BOB DYLAN - THE FREEWHEELIN' BOB DYLAN (1963)


Le troubadour de Greenwich Village ...

« The Freewheelin’ Bob Dylan » est le second disque de Dylan, et le premier à comporter quelques-uns de ses titres d’anthologie.  
En 1963, Dylan est un inconnu, dont la réputation peine à dépasser les limites des clubs de folk de Greenwich Village. Un type que sa maison de disques commence même à trouver embarrassant, tant il semble d’une rigidité artistique inaltérable. Dylan est un puriste et ça s’entend. Une gratte sèche, quelques notes d’harmonica, des mélodies qu’il faut prendre la peine de bien chercher, et une voix … comment dire … pénible, à la limite de la justesse (et même par moments pas juste du tout comme sur « Down the highway »), et d’un timbre agressif pour l’oreille, autant par sa tessiture que par la façon de chanter du Zim …
Dylan, comme tout les plus grands du rock, est une éponge et un vampire. Qui absorbe tout un tas de données culturelles, et n’hésite à imiter, copier, plagier (rayer la mention inutile) tout ce qui passe à sa portée. Il a découvert la Beat Generation par la lecture, notamment une biographie de Woody Guthrie. Apprenant que ce dernier est hospitalisé à New York, il va aller y vivre. Lors de ses visites à celui qu’il perçoit comme son héros, il va rencontrer d’autres de ses amis, comme le chanteur Ramblin’ Jack Elliott, qu’il va littéralement cloner dans ses chansons et la façon de les interpréter. Dans les clubs de Greenwich Village, Dylan rencontrera sa première muse, Suze Rotolo (c’est elle à son bras sur la pochette), dont les goûts avisés et les conseils en matière littéraire lui seront immensément bénéfiques…
The Freewheelin' Bob Dylan
C’est un Dylan qui en pleine évolution, qui s’ouvre sur le monde et ses révolutions qui se cache derrière ce « Frewheelin’ … ». Certes un disque quelque peu en roue libre, Dylan passe d’une chanson à l’autre du coq à l’âne, pas de thème majeur ou récurent … Mais déjà quelques sujets de réflexion qui vont revenir tout du long de sa carrière.
Les femmes, d’abord, avec qui Dylan aura toujours des relations pour le moins compliquées, entre mariages,  enfants tenus secrets, divorces et remariages … Sur ce disque, elles sont là, en filigrane ou directement les inspiratrices de chansons, comme l’idéalisée « Girl from the North country ». Mais surtout, à cette époque-là, Bob Dylan est un citoyen du monde, qui s’interroge sur son évolution, et donne accessoirement dans le commentaire social ou politique au sens large. Ces préoccupations sont l’épine dorsale de ce disque, qu’il s’agisse de morceaux devenus cultes comme « Blowin’ in the wind », « Masters of war », « Don’t think twice », « A hard rain’s … » (sur la « crise » des missiles de Cuba), ou les moins connues « Talkin’ World War III blues », « I shall be free » et sa séquence de name-dropping.
Il y a aussi quelques titres dont les historiens du Zim nous ont appris qu’il s’agissait d’impros (par définition bâclées, mais Dylan s’en foutait, il n’avait rien à perdre, personne le connaissait), comme « Bob Dylan’s blues » ou « Talkin World … ». Et puis, et surtout, quelques légers dérapages et sorties de route qui prouvaient dès cette époque-là Dylan ne se cantonnerait pas, ou pas seulement, à chanter du folk pur et dur. On trouve une échappée vers le blues roots (« Down on the highway »), un genre auquel il se consacre quasi exclusivement depuis plus de dix ans sur disque, et surtout un titre « Honey, just allow me one more chance », avec, perdu au fin fond du mix, un accompagnement électrique (guitare, basse, batterie, piano). Ce titre-là, Dylan a du batailler pour qu’il figure sur le disque, son « chef de produit » à la Columbia, John Hammond, pas n’importe qui à l’époque, n’en voulait pas. Bon, ce n’est pas encore «Like a rolling stone » ou « Highway 61 revisited », mais ça montre que Dylan ne va pas rester éternellement un baladin folk.
Les temps vont bientôt changer …
« The Freewheelin’ Bob Dylan » est souvent considéré comme le meilleur de la période strictement acoustique de Dylan. C'est quand même un disque à conseiller et à réserver à ceux qui aiment bien les ambiances monotones dépouillées, ou qui sont bilingues. Voire les deux, ce qui, maintenant comme à l’époque, doit pas faire foule …

Du même sur ce blog :
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