RIDLEY SCOTT - THELMA ET LOUISE (1991)

Un petit tour en Thunderbird décapotable ?

« Thelma et Louise » c’est l’histoire de deux mecs qui partent un weekend à la pêche …
Euh non, on la refait … C’est pas deux mecs, mais ça aurait pu. On a tellement l’habitude de voir des mecs dans ce genre de situation…
Ridley Scott face à Thelma & Louise
Louise (Susan Sarandon) est serveuse dans un diner de l’Arkansas. Elle a un mec cool, Jimmy (Bernie Madsen), un peu gauche, taiseux et fruste, qui sait pas trop comment s’y prendre avec elle, mais qui l’aime. Elle a aussi une copine, Thelma (Geena Davis), grande nunuche mariée à un crétin macho terminal, Darryl (Christopher McDonald). Pour se sortir de son train-train de burgers à la chaîne, Louise propose à Thelma une virée (la pêche est un prétexte), manière de se retrouver entre nanas, de s’éclater un peu en oubliant les deux plus ou moins lourdauds qu’elles doivent se fader au quotidien …
Avec un sujet pareil, tu fais un téléfilm fauché, obligatoirement fauché, de France 3 Limousin. Ou un putain de grand film. Parce que « Thelma et Louise » est un putain de grand film. Bon, y’a Ridley Scott à la caméra, ça aide. Le Ridley Scott de « Alien » et « Blade Runner », icelui même … Qui peut s’appuyer sur une merveille de scénario (Callie Khouri, qui obtiendra le seul Oscar attribué au film, alors que Scott, Davis et Sarandon étaient nommés).

Le génie de Khouri, c’est d’avoir fait d’une histoire a priori de mecs un film féministe. Certains sont allés plus loin, ayant voir dans « Thelma et Louise » une ode à l’homosexualité ( ? ), voire du sexisme à l’envers ( ?? ). Mais « Thelma et Louise » survole tellement de genres …
Un western moderne ? Affirmatif. On y voit, à la limite de l’anachronisme, un cowboy habillé comme il y a cent ans sur son canasson attendant devant un bar, la Thunderbird traverse à un moment un troupeau de vaches, la bagnole emprunte des chemins de travers(e) dans des flots de poussière, le premier bar où les deux nanas ont la mauvaise idée de s’arrêter ressemble à un saloon, la scène avec le camionneur obscène qui pense qu’il se va se taper les deux nanas, c’est filmé comme du Sergio Leone… Et que celui qui me dit que le plan final et l’issue fatale de « Thelma et Louise » ne sont pas calqués sur ceux de « Butch Cassidy et le Kid » se fasse connaître, il gagne un bon de réduction chez Ooooptic 2000 …
Un flic, Pitt & Keitel
Un road movie ? Affirmatif. Au moins la moitié du film se passe dans la Ford Thunderbird verte, qui part de l’Arkansas avant de terminer son périple en Arizona (le Grand Canyon du Colorado), en évitant soigneusement le Texas (on comprend pourquoi vers la fin). Parce que les autres héroïnes du film, non citées au générique, ce sont les highways du Sud des USA, et les paysages grandioses les entourant.
Un drame ? Affirmatif. Parce qu’il y a du sang, des larmes et des morts et que ça commence mal, et que ça pourrait assez bien finir, mais que ça finit (très) mal …
Une comédie ? Affirmatif. Parce Thelma est une gaffeuse candide qui n’en loupe pas une, que son type est une caricature de beauf, parce que les scènes en parallèle dans lesquelles Thelma et Louise font leurs valises nous montrent bien qu’il va y avoir choc de caractères … Parce que le braquage d’une épicerie par Thelma filmée par la vidéosurveillance contient un vocabulaire totalement lunaire pour la circonstance, parce que le braquage du flic par Thelma avec une Louise qui confond radio et autoradio n’engendre pas la tristesse … sans parler du rasta cycliste et la tête de Thelma après sa nuit folle au motel avec Brad Pitt (dans le rôle d’un jeune playboy détrousseur, rôle qui lancera sa carrière).
Et puis (surtout ?), il y a toutes ces scènes dont beaucoup se seraient pas encombrés et qui tirent le film vers le haut. Les personnages sont fouillés, on prend le temps d’expliquer pourquoi Louise, au début la plus calme et posée des deux, flingue un type qui la traite comme une pute, on a un long tête à tête entre Jimmy et Louise au milieu du film qui précise leurs deux personnages, on assiste à la lutte d’influence entre un brave flic qui veut éviter le pire (excellent Harvey Keitel, jusque-là confiné dans des rôles de brute) et les bourrins du FBI qui veulent régler l’affaire au plus vite et de préférence de façon expéditive …

Avec « Thelma et Louise », on en prend plein les mirettes. Parce que Scott sait tenir une caméra, ça on commençait à le savoir, et que sa référence c’est Kubrick, peut-être pas de façon aussi ostentatoire qu’à ses débuts, mais ça continue de se voir, avec ce sens du cadrage millimétré, et ce soin maniaque apporté à la lumière et aux éclairages.
Et s’il ne fallait qu’une raison (ou une preuve) pour montrer qu’on a affaire à un film majeur, il y a dans « Thelma et Louise » la meilleure utilisation jamais faite de « The ballad of Lucy Jordan » de Marianne Faithfull dans une B.O., et Dieu sait cette chanson a été utilisée dans le cinéma. Là, raccord avec un trajet nocturne (comme d’hab lorsqu’on s’en sert), mais avec les paroles totalement en phase avec la situation de Thelma et Louise (en gros la crise mélancolique de la quarantaine). Sans pour autant zapper le reste de la partition musicale (Hans Zimmer, pas exactement n’importe qui), avec un autre raccord parfait (le rasta cycliste, complètement envapé avec son joint XXL qui écoute – évidemment – le « I can see clearly now » de Johnny Nash) …
Version Blu-ray du 20ème anniversaire superbe, netteté absolue, malgré le commentaire du film par Ridley Scott non sous-titrée.

Du même sur ce blog :
Robin des Bois