MANU CHAO - CLANDESTINO (1998)

 

Buena Vista Chao Club ...

Est-il utile de présenter Manu Chao ? En principe non, tout le monde le connaît. Grâce à ce disque, ou à la chanson des Wampas, méchamment drôle (« Si j’avais le portefeuille de Manu Chao, je partirais en vacances au moins jusqu’au Congo »). Des débuts à 15 ans au milieu des seventies (Joint de Culasse, le Clash meets Chuck Berry), puis Hot Pants (rockabilly), Carayos (avec François Hadji-Lazaro, RIP), et la Mano Negra. La Mano, groupe de la vague dite alternative du milieu des années 80, gros succès populaire grâce à des hits (« Mala vida », « King Kong five », « Pas assez de toi », « Santa Maradona », …) et des concerts explosifs . Manu Chao a  « réussi » ce qui lui vaudra d’être débiné par les « puristes » alternatifs (ceux qu’ont pas eu de succès, parfois les jaloux).


La dissolution de La Mano Negra laisse du temps libre à Manu Chao. Son truc à lui, de par ses origines hispaniques, c’est l’Amérique latine, du Mexique à la Terre de Feu. Et l’Amérique latine, pour Chao, elle commence à Barcelone, où il se base, avant de partir pour des voyages-périples-aventures outre-Atlantique. Et pas dans les pièges à touristes, plutôt dans les quartiers défavorisés, et dans les endroits parmi le plus dangereux de la planète. Manu Chao n’a rien d’un jet-setter qui claque ses euros dans les endroits chics. Il a toujours cultivé une attitude très à gauche, proche de tous les combats altermondialistes. A tel point que la partie visible, publique du personnage est devenue une sorte de cliché. Il suffit de le voir sur la pochette de ce « Clandestino », bonnet péruvien, chemise sans manches, pantacourt baggy, chaussures de rando, et on a la caricature du zadiste de base … sauf que chez Manu Chao, c’est pas calculé, il y a des années qu’il s’habillait déjà comme ça … Il défend souvent discrètement les « bonnes causes » anti-système, à l’opposé des m’as-tu-vu bling-bling genre Bill Gates, Bono, ou la Greta Thunberg, Manu Chao il prend pas le thé sous les dorures avec les puissants du monde, il reste un saltimbanque …

Et après la Mano, il prépare pendant des années un disque, qui sera une sorte de bilan de toutes les musiques qu’il a entendues là-bas, dans ce continent où on parle espagnol ou portugais. Et un truc qui l’a marqué, c’est la techno (rien de plus normal dans les années 90), autant que les musiciens du dimanche avec lesquels il ne rechigne pas à jammer dans les bars pourris et les bidonvilles craignos. Et niveau techno, il a été fortement impressionné au Brésil par des DJs qui envoyaient dans leur sono du hardcore. Ces rythmes trépidants, proches dans l’esprit de ce qu’il faisait subir au rock, il veut s’en servir de base pour son disque. Il passe des mois à bâtir à grands coups de logiciels adéquats les structures rythmiques des titres qu’il a composés. Et puis, le crash industriel, en l’occurrence celui de son PC qui contenait tous les morceaux en gestation. Disque dur foutu, toutes les rythmiques perdues. Coup de blues, plus envie de refaire de tout ça, et il décide de sortir ce qui lui reste, en gros des maquettes, des ébauches de titres. Crispation chez Virgin, mais comme Manu Chao est un type à fort potentiel commercial, on décide de sortir le disque. Les exemplaires promo commencent à circuler chez les gens des radios. Et là, dans une belle unanimité, la plupart des radios musicales « pour jeunes », refusent de passer quoi que soit de « Clandestino ». Arguments principaux : anti-commercial, pas dans l’air du temps, travail bâclé. On savait que ces gens n’avaient aucun goût, ils démontrent là qu’ils n’ont pas non plus le sens du commerce. « Clandestino » se vendra à un million d’exemplaires en France, et deux millions de plus dans les reste du monde … qui avant la French Touch (Daft Punk, Air, Phoenix, Justice …) vendait du disque par millions hors de l’Hexagone ? Certainement pas Hallyday ou Aznavour, censés être des stars internationales …


Il ressemble à quoi finalement ce « Clandestino » ? Ben, finalement, on reste en terrain connu. Parce que mine de rien le Manu il a imprimé un style, une patte personnelle qu’on retrouve ici. Alors certes ça sonne comme de la Mano laidback, instrumentation essentiellement acoustique. Parfois on voit bien que ce qui reste était construit autour d’autre chose (flagrant sur « Malegria » et « Luna y sol »), mais dans la plupart des cas, les chansons se suffisent à elles-mêmes. Tous les titres sont enchaînés et ça traîne pas en longueur (16 morceaux en trois-quarts d’heure), la grande majorité sont chantés en espagnol, une paire le sont en français, autant en anglais, et un en portugais. La principale évolution vient des textes, plus impliqués pourrait-on dire. Sans que ça soit un manifeste alterno-gaucho (à l’exception à la fin d’un titre d’extraits de discours du sous-commandant Marcos leader séparatiste anticapitaliste mexicain), du Karl Marx mis en musique. Mais comme Chao a vu dans ses périples la misère de près, ça a laissé des traces, on sent une certaine tristesse résignée qui émane de tout ça (le rythme, les voix).

Musicalement, une majorité de rythmes latinos, et puis les influences revendiquées depuis des lustres le Clash (« Minha galera », le titre en portugais semble échappé de « Sandinista ! »), le reggae (« Mama call », l’ultime et excellent « El viento »). En fait beaucoup de choses me font penser aux papys cubains du Buena Vista Social Club, que le fabuleux documentaire de Wim Wenders avec Ry Cooder comme chef d’orchestre, révèlera au monde l’année suivante. Rien d’étonnant, Cuba et l’Amérique latine, c’est des cousins … Manu Chao se revisite aussi, des mélodies (et des textes) qui ont comme un air de déjà-vu, entre remix et reprise (« Bongo  bong», ça a des airs de famille avec « King of Bongo » et « Je ne t’aime plus » n’est pas bien éloigné de « Pas assez de toi »). De bonnes vannes dans les paroles (« no tengo calefaccion , can’t get no satisfaction » sur « Mama call », « welcome to Tijuana, tequila, sexo y marijuana », rime riche évidente sur of course « Tijuana »), d’autres prémonitoires (« quelle heure est-il à Bamako ? » sur « La vie à 2 » qu’on retrouvera en mantra sur le refrain du hit d’Amadou et Mariam dont Manu Chao produira leur « Dimanche à Bamako » quelques années plus tard).


Pour les meilleurs morceaux, pas besoin d’aller bien loin, ce sont les deux premiers titres. Le morceau-titre, état désabusé d’un sans-papier « perdu dans le cœur de la grande Babylone » et qui à laissé (le reste de) « sa vie ente Ceuta et Gibraltar » et « Desaparecido », plus personnelle, sur sa situation de saltimbanque SDF (ou globe-trotter ce qui revient à peu près au même).

Globalement, tout n’est pas extraordinaire sur ce disque, il y a parfois comme une sensation de rabâchage mélodique, tout se ressemble, malgré parfois des arrangements discrets de cuivres, de chœurs. Plus « exotique », plus « facile » d’accès que La Mano Negra (beaucoup plus « world » que « rock’n’roll » pour simplifier). Même si ce n’était certainement pas le but recherché, « Clandestino » est consensuel, ce qui explique en partie son immense succès …

De quoi se remplir le portefeuille et partir en vacances au moins jusqu’au Congo …


LYLE LOVETT - I LOVE EVERYBODY (1994)

 

Andy Warhol l'avait dit ...

… que tout le monde aurait son quart d’heure de gloire… Et donc, en cet an de grâce de mil neuf cent nonante quatre, vint le tour de Lyle Lovett…

Ceux qui avaient l’œil exercé pouvaient l’avoir vu traverser le champ des caméras pour quelques petits seconds rôles, surtout chez Robert Altman. Ceux qui faisaient les bacs à soldes rayon « new country & folk-rock singers-songwriters, americana & so on … » étaient peut-être un jour tombés sur un de ses disques précédents…

Lyle Lovett, bientôt de retour dans l'ombre ...

Lyle Lovett était un gars à la renommée confidentielle chez lui aux States et un inconnu à peu près total partout ailleurs. Et puis, tout à coup les rotatives de la presse musicale se sont emballées et on vit un peu partout  en quadrichromie sa bouille émaciée en lame de couteau de clown triste et sa silhouette filiforme. La raison de tout ce tapage médiatique est à chercher à la dernière ligne du livret de ce « I love everybody », au chapitre dédicaces : « For Julia ». Julia ? Julia Roberts, la Pretty Woman que le Lovett venait d’épouser. Dès lors, de troisième couteau, Lovett va devenir au bras de sa belle une figure people. Dont on  guette les moindres faits et gestes … et les sorties de disques. Que certains, perdant tout sens de la mesure, trouveront géniaux et entretiendront ainsi le buzz … Ne reculant pas à le comparer à de chenus et respectables ancêtres, lâchant un peu trop précipitamment  les noms de Dylan, Leonard Cohen ou Randy Newman.

Bon, ce « I love everybody » n’est pas si mauvais que çà, mais c’est loin d'être un disque crucial. Composé pour l’essentiel de morceaux anciens, antérieurs à ses premiers opus des années 80, retravaillés pour l’occasion. Un disque doté d’une grande unité de son, tous les titres se ressemblent, tempo ralenti, country-folk pépère, batterie balayée, basse et guitares discrètes … généralement un trio basique et une propension, pour pas dire une manie de rajouter des arrangements à base de violon ou de violoncelle. Au début, ça fait la farce, mais comme le procédé se répète quasi systématiquement sur l’ensemble des dix-huit titres, ça fait monotone. On trouve de temps en temps quelques cuivres, bien discrets au fond du mix, mais ça donne pas forcément de l’entrain …

Quelques anciennes gloires sur la pente savonneuse de l’oubli sont dans les chœurs sur quelques titres, comme le Simple d’Esprit Jim Kerr, la Tom Waits à cigarillo Rickie Lee Jones, le chanteur de Was (Not Was) Sweet Pea Atkinson, sans oublier Madame Lovett sur une paire de titres … de toutes façons, c’est tellement perdu au fin fond de la bande, que la Julia Roberts, elle pourrait chanter comme la Aya Machin, on s’en rendrait pas compte … et le requin de studio tambour majeur  Kenny Aronoff vient donner le rythme sur quelques titres. Il a pas dû pécho une tendinite, tout est down tempo, pour pas dire comateux … Dans cet exercice casse-gueule de chansons dépouillées, faut pas être le premier blaireau venu si on veut se faire remarquer. Et comme le Lyle a une voix uniforme, pour pas dire monocorde, et que dès qu’il essaye de la pousser, par exemple sur « Old friend », ça frise le pathétique on a bien du mal à se raccrocher à quoi que ce soit dans cette rondelle …

Lyle Lovett et sa choriste préférée ...

Des fois on y croit, quand arrive un pied de batterie énervé et en avant (« Penguins »), las on déchante vite, ce n’est qu’un machin avec des cuivres que même Danny Brillant il en aurait pas voulu. Le tour des morceaux à sauver est vite fait. « Fat babies », le meilleur de la rondelle, assez étoffé au niveau sonore, puis on peut zapper une dizaine de plages pour arriver à « La to the left », vraie chanson avec belle mélodie, et ensuite la dernière l’éponyme « I love everybody », construite sur le même modèle que « Fat babies » avec un crescendo point trop mauvais …

Tout le reste, c’est bien gentillet, bien soporifique, des ersatz d’americana, de country-rock, de folk, de blues ( le mal nommé « I’ve got the blues », aucun feeling), ça ronronne doucement … S’il faut trouver quelque chose de positif, c’est au niveau de l’enrobage que ça se passe, jolie pochette classieuse à la Doisneau, résultat d’une séance « sur le vif » parisienne (comme les photos du livret), informations copieuses, nombreuses notes … très intéressant pour les yeux, sauf que le problème d’un disque, c’est d’abord fait pour les oreilles, et là, ça coince quand même …

Je sens poindre une question essentielle … si on a beaucoup parlé de celui-ci, pourquoi les disques suivants sont passés sous les radars ? La réponse, my friends, elle est chez les avocats, lorsque la Julia et le Lyle ont divorcé, l’année suivante. Et Lyle Lovett est devenu forcément beaucoup moins intéressant …


JONATHAN DEMME - LE SILENCE DES AGNEAUX (1991)

 

Deux en un ...

Jonathan Demme avait tout pour être un réalisateur de seconde zone. Quasiment vingt ans passés derrière la caméra, une dizaine de films, au mieux sympathiques. Et puis au début des années 90, alors que pas grand monde aurait mis une piécette sur lui, il va sortir deux incontournables. En 93, le quelque peu surestimé « Philadelphia », mélo larmoyant avec le SIDA et ses conséquences comme thème. Et avant, en 91, le film dont au sujet duquel je vais causer, « Le silence des agneaux ».

Demme, Foster & Hopkins - Oscars 1992

« Le silence … » est un polar, ou un thriller psychologique, s’il faut lui coller une étiquette. En fait, « Le silence … » est beaucoup plus que ça. Comptablement, une affaire qui tourne, très gros succès commercial et critique. Et en 92, le film rafle les cinq Oscars les plus convoités (meilleur film, acteur, actrice, scénario et mise en scène). Sans qu’on puisse de quelque façon crier au scandale (c’est pas toujours le cas), même s’il y avait en lice pour ce millésime des choses pas vraiment mauvaises, genre « Thelma et Louise » ou le second « Terminator ». Remporter le colifichet devant Ridley Scott et James Cameron, Demme avait même pas dû en rêver lorsqu’il mettait « Le silence … » en chantier. Faut dire qu’il avait de la matière au niveau du scénario, copie parfaite rendue par Ted Tally (son seul vrai fait de gloire), d’après une série de bouquins de Thomas Harris, centrés sur le personnage (fictif) d’Hannibal Lecter, éminent psychiatre et serial killer cannibale.

Le film se resserre sur l’histoire qui est narrée. On n’a jamais droit, et c’est assez rare pour être souligné, à l’exposition familiale des héros. Pas de petit ami qui a des états d’âme, pas de parents larmoyants ou qui justifient les actes de leur progéniture. Les trois personnages principaux sont des solitaires, tout repose sur leur interaction dans les faits et leur déroulement, pas de digression … Clarice Starling a-t-elle un mec (ou une nana) ? Hannibal Lecter était-il battu par sa mère ? Buffalo Bill a-t-il été marié et a-t-il des gosses dépressifs ? On n’en sait rien et c’est tant mieux, les deux heures du « Silence … » racontent une histoire et pas ses à-côtés …

Et pour le même prix, on a deux thrillers pour le prix d’un … la confrontation Starling – Lecter et la traque de Buffalo Bill, Lecter étant le point d’articulation des deux histoires.

Clarice de l'autre côté du miroir ...

Jodie Foster (Clarice Starling) est la plus cotée du casting. A même pas trente ans, elle a déjà vingt ans de métier, un second rôle très remarqué dans « Taxi driver », et un Oscar pour l’oublié « Les accusés ». Anthony Hopkins est un type connu dans le monde des acteurs (surtout au théâtre), beaucoup moins du grand public. Son interprétation du terrifique Hannibal Lecter en fera une star du grand écran. Ted Levine (Buffalo Bill), Scott Glenn (le supérieur de Starling), ou Anthony Heald (le toubib responsable de l’hôpital-prison où est enfermé Lecter), n’auront pas cette chance, ils resteront à peu près confinés au seconds rôles …

Ce qui impressionne dans « Le silence … », c’est la limpidité des histoires racontées. Alors que l’analyse, la psychanalyse et la psychiatrie en sont le moteur, c’est accessible pour le blaireau lambda comme moi (ceux qui ont essayé de suivre les arcanes des « héros » de Night Shyamalan après « Sixième sens » savent de quoi je parle …). Clarice Starling, diplômée en psychologie et criminologie, est une stagiaire du FBI qui ne ménage pas sa peine (Jodie Foster n’est pas doublée dans la scène d’introduction, l’entraînement dans la forêt) et attire l’attention de son supérieur qui lui confie une mission-bizutage : aller essayer d’obtenir d’Hannibal Lecter des indices qui pourraient mener sur la piste de Buffalo Bill, sérial killer qui enlève, tue et dépèce des jeunes femmes bien en chair. Sauf que Lecter a envoyé sur les roses et ridiculisé tous les spécialistes qui ont essayé d’établir un dialogue avec lui …

La jeune stagiaire est une proie facile pour l’intelligence supérieure de Lecter. Il n’a pas besoin de la déstabiliser, elle est dans ses petits souliers lors de la première rencontre. Lecter va jouer avec elle, se servir de son « innocence », lui donner quelques indices sous forme de jeu de pistes pour trouver Buffalo Bill (il fut un de ses patients qu’il a identifié grâce à son « mode opératoire »), avoir toujours un ou plusieurs coups d’avance psychologiques avec un but : s’évader … ce qu’il réussira d’une façon aussi spectaculaire et angoissante (pour le spectateur) que morbide … Et Clarice, grâce aux indices de Lecter, va traquer seule le psychopathe, pendant que ses collègues du FBI sont sur une fausse piste …

David Lee Roth ? Non, Buffalo Bill ...

Starling, comme tous les héros sympathiques, est courageuse par défaut, donc une trouillarde refoulée. Forcément mal à l’aise devant l’esprit très supérieur de Lecter, elle n’en mène pas large lorsqu’elle doit affronter dans l’obscurité un Buffalo Bill équipé de lunettes infrarouges. Ce sont ses faiblesses et la somme de ses peurs qui en font une héroïne populaire dans le bon sens  du terme. Hopkins est magistral dans le rôle de Lecter, une des plus grandes interprétations de serial killer portées à l’écran. Il domine tout ceux qui lui sont confrontés (la rencontre de Lecter, sanglé et muselé, des dizaines de flics arme au poing autour de lui, sur le tarmac d’un aéroport avec une sénatrice, mère de la dernière fille kidnappée par Buffalo Bill, résume assez bien le personnage). Il s’amuse avec Clarice, proie trop facile pour lui, (elle essaye de le piéger en lui promettant une amélioration de ses conditions de détention, il lui fait raconter son enfance, fille d’un flic descendu par un petit braqueur et ensuite élevée chez un oncle à la campagne, qui explique ses angoisses récurrentes et le titre du film). Ajoutez quelques répliques culte (« j’ai dégusté son foie avec des fèves au beurre et un excellent chianti », « j’ai un vieil ami pour le dîner ») et pas étonnant que Hannibal Lecter se soit retrouvé au centre de suites ou de préquels de son personnage (loin cependant d’égaler la qualité du « Silence … »).

Même Jonathan Demme qu’on n’attendait pas à un tel niveau se surpasse, jouant à la perfection avec les nerfs des spectateurs, insistant sur la fausse piste du cocon de papillon trouvé dans la gorge des victimes (qui donne lieu à la seule scène légère dans le labo de deux entomologistes) et réussissant un génial montage alterné sur des troupes du FBI s’apprêtant à lancer un assaut contre la supposée maison de Buffalo Bill, pendant que celui-ci effectue un numéro de danse transsexuelle. Les robocops du FBI sonnent à la porte, Buffalo Bill va ouvrir, et là, surprise garantie …

On a rarement l’occasion de voir un film où pas une scène n’est de trop, dans lequel toutes les pièces du puzzle mis en place s’imbriquent de façon parfaite … j’envie ceux qui le visionnent pour la première fois …

ETIENNE DAHO - POP SATORI (1986)

 

Antoine Doinel 80's ?

Daho, il sort de nulle part. De Rennes, précisément, ce qui musicalement revient à peu près au même au début des années 80. Bon, avant que les Bretons bretonnants me lancent une fatwah, je précise mon propos. Ouais, je sais, Marquis de Sade et les Transmusicales, la Rue de la Soif, et toute la mythologie provinciale du rock’n’roll… Mais c’est quoi les ventes de Marquis de Sade ? Et les Trans, c’était pas un peu surévalué par les journaleux parisiens venus là en goguette ? Non, en ce temps là comme tout le temps, ce qui comptait vraiment, ça se passait à Paris, et il a déménagé où, Daho, une fois les biftons des premiers succès en poche, hein ? pas à Morlaix que je sache … Voilà, voilà, j’ai encore rien dit que je me suis fait plein d’amis … surtout bretons …


Bon reprenons avec le jeune Etienne de Rennes. C’est un ado timide et romantique, et fan d’un monde déjà disparu. Celui des années 50 et 60, des films existentialistes de la Nouvelle Vague en noir et blanc, du premier disque du Velvet Underground avec Nico, du Pink Floyd de Syd Barrett, de Françoise Hardy ... Premier fait d’armes de Daho, il met toutes ses économies sur la table pour organiser à Rennes un concert d’Elli et Jacno, parce qu’il aime bien leur musique, mais plus encore la belle uruguayenne Elli Medeiros, qui chante (assez faux) dans le duo. Daho surmontera sa timidité et sa faiblesse vocale pour commencer à enregistrer. Deux disques, le premier « Mythomane », passe inaperçu, mais le single qui suit « Le grand sommeil » (évidemment à cause du film du même titre avec Bogart et Bacall) récolte quelques critiques favorables. Second trente trois tours « La notte, la notte » (référence au film d’Antonioni) fait frissonner les hit parades grâce au single « Week end à Rome ». Mais en tout cas rien qui ne préfigurait le succès de « Pop Satori ».

« Pop Satori » est donc le troisième disque de Daho, et qui suit un maxi 45T avec un titre bien diffusé en radio, « Tombé pour la France ». Ce maxi est vraiment le dernier de la période rennaise de Daho. Même si le titre à succès est produit comme tout ce qu’a sorti Daho depuis « Le grand sommeil » par Franck Darcel (guitariste et fondateur de Marquis de Sade puis d’Octobre, devenu maintenant écrivain et activiste breton), il est enregistré entre Paris et Bruxelles. « Tombé pour la France » figure (en fin de première face vinyle, donc au milieu du Cd) sur « Pop Satori » avec un son assez différent du reste du disque, en tout cas le meilleur titre d’électro-pop français sorti à l’époque, aussi bien foutu qu’une rengaine à succès d’Orchestral Manœuvres, Eurythmics, ou Depeche Mode.

Avec Elli Medeiros

Parce que Daho, alors que toutes ses influences sont dans le passé, va s’attacher à faire un disque de son époque, le milieu des 80’s. Alors, certes il gardera Arnold Turboust, son alter ego pour l’écriture des morceaux, mais ira chercher des Anglais peu connus mais qui selon lui, peuvent lui amener ce son contemporain et classe dont il rêve. Apparaissent donc en bonne place dans les crédits le producteur Rico Conning, et le groupe Torch Song, dont la tête pensante est un dénommé William Orbit (qui sera quelques années plus tard le pape de la techno anglaise, producteur, mixeur, remixeur et Dj mondialement reconnu – l’anti Guetta pour situer).

« Pop Satori » n’est pas aussi conceptuel que le laisse entendre son titre. Satori, en japonais, signifie en gros illumination, prise de conscience, dans la religion bouddhiste. Ce disque est plutôt un hommage au passé ou à un monde rêvé. Daho est un indécrottable romantique passéiste et il inaugure avec « Pop Satori » son culte du passé servi par des sonorités contemporaines, le « c’était mieux avant » avec des synthés. Grosso modo, il fera ça à chacun de ses disques, un son d’actualité au service de la nostalgie. Voir ici « Paris, le Flore », évidemment hommage au bistrot parisien (la photo de pochette y a été prise) haut lieu de la culture Rive Gauche. Le titre est coécrit par un Anglais, Stuart Moxham, compositeur principal de l’éphémère groupe culte Young Marble Giants (une seule rondelle à leur actif, qui sera un des disques de chevet de Kurt Cobain).

Rayon hommage et nostalgie, difficile de passer à coté de « Duel au soleil » (encore un titre de film devenu chanson) et de « Late night ». Le premier a été composé par Robert Farel (quasi clone de Daho, et dont on n’entendra parler que brièvement l’année suivante avec son titre « Les petits boudins ») et le journaliste Jérôme Soligny (depuis des années à Rock & Folk, auteur d’articles-fleuve sur Bowie, Macca et – nobody’s perfect – Coldplay), mélodie intemporelle, arrangements tantôt arabisants, tantôt hispaniques, pour moi d’assez loin le meilleur titre de la rondelle. A égalité avec « Late night » de Syd Barrett, paru sur son premier disque solo « The madcap laughs ». Dernier titre du disque, en totale rupture avec le son de ce qui précède. Ici, juste guitares et voix, dans une version assez similaire à l’original (manque juste les guitares « spatiales » caractéristiques de Gilmour).

Avec Nico

Le gros succès radiophonique de « Pop Satori » sera « Epaule Tattoo », beaucoup moins évident aujourd’hui, certainement le titre le plus daté, irrémédiablement bloqué sur ses synthés très début 80’s. A lui seul, ce morceau résume pour moi le problème Daho. Il propose des compos certes sympas écrites pour sa voix que pour être gentil on qualifiera de limitée, et les met en musique en s’inspirant de l’air (en général électronique) du temps. Parfaitement en phase avec leur époque, ses disques prennent assez vite de gros coups de vieux. Tiens à ce propos, dans les crédits de « Pop Satori », section remerciements Daho écrit en conclusion : « c’était trop bath ! ». Même dans les années 80, qui disait que c’était bath ? Léo Ferré peut-être …

Bien trente ans que je l’avais pas écouté ce « Pop Satori ». Dans mes souvenirs, il était bien, voire très bien … Ben, il a assez mal vieilli, la moitié des titres ne valent pas d’être cités … irrémédiablement d’une autre époque. Par contre quelques-uns ont plutôt pas mal traversé les décennies, et comme par hasard, ce sont les mieux écrits. Comme quoi un bon son, un gros son, un son moderne, ça peut parfois suffire, mais s’il y a une bonne chanson pour aller avec, c’est encore mieux …


STEVEN SPIELBERG - LES AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE (1981)

 

Le meilleur ?

De la série des Indiana Jones ? De Spielberg ? Des films d’action et d’aventure ? Si on veut, et même si on veut pas d’ailleurs, tant on a affaire à un film hors-norme …

Spielberg, Lucas & Ford : tiercé gagnant

Qui a mis à l’écran un personnage créé de toutes pièces pour les besoins d’un film, l’archéologue-aventurier Indiana Jones (entendez par là que c’est pas un héros de bande dessinée type Marvel, ou de romans d’espionnage à la James Bond). Non, Indiana Jones est né si l’on en croit la légende d’une discussion sous les palmiers à Hawaï entre George Lucas et Steven Spielberg, même pas soixante dix ans à eux deux au moment des faits, et déjà un passé bien rempli niveau succès au box office …

Le résultat, pour moi, c’est mater une page blanche sur le traitement de texte … Qu’est-ce que vous voulez bien que je raconte sur ce film qui n’ait pas été dit ou écrit des centaines de fois et en mieux à la télé, sur des journaux, dans les recoins du Net ? Même E.T. ou l’Alien doivent avoir donné leur avis …

Eux, il les aime pas ...

Moi, ce qui me scotche, c’est passé le pré-générique en incrustation sur trois types qui avancent en sueur dans la jungle, les dix « vraies » premières minutes du film (jusqu’au coup du serpent dans l’hydravion). Il se passe un truc exceptionnel au sens littéral du terme toutes les dix secondes. Ces dix minutes-là, des types connus et reconnus derrière la caméra n’en ont même pas rêvé comme le final d’un film, et Spielberg l’a fait, jeté là en guise d’amuse-gueule ... Moi c’est bien simple je vois que deux trucs qui approchent (sans l’égaler) ces premières scènes. Le début de « GoldenEye » (James Bond chez les Soviets) qui se termine par cette cascade surréaliste de Bond balançant une moto dans le vide pour l’abandonner, continuer en chute libre et s’assoir aux commandes d’un avion sans pilote en piqué dans le même ravin. Et le début de « Game of Thrones », à l’opposé, tout en lenteur glaciale et glaçante, sans quasiment un mot, au milieu de paysages enneigés avant que les Marcheurs Blancs (les zombies de George RR Martin) commencent à décapiter du patrouilleur de la Garde de Nuit … En fait, le cinéma c’est comme le rock, si t’as une bonne intro, t’es quasiment sûr que le morceau va être réussi (l’occasion de signaler que John Williams a pondu un thème aussi évident qu’un titre de Chuck Berry) … Et « GoldenEye » est un des meilleurs James Bond, et « GoT » est peut-être bien le phénomène culturel de ce début de siècle, une odyssée qui oblige à repenser le terme de « série » … et « Les aventuriers de l’Arche perdue » enterre toute concurrence passée, présente et future dans son genre, et Moïse et ses Tables de la Loi doivent le savoir, c’est pas faute d’impétrants qui s’y sont essayés dans le genre …

Eux non plus ...

« Les aventuriers … » c’est le film qui rend le surnaturel naturel … et je suis pas vraiment fan des nuages de fumée maléfiques (le « Dracula » de Coppola, « Ghostbusters », « The Thing » de Carpenter, etc … enfin « The Thing » mauvais exemple, le film est bon). « Les aventuriers … » ce sont les scènes improvisées qui deviennent culte (l’Arabe en noir avec un grand sabre qui se prend une balle, au départ ce devait une baston avec Indy et son fouet, Harrison Ford avait la gastro, pouvait pas jouer une scène de combat et a donc suggéré que la confrontation soit expéditive)… Tiens, Harrison Ford, en voilà un qui a intérêt à dire du bien de Lucas et Spielberg, jouer Hans Solo chez l’un et Indiana Jones chez l’autre, ça t’évite quand même d’aller sur le simulateur de retraite du gouvernement, pour voir quel cercueil tu vas pouvoir te payer quand t’auras fini de bosser, si t’es pas déjà mort avant …

« Les aventuriers … » est un film parfait, un rythme qui ne faiblit jamais, c’est drôle quand il n’y a pas d’action, et même quand il y en a (Indiana Jones n’est pas Jason Bourne ou Rambo), ses exploits sont souvent accidentels, parce qu’il se retrouve pris dans l’imprévu et qu’il improvise. Sous cet aspect-là, il est un peu le père de John McLane-Bruce Willis dans la série « Die Hard », et le fils de Belmondo dans « L’homme de Rio » (l’influence revendiquée de Spielberg, alors que tout le monde a cru que le modèle d’Indiana Jones c’était Tintin, raté, Spielberg connaissait pas les BD d’Hergé …)

Elle, il l'aime bien ... quand il a le temps ...

Le scénario (Lucas et Spielberg pour la genèse, Lawrence Kasdan et Philip Kaufman pour l’écriture, c’est quand même une putain de Dream Team tout ça) prend le temps (mais où l’ont-ils trouvé le temps) de poser le personnage d’Indiana Jones, parce que dès le départ, si le premier marchait (il a un peu marché, rapporté vingt fois la mise, un des films les plus rentables des années 80), une ou plusieurs suites étaient prévues. Quand il est pas casse-cou à la recherche de bibelots antiques, Mr Jones est un type assez compliqué dans ses rapports familiaux et amoureux (son ancienne promise Marion, bien interprétée par Karen Allen, traverse le film à cent à l’heure, encore plus speed que son (ex)mec), il aime pas les serpents et les nazis, deux espèces particulièrement dangereuses qu’il croisera souvent dans les autres épisodes de la série, qui seront bons, mais pas autant que l’inaugural (malgré des séquences encore plus folles, Spielberg et son héros ne retrouveront pas le rythme effréné du premier).

Donc, pour répondre à mes trois questions à la con du début, « Les aventuriers de l’Arche perdue » est le meilleur de la série, le meilleur film d’action et d’aventure des cent trente dernières années … et le meilleur de Spielberg ? Pas loin pour moi. Pour faire mon malin, je vais vous dire que je préfère le plus atypique des ses films, « Lincoln », tout en lenteur et tons sombres, avec (comme toujours) une prestation extraordinaire de Daniel Day-Lewis …


Du même sur ce blog :

Le Secret De La Licorne

Lincoln



CHIA-LIANG LIU - LA 36ème CHAMBRE DE SHAOLIN (1978)

 

Kung Fu Fighting ...

Allez, sortez-vous du passage et faites-moi pas chier, où je vous fracasse, là je suis à donf dans ma période kung fu, et if you want blood, je vous aurai prévenu … Vous me connaissez pas, j’suis comme Brad Pitt face à Bruce Lee dans « Once upon a time in Hollywood », capable de foutre une branlée à n’importe qui …

Bon, on rembobine … parce que j’ai seulement trois ou quatre classiques ou prétendus tels du genre, donc à peine plus que le premier Pialat ou Rohmer venu … et que j’aimerais bien filer plein de torgnoles à tout un tas de relous, mais comme j’ai peur d’en prendre encore plus, je la joue cool, tout en diplomatie, qui comme chacun sait, est l’arme ultime des lâches …

Liu & Liu

Parce que là, avec « La 36éme chambre … » on cause d’un grand classique de films de kung fu, et que même Tarantino l’a dit. A preuve il a embauché l’acteur principal du film, Gordon Liu, pour tenir un second rôle dans « Kill Bill ». Bon, quand Tarantino se dit fan d’un film, faut raison garder, il est fan de millions de films, dont certains ont fait trois entrées lors de leur parution. Mais c’est pas le seul, le séminal gang de rappers, les vrais durs de durs Wu-Tang Clan ont intitulé leur premier disque « Enter the Wu-Tang (36 chambers) », pas vraiment par hasard.

Il faut bien reconnaître qu’après la mort de Bruce Lee et avant l’arrivée de Jackie Chan, les fans de baston asiatique manquaient de héros charismatiques. Gordon Liu fut celui-là. Niveau charisme, plutôt par défaut. Silhouette longiligne, jeu d’acteur comment dire, plutôt limité, mais le gars avait des années de pratique d’arts martiaux et était capable de faire le job, le gentil qui nique sa race à tous les méchants. Parce niveau manchettes dans ta face, il assure le Gordon. Faut dire que derrière la caméra, y’a un autre vrai combattant, venu un peu par hasard à la réalisation, Chia-Lang Liu. Qui a peut-être un lien de parenté avec Gordon Liu, les universitaires de la Wikipedia Encyclopedy Inc. n’arrivant pas vraiment à s’accorder sur le sujet. La où le doute n’est pas possible, c’est qu’avec un film de kung fu made in Hong Kong, on est sûr d’avoir derrière tout ce beau monde Run Run Shaw et sa Shaw Brothers. Et vous savez quoi ? on a raison d’être sûr …

Un bon au milieu des méchants

« La 36éme chambre … » se base sur un fonds historique, lors de la guerre plus ou moins civile qui opposa au long du XVIIème siècle la dynastie Ming aux « conquérants » et « envahisseurs » mandchous, dans une sorte de prequel d’un « Game of Thrones » asiatique. Gordon Liu joue le rôle d’un moine combattant qui s’est opposé aux mandchous ; le personnage aurait semble-t-il vraiment existé, mais pas vraiment de la façon quasi fantasmatique dont on nous le montre dans le film.

Dans « La 36ème chambre … », l’action commence dans Canton occupée par un sanguinaire général mandchou et ses deux cruels lieutenants. Gordon Liu (au nom imprononçable en V.O.) est un jeune étudiant gringalet qui sous l’influence d’un de ses professeurs, entre en résistance, en faisant passer par l’intermédiaire des poissons salés (!!) de son père des messages aux troupes de libération. Las, les sournois occupants s’en aperçoivent et exterminent le réseau de résistants. Bien que blessé, Liu réussit à s’enfuir et se promet de venger ce carnage. Du classique, du facile à suivre. Il se rend  alors au temple bouddhiste de Shaolin, où il est autorisé à rester bien que laïc. Particularité du temple, c’est la plus grande et la meilleure école d’arts martiaux du pays, 35 chambres y sont présentent, chacune enseignant une technique de combat ou un développement d’une partie du corps. Et évidemment, notre Robert Pires aux yeux bridés va muscler son jeu pendant des années, finissant par surpasser les maîtres enseignant dans les chambres.

A l'entraînement

Eh toi, là, pourquoi tu causes de 35 chambres alors qu’il y en a 36 dans le titre ? et bien la 36éme est celle où l’on apprend toute la sagesse bouddhiste, mais le maintenant costaud Gordon Liu, devenu le moine shaolin San Te (à la tienne aussi) préfère et obtient l’autorisation du Grand Maître du Temple aller créer sa 36ème chambre à lui à l’extérieur, pour y former de futurs rebelles à l’occupant mandchou. Pas besoin d’avoir un esprit supérieurement acéré pour comprendre que les méchants vont salement dérouiller …

On l’a bien compris, c’est pas la subtilité du scénario qui a fait de « La 36ème chambre … » un film culte au succès populaire immense en Asie, et une référence dans grand nombre de ghettos et de banlieues européens ou américains. Par contre, les scènes d’action, d’entraînement et de combat, restent des références du genre. C’est magistralement chorégraphié par le Liu derrière la caméra, et le Liu qui est devant, comme l’ensemble du casting, se livre à démonstrations visuelles époustouflantes, qui tiennent autant de la danse (un peu trop parfois) que du numéro de cirque (un peu trop parfois aussi) …

Alors, certes ça a tout pour ravir le « cœur de cible » du public, mais pour moi, en même temps qu’on atteint une forme de sommet, on touche aussi aux limites du genre. Les acteurs sont mauvais, tellement caricaturaux et outranciers dans leur jeu que ça finit par devenir contre-productif, les scènes censées faire rire ou sourire arrivent comme des cheveux sur la soupe …

Il va leur mettre des bâtons dans les roues ...

Ouais mais voilà, moi j’ai pas grandi dans les banlieues et les barres HLM prolos, j’ai pas connu le rituel des samedi soirs autour des salles de cinéma un peu péraves de quartier qui projetaient « autre chose » que ce qu’on voyait dans les salles capitonnées des centre villes. Dans ces endroits que les bien-pensants qualifiaient de « mal famés », toute une partie de la jeunesse n’avait que l’exutoire de ces films de baston asiatiques pour rêver et s’enlever de la tête les blocs de béton de leur quotidien. Il fallait des héros à ces gens-là, la Shaw Brothers les leur a fournis pendant des décennies … même si in fine le message et les codes étaient assez douteux. Qu’est-ce qui est mis en avant dans « La 36éme chambre … » ? Le travail (les longues années d’entraînement pour devenir un grand combattant), la famille (tous les autres se font buter, il faut les venger), la patrie (il faut se libérer de l’envahisseur). Bon, me faites pas dire que Gordon Liu est le Pétain du kung fu, mais finalement, ce qui était souvent perçu comme « transgressif » dans cette forme de culture n’était que redite avec d’autres codes des choses les plus conformistes et bien-pensantes de la société dominante …

Oh, ‘tain, je vais m’en prendre une, là … tout ça pour dire que si esthétiquement et visuellement ça peut parfois le faire, on n’est pas avec « La 36éme chambre de Shaolin » face à une référence de quelque culture ou contre-culture que ce soit. Le film de baston après Bruce Lee, c’est comme le reggae après Bob Marley, on connaît la recette, y’a tous les ingrédients, mais il manquera toujours le savoir-faire du chef …