Une verrue ?
En tout cas un des deux disques (avec son successeur
« Satanic majesties … ») les plus controversés de la période
« royale » des Stones (en gros les dix premières années).
Un « Between the buttons » à forcément
replacer dans le contexte de la musique de l’époque et dans celui de la
carrière des Stones. Un groupe qui fonctionne curieusement. Mick Jagger et
Keith Richards en écrivent tous les titres, Brian Jones en est l’âme (et celui
qui avec ses idées d’arrangements jusque là souvent géniaux transcende ces
titres), et Andrew Loog Oldham leur manager chapeaute cette bande de chevelus
et gère toute la partie business et communication de l’affaire.
Sauf que la belle mécanique qui réussi à imposer le
groupe, culminant artistiquement avec le disque « de chansons »
« Aftermath » commence à s’enrayer en cette année 67. Jagger et
Richards voudraient être les leaders de fait, Brian Jones encaisse beaucoup
moins bien que les autres toutes les drogues qui circulent dans le Swingin’
London depuis 1965, et Andrew Loog Oldham commence à montrer ses limites devant
la gestion de la popularité qui devient
gigantesque et mondiale des Stones. Plus quelques histoires de fesse (la
liaison jugée scandaleuse de Jagger et Faithfull, et Keith qui pique Anita
Pallenberg à Brian). « Between the buttons » paraît en début d’année
et tout çà est déjà en filigrane.
Les Stones ont tenu la dragée haute aux Beatles
(« Aftermath » vaut bien « Revolver ») en allant sur leur
terrain (la chanson pop). Oldham décide de poursuivre cette compétition loyale
(la prétendue rivalité entre les deux groupes n’est qu’invention
journalistique, Beatles et Stones s’apprécient, copinent facilement, et évitent
de sortir leurs singles en même temps).
Sauf qu’avec « Between the buttons » les
Stones vont coincer. Et encore faut-il savoir de quel « Between … »
on parle. L’édition anglaise, qui ne contient pas « Let’s spend the night together » et « Ruby Tuesday »
est assez catastrophique, ces deux hits sauvant ce qui peut l’être sur
l’édition américaine, qui est celle à privilégier. Ces deux titres se passent
de commentaire, ce sont deux classiques absolus du groupe archi-célébrés, et
ils figurent dans toutes les compilations décentes des Cailloux.
Parmi le répertoire commun aux deux éditions, il
faut aussi mettre dans la besace de survie des choses comme « Miss Amanda
Jones » (très influencé par Chuck Berry et dont le sujet serait une
allusion-private joke sur Amanda Lear, un temps copine de Brian Jones), et la
très pop « Yesterday’s paper » qui aurait eu sa place sur
« Aftermath ». Le reste est infiniment plus problématique, on sent le
groupe peu concerné. Mention particulière à « Cool, calm &
collected », titre façon jazz New Orleans (?), avec arrangements semble
t-il de sitar (??) et de kazoo (???), un Jagger totalement à côté de la plaque,
pour un résultat qui doit être le pire morceau estampillé Stones des années 60.
On sent les Stones perdus. Au moins « Satanic Majesties … », le
suivant aura une « cohérence », embourbé tout du long dans son
psychédélisme de pacotille. « Between the buttons » est perdu sur
l’océan de sons nouveaux qui apparaissent dans le rock, pagayant un coup vers
Dylan (« Who’s been sleepin’ here » avec harmo et guitare sèche), un
autre vers la soul d’Otis Redding (« My obsession » gâché par une
grossière fuzz hors-propos), se naufrageant sur le son girl group Motown –
Spector (« Connection »). Et même quand les Stones font du Stones
(leur inimitable fouillis rhythm’n’blues des premiers disques), c’est quelque
peu en roue libre, sans grande conviction (« All sold out »,
« Complicated »).
Paru aux premiers jours de 1967, « Between
… » inaugure pour les Stones une période de vaches plutôt maigres
(artistiquement parlant, commercialement ça ira bien pour eux, merci …)
jusqu’en mai 68 et la parution de « Jumpin’ Jack Flash ».
Des mêmes sur ce blog :
Aftermath
Beggars Banquet
It's Only Rock'N'Roll
Blue & Lonesome
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