Lady Soul ou Lady Heroïne ?
On va pas refaire l’histoire, la réécrire … Encore moins
faire une bio ou une nécro. Je bosse pas aux Pompes Funèbres du rock… Il est
des destins qui s’écrivent tout seuls, sans que qui ce soit ait à les forcer.
Et celui d’Amy Winehouse était tellement prévisible, qu’il n’y aura finalement
que tous les Pujadas de JT qui ont pu feindre la surprise ou l’incompréhension
quand elle a clamsé.
Pour moi, Amy Winehouse, ça restera un putain de bon
disque qui à lui seul a relevé le niveau des années zéro. Un disque pour les
vieux, tous ces grabataires qui savent que Wilson Pickett ou Marvin Gaye ne
sont pas des rugbymen. Un disque de vieille soul américaine. Et là où ça
prenait une tournure surréaliste, c’est qu’il était fait par une jeune Anglaise
de vingt-trois ans. Tatouée avec un mauvais goût de docker, coiffée comme
Aretha « Lady Soul » Franklin ou Dusty « In Memphis »
Springfield, fringuée comme une pute roumaine de bord d’autoroute…
Et pourtant ça n’avait pas très bien commencé. J’avais
entendu une pub à la radio, avec un type qui baragouinait un truc du genre :
« Avec Amy Winehouse, la nouvelle révélation soul, revivez la légende
Tamla ». Derrière, en fond sonore, des extraits de « Rehab », 45T
éclaireur de ce « Back to black ». Tamla de la soul ? C’est
nouveau, il me semblait plutôt que c’était Stax ou Atlantic. Comme quoi les
directeurs marketing des maisons de disques sont même pas foutus de promouvoir
correctement des artistes exceptionnelles comme Amy Winehouse. Parce que moi,
ce que j’entendais, c’était des « no, no, no » gospel et cette voix
grave et soyeuse, naturelle. On sentait pas la technique d’une Castafiore
braillarde comme chez toutes ces fuckin’ québecquoises dont on nous gave depuis cent ans …
Le flash … quelques jours après, le Cd est sorti et a tourné plus que de raison
dans le lecteur.
Un Cd sur lequel il n’y a pas grand-chose à jeter, à
l’opposé d’un single malin entouré de sinistres daubes. Un truc cohérent, avec
une couleur et une unité de son homogène. Dus à un assemblage hétéroclite,
celui d’un jeune producteur tendance Mark Ronson, et de vieux de la vieille,
les Dap Kings, musiciens de studio du label revivaliste soul américain Daptone
Records qui végétaient dans l’anonymat comme backing-band de Sharon Jones, leur star
inconnue … Emmené par des simples ô combien évidents, « Rehab »,
« You know I’m no good », « Back to black », « Love is a
losing game », qui arrivèrent à concilier tendances, courants et chapelles a
priori antagonistes, surfant sur un retro-futurisme-revivalisme-machin (de
toutes façons, depuis en gros le milieu des seventies, tout n’est que rabâchage
permanent), Amy Winehouse récolta un succès aussi bienvenu que quelque peu
démesuré, comme le music-business et le buzz savent si bien les générer, dès
lors qu’ils sentent entre leurs pattes quelque personnage hors-normes. On s’aperçut
même qu’elle avait sorti un disque auparavant (« Frank », que j’ai
pas réussi à écouter jusqu’à la fin mais qui m’a tout l’air épouvantable). Le
reste s’écrira à la une des tabloïds, la toxique diva se révélant totalement
destroy et nettement plus punk que tous les Blink Chose et Sum Bidule réunis.
Certains lui prédisaient une carrière à la Aretha
Franklin, elle choisira une courte vie à la Janis Joplin … Reste ce « Back
to black » miraculeux qu’on ne se lasse pas d’écouter …