Soul serenade
Carole King a commencé à sortir des disques sous son nom
(ce « Tapestry » de 1971 est son second) au début des années 70. Ce
n’était pas une inconnue pour autant. Avec son ancien mari Gerry Goffin, elle a
écrit quelques titres marquants pour la soul des 60’s (« The
Loco-motion » pour sa baby-sitter Little Eva, « Up on the roof »
pour les Drifters, « You make me feel like a natural woman » pour
Aretha Franklin, …).
Ce « Tapestry » est un disque de rupture … pas
sentimentale (elle est remariée avec Charles Barkey, bassiste sur ce disque),
mais plutôt musicale. Finies les orchestrations luxuriantes des studio Atlantic
pour lesquels elle écrivait, et bienvenue à une atmosphère intimiste, rustique
et campagnarde pourrait-on dire, économe en instruments mais riche en feeling
et en émotion.
On navigue ainsi de la soul gentiment funky de
l’introductif « I feel the Eath move », à la tristesse pop de
« So far away », jusqu’au sommet du disque, ce « Way over
yonder », le plus étoffé musicalement avec section de cuivres et backing
vocals de Merry Clayton (la voix féminine du « Gimme shelter » des
Stones). Un disque jamais répétitif ou monotone (on a droit à une excursion
vers le country-rock, « Smackwater Jack ») avec comme dénominateur
commun à tous les titres le piano de Carole King. « Tapestry » atteint un niveau d’excellence que l’on ne
retrouve que dans les disques similaires de gens comme Neil Young, Nick Drake,
Joni Mitchell, … Avec ce disque, on a l’impression d’observer la chanteuse dans
son intimité, elle nous montre un peu de son âme (et aussi sa chatte sur la
photo de la pochette).
Elle donne aussi sa version de deux titres qu’elle avait
écrits pour d’autres. Tout d’abord le « Will you love me tomorrow »
popularisé par les Shirelles, dont elle ralentit le tempo pour en faire une
belle ballade plaintive. Mais aussi le « You make me feel (like a natural
woman ») d’Aretha Franklin, où elle évite parfaitement l’écueil de la
comparaison avec la voix torride de la diva soul, en la jouant tout en retenue,
seule au piano.
« Tapestry » a obtenu un succès colossal, s’est
vendu à des millions d’exemplaires (toutes les filles des années 70 l’avaient
dans leur discothèque), et revers de la médaille, a éclipsé le restant de la discographie
pourtant conséquente (une vingtaine d’albums à ce jour) de Carole King.
Ah … dernière chose. Si quelqu’un me dit que c’est un
disque pour midinettes, je lui balance mon sac à main en pleine poire et le
griffe jusqu’au sang …