Chaud devant, son meilleur !
Je sais pas comment il faut appeler ça. Rock’n’roll
suicide c’est déjà pris, et puis c’est pas de rock’n’roll dont il s’agit. Folk
suicide, peut-être … Parce que qu’est-ce qui a bien pu piquer Suzanne Vega,
folkeuse centr…, enfin classique quoi,
vaguement concernée (son gros hit de 87 « Luka » sur l’enfance
maltraitée), pour sortir un disque comme ce « 99.9 F » ?
Tellement bon, tellement en avance sur son temps, que personne ou presque ne
s’en est aperçu, les mêmes qui sont passés à côté s’extasiant par la suite sur
les minauderies electro de Björk ou le
boxon sonore de Beck.
Suzanne Vega 1992, total relooking |
Ce disque résulte d’un pari artistique totalement
fou. Certes, la gentille Suzanne avait pris un bide assez retentissant avec son
précédent, on l’avait quelque peu oubliée et le risque commercial n’était pas
démesuré, mais l’évolution présentée ici est assez unique, un virage radical
comme très peu ont osé en prendre, et comme encore moins l’ont réussi… Suzanne
Vega avait dans sa manche une carte maîtresse, son compagnon et futur mari
Mitchell Froom, producteur déjà en vue (Crowded House, Lobos, American Music
Club, …) et futur gourou des studios (Sheryl Crow, McCartney, Costello, Pearl
Jam, …). Froom grâce à son carnet d’adresses bat le rappel de ses
connaissances, et on trouve au casting de ce « 99.9 F » David
Hidalgo des Lobos, le bassiste Jerry Scheff
(Presley, « L.A. Woman » des Doors, …), Jerry Marotta (requin
de studio et batteur longtemps attitré de Peter Gabriel), et même sur un titre
le légendaire virtuose de la guitare folk anglais Richard Thompson. Et ces
fines mouches-là ne s’attrapent pas avec du vinaigre, il n’y a pas que de
l’enrobage sonore, les bonnes compositions sont de sortie, ce disque ne se
réduit pas seulement à un travail d'arrangement imaginatif en studio.
Le patchwork sonore est total. Si la plupart des
titres utilisent les sons et techniques de boucles chers aux joueurs de
disquettes alors en vogue, d’autres sont tout à fait roots (« Blood
sings », ambiance feu de camp et guitare sèche, « Bad widsom »,
comme du Suzanne Vega d’avant), l’électricité est parfois coupée (« Song
of sand » avec un quatuor à cordes). Il n’y a pas non plus que du folk
relooké et mis au goût des machines du jour, « As a child » mélange
ambiances celtiques et electro, « Fat man » un des titres les plus
surprenants limite psychédélique, « As girls go » et sa ligne de
basse funky quasi disco se voit enjolivé par un solo de Richard Thompson.
Et puis il y a quelques titres d’une classe folle,
d’une justesse de ton et de son assez impressionnants, qui surnagent d’un
ensemble pourtant de très haut niveau. Le très classique « In
Liverpool », le « 99.9 F » qui donne son titre à l’album,
l’énorme chanson pop à la Go-Go’s – Bangles « When heroes go down ».
Que ces trois titres-là n’aient pas hanté les hit-parades, relève de
l’injustice, ou de la surdité collective, voire des deux …
Il faut quand même préciser que Suzanne Vega n’a que
modérément apprécié le succès de « Luka », et les contraintes très
show-biz qui vont avec. Elle est toujours restée un peu à l’écart du cirque
médiatique, et après ce « 99.9 F », a mis sa carrière en pointillé,
préférant être une mère au foyer que se griller sous les sunlights d’une vie
people. Elle n’en est que plus respectable …