10 Avril 1970. Les fans attendent le prochain disque
des Beatles en espérant que toutes ces rumeurs de climat délétère à l’intérieur
du groupe ne soient justement que des rumeurs, et que le plus grand groupe pop du
siècle va revenir avec une tuerie sous forme de 33T pour encore une fois mettre
tout le monde d’accord. Il arrivera ce fameux disque (« Let it be »),
mais sous forme de testament. Car ce 10 Avril, un communiqué lapidaire envoyé à
la presse annonce que Paul McCartney quitte les Beatles. Lennon était déjà
parti mais sans l’ébruiter, Harrison n’est plus vraiment là de toute façon, et
Ringo … Ringo, comme d’hab, personne lui a demandé son avis, de toute manière
il était au bar... Ce communiqué de Macca précise également qu’une semaine plus
tard, paraîtra son premier disque solo.
Paul & Linda McCartney 1970 |
Un disque sans titre, une moche pochette
énigmatique, 13 titres écrits, joués, chantés, arrangés et produits par le seul
Paulo. Pour le timing, on est dans les normes « Abbey Road » (au
moins aux deux tiers l’œuvre de Paul, dont la plus grande partie de la seconde
face, avec ses courtes vignettes musicales), les treize titres dépassent un peu
la demi-heure, c’est du succinct …
Et ça commence mal, 43 secondes d’aubade à sa Linda
de femme. Ah, les femmes des Beatles, qu’on a accusé de tous les maux (le plus
souvent à juste titre) et qui n’ont pas été pour rien dans la … euh, débandade
du groupe. On l’entend d’ailleurs un peu (et c’est déjà trop) la Linda pousser
quelques vagissements (les fans appellent ça des chœurs, les fans sont très
tolérants) sur une paire de titres … bâillements…
McCartney qui joue de tout (guitare, basse,
batterie, piano et claviers), ça se remarque. Il a beau être doué le Paulo, on
se rend vite compte qu’il a certaines limites vite atteintes, et l’ensemble
sonne assez souvent simplet (ces solos de guitare où on a le temps d’aller
boire un café entre deux notes, à l’époque d’un Alvin Lee triomphant, ça fait
désordre …). Techniquement, ce disque est au niveau d’une maquette, y’a des
bribes de morceaux, d’idées, et même trois instrumentaux dont l’intérêt est,
pour rester poli, limité …
Les vacances de Monsieur Paulo |
Le reste, oh, ça dépayse pas vraiment. Cette voix
tellement entendue tout du long de la décennie est toujours là, de même que les
titres « sucrés », ces ballades la larme à l’œil dont n’ont pas fini
de se gausser ses détracteurs. Mais c’est une partie du personnage, toute en
douceur sonore et caresse musicale, et ici ce sont des morceaux comme
« Junk », « Every night », « Man we was lonely »,
« Teddy boy ». Et si tout le monde ( ? ) ne connaissait pas les
224 titres des Beatles, certains de cet album solo pourraient sembler sortis de
la discographie des Fab Four, parce que ce premier disque n’a rien de
révolutionnaire, tout se situe en terrain connu. Tout au plus peut-on remarquer
que Macca se laisse aller à taper quelques blues-rock, exercice auparavant le
plus souvent dévolu à Lennon.
Tiens, Lennon, justement, il est gentiment taquiné
dans un de ces blues-rock (« Oo you »). Mais voilà, même
(surtout ?) si on s’appelle McCartney, c’est pas le moment d’égratigner la
Statue du Commandeur. Le binoclard va très mal prendre ce titre et répondre
méchamment sur son « Imagine » l’année suivante (« How do you
sleep ? »). Il y a des gens qui ont l’ego susceptible, même s’ils se
prétendent les plus cools de la Terre …
Ce « McCartney » n’est pas bon, bâclé et
approximatif, à mille lieues des fulgurances à tous les niveaux de Beatle Paul.
Mais même à la ramasse, le Paulo est capable de se fendre d’une ballade soul
(pour Linda, of course), assez proche de ce que faisait Winwood avec Traffic,
ça s’appelle « Maybe I’m amazed », ça va très logiquement cartonner
dans les charts, et ça dépasse de la tête et des épaules tout le reste du
disque.
Un disque malgré tout en équilibre instable au bord
de la poubelle, très nettement inférieur aux livraisons des
« rivaux » George (« All things must pass ») et John
(« Plastic Ono Band »). Et Ringo me demande t-on ? Euh … il
était au bar …
Du même sur ce blog :
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