LEO McCAREY - ELLE ET LUI (1957)

 

Remix ...

Leo McCarey est connu surtout pour ses comédies, dont quelques unes de premier plan, « La soupe au canard » avec les Marx Brothers (un de leurs meilleurs), et « Cette sacrée vérité » (déjà avec Cary Grant). Mais le bon Leo (enfin, le type est pas parfait, anticommuniste radical et fervent supporter du maccarthysme) a tendance à trop tourner, à visiter d’autres genres que la comédie, avec des fortunes diverses (quatre Oscars tout de même, dont trois pour l’oublié et oubliable « La route semée d’étoiles »). De plus, compositeur raté (c’était sa vocation initiale), il inclut souvent des scènes chantées dans ses films …

Leo McCarey

Mais là, au milieu des années cinquante, c’est un peu le trou noir pour McCarey. Cinq ans sans un film. Les aléas

de la vie (il est depuis longtemps en fauteuil roulant suite à un grave accident de voiture), et surtout il n’a plus confiance en lui (il est lucide et sait qu’il a tourné quelques furieux navets). Il va pas trop se fouler pour faire son nouveau film, il va tourner une nouvelle version d’un de ses anciens films de 1939, qu’il estimait raté, « Elle et lui » (pas vu, mais je veux bien croire que c’était pas un chef-d’œuvre, si McCarey lui-même le dit).

Ce nouveau « Elle et lui » (« An affair to remember » en V.O.) se divise en deux parties distinctes. Moitié comédie (romantique) au début, et mélodrame ensuite. Le début est très réussi, la suite beaucoup moins, et la scène la plus poussive est la dernière, ce qui n’est jamais idéal … 

Elle et Lui

« Elle et lui », c’est l’histoire de deux célibataires sur la même croisière dont la destination est New York, où leurs futures moitiés les attendent. Lui, c’est la star de la croisière. Les premières scènes nous montrent des journalistes radio ou télé annoncer le futur mariage de Nick Ferrante, playboy de renommée mondiale avec une très riche héritière américaine. Elle, c’est Terry McKay, chanteuse de cabaret, qui doit épouser un riche industriel newyorkais. Evidemment, ils vont se rencontrer sur le bateau, lui va forcément la draguer, elle va résister tant bien que mal, avant de lui céder. Ils se donnent six mois pour éventuellement expédier leurs fiancés respectifs, et si c’est le cas, se retrouver à une date et une heure bien précises au dernier étage de l’Empire State Building (celui de King Kong). Il y sera, attendant bien après l’heure prévue jusqu’au dernier ascenseur, mais elle ne viendra pas (on sait pourquoi, même si ça se passe hors champ).

Un petit champagne rosé ?

Dès lors, on va les suivre, lui obligé de travailler dans la peinture (sur toile ou en bâtiment), répondant là à sa vocation enfantine, elle donnant des cours de chant pour des gosses dans une paroisse. Tous les deux ne sont pas mariés avec leurs fiancés respectifs, ne se sont pas revus. Ils ne se retrouveront qu’à la dernière scène …

Lui, c’est Cary Grant. L’immense Cary Grant. Capable de tout jouer à la perfection, mais jamais aussi excellent que dans la comédie. Un jeu très british (il est anglais de naissance avant de s’être fait naturaliser américain vers la quarantaine), très économe de gestes, tout passe par un plissement de front, de sourcils, une esquisse de sourire, un regard, un petit mouvement de tête, …).

Elle, c’est aussi une citoyenne britannique, Deborah Kerr, grande actrice à la filmographie longue comme un jour sans pain, avec une bonne dizaine de grands films à son actif. Généralement pas dans le registre comique. Dans « Elle et lui », elle fait ce qu’elle peut, mais est quelque peu écrasée dans ce domaine par Cary Grant. Elle rétablit l’équilibre dans la seconde partie, malheureusement pas très captivante …

McCarey, pour ce que j’en ai vu, ne transcende rien. C’est juste un technicien sans imagination, qui pose une caméra et met ses acteurs devant. Même s’il arrive quand même à trouver un angle intéressant pour magnifier le superbe paysage en contre-bas à Villefranche-sur-Mer, lors d’une escale de la croisière et d’une visite de Ferrante et McKay chez la grand-mère de Ferrante, lors de la seule pause émotion d’une première partie très alerte … Par contre, la manie de McCarey des parties chantées est ici loin d’être une bonne idée. Cary Grant n’a que quelques vers, et on le sent très mal à l’aise, Deborah Kerr s’en sort mieux bien qu’étant doublée. On a droit à un chant par une chorale de gosses plutôt longuet et pathétique et qui finit par mettre mal à l’aise quand les deux seuls gosses Blacks de la chorale se livrent à quelques pas d’une danse censée être africaine mais qui fait évoque lourdement les piteuses « revues nègres » …

Scène finale

Le film est porté tout entier par Grant et Kerr, les seconds rôles sont tout juste des figurants améliorés, seule une autre anglaise, Catleen Nesbitt, dans le rôle de la grand-mère de Grant (pourquoi la grand-mère, elle n’a dans la vraie vie que seize ans de plus que lui, et on ne parle jamais des parents de Ferrante), a droit à une paire de jolies scènes. On a parfois comparé « Elle et lui » aux meilleurs films de Douglas Sirk (manque quand même les scènes épiques tire-larmes), voire à « Love Story » (??) … Bah non, « Elle et lui » est le cul entre deux chaises entre comédie et mélo, et finalement « n’imprime » pas vraiment.

McCarey a tourné pour les grands studios (longtemps sous contrat avec la Columbia, celui-ci est chez la Fox) et fait partie de ces réalisateurs aujourd’hui oubliés, une bonne partie de son œuvre n’a jamais été rééditée sur support physique. Et quand c’est fait, c’est un travail bâclé. La version Dvd du film que j’ai (pourtant de la Fox) parue en 2001 a une qualité d’image pire qu’une VHS, on passe pendant la lecture d’une version française à des scènes en V.O. sous-titrées … c’est pas avec des supports comme ça qu'on va le réhabiliter le Leo …



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