Black comme Sabbath, Blue comme Cheer. En gros le
credo de Fuzz. Déjà, rien que l’intitulé du groupe montre que l’on n’a pas
affaire à des fans d’Adele, ce qui par les temps qui courent (à leur
perte ?) est déjà une bonne chose. Parce que la pleurnicharde à gros
mollets, elle me gave aussi sûrement qu’un best of de Patrick Sébastien. Ou
qu’un quintuple live de Santana …
Fuzz donc. Le projet du surbooké Ty Segall. A qui
les « spécialistes » (entendez par là les mecs payés pour donner leur
avis sur le wockenwoll, avis que personne lit sinon Adele vendrait pas autant
de skeuds, on y revient toujours …) font endosser les costumes des Strokes,
Libertines et White Stripes de la décennie précédente. En gros les sauveurs du
wokenwoll (on y revient aussi). Sauf que maintenant le dénommé Segall se retrouve
bien seul, y’a pas une concurrence exacerbée dans le rôle. Et peut-être que le
costard va finir par être trop large pour ses épaules… Il a beau se multiplier,
entre disques sous son nom, participations tous azimuts aux rondelles de ses
potes de San Francisco, et projets « annexes » comme Fuzz, il doit se
contenter pour le moment de ce qu’on appellera pour être gentil un succès
d’estime (même si son « Manipulator » de l’an dernier, tout en
madeleines zeppeliniennes, était excellent).
Fuzz donc (encore). Trois zozos chevelus, Segall à
la batterie et parfois au chant, et ses poteaux Moothart (gratte et voix) et
Ubovitch (basse et chœurs), les trois à temps perdu tapotant à l’occasion sur
de vieux synthés (ça s’entend pas trop, voire pas du tout, au milieu du
boucan). Y’a même une nana créditée aux cordes (soit je suis sourd, soit
distrait, soit les deux, mais je m’en étais pas aperçu).
J’ai mentionné pour attirer ( ? ) le chaland
les patronymes bruyants du Sabbath et de Blue Cheer parce que Fuzz fait pas
vraiment dans la dentelle. C’est un concept un peu bête comme chou qu’ils
poussent loin (très loin même, ces trois olibrius raisonnent en terme de
vinyle, et ce « II » en est un de double, quasi soixante dix minutes
de boucan). Alors certes, on pourrait dire (et je vais pas m’en priver) qu’ils
sont pas allés chercher la difficulté, taquiner les légendes. On est loin de la
technique ébouriffante de Cream, des envolées cosmiques de l’Experience, ou du raffut
terminal de Motörhead. Plutôt du côté des bourrins que des subtils. Mais bon,
c’est quasiment en filigrane dans le nom du groupe, y’a pas non plus tromperie
sur la marchandise. Par contre, là où me semble t-il ils en rajoutent un peu
trop, c’est que les trois se montrent souvent grimés et maquillés comme des
glameux imbéciles (celui qui a dit Slade a tout bon). Lendemain de cuite mal
négocié, simple tocade, ou alors concept totalement crétin ? J’en sais
rien et je m’en fous …
« II », c’est gavant sur la durée, hormis
pour les fans de rodomontades boogie interminables (Canned Heat à la
préhistoire, Status Quo au Moyen-âge, les bien nommés Endless Boogie ces
temps-ci). C’est pas pour autant bâclé. Maintenant tout le monde avec trois
bouts de ficelle et quatre dollars peut sonner aussi fort que Metallica. Et Fuzz
a doté sa rondelle d’un son kolossal emmenée par une basse monstrueuse en
avant.
Il y a dans ce disque des trucs lourds pour pas dire
lourdingues, une pièce de bravoure (« II » le titre) longue comme un
jour de canicule sans bière, des redites et des autocitations complaisantes.
Mais aussi une abnégation qui force le respect, des types qui ont peut être pas
eu la meilleure idée du monde, mais qui en exploitent toutes les possibilités.
Et qui se distinguent assez facilement du lot de tout le marigot du heavy
psyché revival. Je suis preneur de choses comme l’introductif et tarabiscoté « Time
collapse … », de l’hendrixien (un peu bourrin, mais hendrixien quand même) « Rat
race », du punky « Red flag », et des deux titres à mon sens les
plus « écrits » du disque (tant le reste sonne un peu roue libre déjantée
tous potards sur onze), à savoir « Say Hello » et « New flesh ».
De quoi patienter en attendant le prochain … en attendant le prochain quoi au fait ?