BAND OF SKULLS - SWEET SOUR (2012)


Band of the year
Un groupe comme il doit s’en former des milliards tous les jours, des minots potes depuis toujours … Coup de bol, un quart d’heure de gloire quand un de leurs premiers titres se retrouve sur la bande-son d’un jeu vidéo (Guitar-Hero). Logiquement, ils auraient dû en rester là, claquer les royalties en dope, essayer d’en faire un décalque, le foirer, et disparaître à jamais dans les poubelles de l’histoire du rock …
Et bien non, pas cette fois-ci. Et loin de là … Les Band of Skulls ne se sont pas contentés de faire un bon disque, ils ont aussi fait un disque ambitieux. Le genre de galettes qui marque son territoire, et ambitionne de marquer son époque, comme dans les lointaines années soixante et soixante-dix, quand les plus grands noms de la scène rock se livraient à une surenchère vinylique, chaque parution de disque devant rendre obsolète celui du voisin-concurrent. Aujourd’hui, les temps ont changé, il n’y a plus de grands groupes, de ceux capables de fédérer une génération… (qui a dit Radiohead ? tu dégages, et vite, avant que je me mette en colère …). L’effort des Band of Skulls n’en est que plus louable.
Les Band of Skulls sont un trio basique guitare - basse - batterie, dont le matériau de base est un blues-rock heavy et moderne, et on cite souvent à leur propos les noms des Kills, des White Stripes, des Black Keys, références récentes, mais à mon goût trop faciles et réductrices. Les Band of Skulls sont moins monolithiques, moins englués dans les références et un son photocopié à longueur de disques. Il y a chez ces trois jeunes anglais des choses qui relèvent des antiques tridents mythiques comme Cream ou l’Experience, la fuckin’ technique m’as-tu-vu en moins. Il y a dans ce « Sweet sour » une alternance de fulgurances électriques et d’apaisantes mélodies, parfois imbriquées dans le même titre qui empêche la redondance. Et puis, les Band of Skulls peuvent compter sur un atout maître, ils sont deux à chanter, le guitariste Russell Mardsen et la bassiste Emma Richardson. Et ils changent la donne à chaque titre, se relayant pour la voix lead quand l’autre harmonise, chantant tous les deux en chœur, multipliant les combinaisons entre la voix chaude de Mardsen et celle, plus brumeuse et ethérée de la bassiste. Un très gros boulot sur les parties vocales.
Quand le trio lâche les watts (« The Devil take care of his own », « You’re not pretty …»), on pense au Jon Spencer Blues Explosion, quand les accalmies précèdent l’orage électrique (la bien nommée « Sweet sour », « Lies », « Bruises », cette dernière étant un des sommets du disque), c’est Led Zep qui arrive … jusque là, ça va, on navigue en terrain sonore connu, des schémas mille fois entendus, même si pas souvent aussi bien réussis.
Mais les Band of Skulls vont encore plus loin, fouillant sans relâche dans le patrimoine musical de cinquante ans de rock à guitares pour faire resurgir une ballade acoustique genre 3ème Velvet (« Close to nowhere »), des sonorités folk anglo-celtiques à la Fairport Convention (« Navigate »), une ballade brumeuse toute en arpèges (« Hometowns »). Et comme si ça ne suffisait pas, Mardsen et Richardson ont composé un titre fabuleux (« Lay my head down »), avec une intro qui renvoie au spleen des Cure, à la mélodie rappelant du Pink Floyd (« Echoes », « Any colour you like », ce genre ), un duo vocal d’anthologie à la Simon & Garfunkel, un intermède bruitiste, un court solo bluesy, le genre de titres à tiroirs qu’on n’écrit pas par hasard. Les Band of Skulls ont l’étoffe des héros du binaire.
Bon, évidemment, c’est pas gagné, il se trouvera toujours plus de sourds pour s’extasier devant la dernière galette de Radiohead (pourquoi ça tombe toujours sur eux ? parce qu’ils font des disques chiants comme la pluie, tout simplement), que devant un disque dont (baiser de la mort par ici ?) Rock & Folk a dit du bien.
En tout cas, pour moi, ce « Sweet sour » est en lice pour faire partie des meilleurs disques de la décennie …