EUGENE McGUINNESS - THE INVITATION TO THE VOYAGE (2012)


Careful with that axe, Eugene ...

En plus d’un nom houblonné, il a un prénom vieillot qui fleure bon les écrivains des siècles passés, et un titre de disque très baudelairien. Si l’on ajoute que le garçon est pote avec Alex Turner des Arctic Monkeys et surtout Miles Kane dont il fut le guitariste du groupe de scène, on situe vite le personnage. Un revivaliste, pour faire simple.
Même si McGuinness ne fait pas les choses simplement. Là où la plupart s’arrêtent aux influences 60’s et 70’s, lui englobe également toutes les décennies suivantes. Ce qui donne au disque ce curieux son, où se superposent les « vieux » instruments, renforcés par toutes les machines rythmiques plus récentes. Avec une prédisposition certaine pour des sons de synthés très années 80 (Depeche Mode, Eurythmics, New Order, ce genre …). Le genre d’accouplement un peu contre nature, susceptible d’aboutir à un cassage de gueule carabiné.
Ce qui arrive quelques fois à ce brave Eugene, notamment sur les deux derniers titres hyper-craignos, l’un (« Joshua ») renvoyant à tous les François hexagonaux de sinistre mémoire (Feldman, Frédéric, Valéry, Bayrou, …), et l’autre (« Japanese cars ») à l’europop bas de gamme des années 80, genre les triomphateurs du Top 50 de Marc Toesca, salut les p’tits clous et toute cette sorte de choses …
Quant au reste, faut voir … ce minot semble doué pour l’écriture, composant des choses assez facilement mémorisables, à mon sens desservies par une voix de tête très trafiquée qui risque d’en rebuter un certain nombre. Au débit également de McGuinnes, des gimmicks un peu trop téléphonés, plus proches de la copie sans vergogne que de la création ou la re-création. On saurait pas que 2012 marque le quarantième anniversaire de la parution de « Ziggy Stardust », des titres comme « Concrete moon » ou « Invitation to the voyage » seraient là pour nous le rappeler, tant ils empestent le glam du début des 70’s (ce qui n’est pas un reproche, hein, mais ça vaut pas du T.Rex ou du Bowie millésimés). Procédant de la même démarche, le pompage à la note près du « Pete Gunn Theme » pour en faire la base de « Shotgun » relève à mon sens plus du foutage de gueule – escroquerie que de la création … Un peu plus subtile est la trame de « Videogame », mais faire une chanson qui fait immédiatement penser à U2 et Simple Minds circa 87-88, est-ce aujourd’hui une bonne idée ?
C’est finalement sur la poignée de titres sur lesquels McGuinness donne vraiment l’impression de se lâcher que sa sauce prend le mieux. Sur l’introductif « Harlequinade », titre qui résume le mieux son assez déstabilisant patchwork sonore, sur l’amusant « Lion » (twang guitar à la Shadows, ambiance d’instrumentaux surf-music, pour finalement virer rockabilly électronique). Et surtout sur les deux sommets du disque « Sugarplum », grand titre sur lequel il n’y a rien à dire, pour moi très au-dessus de la mêlée, et « Thunderbolt » qui n’est pas sans évoquer les meilleurs morceaux du Roxy Music des débuts, et ça aussi, chapeau, y’en a pas beaucoup qui ont osé se frotter à l’originalité  débridée de la bande à Ferry et Eno …
Ce « Invitation … » est le second disque de McGuinness. S’il passe pas bientôt à des choses plus « sérieuses » et plus « conséquentes », il risque tout de même de lasser assez vite son monde, le brave Eugene …