Y’a des fois faut remettre les
pendules à leur place et les choses à l’heure. Flashback donc …
1983. Les débuts de MTV et des
« émissions » de clips. Y’en a un qui tourne en boucle en Angleterre et
par extension en Europe. « Sweet
dreams (are made of this) » qu’il s’appelle. On y voit au milieu
d’allusions à deux balles à Kubrick, le Floyd et les Beatles, un type à
lunettes noires coiffé comme un caniche pianoter un ordi d’époque et une
rouquine androgyne fixer façon dominatrice glaciale la caméra. La chanson,
portée par une mélodie tellement évidente que beaucoup ont regretté de ne pas
l’avoir trouvée, fera un hit colossal, de ceux qui traversent les décennies. Le
binoclard, c’est Dave Stewart. La meuf à poil ras, Annie Lennox. Anglais,
ancien couple à la ville, ayant formé leur premier groupe à l’époque du punk,
The Tourists, ça s’appelait. Coupables d’une reprise ratée de la scie « I
only want to be with you », popularisée en son temps par Dusty
Springfield. Parenthèse : allez voir cette dernière vidéo et comparez
l’évolution de la Lennox, tant du point de vue vocal que de l’attitude (Stewart
n’est pas encore dans le groupe). A cause de la troublante et équivoque Annie,
Eurythmics intrigue, se détache d’un lot de poseurs et de figurines de mode qui
encombraient le paysage musical. « Sweet dreams » le titre était
quelque peu perdu au milieu d’un album du même nom sans grand intérêt. Ce qui faisait
penser que ces deux zozos avaient tout dit avec un titre, et qu’on n’en
entendrait plus parler.
1983 toujours. Dix mois après
« Sweet dreams » paraît déjà son successeur. « Touch ». RCA
qui distribue le duo veut enfoncer le clou, capitaliser sur le phénomène.
Soyons clair, les Eurythmics se font fait bouffer par la machine.
« Touch », même s’il est meilleur que « Sweet dreams »,
c’est quand même un torchon sonore pas très net. D’abord, c’est Lennox qui est
mise en avant. Photo de pochette genre dominatrice de partouze,
« on » lui confectionne sur mesure un look hautain, glacial et
distant pour en faire une sorte de Greta Garbo new wave. Soit. En faisant
disparaître Dave Stewart, qui, l’histoire le montrera, est bien plus que la
moitié d’Eurythmics. Le son de « Touch », qui se voulait à la pointe
lors de sa parution, est atroce aujourd’hui. Farci de ces premiers synthés
cheap, de ces batteries électroniques monolithiques, de ces infâmes basses
slappées mises en avant (c’est un type dont par charité on taira le nom qui en
joue, seul élément extérieur greffé au duo), noyant sous leur raffut cordes
(plus ou moins vraies) et cuivres (faux). Avec tous les clichés et maniérismes
inhérents à l’époque. Un disque bien de sa triste époque quoi.
Faut faire du travail
d’archéologue, gratter sous le vernis pour trouver des choses intéressantes. Un
don certain (Stewart, puisque c’est lui qui signe toutes les musiques) pour la
mélodie qui sauve quelques titres, que RCA n’a pas oublié de mettre en avant. « Here
comes the rain again » cold wave à donf), « Right by your side »
(improbable salsa-calypso électronique qui fonctionne) et « Who’s that girl » (soul
rigide et martiale sauvée par le chant de Lennox) essaieront de se frayer un
chemin vers le haut des charts, sans toutefois égaler le parcours de
« Sweet dreams ». Comme par hasard les trois titres les plus
« sobres » dans le contexte. Et puis la Lennox, derrière ses atours
fashion, se livre à un gros boulot sur les voix, les doublant, rajoutant les
chœurs. Derrière le morne cliquetis des synthés, transparaissent d’évidents
clins d’œil au gospel, à la soul, au rhythm’n’blues. Ce que pas grand-monde avait
relevé à l’époque, les Eurythmics semblant se diriger à grande vitesse direct vers
les poubelles de la variété neuneu.
La suite serait totalement imprévisible.
Deux ans plus tard, Stewart reprendra tout en main, le duo signera un des meilleurs
disques (« Be yourself tonight ») de rhythm’n’blues de la décennie (non,
je déconne pas), épaulé par un gang de super requins de studio, avec des participations
plus que remarquées d’Aretha Franklin, Stevie Wonder (certes pas au mieux de leur
carrière) et Elvis Costello (celui-ci à cette époque là très tatillon sur ses collaborations).
Mieux encore, Dave Stewart, catalogué au départ archétype du joueur de synthés anglais,
allait être courtisé comme producteur par les figures de proue du classic-rock ricain,
Tom Petty en tête …
« Sweet dreams » are vraiment made of
this …