TAME IMPALA - LONERISM (2012)

Solitude standing ...

Celui-là, Kevin Parker, j’aimerais pas être à sa place … à peu près unanimement qualifié de génie uniquement sur la foi de ce disque (le précédent, « Innerspeaker », était passé à peu près inaperçu), par ceux qui sont payés pour donner leur avis sur des disques …  et qui doivent à chaque fois trouver des superlatifs dès que sort un disque, pour faire vendre du mag musical ou du Cd, alors que la plupart de ces soi-disant surdoués se délitent aussi sûrement à l’usage que du sucre en poudre dans du café bien chaud …
Kevin Parker est un Australien solitaire (d’où ce néologisme qui sert de titre à l’album), sorte d’autiste bohème (il habiterait maintenant à Paris pour des raisons sentimentales, voir la photo de pochette prise dans les jardins du Luxembourg), timide et complexé. Le genre de gars qui aime pas être mis en avant et qui se cache derrière un nom de groupe (Tame Impala, à la géométrie très variable) qui l’accompagne sur scène.
Kevin Parker
Un Kevin Parker qui a du talent, faudrait être sourd pour pas le reconnaître. Mais qui a aussi la chance d’avoir dans sa manche, ou plutôt en studio l’homme de la situation, le sieur Dave Fridmann. Un Fridmann qui a déjà poussé les boutons sur les consoles avec Flaming Lips, Mercury Rev, Weezer et MGMT, soit quatre bandes d’azimutés obnubilés par les chansons qui font « Shebam ! Pow ! Wop ! Wizzz » dans tous les sens. Fridmann, une sorte de gourou de la pop baroque et déjantée, est à mon sens indissociable de la qualité de ce « Lonerism ».
Car quelles que soient l’écriture et les idées de Parker – Tame Impala, toute cette luxuriance et ce foisonnement d’arrangements de Fridmann sont essentiels dans le rendu final. Parce que Parker avait placé la barre très haut. Reprendre les choses là où les cerveaux désintégrés par l’acide de gens comme Brian Wilson, Syd Barrettt, Arthur Lee les avaient laissé il y a quarante cinq ans est un pari osé. Faire du revival au son de tambourin près de  cet univers psychédélique explosé n’est déjà pas simple (les bacs à soldes sont pleins de Cds de gens qui s’y sont essayé, et il s’en lève tous les jours de nouveaux), mais réussir à en faire quelque chose qui ne soit pas daté et qui sonne actuel, contemporain, est encore plus compliqué. Le tout avec trois bouts de ficelle (la plupart des claviers et synthés utilisés datent du temps des dinosaures, certains étant même construits-bricolés par Parker lui-même), et en assurant la quasi-totalité des instruments.
Le résultat surprend, il flotte dans ce disque l’esprit du Floyd de Barrett, des Boys de Brian Wilson, du Love de Lee,  des Beatles de « Magical Mistery Tour », du Harrison mystique de « Here comes the Sun », assaisonné à la sauce Parker-Fridman. C’est bien simple, la dernière galette réussie dans ce genre, c’est pour moi « Around the world in a day ». C’était en 1985, ça ne nous rajeunit pas, et c’était signé Prince, on parle pas là du premier venu.
Tame Impala 2012
Ce disque est un tout, pas un assemblage de morceaux. Il y a une unité, une recherche esthétique et sonore, une sorte de progression comme dans les concept-albums ou les disques faits « sous substances ». « Lonerism » commence par un quasi instrumental en forme de comptine parasitée (« Be above it »), pour se terminer par un brouillage dissonant très krautrock d’un morceau commencé à la George Harrison (rien que le titre, « Sun’s coming up » fait très « Abbey Road »). Entre ces deux jalons, on revisite tous les plus grands, toutes les tendances du psychédélisme 60’s, jusque dans les tridents mythiques du heavy blues-rock (il y a du Cream ou de l’Experience sur « Mind Mieschief »). Très souvent, c’est bluffant, même si quelquefois l’aspect clochettes à tout-va et les traficotages en stéréo garanti imitation vintage peuvent finir par lasser. Il n’y a guère que le morceau choisi comme single (« Elephant »), sorte de boogie-glam à la « Can the can » de Suzi Quatro, qui dénote quelque peu dans ce pavé très psychédélique.
Maintenant, après cette indéniable réussite, Parker va se retrouver confronté à une attente conséquente (de la part du public, et plus difficile encore, de la part de la critique, prompte à brûler ce qu’elle vient d’encenser). Il lui faudra aussi passer par l’épreuve de la scène, avec la gageure de rendre intéressant, « rock », un disque dans lequel les synthés tiennent tout de même une place primordiale, et quand on sait que la vague electro des années 90 s’est dissoute dans son incapacité à assurer on stage quand quelques-uns de ses représentants s’y sont risqués, là aussi c’est pas gagné d’avance …
Et puis, et surtout, tant il apparaît évident que Fridmann joue un rôle essentiel dans ce disque, Tame Impala réussira t-il à renouveler la qualité de ce Cd sans son producteur, ou les deux vont-ils se lancer dans une association à la Marley-Perry, U2-Eno, Sinatra-Riddle, Cash-Rubin, …, pour poursuivre à ce niveau ? C’est tout le challenge proposé à Kevin Parker après ce très bon « Lonerism » …


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