Du grand bruit ... pour pas grand-chose ?
Difficile de s’imaginer en écoutant cette compile
foireuse que Grand Funk (initialement Grand Funk Railroad) fut un groupe qui
mettait l’Amérique du début des 70’s à genoux à coups d’incessantes tournées
triomphales. Difficile de croire, et c’est pourtant vrai, qu’en 1970, ils
furent ceux qui vendirent le plus de disques, plus par exemple que la
formidable machine à singles qu’était Creedence Clearwater Revival.
Grand Funk, c’est le groupe quelconque de tous les excès.
Il me semble qu’ils furent un jour désignés par le Guiness Book comme le groupe
le plus bruyant de tous les temps, avant que d’autres fassent mieux, ou tout au
moins plus fort. Dans un monde où le rock de plus en plus heavy convertissait
chaque jour des cohortes de nouveaux adeptes, Grand Funk a poussé le volume des
amplis à onze, devenant à lui seul le Spinal Tap band originel.
Une carrière commencée sous les auspices des Marshall
bourdonnants, dans le sillage de Blue Cheer, Vanilla Fudge et autres Iron
Butterfly. Et là où tous les ancêtres du métal hurlant se sont cramés dans la
drogue et son corollaire (les interminables jams bluesy auto-complaisantes),
les Grand Funk, certes d’une hygiène de vie qui sans être irréprochable était
moins destroy, sont devenus une redoutable machine à enquiller des morceaux de
trois minutes avec un « gros son ». Méprisés par tous ceux qui
voulaient d’un rock « engagé » ou du moins signifiant, ils ont rempli
toutes les arènes du Midwest, en agitant tous les plus gros colifichets d’un
patriotisme assez rance mais populairement (très) porteur.
Face aux Anglais, qu’ils soient maquillés glam (T.Rex,
Bowie, Roxy), ou oeuvrant dans un registre beaucoup plus heavy (Led Zep, qui
tournait triomphalement et sans relâche aux States), les Grand Funk se sont
posés en héros, le groupe de « vrais américains » qui font du
rock. Pas un hasard si leur titre le plus connu est « (We’re an) American
band »), scandaleusement absent de cette compile, tout comme leur bonne
reprise du « Locomotion » de Little Eva.
Parce que justement, cette compile, elle est très moche.
Parue en 1992, à l’heure où le Cd commençait à dépasser le vinyle en termes de
ventes, elle est dotée d’un son catastrophique, d’un visuel comment dire …
ignoble (insistant sur le fait qu’il y a sur cette curieuse galette aux reflets
d’argent 2 fois plus, oui vous avez bien lu, Mesdames et messieurs, 2 fois plus
de musique que sur un 33T) ; elle est dotée également de pas de livret, et
oublie des titres essentiels, tout en alignant les autres dans un joyeux bordel
non chronologique.
Bon, il faut quand même reconnaître que dans le lot il y
a des choses très écoutables. Même si Grand Funk, c’est pas l’imagination au
pouvoir, c’est tout juste plus imaginatif que Canned Heat ou Status Quo (oui,
je sais, je place pas la barre très haut), et le groupe (au départ un trio basique, maintenant ils sont cinq ou six) a pu
s’appuyer un temps sur le gros boulot du
guitariste-claviers-chanteur-compositeur Mark Farner, capable de trousser
quelques hymnes de heavy boogie bien foutus (« Upsetter », « High
on a horse », « Are you ready »). Pas toujours très nuancés, les
gaillards, quand ils mettent au bout de quelques disques des claviers
(« Footstompin’ music »), ils en tartinent carrément leurs titres. Et
puis, quand l’inspiration manque, reste toujours les reprises (des Anglais),
avec des résultats variables (« Feelin’ alright », déjà entendu chez
Traffic et Joe Cocker, ne vaut pas tripette chez Grand Funk) … Ces lourdauds se
sont même aventurés dans une version « bizarre » de « Gimme shelter »,
un des « intouchables » des Stones, et ça sonne comme si Steppenwolf
reprenait du gospel. C’est assez déstabilisant, pour le moins curieux et
étrange, sans être pour autant à fuir. Le meilleur titre de ce skeud restant
quand même la ballade seventies qui s’énerve, et dans ce genre moultes fois
célébré, c’est « Mean mistreater » qui s’y colle et ça le fait bien …
très bien même.
Le succès énorme de Grand Funk aux Etats-Unis, alors que
le groupe était pratiquement inconnu ailleurs a perduré toute la première
moitié des seventies, passant de la rusticité sauvage des débuts à une sorte de
power rock technique et bruyant, défrichant le terrain pour toutes ces horreurs
qui ont vendu par la suite des camions de disques dans le Midwest, tous ces
Rush, Nazareth, Kansas, …
Le départ de Farner que l’on croyait l’âme de Grand Funk,
ne sera finalement qu’un épisode dans la carrière de ce groupe, qui tourne
encore épisodiquement aujourd’hui, seulement la batteur original Don Brewer
faisant partie (et encore pas toujours il me semble) du trio originel …