D’entrée la question essentielle, fondamentale, cruciale,
la Mère des questions : qu’en serait-il advenu de ce disque si Norah Jones
avait été le sosie d’Arlette Chabot ? Et venez pas me dire que c’est un
argument déloyal, qu’elle l’a pas joué string en avant comme la première Lady
Fada venue … parce que moi, des trucs aussi BCBG que Norah, je trouve ça
suspect. Ça pue l’arnaque, tout ce bazar, le plan marketing genre Alanus
Mauricette ou Lana de La Raie, la beauté centriste qui se pointe avec ses
rengaines molles de l’entrecuisse et qui vend des camions de disques à tous
ceux qui n’en achètent qu’un par an …
Va falloir agrandir la cheminée, Norah ... |
Y’a tout pour donner envie aux lectrices du Figaro Madame
d’investir dans le Cd. Une fille de (en l’occurrence Ravi Shankar, curiosité
exotique et dispensable du festival de Woodstock), délaissée par papa, signée
par un prestigieux label de jazz (Blue Note), pour un disque produit par une
grabataire légende (Arif Mardin) de la musique soul des sixties … Pour un
résultat donnant lieu à des comparaisons aussi déplacées que malhonnêtes avec
les figures tutélaires du jazz vocal féminin (les bios de Billie Holiday ou
Nina Simone, c’est du Zola trash à côté des petits bobos de l’existence de la
Norah) …
Tiens, et à propos de bobos, ce doit être la musique
qu’ils aiment passer. Mais pas écouter. On ne peut pas écouter, y’a rien à
écouter. Un murmure jazzy de vernissage dans un bar branchouille, des chansons
infiniment lisses, sans aspérités. Je veux dire, faut quand même forcer pour
arriver à faire de « Cold cold heart », l’assez sombre classique
country de Hank Williams, cette purge murmurée que la Jones nous livre sur
« Come away with me ». Elle chante bien, la Jones ? Oui, certes,
elle chante juste. D’une façon encore plus glaciale que Sade dans les 80’s, la
Nigériane s’appuyant elle sur des chansons quand même plus sexy. Il n’y a qu’un
seul titre (« Turn me on ») sur lequel Norah Jones donne l’impression
d’exister, de vibrer pour ce qu’elle chante. Le reste n’est qu’un mignon
exercice de style.
Ça assure musicalement ? Même pas, et malgré la
présence au générique de colifichets attrape-nigauds (le déjà cité Mardin, ou le virtuose de la guitare jazz Bill Frisell), ça mouline un soft jazz de
piano-bar totalement calibré, formaté, batterie balayée, contrebasse feignasse,
inoffensif et insipide au possible… Quatorze titres sur le même invariable
tempo traînard dans lequel le seul « Feelin’ the same way » fait
figure de sarabande endiablée tellement les autres sont soporifiques…
Vingt millions de copies vendues, dont deux millions en
France … no comment …