ANANDA SHANKAR - ANANDA SHANKAR (1970)

Hindu loves rock ?

Tous les fans de Beatle George Harrison devaient se pâmer devaient cette rondelle. Tous ces amateurs d’effluves de patchouli, admirateurs de Ravi Shankar, avaient de quoi meubler le fond sonore de leurs soirées macramé en ce début des 70’s…

Ananda Shankar est le neveu de la « star » Ravi Shankar, « héros » exotique du festival de Woodstock. Et donc si je suis bien cette saga familiale compliquée, le cousin de Norah Jones. Le Ananda est considéré, à l’égal de son tonton, comme un sitar-hero, réputation acquise durant trois décennies d’enregistrements. Dont ce « Ananda Shankar » fut le premier. Et si ce disque est son plus connu en Occident, c’est parce qu’il contient en version « indienne » des reprises de « Jumpin’ Jack Flash » et de « Light my fire ». Les Stones et les Doors au sitar ? Ben oui, et ces deux titres par Shankar valent bien toutes les reprises faites par des visages pâles. La version de « Light my fire » est exceptionnelle, c’est le meilleur titre du disque, et ça fait pas du tout karaoké à Bombay. La reprise des Stones, avec une ligne de basse très en avant et des chœurs genre « You can’t always get what you want » sur le refrain ressemble à un remix, des années avant que le mot soit utilisé. Comme l’essentiel du disque, ces deux morceaux sont en version instrumentale, et ce sont bien évidemment ceux qui ont fait connaître Shankar.
Et le reste, s’enquiert le lecteur curieux ? Le reste, justement, est assez curieux. Y’a un mot qui existe, généralement employé à tort et à travers, celui de fusion. Je vais faire comme tout le monde et dire que ce disque est un disque de fusion. Entre deux mondes musicaux, celui du rock et celui de la musique traditionnelle indienne, a priori assez éloignés. Et par la participation de quelques zicos américains venus d’horizons assez divers. Jerry Scheff (le bassiste de Presley … et des Doors de « L.A. Woman »), Michael Bott (batteur des soft-rockeux de Bread), Mark Tulin (bassiste des fracassés au LSD Electric Prunes), Drake Levin (guitariste des garagistes Paul Revere & The Raiders), et quelques autres dont je ne sais rien. Plus évidemment des locaux, qui se taillent la part du lion, Shankar en tête.
La musique des titres restant (six) navigue entre le raga méditatif (pléonasme ?) du très long « Sagar (The ocean) », sonorités plus apaisées, plus relaxantes, plus new age en somme, et des tentatives de mix entre musique traditionnelle et variété anglo-saxonne (« Snow flower » et « Mamata » doivent beaucoup aux mélodies psychédéliques, alors que « Dance Indra » est beaucoup plus « roots », et que le seul titre chanté « Raghupati » est assez mauvais, hormis des scansions rythmiques qui font penser à Magma). En fait, à part les deux reprises, le seul autre titre qui trouve vraiment grâce à mes oreilles occidentales c’est « Metamorphosis ». Rythmique très rock, ambiances et instruments locaux, et ça ressemble finalement aux Moody Blues, c’est-à-dire que le funeste prog n’est pas loin, avant un final en tournerie hindouisante.
« Ananda Shankar » est un disque exotique, amusant, intéressant, et qui pourrait ravir tous les fans du technoïde Talvin Singh, fortement influencé (son Cd « OK ») par ces sonorités-là… ce qui à la réflexion doit pas faire grand-monde. Un disque tout de même pas crucial pour des oreilles occidentales. Mais peut-être qu’en s’asseyant en tailleur et en faisant brûler quelques bâtons d’encens …