THE BLACK KEYS - EL CAMINO (2011)


En route pour la gloire ...

Ils sont partout, les Black Keys… doivent même faire la une de « Jardins et potagers » et de « Tricots et dentelles ». Il faut dire que depuis que Jack White a sabordé ses Stripes, l’horizon s’est quelque peu dégagé pour un nouveau duo guitare-batterie. Même si les Black Keys traînent leur blues craspec depuis une dizaine d’années, avec une audience à chaque fois améliorée.

Auriez-vous laissé votre petite sœur sortir avec un Black Key ?
Mais là, aujourd’hui, avec ce « El Camino », ils ont passé la vitesse supérieure. Faites un peu de place, Arcade Fire, Coldplay, Mumuse, Radiohead et consorts, y’a une nouvelle grosse cylindrée qui va venir vous disputer la tête d’affiche des festivals l’an prochain. Il paraît que les Black Keys, tous les vieux fans vous le diront, c’était mieux avant. Moi j’en sais rien, je connaissais pratiquement rien d’eux. J’avais en mémoire que la bobine de deux types hirsutes, hommes des tavernes mal famées où ils balançaient leurs riffs distordus devant une poignée de fidèles qui en ont vu d’autres, des vrais de vrais, et à qui on ne la fait pas. Crédibilité en plutonium enrichi, Auerbach et Carney ont décidé de passer à autre chose.

Ils sont aussi passés chez le coiffeur, manière d’être plus présentables pour les télés en prime time. Ils pourront après vous raconter que leur évolution s’est faite par hasard, et que le succès, ben non, ils s’y attendaient pas du tout et que ça les surprend ce qui leur arrive et tout ce tapage autour d’eux. Bon, hé, les gars, sérieux, on me la fait pas à moi, y’a des siècles que je l’entends celle-là …

Bon, et si t’arrêtais de faire ton numéro, toi, et si tu nous en parlais de ce skeud, entends-je … Il est comment ? Faudrait être d’une sacrée mauvaise foi (et je m'y connais en mauvaise foi) pour dire qu’il est pas bon, parce que je vais vous avouer, brothers & sisters, des rondelles comme ça il en sort pas des tombereaux chaque année. Y’a rien à dire, c’est bien foutu, soyeux et rugueux en même temps, et si les choses s’emmanchent aussi bien que la maison de disques l’espère, un gros paquet de titres pourraient même cartonner à la radio.

Ils sont pas mimis, maintenant ?
Même s’il a fallu faire quelques menues concessions pour ça. Balayer sous le tapis la poussiéreuse histoire du duo. Le producteur, pas n’importe qui, Danger Mouse, un cador, est parfois présenté maintenant comme le troisième Black Keys. Y’a aussi un type aux synthés, quand même assez discrets, les Keys vont pas nous pondre un revival OMD, deux ou trois nanas créditées aux chœurs. Tout ça déplombe un peu l’ambiance, offre des respirations et des aérations bienvenues dans le mur sonique de base. Parce que de la batterie et de la guitare, on en entend. Mais au lieu de tricoter un mur de feedback tous potards à onze, là, ce coup-ci, ça mélodise, ça couplette, ça refraine, ça poppise … sous le gros son, y’a de la chansonnette et de la ritournelle. Des trucs qui peuvent fonctionner dans un club ou dans un stade, avec des chœurs genre tribune de hooligans, comme on en trouvait plein sur le dernier Kills. Des titres simples et directs qui fonctionnent à la première écoute, « Lonely boy », « Sister », classiques évidents. Un pompage éhonté du « Stairway to Heaven » de Led Zep, ça s’appelle « Little black submarines », des choses qui ressemblent à de vieilles ganaches power pop comme les Cars (« Nova Baby ») ou les Romantics (« Mind eraser »). Et puis l’essentiel qui ne doit rien à personne, grattes râpeuses en avant, fracas des toms, arrangements mignons, … Les Black Keys laissent indiscutablement une empreinte sonore qui n’appartient qu’à eux sur ce disque.

Ce « El Camino » va donc cartonner, ça semble inéluctable. Il est fait pour, les rotatives de la presse spécialisée ou pas s’emballent, et le cochon de payant (ou de téléchargeur), semblait n’attendre que ça pour se nettoyer des conduits auditifs encombrés cette année par tout un tas de purges inodores, incolores et sans saveurs (Coldplay, Radiomachin, etc …). Carney et Auerbach vont pouvoir remiser au musée le vieux Dodge de la pochette qui les trimballait avec leur matos de petite salle pourrie en rade minable. Place maintenant aux convois de semi-remorques et de cars Pullman aménagés, et si ça fonctionne bien, pourquoi pas les mini-jets privés pour aller prêcher la bonne parole et relever les compteurs dans les Arenas des cinq continents.

Il n’empêche, il me semble que si les Stooges survivants et quasi-centenaires passaient un mois en studio, ils sortiraient quelque chose qui déchirerait bien plus sa race que cette dernière galette des Black Keys. Mais bon, faute de grives ….

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