Adam & The Ants n’est pas un groupe … ou si peu.
Derrière cette pignolade, un sujet arriviste de Sa Très Gracieuse (?) Majesté.
Répertorié à l’état-civil Stuart Goddard, il s’affuble du sobriquet Adam Ant
(jeu de mots genre Alladin Sane / A lad insane). Adamant ça veut dire inflexible,
intransigeant. Comme dirait Brassens, la suite lui prouva que non.
Pirates des Caraïbes ? Non, Adam & The Ants
Arrivé sur le « marché » trop tard pour
faire partie de la première vague punk, il monte un groupe (Adam & The
Ants,) qui œuvre dans le style et sort un disque que personne ne remarque. Prêt
à tout pour réussir, il colle au train de Malcolm McLaren pour que
« l’inventeur » des Sex Pistols le manage. Affaire conclue et marché
de dupes. Tel un tamanoir, McLaren aspire les Ants et en fait Bow Wow Wow,
backing band d’une (très jeune) nymphette asiatique du nom d’Annabella Lwin,
laissant l’Adam seul à son triste sort … Mais le garçon est obstiné, remonte
une nouvelle mouture des Ants, court les friperies et les salons de coiffure et
de maquillage, et se crée un look d’un mauvais goût tout britannique, à base de
peinture sur le museau genre Bowie-Aladdin Sane (who else ?) et de tenues
militaires à brandebourgs début XIXème siècle (just like Hendrix).
Ainsi grimé et affublé Adam et ses Fourmis part à la
conquête des charts … et l’arriviste arrive à ses fins. Quelques singles
(mauvais ou pire) classés, quelques passages télé, quelques papiers et unes des
hebdos musicaux, l’affaire est dans le sac et tourne un temps à plein régime.
L’Adam prend un melon monumental, s’imagine un prophète musical pour les
décennies à venir et après deux albums très bien vendus, vire les Ants pour
continuer solo l’aventure. Forcément, dans un pays (l’Angleterre) et une époque
(le début des années 80) où une nouvelle mode se dessine tous les trois mois,
la mayonnaise tourne vite vinaigre et malgré quelques piteuses tentatives de
come-back en solo ou avec des Ants, le sieur Goddard retourne dans le néant
dont il n’aurait jamais dû s’extraire, laissant au passage l’image d’un crétin
ultra-prétentieux …
« Kings of the wild frontier » est le second
disque des Ants, et le premier après l’interlude McLaren. Ne reculant devant
aucune sottise, l’Adam élabore un concept : sa musique destinée à
émerveiller le monde est inspirée par the real thing, les – on ne rit pas –
percussions tribales du Burundi. En fait, dans le meilleur des cas, c’est un ersatz
de Diddley beat avec un batteur et un percussionniste limités. Et l’Adam chante
comme une casserole, secondé par des chœurs « tribaux » et moults
effets de studio.
Adam Ant & Marco Pirroni
Malgré ce, pas de poubelle direct. Non pas qu’il y
ait un grand hit qui a traversé les décennies ou même quelque compo point trop
mauvaise. Non, l’arme fatale des Ants s’appelle Marco Pirroni et joue de la
guitare. Les tâtillons noteront des passages éclairs dans des embryons du Clash
ou de Siouxsie & the Banshees, mais c’est dans les Ants qu’il se révèlera.
Il sera à l’Adam ce que Steve Stevens sera à Billy Idol, le rouage essentiel
qui œuvre dans l’ombre. Pirroni est un des maîtres riffeurs de ce début des
années 80, c’est bien simple, moi je n’entends que lui sur ce disque … Il
tronçonne des riffs monumentaux sur « Dog eat dog », « Killer in
the home », « The magnificent five », pastiche carrément les Shadows
avec guitare twang sur « Los rancheros », et s’évertue à sauver les
compos (il les co-écrit toutes d’ailleurs) du vide abyssal auquel elles
semblaient vouées. Aussi talentueux (et d’un caractère de cochon) que soit le
Pirroni, il restera avec le baltringue Adam, le suivra en solo, même si
prudemment il lui fera quelques infidélités, se faisant remarquer en tant que
session man (sur les deux premiers Sinead O’Connor notamment).
Il faut croire que malgré tout Adam And The Ants a
conservé quelques vieux fans, ce disque ayant été souvent réédité, avec force
bonus (démos, versions single, alternate mix, …) aussi dispensables que les
titres de la version originale …
Fin 1955.
Leonard Chess, de la maison de disques du même nom, reçoit un appel d’un
gamin de Louisiane, Robert Charles Guidry. Ce minot de 17 ans lui fredonne au
téléphone une chanson qu’il a écrite, « Later, alligator ». Chess,
pourtant pas un philanthrope, la lui fait enregistrer et lui laisse même les
droits d’auteur. Bide total. Le titre n’est pas perdu pour autant. Quelques
jours plus tard, il tombe dans l’oreille de Bill Haley, toute première star de
ce genre qu’on n’appelait pas encore rock’n’roll, tout auréolé du succès
international de « Rock around the clock ». Haley fait sa propre
version du titre du minot, rebaptisé « See you later, alligator ». Ce
sera son second (et à peu près dernier) gros hit.
Début des années 2010. Rhino, label spécialisé dans les
rééditions, fait les poubelles, et tombe sur le premier disque de Robert
Charles Guidry, devenu depuis Bobby Charles, et qui vient de se payer un
superbe costard en sapin. « Bobby Charles », paru en 1972, est
réédité. Et comme bien souvent depuis des lustres, on essaye de nous vendre des
machins obscurs faits par des types aujourd’hui au mieux grabataires, comme
étant des merveilles oubliées des fabuleuses années 60 ou 70. Les dithyrambes
pleuvent comme mousson en Inde sur des Bill Fay, Fred Neil, Linda Perhacs,
Duncan Browne, … autant de gens ayant sorti au mieux une poignée de
disques dans l’indifférence générale au siècle dernier. La mayonnaise prend un
peu avec Sixto Rodriguez, un film (« Sugar Man »), la réédition de
ses deux disques médiatisée avec des arguments (fallacieux, of course) genre le
« Bob Dylan de Detroit » (après écoute, quoique sympathiques, les
disques de Rodriguez sont juste du niveau des mauvais disques de Dylan). Le Bobby
Charles, lui, passe sous tous les radars, le bouche à oreille mettra longtemps
à infuser, et son disque finira par ressortir avec des bonus, atteignant
péniblement un succès d’estime…
Retour vers le futur. Au début des 70’s, Bobby Charles
qui court en vain après le succès depuis 15 ans, déménage à Woodstock. Il y a
belle lurette que les derniers flonflons du festival sont éteints, ne reste
plus dans le coin que les bouseux de The Band (normal, ils étaient à Woodstock
dans leur maison de Big Pink avant le grand raout hippie). Et Bobby Charles est
plus ou moins pote avec leur bassiste Rick Danko. Rappelons à l’usage des
jeunes générations que The Band était (sous le nom des Hawks) le groupe qui
accompagnait sur scène Bob Dylan lors de sa « découverte » de
l’électricité, qu’ils ont mitonné ensemble ce qui deviendra les « Basement
Tapes ». Et que The Band avec sa seconde galette (sans nom, avec la
pochette couleur terre de sienne brûlée) a sorti un des plus beaux disques de
tous les temps (avec tous ces « Across the great divide », « The
night they drove Old Dixie down », « Up on Cripple Creek »,
« Whispering pines », j’en passe et d’aussi bons …). Avant de
sérieusement décliner, et de finir par s’auto-enterrer sous la caméra de
Scorsese (The last waltz »), concert d’adieu et interminable défilé des
potes venus en pousser une à l’occasion. Parmi eux, Bobby Charles. Bien
évidemment, coupé au montage …
1972. Avec l’aide du poteau Danko, des autres membres du
Band (sauf Robertson) et de quelques types qui s’arrêtaient toujours dès lors
qu’ils voyaient de la lumière dans un studio (notamment Mc Rebennack, alias Dr.
John, Louisianais comme Charles et forcené des séances d’enregistrement),
Charles enregistre son premier disque. Il a alors trente-quatre ans et fait
déjà partie des vieux de la vieille. Il est signé par le manager du Band,
Albert Grossman sur son label Bearsville.
Le résultat ? Les sachants vous diront que
« Bobby Charles » est un disque de swamp rock (figure de proue du
genre, Tony Joe White). Comme souvent, les sachants se trompent. « Bobby
Charles » c’est beaucoup plus que ça. C’est le disque d’un type qui a eu
des années pour faire macérer ses titres, et qui là, avec un backing band de
rêve, les sublime. On est presque au niveau du disque du Band dont au sujet
duquel il était question plus haut. C’est facile, rien à jeter sur cette
rondelle. Euh, si, la pochette, le mec avec son clébard au bord de l’eau côté
recto et côté verso, le Charles en train de bouffer une portion de pastèque. Même
Jean Ferrat ou Nino Ferrer dans leur période Ardèche et Limousin n’ont pas osé
faire aussi moche …
Parce que niveau musique, c’est stratosphérique. Tout en
restant d’une facilité et d’une décontraction totale. On imagine les types
enregistrant tous ensemble après avoir éclusé force bouteilles, fumé moultes cigarettes
qui rendent nigaud, et s’être envoyé dans le pif quelques remontants sous forme
de poudre blanche. Sans que pour autant ça fasse jam informe (en gros on est
pas chez George Harrison période « All things must pass »). Toutes les
racines de Charles sont là.
Le swamp rock souvent cité, cet inimitable groove
chaloupé propre à la Louisiane et à La Nouvelle Orleans. Le type vient de là,
est imprégné de toutes les musiques moites et swingantes du coin. On relève des
touches de cajun, de zydeco, de honky tonk, portées quand il faut par des
cuivres ou un accordéon (à doses homéopathiques, y’a rien qui fasse fanfare ou
Clifton Chenier), et soutenues par l’omniprésent et reconnaissable entre mille
piano de Dr. John (à noter que Charles est fan de Fats Domino et de son style de
piano, il lui a même composé un de ses derniers hits « Walking to New
Orleans »). Et puis il y a la patte rustique du Band, capable de produire
une musique qu’on jugerait immémoriale, tant elle s’ancre dans les tréfonds de
la culture populaire américaine. Où l’on part de très vieilles choses (de la
country, du hillbilly, du western swing, du jazz, du blues) et l’on recrache
tout ça au début des seventies, une époque où le Band commence à devenir quelconque,
et Dylan encore pire (les minables « New morning » et « Self Portrait »).
Des années plus tard, on appellera ça de l’americana ou du classic rock…
The Last Waltz, Charles caché par le micro
Les deux premiers titres (« Street people » et « Long
face »), c’est aussi fort que le Band en 69, « Small town talks »
décrit mieux l’Amérique profonde (les ragots, les voisins qui s’épient) que tous
les Mellencamp de la création. « It must be the good place now » est
le seul morceau qui permette de citer Tony Joe White par son côté ballade
feignasse, « Let yourself go » fait remonter les effluves du bayou
louisianais, « Grow to old » renoue avec le meilleur des « Basement
tapes » (enregistrées depuis longtemps, mais pas parues officiellement), « Tennessee
blues » envisage le blues comme Hank Williams (beaucoup plus proche de la
country donc, et ici avec un sublime accordéon discret).
La merveille des merveilles de ce disque se nomme « Save
me Jesus », et ça pourrait presque me réconcilier avec la religion, tant c’est
du même niveau que, au hasard, « Presence of the Lord » de Blindfaith
ou « Amazing grace » par qui vous voulez qui en ait l’étoffe (Aretha
Franklin, Ray Charles). Le titre commence à l’arrache, on sent qu’il n’y a pas
eu deux cents prises, c’est du country-rock pépère (davantage de country que de
rock au début, l’inverse à la fin).
Ce « Bobby Charles » aurait dû se vendre par
camions. Il n’en fut rien. Et la réponse se trouve (au moins en partie) dans « All
the money », inspirée par son manager Albert Grossman, véreux à souhait.
Charles vient de s’en rendre compte à ses dépens (« il a tout le pognon,
tout le whisky, toutes les femmes, et moi que dalle » disent en substance
les paroles de la chanson). Allumer ainsi le type qui vient de te signer avant
la sortie du disque n’est pas la meilleure stratégie marketing à adopter, même
si Charles et ses potes devaient bien s’en foutre et de la stratégie et du marketing.
Un titre en tout cas à mettre en parallèle avec le « Zanz Kant Dance »
de John Fogerty dont on peut se demander s’il ne s’est pas fortement inspiré
pour ce coup-là de Bobby Charles …
En tout cas, le résultat des courses sera sans appel. « Bobby
Charles » sera un bide considérable. Et bien évidemment il n’aura pas une
seconde chance, même si une poignée de disques sous son nom paraîtra dans les
décennies suivantes, sans que cela n’émeuve qui que ce soit …
Contrairement à Yseult (??) ou Pomme (???), (en attendant
l’an prochain Tristan et Poire Williams ?), Bobby Charles n’a jamais gagné
de Victoire de la Musique… raison de plus pour vous intéresser à son cas …
Parce que Hüsker Dü ça veut à près dire ça dans une
de ces langues nordiques (norvégien ?) avec plein de trémas et de o barrés
… Hüsker Dü est un de ces groupes maudits, parce qu’à peu près oublié, par les
livres d’Histoire. Pourtant il est reconnu que ses enfants musicaux (par les
intéressés eux-mêmes) qui sont par ordre d’apparition les Pixies, Nirvana, et
tous les suiveurs-successeurs de ces deux-là ce qui fait quand même pas mal de
monde, doivent beaucoup à Hüsker Dü…
La « carrière » de Hüsker Dü est contenue
dans les années 80 (discographiquement de 82 à 87, huit disques dont deux
doubles en 6 ans, copieux …) et leurs contemporains, alors qu’ils commençaient
à être connus, aimaient à les englober dans cette litanie de losers magnifiques
de cette décade « maudite », comme au hasard, les Replacements. Avec
lesquels ils partageaient une proximité géographique certaine (Saint Paul pour
Hüsker Dü, Minneapolis pour les Replacements, les deux villes principales du
Minnesota, de part et d’autre du Mississippi).
Norton, Hart & Mould : Hüsker Dü
Hüsker Dü, c’est un trio. Bob Mould, guitariste en
apprentissage de calvitie et d’embonpoint (tiens, comme Black Francis des
futurs Pixies), Greg Norton, bassiste taiseux dont le seul point notable est
d’arborer une grotesque moustache très Second Empire, et Grant Hart, batteur chevelu
et défoncé notoire. Mould et Hart se partagent à parts à peu près égales
compositions et chant, et sur la fin de leur parcours, on verra leurs
différences (Mould plutôt rentre-dedans, Hart beaucoup plus mélodique). Sur ce
« Zen Arcade », ils ont écrit chacun à peu près un tiers des titres
et cosigné les autres.
A ses débuts, le groupe est influencé par la scène
punk hardcore locale, et par les « célébrités » nationales du genre
comme Black Flag et les Dead Kennedys. C’est d’ailleurs sur SST le label formé par
Greg Ginn guitariste de Black Flag, que paraîtront quelques-uns de leurs disques,
dont ce « Zen Arcade ». Pour situer leur « gloire » et les
moyens qui vont avec, les 23 titres de ce double vinyle seront enregistrés en
quelques dizaines d’heures de studio pour un budget de quelques centaines de
dollars. Tout est capté live en studio, auto-produit, autant dire qu’on est pas
dans la fioriture sonore. L’objectif optimiste du groupe était d’en presser (et
d’en vendre) entre trois et cinq mille copies. En vinyle évidemment, d’où un
découpage sonore rattaché aux quatre faces. Les deux premières plutôt (très)
rêches, la troisième plus mélodique, et la quatrième disons, … expérimentale. Parenthèse :
plutôt qu’au niveau dynamique et qualité sonore, c’est avec ce genre de disques
que le Cd montre ses limites par rapport au vinyle, ici tout s’enchaîne sans
pause physique ou temporelle (plus besoin de se lever pour changer le disque ou
le retourner) … Autant dire que pour s’enquiller les soixante-dix minutes de
« Zen Arcade », faut laisser de côté tout ce qui a trait à la hi-fi
de luxe. « Zen Arcade » est un disque qui se mérite … et se subit.
Des lustres plus tard, des revues ayant pignon international sur rue en feront
un des disques majeurs de la décennie, Rolling Stone (il me semble) le citant
même comme un des cent disques les plus essentiels du rock … Mouais …
Pour les puristes (intégristes ?) « Zen
Arcade » est la quintessence, la substantifique moelle de Hüsker Dü.
Perso, je préfère ceux qui suivent, avec mention particulière pour leur dernier
(un autre double vinyle « Warehouse : Songs ans Stories ») que
les fan(atique)s du groupe détestent (paru sur une major, commercial, Mould et
Hart se parlent quasiment plus, …).
Parce « Zen Arcade » est d’une sauvagerie
austère (l’enregistrement en direct guitare-basse-batterie sans overdubs).
Beaucoup de titres arrivent juste à deux minutes, et sont généralement des brûlots
de punk hardcore (un tempo frénétique, une guitare tronçonneuse, et des vocaux
glapis dont s’inspirera très fortement Black Francis aux débuts des Pixies). Dans
cette rubrique on remarquera particulièrement « What’s going on »
(rien à voir avec Marvin Gaye), « Beyond the treshold », « Indecision
time » (à faire passer le Nirvana de « In Utero » pour du Pink
Floyd), ou la doublette introductive « Something I Learned today » / « Broken
home, broken heart », le dragster sonore « Masochism world » ...
On trouve aussi l’ébauche des fameux quiet-loud qui feront la fortune (et la
malheur) de Kurt Cobain, même si chez Hüsker Dü on serait plutôt dans le
loud-encore plus loud. Témoins « The biggest lie » ou l’instrumental « Dreams
reocurring ». Tous ces titres concentrés sur ce qui était le premier
vinyle.
Sur la seconde partie de « Zen Arcade »,
on voit émerger (bien planquées cependant sous la gangue bruitiste) les
mélodies et les chansons. Et à ce titre « Somewhere » ou « Pink
turn to blue » pourraient être qualifiés de titres radiophoniques (le
tempo se ralentit, on distingue nettement couplets et refrains, y’a même des
harmonies vocales). Et puis, y’a même le batteur qui a trouvé quelque part un
vieux piano pas très bien accordé et qui nous joue à un doigt une paire de courts
instrumentaux, qui on s’en doute, ne vont pas attirer les connaisseurs de
Chopin. On peut aussi rattacher à cette partie l’avant-dernier titre, le punk
mélodique de « Turn on the news » dont Offspring (pour ne citer que
les plus connus des copieurs) fera son fonds de carrière en le dupliquant à l’infini.
Deux titres sont plutôt à part. « The tooth
fairy and the princess » est une sorte de déclamation sur fonds de trafics
sonores à la « Revolution n°9 » de Lennon. Heureusement, il dure
moins longtemps. On peut pas en dire de « Reoccuring dreams » qui clôture
le disque pendant quatorze minutes. Basé sur une relecture instrumentale du
précédent « Dreams reocurring », il en recycle la structure rythmique
pendant que Mould se livre à un concerto de feedback. On touche là quasi au
supplice chinois sonore …
Ah, et j’ai oublié, « Zen Arcade » est
censé être un concept album narrant les pérégrinations d’un quidam dans ce
monde qu’il ne comprend pas et qui n’est pas fait pour lui. Comme les paroles
des morceaux sont plutôt de l’école Ramones (cinquante mots maxi), c’est moins
plombant au niveau littéraire que d’autres pensums du même genre (de « Tommy »
aux funestes rondelles prog …).
Je ne préconise pas une écoute quotidienne de « Zen
Arcade », mais le disque méritait vraiment de sortir de l’obscurité pour
laquelle il semblait être destiné …
Imaginez aller voir un film où
le héros serait un péquenot accompagné de son moutard qui passerait son temps à
chercher dans Rome une putain de bicyclette qu’il s’est fait piquer … à l’heure
où tout ce qu’on vous montre c’est des super-héros qui essayent de sauver
l’humanité et la galaxie en luttant de tous leurs super-pouvoirs contre les
forces du Mal, aidés de gadgets qui feraient passer les iPhone 12S à 1500 euros
pour des silexpréhistoriques … Bon, ça
c’était il y a déjà une éternité, quand on pouvait aller au cinéma, dans le
monde d’avant … alors que le monde de maintenant et celui d’après, ils sont ou
seront pires que celui d’avant … Eh oh les super-héros, vous foutez quoi? On
aurait bien besoin que vous fassiez quelque chose, là, tout de suite, y’a tout
qui part en sucette, vous voyez pas ?
De Sica et ses acteurs
Autant dire qu’avec « Le
voleur de bicyclette », on est vraiment dans un autre monde. Un monde où l’on
n’avait pas besoin de millions de dollars et de technologie high-tech pour
faire un film. Et si vous voulez mon avis, c’était vraiment mieux avant … parce
que « Le voleur … » c’est un des plus grands et des plus beaux films
de tous les temps (y’a pas que moi qui le dit, y’a aussi Woody Allen, et il
doit y en avoir quelques autres aussi qui pensent la même chose).
« Le voleur … » c’est
tourné dans Rome en 1948. Dans une ville sinistrée par des années de fascisme
et de guerre. Une ville qu’il faut reconstruire et agrandir, parce que la
misère elle est encore pire partout ailleurs dans l’Italie, et que les gens
viennent essayer de (sur)vivre, habiter, et si possible de travailler dans la
capitale. Le film commence d’ailleurs par une scène où des dizaines de types
attendent le matin pour voir s’il n’y aurait pas du boulot pour eux, devant une
sorte de bâtiment d’aide sociale ou de Pôle Emploi. Parmi eux, Ricci, qui se
tient à l’écart, et n’y croit plus. Mais voilà qu’on l’appelle, y’a du travail
pour lui. Il est embauché pour coller des affiches. Seule condition à remplir,
il lui faut un vélo. Et à le voir hésiter, on devine qu’il y a un problème, il
finit par avouer qu’il a bien une bécane, mais elle est gagée, mais promis, il
aura un vélo le lendemain pour aller bosser …
Et le décor est posé. Dans ces
terrains vagues qui s’urbanisent à marches forcées, on est au cœur de l’Italie
d’en bas. On a appelé ça le néo-réalisme, une façon de faire du cinéma sans
pognon et sans acteurs (tout le casting est composé de non-professionnels) avec
juste une caméra qui tourne (en extérieur, pas les moyens de créer des décors
dans un studio, d’ailleurs il n’y en avait plus, la Cinecitta étant devenue un
camp de déplacés ou de déportés). Une technique et une philosophie artistiques
héritées du cinéma russe des années 20. Le côté propagande du régime en place
en moins côté italien, même si les deux « stars » du néo-réalisme
(Rossellini et De Sica) ont entretenu durant leurs premiers tours de manivelle
des rapports assez ambigus avec Mussolini et sa clique fasciste. Et même si au
final, un des films dont « Le voleur … » est le plus proche, ce
serait « Les raisins de la colère » de John Ford.
Searching in the rain ...
« Le voleur … » c’est
en même temps un film qui raconte une histoire (une journée dans la vie d’un
Romain à la recherche de sa bécane), mais c’est aussi un formidable
document(aire) sur l’Italie de l’immédiate après-guerre. Qui en dit plus en 86
minutes chrono sur l’état d’un pays et sa société que le tocard franchouillard
Pernaut, ce héros (?) de l’information télévisée en a dit en plus de trente ans
de JT. On visite cette banlieue romaine où commencent à s’aligner de nouvelles
constructions (des barres HLM) plus ou moins finies (les bâtiments sont neufs,
mais l’eau potable tu fais la queue pour en avoir à une pompe au pied des
immeubles). On voit un pays qui se libère du joug du fascisme (les caves où se
côtoient répétitions des « artistes » du quartier, et réunions
syndicales, des communistes forcément). On y voit ces intérieurs de logements
sans meubles, le crédit municipal où s’amoncellent (ces vertigineuses piles de
draps et de linge) ce que toutes ces familles pauvres viennent gager pour avoir
en échange quelques billets grands comme des feuilles A4 qui leur permettront
de payer le loyer et de manger quelques jours, ces églises délabrées où contre
une messe, le Secours Catholique te donne une gamelle de nourriture (cette
lutte d’influence entre cocos et bigots pour la mainmise morale sur le peuple).
On y voit tous ces petits trafics en tout genre qui permettent de profiter de
la misère de ses semblables (la file d’attente dans la cuisine de la voyante,
ces amoncellements de vélos entiers ou en pièces détachées sur des marchés très
tôt le matin où quelques aigrefins viennent vendre des engins qu’aujourd’hui on
dirait tombés du camion). On y voit ce peuple qui va s’entasser dans les stades
pour nourrir une véritable dévotion aux équipes de foot (c’est aux abords du
stade où s’affrontent Rome et Modène que va se conclure l’histoire). On y voit
ces policiers et ces gendarmes qui se foutent de tous les petits larcins dont
on vient se plaindre (en gros dis-nous le si tu la retrouve ta putain de
bicyclette, nous on va pas la chercher), qui font semblant de faire leur boulot
(la « perquisition » chez la mère du voleur). On voit aussi ceux qui
sont en train de monter à toute blinde l’ascenseur social (les grosses dondons
bourges et leur progéniture tête à claques au restaurant), et une parenthèse
assez hallucinante et prémonitoire de plein de hashtags d’aujourd’hui, cet
élégant gommeux qui propose une glace au fils de Ricci sur le marché aux
bécanes à condition qu’il le suive discrètement (pour le kidnapper ? pour
le sauter ?).
On trouve aussi dans « Le
voleur … » une étude poussée de caractère du cocon familial. La femme de
Ricci n’apparaît qu’au début, mais on devine que c’est elle qui porte la
culotte, qui est énergique, qui agit (la vente des draps pour racheter le gage
sur le vélo). Dans le reste du film, on voit les rapports qui se nouent entre
le père et le fils. Ce dernier d’abord traité comme une aide, puis comme un
poids mort, avant une crise d’amour paternel qui fait lâcher à Ricci ses
derniers billets pour l’amener au restaurant, une fois qu’il l’a cru noyé. Et
le dernier plan les voit partir main dans la main après une journée fertile en
émotions et rebondissements.
« Le voleur … »
(encore une fois, traduction hasardeuse, c’est « Les voleurs … » en
V.O. et c’est beaucoup plus en relation avec la réalité du scénario), c’est une
sorte de bicyle-movie avec courses-poursuites désespérées (l’obscur objet du
désir à portée de main, ça se joue à quelques mètres, et puis ça bascule).
Evidemment, on est assez loin des scènes d’ouverture des Indiana Jones, mais il
y a toujours en filigrane cette quête du Graal à deux roues, qui va permettre
de survivre, puis de vivre et pourquoi pas de s’élever dans la société (ces
alignements de chiffres sur la nappe du restaurant, comme un mirage là aussi de
la « fortune » à portée de main si on arrive à retrouver cette foutue
bécane).
A la marge, on trouve aussi
dans « Le voleur … » un hommage au cinéma. Quoi de plus normal de la
part de De Sica, véritable stakhanoviste du septième art, en tant que
scénariste, réalisateur et même acteur (il a tourné dans des dizaines de films).
Le boulot de Ricci, c’est coller une affiche de film sur les murs. C’est celle
de Rita Hayworth dans « Gilda », déclaration d’amour du metteur en
scène italien fauché au cinéma hollywoodien. Lequel le lui rendra, décernant à
De Sica l’Oscar du meilleur film étranger pour « Le voleur … ».
Sergio Leone face à Ricci
Enfin, on peut signaler qu’il y
a non crédité au générique dans « Le voleur … », un des ténors à
venir du cinéma italien, Sergio Leone, même pas vingt ans à cette époque. Il a
participé au scénario et fait de la figuration.
« Le voleur … »,
c’est le genre de très grand film construit sur des petits riens et des gens
ordinaires. Il y en a quelques-uns, et pas des moindres (Sautet et Ken Loach
sont les deux premiers noms qui me viennent à l’esprit) qui passeront leur vie
à filmer des gens ordinaires et à nous les rendre intéressants, voire
captivants. Sans jamais faire aussi bien que De Sica avec « Le voleur de
bicyclette ».
Je soussigné, Lester Gangbangs, né le 15 Frimaire An
CLXX dans le Pays d’Oc, sain de corps et d’esprit, en possession de toutes mes
facultés, déclare être propriétaire de l’enregistrement musical ci-dessus nommé,
déclare l’avoir écouté, et déclare donc être en mesure d’en donner une
appréciation éclairée et pertinente.
Description du bien.
« The lamb lies down on Broadway » est un
enregistrement phonographique du groupe anglais Genesis. Il se présente sous la
forme d’un boîtier en plastique translucide légèrement rectangulaire d’une
largeur de 142 (cent quarante-deux) millimètres, d’une hauteur de 125 (cent vingt-cinq)
millimètres, et d’une épaisseur de 9 (neuf) millimètres. L’objet s’ouvre en
faisant basculer le boîtier autour de deux petits ergots en plastique, laissant
apparaître sur la droite un livret de 16 (seize) pages contenant le concept de
l’œuvre, les paroles des chansons, les informations sur les artistes ayant
participé à la création du phonogramme, diverses photographies, ainsi qu’une
double page présentant les autres œuvres du groupe disponibles dans le
commerce. Sur un plateau pivotant à l’opposé de l’ouverture du boîtier se
trouvent calés par de petits picots centraux 2 (deux) compacts discs, un sur la
face supérieure du support, l’autre sur sa face inférieure. Dans un souci
remarquable d’ergonomie, le premier à apparaître à l’ouverture du boîtier est
celui sous-titré « Disc One ». L’ensemble (boîtier, livret, supports
musicaux) accusant sur la balance le poids de 108 (cent huit) grammes.
Usual suspects
Origine du bien.
Ainsi que stipulé plus haut, l’œuvre est dûe au
groupe anglais Genesis et s’intitule « The lamb lies down on Broadway ».
La parution initiale date du 18 Novembre 1974 sous la forme d’un double
trente-trois tours sous pochette de type « gatefold » (pochette
fonctionnant comme un livre, un disque vinyle de chaque côté). L’œuvre est
parue sur le label phonographique Charisma, sous la référence CGS 101. La copie
en ma possession est une réédition de 1994, référence CGSCDX 1, bar-code 7243 8
39774 2 0, fabriquée en Hollande et mise sur le commerce par la maison Virgin
Records. La date d’acquisition de cet objet est pour le moment inconnue. Il ne
fait l’objet d’aucun gage, nantissement ou hypothèque quelconque. Il en dans un
état très correct (near mint selon le barème descriptif des sites spécialisés dans
la vente d’œuvres musicales d’occasion) car peu joué.
Contenu du bien.
Le premier Cd (« Disc One ») comprend 11
(onze) pistes musicales pour une durée de 45’37’’ (quarante-cinq minutes et
trente-sept secondes), le second Cd (« Disc Two ») comprenant pour sa
part 12 (douze) pistes musicales pour une durée de 48’52’’ (quarante-huit
minutes et cinquante-deux secondes). L’ensemble contient donc 23 (vingt-trois)
titres pour une durée totale de 94’28’’ (quatre-vingt quatorze minutes et vingt-huit
secondes, équivalent d’une heure trente-quatre minutes et vingt-huit secondes).
Le titre le plus long est le septième du « Disc Two », ayant une
durée de 8’16’’ (huit minutes et seize secondes), le plus court est le
troisième du « Disc One », sa durée est de 33’’ (trente-trois
secondes).
Analyse du bien.
Les mêmes en couleurs
Comme précisé au paragraphe ci-dessus, l’écoute du
bien prend donc 94’28’’ (quatre-vingt-quatorze minutes et vingt-huit secondes),
non compris évidemment les temps nécessaires à la mise sous tension des
appareils, à l’ouverture et au chargement du lecteur audio, et au changement de
disques. Ce qui est bien long.
On y entend tout du long des 23 (vingt-trois) pistes
les ci-après nommés Michael Rutherford, Phil Collins, Steve Hackett, Tony
Banks et Peter Gabriel (uniquement désignés par leur prénom dans le livret dont
il a été question dans le paragraphe « Description du bien », comme s’il
s’agissait de vieux amis ou de gens appelés à le devenir) produire une musique
de type « rock », sous-genre « progressif », catégorie « brise-burnes ». Cette description
ne visant pas à porter atteinte à des tiers, qui pris de démence ou de surdité
soudaines, trouveraient un intérêt quelconque à cette œuvre, nous n’en dirons
pas plus.
Tout juste nous bornerons-nous à préciser à l’attention
des déprimés à cause d’un cinquante douzième confinement dans la cage à lapins
qui leur sert de logement, et qui envisageraient un suicide par voie
auriculaire que cette œuvre devrait facilement les amener à passer à l’acte.
Mention particulière aux synthés criminels de Tony Banks et à l’insupportable
voix de Peter Gabriel qui se force à piailler dans des aigus à l’hélium. Quant
à l’inénarrable Phil Collins, il se contente ici de brasser de l’air autour de
ses fûts, toms et cymbales divers, avant de devenir chanteur du groupe et en
solo de sa voix de canard asthmatique et de faire entendre les pires sévices
sonores des années 80. Les deux autres ne méritent pas qu’on s’étende sur leur
cas.
A noter que « The lamb lies down on Broadway »
est un concept-album ou un opéra rock ou un machin de ce genre, censé narrer
les péripéties d’un certain Rael dans le New York des mid seventies … ça vous
donne pas envie ?