Puppets on the strings ...
Comme quoi, faut se lâcher des fois … ce disque
bâclé en deux semaines va se révéler être un de ceux dont il était de bon ton
de causer en l’an de grâce 2008. Deux copains se lancent dans une jam plus ou
moins informelle, loin des calculs de rentabilité et des schémas du
show-business musical, torchent un titre par jour en studio, gardent les douze
meilleurs pour le Cd, les autres agrémentant les faces B de singles.
Faut pas rêver non plus, c’est pas exactement un
scénario à la Disney. Ce disque n’a été possible que parce que l’un des deux
lascars est hautement bankable, c’est Alex Turner, leader des Arctic Monkeys,
big thing en terme de ventes dans l’Angleterre des années 2000. L’autre, c’est
Miles Kane, leader des plus obscurs Rascals, dont il ne tardera pas d’ailleurs
à s’émanciper.
Et là, comme des enfants gâtés enfermés dans le
magasin de jouets, les deux potes se laissent aller à des exercices de haute
voltige, récitant dans leurs chansons les gammes de quarante et quelques années
de pop anglaise. Parce que plus anglais que l’ossature de ces chansons, y’a
pas. Mais là où l’affaire prend une tournure curieuse, c’est lorsque les deux
gaillards « embauchent » le très sérieux London Metroplitan
Orchestra, et font arranger les empilages de cordes par un type (Owen Pallett)
venu de la galaxie Arcade Fire. Du coup, rajoutées à une forme de maniérisme
ampoulé très Scott Walker dans le chant, beaucoup de choses sonnent comme les
productions sixties de Lee Hazlewood, songwriter américain certes, mais un des
plus influencés par la musique (surtout classique) européenne.
La boucle est bouclée. Surtout que quand on parle de
Scott Walker, son plus fidèle disciple David Bowie n’est pas loin. Un de ses
vieux titres pré-Space Oddity (c’est dire si ça ne rajeunit personne, et
surtout pas lui) « In the heat of the morning » sera enregistré par
Turner et Kane mais ne sera pas retenu dans le tracklisting du Cd.
Bon, j’ai comme l’impression d’être un peu confus là
… mais ce disque l’est aussi. Il part un peu dans tous les sens, multipliant
clins d’œils et références, comme si Turner et Kane, libérés des contraintes de
leurs groupes respectifs, étaient allés fureter vers des sentiers jusqu’alors
interdits. « The age of understatement », le morceau, est une cavalcade
contry-western, thème d’un film imaginaire. Niveau cinématographique, les
génériques des James Bond sont en filigrane derrière « In my room ».
« Standing next to me », c’est une plongée nostalgique dans les
bluettes pop du Swingin’ London circa 66, « Separate » renvoie aux Smiths
des débuts.
Tout n’est pas parfait, quelques titres font un peu
« léger », « Only the truth », sorte de « Paint it
black » cafardeux et dépouillé, « Meeting place », musique de
plage caraïbe dans lequel les deux lads se la jouent un peu trop facilement
Harry Belafonte, « Calm like you », exercice quelconque à la Scott
Walker.
D’une façon globale, les morceaux avec les cordes
sont très bons, en évitant le piège de la grandiloquence et du pompiérisme dans
lequel tant de Moody Blues et Procol Harum se sont perdus. « The age of
understatement » n’est pas un disque crucial, c’est juste un exercice de
style brillant, la réunion dilettante de deux des auteurs anglais les plus
intéressants de la dernière décennie…