Retour aux fondamentaux
Green On Red est dans les livres d’histoire (quand ils y sont mentionnés, ce qui loin d’être toujours le cas) rattaché au mouvement dit Paisley Underground. En gros, un tas de groupes essentiellement basés en Californie, redécouvrant au milieu des années 80, les bienfaits d’une musique puisant son inspiration dans les sixties psychédéliques américaines (le folk-rock et le rock garage assaisonnés au LSD, toute cette sorte de choses …). Un retour aux sources et les prémices de ce que l’on finira par appeler americana.
Et une forme de réaction au punk, au hair metal, au
revival rockabilly qui monopolisaient l’attention du « grand
public ». Le mouvement Paisley Underground est composé de rustiques qui
s’assument (la plupart des membres de Green On Red sont d’ailleurs des
« immigrants », venus de Tucson, Arizona).
Leur musique présente un rock de facture classique,
old-school, serait-on tenté de dire. La lecture des crédits, et celle du nom du
producteur Jim Dickinson (l’homme des studios Trident de Memphis, et le metteur
en sons des derniers soubresauts du Big Star d’Alex Chilton), commence à
baliser le terrain. Le premier titre annonce la couleur sonore, avec un chanteur
(Dan Stuart) à la voix fleurant bon clopes et alcool forts consommés en
quantités déraisonnables, et un guitariste (Chuck Prophet), économe de notes,
mais au toucher et à l’inventivité assez uniques. Un des rares guitaristes qui
sera célébré par la suite (et deviendra un sessionman très recherché), beaucoup
plus pour son originalité que par sa vitesse sur le manche …
« The killer inside me » présente une
collection de chansons (les Green On Red savent en écrire et les jouer plus que
correctement) de facture classique, bien en ligne avec ce que produisaient les
stars célébrées du classic-rock des mid-eighties (Springsteen, Seger,
Mellencamp, …). Tout en évitant le ronronnement dans lequel ces gens-là
commençaient à tomber. Les Green On Red ont tout à prouver et se
« lâchent ». Dan Stuart ne s’économise pas et son timbre vocal n’est
pas sans rappeler celui de Dan Zanes, des malheureusement également oubliés Del
Fuegos qui sévissaient à la même époque. L’ombre des Stones du début des
seventies plane souvent sur ces compositions, celles de Dylan ou Springsteen
aussi. Quand le tempo s’énerve et l’ambiance s’obscurcit
(« Ghosthand »), on pense aux Cramps ou au Gun Club, quand un titre
(« Track you down ») est lancé par un riff voisin de celui de « Rebel Rebel », s’ajoute une touche
plus glam-rock et sautillante.
Chuck Prohet marque son territoire sur tout le
disque, survole de façon évidente quelques titres (« Clarkesville »,
« No man’s land », « Born to fight » « Killer inside
me »). Le seul gros point noir est pour moi un son de batterie très typé
(en gros celui du « Born in the USA » de Springsteen) et forcément
daté, qui parasite quelque peu l’ensemble et relègue au second plan l’orgue et
les claviers pourtant cruciaux dans ce genre de musique.
Il faut être clair, on n’a pas avec Green On Red et
ce « Killer inside me » affaire au groupe génial honteusement ignoré,
pas plus qu’à un disque « maudit » oublié qui mériterait toutes les
louanges. C’est juste du bon boulot de fans, qui allaient à contre-courant des
tendances de l’époque, et jetaient avec d’autres (Dream Syndicate, Rain Parade,
Long Ryders, …) les bases d’une americana qui allait devenir un des genres
majeurs des années 90 et suivantes aux USA.