FAT WHITE FAMILY - SERFS UP (2019)

Lendemain de cuite ...

La Grosse Famille Blanche, ils font tout pour être le groupe clivant (faut faire parler le plus possible de soi, s’efforcer d’être un maximum reconnu, et si possible sans que les gens écoutent les disques, ça viendra forcément plus tard, quand tu seras un incontournable des discussions …). Toutes leurs déclarations, les rumeurs, ragots et potins ça me passe par-dessus la tête, moi j’écoute d’abord les skeuds…
Comme je suis un connard consciencieux, j’ai réécouté celui d’avant (« Songs for our mothers ») et ce que j’en avais écrit… je persiste et signe. Sauf que depuis pas mal d’alcool a coulé dans les gosiers. Les types sont partis dans tous les sens (enfin les deux plus notables, Lias Saoudi et Saul Adamczewski), sans forcément se perdre (Moonlandigz et Insecure Men ça tenait la route et si vous voulez mon avis, mieux que « Songs … »). Et alors que ceux qui n’ont rien de mieux à foutre ergotaient sur une improbable reformation de la Famille, celle-ci revient.

Même si c’est pas vraiment exactement le même line-up que sur « Songs … », on s’en fout un peu, Saoudi et Adamchose sont là, ils ont amené dans leurs bagages Romans-Hopcraft (des Insecure Men) et Alex White, multi-instrumentiste repéré dans Electric Soft Parade. Et à eux quatre, ils ont fait l’essentiel de ce « Serfs Up » (une allusion au trois millième degré à un excellent disque triste des Beach Boys, à cause de la quasi-homonymie et d’une pochette dans des teintes sombres à peu près identiques ?) ;
Et « Serfs Up », vous savez quoi, il laisse à mon sens loin derrière son prédécesseur. Et surtout parce qu’au lieu de la jouer déglingo attitude, il met surtout l’accent sur ce qu’on demande d’abord à un disque : la musique. Et dans un genre cohérent, pas un vague collage genre patchwork de ce qui passe par la tête des gars de retour de leurs péripéties extra Fat White Family. « Serfs Up » est homogène, axé uniquement sur des tempos lents. Comme quand on se réveille le matin avec un mal de tronche carabiné parce que l’on a trop forcé la nuit sur les liqueurs d’homme et écouté de la musique à 130 (bpm, dB, km/h, … ce que vous voulez). « Serf Up » n’est pas un disque gai, faut pas déconner non plus, il est plutôt d’une beauté vénéneuse, bien écrit, et n’hésitant pas à recourir à de réussis arrangements de cordes.
Et pourtant, « Serfs Up » commence crispant avec « Feet ». Une intro lugubre genre BO de giallo, une rythmique martiale, une ambiance gothique à la Joy Division avec son mid tempo lancinant. Un des titres les plus faibles, avec ce « Vagina dentata » ( ? ) et son solo de sax jazzy placé en troisième position. Comme quoi les FWF ont pas dû écouter le chef de produit de leur maison de disques (Domino, très gros indé) qui leur a dit que sur un disque, il faut mettre du lourd d’entrée et les morceaux anecdotiques ou foireux vers la fin … Quoique le dernier titre « Bobby’s boyfriend » avec son refrain borderline (« Bobby’s boyfriend is a prostitute ») pourrait susciter quelques grincements de dents de la communauté arc-en-ciel, si le décorum bruitiste et expérimental, manière d’être sûr d’achever dans le mur, n’avait pas suffi à être énervant …

Mais malgré un début pas terrible et une fin qui vaut guère mieux, le cœur de « Serfs Up » est d’un (très) bon niveau. Et sans que ça sonne comme des plagiats éhontés, plein de bons trucs reviennent en mémoire. Le Depeche Mode qui faisait de la musique pour les masses avec « I believe in something better » (parallèle troublant avec la voix vocoderisée, la rythmique électronique, la mélodie triste et désenchantée). Spiritualized pointe son museau le temps d’un « Tastes good with the money », avec son intro genre gospel pour désaxés, ses mantras opiacés et ses gazouillis de guitare au final. « Kim’s sunset » me semble devoir pas mal à Bowie (ses disques des années 90, et un gimmick en intro qui évoque furieusement celui de « Under pressure »). Les ballades vénéneuses sont aussi de sortie, la fabuleuse « Oh Sebastian » qui semble issue du même moule que « The struggle of Ana » des Moonlandigz, et la très 60’s « Rock fishes ». Ils s’essayent même (avec succès) à un hommage aux BO de western, Morricone et Calexico, ça s’appelle « When I Leave », c’est sympa bien qu’anecdotique. Preuve qu’ils ont pas l’esprit très mercantile, les singles ou les vidéos concernent les morceaux généralement insignifiants … Rock’n’roll suicide, quoi …
Au final, ce « Serfs Up » est une bonne surprise (les groupes de toxicos se bonifient rarement, voir le cas d’école Guns N’Roses), même s’il apparaît évident que Fat White Family n’est pas vraiment un groupe, mais plutôt la réunion ponctuelle et à géométrie variable de quelques talents de l’Angleterre désabusée de May – Johnson. Les FWF sont des prolos un peu bourrins et fiers de l’être. Du temps de Thatcher, il sortait des groupes de rock militants de partout. A part la Family et quelques gueulards genre Slaves ou Idles, combien sont-ils aujourd’hui ? S’il faut compter sur Saoudi, Adamczewski et consorts pour porter la flamme du rock, gaffe, ces cons seraient capables de la vendre pour acheter du crack …
En attendant, ils confirment le buzz un peu surévalué qui les poursuivait … ou les précédait …

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ROXY MUSIC - COUNTRY LIFE (1974)

Un petit tour à la campagne ?

Ça donne envie hein, d’aller faire une virée dans les territoires, comme ils disent les politicards et les gilets jaunes. Ben, vous fatiguez pas, j’y vis dans la cambrousse et des meufs comme ça, y’en a pas … parce que maintenant elles se rasent la foufoune ? ouais, mais pas seulement et … que voilà un post mal … euh embouché, à faire se radiner toutes les hashtagueuses mal bai … pardon, féministes sous prétexte que je suis censé causer musique et que je parle pochette de disque …

Ben oui, les disques de Roxy Music ont ceci de particulier, c’est qu’ils se regardent avant de s’écouter. Faisons les présentations. A gauche, Eveline Grunwald, à droite Konstanze Karoli. La première est la petite amie et l’autre la sœur de Michael Karoli, le guitariste de Can. Rencontrées par Bryan Ferry dans une discothèque portugaise, où les deux teutonnes mignonnes sont en vacances. Mélange alcool plus herbe qui rend nigaud, et proposition de séance photo. Achat de sous-vêtements (les mêmes mais de couleurs différentes, je dis ça pour ça ceux qui se sont abîmés les yeux sur les pochettes de Scorpions, …) et shooting improvisé devant un massif de lauriers roses (?). Résultat, une des pochettes de disques les plus scandaleuses de l’histoire (nous sommes en 1974). Censurée dans plusieurs pays (les USA, l’Espagne franquiste, …). A l’attention des pervers relevant de la psychiatrie, on trouve sur le net des clichés non retenus…
Bon, ben voilà, fin de la chronique… Allez salut et à la prochaine …
Comment, qu’est-ce que tu dis, toi ? Que j’ai pas causé de la musique ? Tiens, c’est vrai, il y a un disque dans la pochette … Bon, on se calme et on reprend …
Des disques de Roxy, il y en a deux d’indispensables. Le second, « For your pleasure » avec une Amanda Lear allumeuse en fourreau (noir) perchée sur des talons immenses, tenant en laisse une panthère (noire), aguiche un Bryan Ferry dans sa bagnole ; et le dernier, « Avalon », avec sa sublime pin-up casquée et de dos … Comment tu sais que c’est une pin-up, connard, on la voit pas ? Pfff, pose pas questions comme ça, connard toi-même, t’as rien compris à Roxy … « For your pleasure », c’est le sommet artistique de Roxy, avec un Brian Eno sur le départ qui transmute en beau bizarre tout ce qu’il touche, le disque expérimental le plus facile d’accès qui soit … « Avalon » c’est un sommet de sophistication lascive intemporelle …

« Country life », sous-titré « The fourth Roxy Music album » arrive deux ans après « For your pleasure », et succède au plutôt dispensable « Stranded ». Et qu’on le veuille ou pas, pâtit également de l’absence d’Eno. Qui avant de devenir un gourou sonore conceptuel (par définition chiant), a été un empêcheur de sonner comme il faut, en gros durant les années septante commencées avec Roxy, et finies avec les Talking Heads, en passant par des disques solos très recommandables et of course, la période dite berlinoise de Bowie. Eno a génialement parasité avec ses bidouillages au jugé les deux premiers Roxy. Certes il y avait dans ces galettes quelques titres pas exactement mauvais mais qui auraient dû sonner « classique », alors que l’aristo dégarni en a fait des trucs inoubliables. Eno, comme tous les sorciers de studio qui deviennent des dictateurs, se trouvait coincé dans Roxy, dont le leader naturel était Bryan Ferry. De plus, il détestait la scène (il injectait ses sons bizarroïdes depuis la table de mixage, on le voyait pas) …
Une fois l’Eno parti, Ferry s’est retrouvé seul maître à bord. Niveau compositions, c’était pas gênant, c’était lui le pourvoyeur essentiel de titres (paroles et musique). Mais Roxy qui était un groupe assez fou (voir les extravagantes tenues de la pochette intérieure de « For your pleasure », qui font passer les délires vestimentaires du Bowie de l’époque pour la garde-robe d’Edouard Philippe) est devenu un groupe « normal ». Du pop-rock dans la ligne du parti, sans trop de place pour les dérapages sonores. Et c’est parfaitement criant sur « Country Life ». Des titres comme « Three and nine » (ballade lascive avec Ferry dans le rôle du crooner lascif qui sera sa marque de fabrique pour les décennies à venir, et le sax omniprésent de MacKay), « If it takes all night » (cabaret jazzy sur rythmique lourde boogie), « Casanova » (la guitare de Manzanera en avant sur un rock mid-tempo) sont convenus, sans surprises.

Roxy Music, dans les seventies, laissait pas mal de gens dubitatifs, enfin surtout ceux qui aiment bien ranger et étiqueter ce qu’ils écoutent. Au gré des lectures, on trouve le groupe à la rubrique prog (le penchant Manzanera pour le sinistre genre, il a fricoté avec quelques progueux, mais en fait avec tous ceux qui lui laissaient brancher sa gratte sur un ampli), dans la rubrique glam (écouter ici « Prairie Rose » un jurerait un morceau du Bowie – Aladdin Sane), dans la rubrique lounge – crooner (le côté chic de Ferry). En fait, Roxy est le groupe des malentendus. Il est certes un peu de tout ça, mais surtout inclassable, passant du coq à l’âne d’un titre à l’autre, en multipliant les fausses pistes. Un seul exemple, Bryan Ferry, qui a cultivé toute sa carrière une image de dandy chic aristocratique est un fils de paysans tout ce qu’il y a de pauvres, un vrai working class hero.
« Country Life » part dans tous les sens, mais sonne plus décousu qu’aventureux. Les titres pris séparément tiennent la route, mais il manque une vision, une direction, un marquage sonore (un coup la rythmique très lourde en avant, une autre fois le sax, une autre fois Manzanera). Même la voix de Ferry, qui deviendra par la suite une marque de fabrique instantanément reconnaissable, suit les tempos et batifole dans plusieurs registres. Surnagent quand même du lot des évidences comme « The thrill of it all », « All I want is you » (deux titres que Bowie a dû disséquer, ça ressemble à ce qu’on trouvera sur « Lodger » un lustre plus tard), ainsi que « Prairie Rose » ou « Out of the blue » …
Bon, pas vraiment de quoi se relever la nuit … sauf si on s’appelle Bryan Ferry et qu’on est sûr de rentrer avec deux gazelles pas très farouches …

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MADONNA - MADONNA (1983)

Self made woman ...

Il s’est vendu du premier album de Madonna plus de dix millions de copies … mais pas quand il est sorti … en fait il en a commencé à se vendre après le carton de « Like a Virgin » tout le monde était demandeur de quelque chose estampillé Madonna …
Question : Ce « Madonna » fut-il un chef-d’œuvre ignoré lors de sa parution ? Réponse lapidaire : Non.
Résumé de l’affaire. Madonna, née Madonna Louise Ciccone dans le Michigan, fait partie d’une famille nombreuse de la petite bourgeoisie italo-américaine chrétienne. Attirée un peu par la musique et beaucoup par la danse, elle rêve d’une vie artiste, ce qui n’est pas du goût de son veuf de son père avec lequel elle rompt pour tenter sa chance là où tout se passe, à New York. Le rêve américain classique que des millions de mecs et de nanas ont essayé de concrétiser … Madonna a réussi.
Parce qu’elle avait du talent ? Ouais, certes, il en faut un minimum. De la chance ? Aussi. Mais surtout elle était au bon endroit au bon moment et a su prendre son destin en main…
Louise la Brocante ...
L’histoire (la légende ?) la prétend arrivée à New York avec juste quelques dollars en poche, et un début de parcours pour le moins difficile (cambriolages de son appart, viol, galères en tout genre …). Elle recherche des petits boulots alimentaires (danseuse, figurante de porno soft), tout en apprenant vite … elle comprend qu’il faut être vue dans les endroits branchés et fréquente assidûment la discothèque Danceteria. Et pour être sûre de ne pas passer inaperçue, elle se crée un look sexy et déluré, à base de nombril à l’air, de sous-vêtements apparents et de ribambelles de bracelets, colliers et autres colifichets de pacotille.
Elle se rend compte que plutôt que la danse, c’est la musique qui peut la faire réussir. Elle chante juste, d’une voix très aigue manquant de coffre, et donc pourquoi ne pas sortir un disque … Elle commence à la batterie ( ?! ) dans un simili groupe de rock, Breakfast Club, mais très vite enregistre seule des maquettes de titres qu’elle a composés (« Everybody » et « Burnin’ up » qui figureront réaménagés sur « Madonna » et « Stay » que l’on retrouvera sur « Like a Virgin »).
Comme elle connaît bien à force de fréquenter l’endroit le personnel de la Danceteria (les DJ et le remixeur John « Jellybean » Benitez) ses titres finiront par passer dans la sono de la boîte, elle sera présentée à quelques types de maisons de disques, avant que Seymour Stein la signe sur son label Sire et l’envoie en studio enregistrer un premier album.
Madonna aime les sucettes ... à l'anis ?
En 1983, Madonna n’est plus exactement une perdrix de l’année (elle a vingt-cinq ans), mais elle a tout à prouver. Elle choisit d’enregistrer essentiellement ses propres compositions et la joue profil bas. Elle n’est pas un objectif commercial de Stein, et va donc se limiter à un disque de dance music, le seul genre qu’elle maîtrise à peu près.
« Madonna » a tous les terribles défauts de ces rondelles mainstream sorties à cette triste époque, les schémas rythmiques hypertrophiés du disco mourant, et des myriades de synthés analogiques censés faire moderne. Difficile de faire plus crétin que l’intro de « Lucky Star », plus remplissage que tous ces « I know it », « Physical attraction », « Think of me ». Difficile de ne pas voir dans la guitare hardos à la Van Halen (qui n’était pas sur la maquette ni non plus sur les remix du titre) de « Burnin’ up » une tentative de faire son petit « Beat it » de Michou Jackson qui affolait alors les hit-parades… Difficile aussi d’appréhender la correcte chanteuse qu’elle deviendra, alors qu’elle est là confinée dans les aigus hurlés et secondée par des choristes …
« Madonna » ne sera même pas un succès d’estime, quelques titres seront testés dans les boîtes de nuit new-yorkaises, Sire essaiera sans conviction de sortir quelques 45T et EP de remixes, et le disque s’acheminera lentement mais surement vers les bacs à soldes …
« Like a Virgin » l’année suivante va changer la donne et désormais trois titres de ce « Madonna » figurent dans toutes les compiles de la superstar. « Lucky star », assez vilain malgré tout, « Holiday » qui rétrospectivement a tout du single évident, ode à l’hédonisme, à la party permanente et au sea, sex and fun. Et la vraie (et seule) très bonne chanson du disque (« Borderline »), ballade pop majuscule, même si un peu beaucoup gâtée par des arrangements datés et vulgaires …
La suite s’écrira dans les Guinness Book …


De la même sur ce blog : 
Like A Virgin