosophiques, métaphysiques et
existentielles just like Bebel et Jean Seberg dans la chambre de l’Hôtel de
Suède. Sans compter évidemment tous les clichés et tics de réalisation pompés
aux films d’action et aux polars de tout temps (ces gros plans récurrents sur
le flingue de Manni qui dépasse de sa poche arrière quand il va braquer le
supermarché, ou sur la boule d’ivoire dans le casino, le genre d’effets de
caméra faciles qu’on a vu mille fois mais qui marchent toujours).
C’est bien
simple, « Cours Lola cours » c’est aussi bon et évident qu’un titre
de Chuck Berry … « Run Rudolph run » au hasard, évidemment…
Yep! Vu une fois, en VO, à la TV, sur Arte je crois. Super trip, un rythme fou, me donne envie de l'acheter pour le revoir quand je veux.
RépondreSupprimerJ'adore quand ta fréquence de parution s’accélère! Vamos!!