Bon, promis, j’en referais plus
des comme celle-là. Parce que « Le Trou » n’est pas exactement le
genre de film pour fans de Bigard… « Le Trou » est plus austère
qu’exubérant, mais aussi beaucoup plus euh… profond qu’un simple visionnage en
travers laisserait supposer.
Le premier, patriarche d’une
lignée qui fera carrière dans le septième art (son fils, Jean, également
réalisateur, mais aussi sa fille et son gendre, l’accompagnent ou l’assistent
sur ce film) n’a quand il débute le tournage, plus rien à prouver. Trois films
à gros succès derrière lui (« Goupi Mains-Rouges », « Touchez
pas au grisbi » et le navrant « Ali Baba et les quarante
voleurs »), un qui a fait un bide public mais qui sera plus tard reconnu
comme un des classiques du cinéma français (« Casque d’or »).
« Le Trou » sera son testament cinématographique. Becker est malade,
se sait condamné, achèvera tout juste le montage, mais sera mort lorsque le
film sortira en salle. Sans qu’on puisse pour autant parler de film
crépusculaire …
Le second, José Giovanni, est
un petit mafieux, qui entre coups tordus, séjours en cabane et cavales plus ou
moins réussies, décide de se ranger et écrit un bouquin très largement
autobiographique. L’adaptation de Becker sera assez fidèle. Dès lors, Giovanni
va entamer une carrière à succès sous le double signe de l’écriture de polars
et de la réalisation de polars.
Becker et Giovanni collaborent
étroitement à l’écriture du scénario. Point de départ, « Le Trou »,
le bouquin, est une histoire d’hommes, de vrais, de types à la redresse. Le
film sera tourné avec des hommes, des vrais, des types à la redresse, pas des
acteurs … ou du moins pas tous. Seuls deux « vrais » acteurs ont des
rôles majeurs, le très oublié André Bervil (le directeur de la prison) et le
jeune premier à tronche de Gérard Philippe (le Brad Pitt de l’époque) Marc
Michel, qui disparaîtra plus ou moins de la circulation après avoir été le
héros des « Parapluies de Cherbourg ». Un mot sur Michel. Becker a
voulu un pro pour le rôle, qui est celui d’un Judas de pénitencier. Michel est
pour moi celui du casting qui s’en sort le plus mal, s’entêtant dans des
postures détachées et cette diction lente et prétentieuse caractéristique de la
Nouvelle Vague. A tel point que Michel Constantin, pas exactement le De Niro de
sa génération, qui a enchaîné par la suite avec une constance de métronome
mauvaises prestations dans de mauvais films, est beaucoup plus convaincant en
dur désabusé et sentimental (il choisit de ne pas s’évader pour ne pas faire de
peine à sa mère). Celui qui crève l’écran, c’est Jean Kéraudy (Roland dans le
film) qui joue le rôle de Giovanni, et qui a un sacré background dans les
prisons (de multiples incarcérations, dix tentatives d’évasion, dont six
réussies), tête pensante et véritable McGyver de la cavale …
Le Club des Cinq en prison ... |
L’intrigue du « Trou »
est on ne peut plus simple : quatre types en attente de jugement (et même
s’ils se montrent peu loquaces, certainement pas pour des bricoles) se voient
adjoindre dans leur cellule un jeunot embastillé après une dispute amoureuse
qui a fini par une blessure au fusil de chasse. Les quatre ont déjà le projet
de s’évader, ils mettent rapidement le nouveau venu dans le coup, et dès lors, solidairement,
vont chacun accomplir leur part de travail pour s’évader ensemble. En creusant
des trous, d’abord dans le plancher de
leur cellule, ensuite dans les égouts de la prison.
Autrement dit, on est pas dans
les effets spéciaux à la James Cameron. L’essentiel du film nous montre des
types cogner avec des outils de fortune sur des murs de béton. Du « vrai »
béton, même s’il semble beaucoup plus friable (les accessoiristes ont fait de
nombreux essais de dosage pour que le film reste crédible pour les maçons du
dimanche). Par contre, pour le reste, y’a du vrai et du faux. La cellule et la
prison de la Santé ont été reconstituées en studio, les souterrains sont vrais
(ceux du fort d’Ivry, mais pas ceux de la Santé) et le système d’égouts a été lui
aussi reconstitué en studio.
Tout est bien qui finit mal ... |
Mais là où « Le Trou »
dépasse le cadre étriqué du simple film de cavale, c’est qu’entre les coups de
barre à mine « faites maison », les dialogues (pas trop, le genre de
personnages mis en scène est à ranger dans le camp des taiseux), et plus encore
les attitudes et le non-dit dépeignent un monde (le milieu carcéral, ses « arrangements »,
ses codes, ses combines) dans lequel l’instinctif ou à l’inverse, le rapport de
force psychologique comptent plus que le simple rapport de force physique…
La version initiale de Becker
faisait 2 heures 20, soit un quart d’heure de plus que la version exploitée en
salles et la seule connue à ce jour. Sorti dans les premières semaines de 1960,
ce film est parfois rattaché à l’œuvre de la Nouvelle Vague. Même s’il admirait
ces nouveaux réalisateurs (« ils font de bons films sans argent »
disait-il en substance), Becker n’a par son passé que peu à voir avec eux. Un
peu beaucoup à part dans sa filmographie, « Le Trou » est ce qui dans
son œuvre se rapproche le plus de la Nouvelle Vague (même si Becker l’envisage
lui comme une sorte de remake de « La Grande Illusion » en version
dépouillée).
Un contemporain de Becker, Melville,
lui aussi plus ou moins en marge de la Nouvelle Vague, décrètera que « Le
trou » est le plus beau film français …
« Le Trou », c’est de
la balle …
La dernière phrase… T'as pas honte ?:)
RépondreSupprimerOuais, super film. Un classique.
La dernière phrase, mais la première aussi, le sous-titre... ça doit être pour attirer le jeune public.
RépondreSupprimerExtraordinaire film, qui démontre qu'on peut tenir une salle en haleine pendant deux deux, alors qu'il ne se passe rien ! Sur l'acteur, le jeune, et son style Nouvelle Vague, je comprend bien. C'est vrai qu'à cette époque, on en trouvait à chaque coin de rue. Assez agaçant. D'un autre côté, que n'a-t-il pas été dirigé autrement par Becker ?! Constantin : son rôle le plus expressif... C'est dire.
Pfff... vous avez vraiment l'esprit mal placé ...
RépondreSupprimerEscroc.
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