Ouais, j’suis mal barré là … alors qu’il y a des
milliards de disques que je pourrais dégommer sans avoir à me forcer, à la
jouer désabusé, cynique, tout ça … Voilà que je me retrouve avec un Cd dont
j’ai pas envie de dire du mal. Ni du bien, c’est là tout le problème.
Parce que les Dogs, même si ça compte triple, comme au
Scrabble, quand on arrive à glisser leur nom en société, j’essaie d’en dire du
bien autant que faire se peut. Sur la foi d’un de ces croisés-crucifiés du rock
Dominique Laboubée, qui était leur âme et qui est parti pas vieux la faute à
une saloperie qui l’a bouffé à vitesse grand V. Les Dogs, c’était lui et ses
disciples, recrutés au fil des rencontres parmi les plus fines lames rockant et
rollant de Rouen d’abord et puis de tout ce pays. Les Dogs, c’étaient des
puristes du binaire, les types au goût sûr et à la culture musicale millésimée.
Ils ont réussi à se faire une place et à survivre au milieu des punks (ce qui
était loin d’être gagné, surtout en Giscardie) et à même attirer l’attention
d’une major (Epic, avec toute l’artillerie de la CBS derrière). Les Dogs ont
même sorti deux disques parfaits (« Too much class for the neighbhoorood »
et « Legendary lovers ») au début des mornes 80’s. Qui parce qu’ils étaient
remplies à la gueule de rocks classieux et sans concessions, qui plus est en
anglais, n’ont pas du tout marché dans le pays dévoué à Téléphone et Trust, en
attendant Rita Mitsouko. Le rock, ici, c’est en français ou aux oubliettes.
Grosse connerie et vaste débat, on va pas épiloguer là-dessus.
« Three is a crowd », c’est les Dogs des
nineties. Toujours aussi anachroniques (on les a jamais vus en pantacourt
balancer des riffs grungy et fuzzy). Toujours obsédés par une musique qu’à
juste titre ils trouvaient meilleure que d’autres. Celle des Beatles, des
Stones (qu’ils citent dans « Today sounds like yesterday »). Aussi la
soul, le rhythm’n’blues, le rock garage, en gros tout ce que les sixties
avaient de meilleur. Revivalistes un jour, revivalistes toujours … Sauf que là,
exit les majors, faut faire avec les moyens du bord. Et se raccrocher à l’ami
Zermati et à son label Skydog, ambulance de tant de rockers français en mal de
reconnaissance. Zermati, c’est pas la CBS. Finis les « objectifs »,
retour au « do it yourself ». Les parutions discographiques des Dogs
se sont espacées et quand on peut sortir une galette, faut pas passer trois
mois en studio pour régler la caisse claire.
Malgré tout, « Three is a crowd » n’est pas un
disque au rabais, un vague cataplasme sonore anémique. C’est là tout le
problème pour moi. Les Dogs se sont fait produire par Colin Fairley (pas
n’importe qui, longtemps aux côtés de Costello, Nick Lowe, les Dexys Midnight
Runners et quantité d’autres). Et volontairement ou pas, l’Anglais leur a collé
ce qu’on appelle un « gros son ». Une armure sur de la dentelle,
parce que les compos, elles sont loin d’être mauvaises.
Laboubée entouré par Rosset & Lefaivre : Dogs 1993 |
Mais dès le début du premier titre (« The price of
my sins »), on est quelque peu dérouté par une intro hard-indus, un mid tempo
lourd de chez lourd, un écho démesuré (et malvenu) dans la voix de Laboubée.
C’est cette fragilité naïve qui faisait tout le charme des Dogs (ou dans un
autre registre, des Modern Lovers par exemple). Ils nous sortent pas la Panzer
Division sonore, mais bon, ces gros artifices clinquants, pour moi, ils leur
vont pas. Little Bob aussi (« Ringolevio ») avait quelques années
plus tôt malencontreusement durci le ton. Foutue recherche du tape à l’oreille
qui a fait tant de ravages dans les discos de types qui n’en demandaient pas
autant (hein, Springsteen et Petty, vous voyez de quoi je parle ?).
Dominique et les Dogs savent écrire des chansons, c’est un
truc qui s’oublie pas une fois qu’on est tombé dedans. Et celles de
« Three is a crowd » sont loin d’être mauvaises (« Back from
nowhere » énergique et mémorisable, « Super friend » frais et
mélodique même si ça parle de rupture sentimentale, « Today sounds
yesterday » on dirait par moments les Who des débuts, « Never been in
love » mid tempo avec harmonica bluesy). L’ambiance est à la nostalgie,
souvent (« Back from nowhere », « Super friend », « 19
again »), développant la thématique du « c’était mieux avant ».
Les hommages sont bien là (« Skydogs » court instrumental pour l’ami
Zermati, « Noise therapy » très Ramones (rien que le titre !).
On a droit à deux reprises, l’obscure « Three is a crowd » qui donne
son titre à l’album et dont j’ai pas réussi à trouver la version originale
(non, c’est pas le morceau éponyme d’Otis Clay), et la beaucoup moins obscure
« I wanna be your dog » des Stooges, plutôt convenue (le
« Johnny Be Good » de la génération garage sixties énervée) et qui
n’apporte rien à l’originale ni aux Dogs d’ailleurs.
A signaler aussi pour achever de faire à peu près le tour
du proprio une ballade mid tempo (« The end of the gang »).
Musicalement et dans les paroles (niveau quinze jours d’anglais au lycée) on
est dans la nostalgie (des genres musicaux, des gonzesses, ces vilaines, qui se
cassent). La voix de Dominique est souvent bidouillée et un peu trop chargée
d’écho à mon goût, mais faut l’extirper des multiples parties de guitare bon,
c’est pas Otis Redding au micro, on savait depuis longtemps. Zermati met la
main à la pâte (piano martelé au fond du mix sur « I wanna be your
dog »), et Philippe Almosnino (Wampas et Johnny Hallyday band entre
multitude d’autres) vient placer quelques parties de guitare sur deux titres.
« Three is a crowd » n’est pas le disque par
lequel il faut débuter les Dogs. Pas leur meilleur, c’est sûr. Mais s’il
sortait dans ce pays que des disques de ce niveau, le rock made in France
serait moins comparé au vin anglais …
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