Smile ?
Pour faire simple, on dira que XTC est un groupe
compliqué. D’ailleurs, tout juste si c’est un groupe, ils sont que deux. Euh,
même pas d’ailleurs, un et demi sur ce disque…
Bon, je reprends.
A la fin des années 70, parmi les centaines de groupes
apparus en Angleterre avec l’étiquette punk ou new wave, XTC faisait partie de
la dizaine que tout le monde citait comme un futur « grand ». Un
single colossal (« Making plans for Nigel »), le genre de babiole
qu’on n’écrit pas par hasard, des albums et des ventes en progression
constante. Deux figures de proue, Andy Partridge et Colin Moulding, qui se
partageaient l’écriture, le premier étant un peu plus prolifique. Et puis, en
82, alors que le groupe s’apprête à monter sur scène lors d’un concert
parisien, Partridge flippe, fait un malaise, finit à l’hosto … Plus personne ne
verra jamais XTC sur scène, les rumeurs sur l’état de santé de Partridge à ce
moment entretenant depuis la « légende » (hyper-stress ? crise
d’hépatite ? les deux ?).
Dès lors XTC n’enregistrera plus qu’épisodiquement,
entrecoupant de longues périodes de silence de projets parallèles (Dukes of
Stratosphear, …), le groupe se réduira aux seuls Partridge et Moulding, et les
compositions de Moulding se raréfieront de plus en plus. Absent des planches et
peu enclin à tout le business de promo, XTC finira par devenir un groupe culte,
avec les ventes qui vont avec. A tel point que la major qui les hébergeait
(Virgin), finit par les « remercier » au milieu des années 90. Ce
groupe qui s’entête à ne vouloir faire paraître que des disques meilleurs que
les précédents (et qui y réussit souvent), se voit obligé de monter son propre
label (Idea Records).
XTC 1999, Partridge en avant, Moulding en retrait ... |
« Apple Venus Vol 1 » (il y aura l’année
suivante un Volume 2, qui sera le dernier disque de XTC, Partridge ayant
annoncé la dissolution après que Moulding ait « raccroché » vers le
milieu des années 2000) est un disque fou, unique. Pesé, pensé, peaufiné à
l’extrême. Peut-être bien leur meilleur en tout cas. XTC, c’est depuis le début
de la pop haut de gamme, des gens qui placent au-dessus de tout les orfèvres en
la matière, les Beatles. Mais aussi tous ceux qui se réclament des Fab Four.
C’est pas les seuls dans ce cas, mais sur la durée, certainement sont-ils parmi
les plus crédibles.
D’entrée, l’intro de « River of orchids » est
un truc inouï. Des gouttes d’eau pour faire la rythmique, des notes de violons
pizzicato, et puis lentement tous les instruments se mettent en place pour une
chanson pop baroque parfaite, et dès ce premier titre, la barre est placée très
haut. « I’d like that » et « Easter Theatre » qui suivent
sont encore meilleurs, le premier synthétisant toute la quintessence de la
meilleure pop anglaise des 60’s (l’axe Beatles – Kinks pour faire simple), le
second ajoutant aux instruments rock « traditionnels » cuivres et
cordes sans que, miracle, cela sonne surchargé ou pompier. Trois titres signés
Partridge, seuls deux revenant à Moulding sur les onze du Cd. Certainement pas
un hasard, Moulding est presque déjà « ailleurs », et les deux titres
qu’il livre sont les deux « moins bons » (enfin, à ce niveau, tout
est relatif).
Bon, des Cds qui commencent bien et qui partent en
sucette au fil des plages, c’est presque la norme. « Apple Venus … »
maintient tout du long de ses cinquante minutes un niveau exceptionnel. Que ce
soit construit sur une trame percussive complexe à la Peter Gabriel quand il
faisait des bons disques vers 1980, égayée par un gimmick mélodie enfantine +
flûte comme le « Dawn of the dreads » de Arrested Development
(« Green man »), ou au contraire plutôt dépouillé (« Your
dictionary »), il y a chez XTC un sens du travail du détail qui
impressionne. Et bien souvent un travail qui va à l’encontre de ce à quoi on
s’attend. Témoin le dernier titre de presque sept minutes, le plus long de
l’album, ballade triste et lente, et que comme d’habitude dans ce genre
d’exercice, alors que l’on s’attend à la voir virer épopée wagnérienne pompeuse
(double pléonasme), XTC prend le contre-pied en maintenant cette atmosphère
dépouillée jusqu’à la fin.
Et puis, il y a un titre (« I can’t own her »)
qui par sa construction, ses harmonies vocales, son parti-pris orchestral,
évoque furieusement les Beach Boys de « Pet sounds ». Bon,
« Apple Venus » n’est pas « Pet sounds », les analogies
avec le monument de Brian Wilson qui voulait battre les Beatles sur leur
terrain (et accessoirement l’a réussi) sont, hormis sur ce morceau, peu
nombreuses.
Mais je sais pas, il y a ce petit quelque chose
subjectif, inconscient, qui me fait envisager ce « Apple Venus »
comme une suite plausible à « Pet sounds ». Tout à l’opposé de
« Smile », la bouillasse prétentieuse que livrera Brian Wilson au
début des années 2000, prétendant qu’il s’agissait là de la recréation du
projet fou qui avait fini par lui calciner le cerveau en 1967.
Voilà, c’est çà … « Smile » des Beach Boys
existe. Ça s’appelle « Apple Venus Vol. 1 » et c’est XTC qui l’a fait
…
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