Double peine ?
A trois semaines près (le disque est sorti
mi-novembre, Lennon s’est fait flinguer le 8 décembre), c’était un disque
posthume. Un Lennon qui de toutes façons était déjà depuis longtemps plus ou
moins mort. Depuis « Imagine » (1971) en fait. Une poignée de disques
dont il vaut mieux à peu près tout oublier, un « disque de tribunal »
(« Rock’n’roll »), le Lost weekend, la naissance de Sean, le
claquemurage avec Yoko dans le Dakota Building, et puis, alors que plus
personne n’en avait plus rien à secouer du binoclard, il se pointe avec ce
« Double fantasy ».
Qui dès sa sortie a suscité bien des interrogations
et des grattages de têtes, avant de faire partie du culte macabre du Beatle
trucidé. Tout le monde s’était accordé pour dire que le single sorti durant
l’été « (Just like) Starting over » était un bon morceau. Pas de
problème, plus de trente ans après ça le reste, et c’est un des classiques de
Lennon solo, et ce n’est sûrement pas un hasard s’il ouvre l’album. Mais putain
le reste, c’est quoi ?
Evacuons d’abord ce sur quoi il n’y a rien à dire de
bon, cette fumeuse idée de faire un disque avec Yoko. Et qui plus est, pas le
premier, des horreurs comme « Two virgins » ou « Wedding
album » du début des seventies, auraient dû convaincre Lennon que sa muse devait
être interdite à jamais de foutre les pieds dans un studio. Mais comme le
« frère ennemi » Paulo, qui a fait subir à la Terre entière les
claviers à un doigt et les chœurs « lost in space » de sa Linda de
femme dans les funestes Wings, Lennon a été assourdi par l’amour, voire la
dévotion qu’il portait à sa harpie.
Et ce « Double fantasy » n’est surtout pas
l’occasion de réhabiliter Yoko , sur laquelle on a dit beaucoup de mal, le
plus souvent à juste titre. Et le plus souvent, ça n’avait rien à voir avec la
musique. Mais là, elle est responsable, et même carrément coupable de la moitié
des titres, même si certains ne sont que des extrapolations de ceux de Lennon.
Et comment dire, je suis dans ma période Nadine de Rotschild, je vais essayer
de pas être vulgaire … que Yoko soit une artiste, c’est sûr. Elle choquait le
Japon plus ou moins médiéval de la fin des années cinquante par des
performances punk avant l’heure, bataillant notamment pour la condition
féminine, et c’était un combat loin d’être gagné d’avance, et surtout pas dans
l’air du temps japonais… mais la Yoko chanteuse, hum … comment dire … dans les
moins mauvais moments, on dirait du Nina Hagen en roue libre, c’est-à-dire
insupportable.
Et Lennon ? Aux abonnés absents depuis un
lustre, ne se livrant que dans des interviews la plupart du temps grotesques,
où lui, le type qui ne sortait jamais du Dakota, donnait sa vision du monde
comme si on était encore en 1969, parlant de tout, et surtout de sa femme
(toujours à ses côtés dans les interviews), de son fils, du pain qu’il faisait
lui-même dans son bunker de luxe, et autres balivernes. Celui qui avait été le
maître à penser d’une certaine génération avec des fleurs dans les cheveux,
n’avait plus rien à dire, était totalement déconnecté de la réalité.
Et musicalement, il faisait du Lennon, essayant de faire renaître la magie du « Plastic
Ono Band » ou de « Imagine ». Quelques fois, il s’en approche
(« Watching the wheels » est excellent, « I’m losing you »
un peu moins, mais reste correct). Mais le plus souvent, il se vautre, et pas
qu’un peu … « Cleanup time » est vaguement funky et surtout très mou,
une horreur. Et puis, comme il est devenu un quasi-ermite, il écrit … sur sa
femme et son fils, ce qui donne lieu à deux misères sonores, « Oh
Yoko » et « Beautiful boy » qui collent aux tympans comme de
vieux chewing-gums. Enfin, il peut y avoir débat sur « Woman »,
ultime scie lennonienne à avoir squatté les ondes, ode à la femme en général et
à la sienne en particulier, mièvre et ridicule ballade à l’eau de rose pour
moi, grand morceau pour certains Lennon-addicts.
En cette fin 1980, Lennon, qui avait eu un rôle
majeur dans le plus grand groupe du siècle, n’était plus que l’ombre de
lui-même … Ce disque sans intérêt aura même une suite quelques années plus
tard. Yoko Ono (pourtant pas dans le besoin) et le producteur Jack Douglas
overdubberont des maquettes abandonnées (et on comprend vite pourquoi) pour ce
« Double fantasy », et sortiront un « Milk and honey »
d’une qualité musicale en-dessous de tout …
Du même sur ce blog :