La Grosse Famille Blanche, ils font tout pour être
le groupe clivant (faut faire parler le plus possible de soi, s’efforcer d’être
un maximum reconnu, et si possible sans que les gens écoutent les disques, ça
viendra forcément plus tard, quand tu seras un incontournable des discussions
…). Toutes leurs déclarations, les rumeurs, ragots et potins ça me passe
par-dessus la tête, moi j’écoute d’abord les skeuds…
Comme je suis un connard consciencieux, j’ai
réécouté celui d’avant (« Songs for our mothers ») et ce que j’en
avais écrit… je persiste et signe. Sauf que depuis pas mal d’alcool a coulé
dans les gosiers. Les types sont partis dans tous les sens (enfin les deux plus
notables, Lias Saoudi et Saul Adamczewski), sans forcément se perdre
(Moonlandigz et Insecure Men ça tenait la route et si vous voulez mon avis,
mieux que « Songs … »). Et alors que ceux qui n’ont rien de mieux à
foutre ergotaient sur une improbable reformation de la Famille, celle-ci
revient.
Même si c’est pas vraiment exactement le même
line-up que sur « Songs … », on s’en fout un peu, Saoudi et Adamchose
sont là, ils ont amené dans leurs bagages Romans-Hopcraft (des Insecure Men) et
Alex White, multi-instrumentiste repéré dans Electric Soft Parade. Et à eux
quatre, ils ont fait l’essentiel de ce « Serfs Up » (une allusion au
trois millième degré à un excellent disque triste des Beach Boys, à cause de la
quasi-homonymie et d’une pochette dans des teintes sombres à peu près
identiques ?) ;
Et « Serfs Up », vous savez quoi, il
laisse à mon sens loin derrière son prédécesseur. Et surtout parce qu’au lieu
de la jouer déglingo attitude, il met surtout l’accent sur ce qu’on demande
d’abord à un disque : la musique. Et dans un genre cohérent, pas un vague
collage genre patchwork de ce qui passe par la tête des gars de retour de leurs
péripéties extra Fat White Family. « Serfs Up » est homogène, axé
uniquement sur des tempos lents. Comme quand on se réveille le matin avec un
mal de tronche carabiné parce que l’on a trop forcé la nuit sur les liqueurs
d’homme et écouté de la musique à 130 (bpm, dB, km/h, … ce que vous voulez).
« Serf Up » n’est pas un disque gai, faut pas déconner non plus, il
est plutôt d’une beauté vénéneuse, bien écrit, et n’hésitant pas à recourir à
de réussis arrangements de cordes.
Et pourtant, « Serfs Up » commence
crispant avec « Feet ». Une intro lugubre genre BO de giallo, une
rythmique martiale, une ambiance gothique à la Joy Division avec son mid tempo
lancinant. Un des titres les plus faibles, avec ce « Vagina dentata »
( ? ) et son solo de sax jazzy placé en troisième position. Comme quoi les
FWF ont pas dû écouter le chef de produit de leur maison de disques (Domino,
très gros indé) qui leur a dit que sur un disque, il faut mettre du lourd
d’entrée et les morceaux anecdotiques ou foireux vers la fin … Quoique le
dernier titre « Bobby’s boyfriend » avec son refrain borderline
(« Bobby’s boyfriend is a prostitute ») pourrait susciter quelques
grincements de dents de la communauté arc-en-ciel, si le décorum bruitiste et
expérimental, manière d’être sûr d’achever dans le mur, n’avait pas suffi à
être énervant …
Mais malgré un début pas terrible et une fin qui
vaut guère mieux, le cœur de « Serfs Up » est d’un (très) bon niveau.
Et sans que ça sonne comme des plagiats éhontés, plein de bons trucs reviennent
en mémoire. Le Depeche Mode qui faisait de la musique pour les masses avec
« I believe in something better » (parallèle troublant avec la voix
vocoderisée, la rythmique électronique, la mélodie triste et désenchantée).
Spiritualized pointe son museau le temps d’un « Tastes good with the
money », avec son intro genre gospel pour désaxés, ses mantras opiacés et
ses gazouillis de guitare au final. « Kim’s sunset » me semble devoir
pas mal à Bowie (ses disques des années 90, et un gimmick en intro qui évoque
furieusement celui de « Under pressure »). Les ballades vénéneuses
sont aussi de sortie, la fabuleuse « Oh Sebastian » qui semble issue du même moule que « The struggle of Ana » des Moonlandigz, et la très
60’s « Rock fishes ». Ils s’essayent même (avec succès) à un hommage
aux BO de western, Morricone et Calexico, ça s’appelle « When I
Leave », c’est sympa bien qu’anecdotique. Preuve qu’ils ont pas l’esprit
très mercantile, les singles ou les vidéos concernent les morceaux généralement
insignifiants … Rock’n’roll suicide, quoi …
Au final, ce « Serfs Up » est une bonne
surprise (les groupes de toxicos se bonifient rarement, voir le cas d’école
Guns N’Roses), même s’il apparaît évident que Fat White Family n’est pas
vraiment un groupe, mais plutôt la réunion ponctuelle et à géométrie variable
de quelques talents de l’Angleterre désabusée de May – Johnson. Les FWF sont
des prolos un peu bourrins et fiers de l’être. Du temps de Thatcher, il sortait
des groupes de rock militants de partout. A part la Family et quelques
gueulards genre Slaves ou Idles, combien sont-ils aujourd’hui ? S’il faut
compter sur Saoudi, Adamczewski et consorts pour porter la flamme du rock,
gaffe, ces cons seraient capables de la vendre pour acheter du crack …
En attendant, ils confirment le buzz un peu
surévalué qui les poursuivait … ou les précédait …
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