WILCO - THE WHOLE LOVE (2011)


Disque américain de l'année

Plus typiquement américain que Wilco, musicalement s’entend, y’a pas grand monde. De leur niveau. Parce que des gens qui pratiquent l’americana selon les codes définis du temps de Dylan et du Band, c’est pas ça qui manque et qui a manqué depuis « Highway 61 revisited » ou « The Band », depuis en gros quarante cinq ans.

Mais qui aujourd’hui peut sortir un disque intemporel comme ce « The whole love » ? J’attends, répondez pas tous ensemble … Evidemment, ceux qui croient qu’il s’agit d’une vieillerie avec guitares en bois sentant le feu de camp ont tout faux. Wilco a déjà fait ça au siècle dernier (« Being there », « Summerteeth »), a généré avec ces disques sa légende, et aujourd’hui certains gardiens du temple froncent les sourcils, sous le sacro-saint prétexte que c’était mieux avant. Désolé pour eux, mais Jeff  Tweedy et Wilco évoluent. « Yankee Hotel foxtrot » (dans mon Top 10 des années 2000) avait traduit un virage beaucoup plus pop, reléguant au second plan le country-rock de base jusque là de mise.

Dites-le avec des fleurs : Wilco 2011
Mais là, aujourd’hui, avec les deux titres qui ouvrent ce Cd, Wilco va encore plus loin. « Art of almost » est un morceau grandiose, fou, d’une puissance colossale. En sept minutes, Wilco rend caduque l’intégrale de Radiohead et de cinquante douzaines de labels d’électro-bidule … Une intro de deux minutes sous le signe des machines, et un final aussi long dans un déluge de batteries herculéennes et de guitares stridentes… « I might » qui suit, fait se télescoper de la techno et du rock garage 60’s à Farfisa comme en faisaient Question Mark & the Mysterians. Il y a dans ces deux titres plus de trouvailles, d’inventions sonores et rythmiques que la plupart des gens qui font de la musique en produiront dans une vie …

Le reste est plus conforme de ce que l’on peut attendre d’un (très) bon disque de Wilco. De « Black moon », arpèges de guitare, et voix brumeuse très Leonard Cohen des sixties, à des ballades comme « Open mind », qu’on croirait reprise au Band, ou la frissonnante « Sunloathe », en passant par la power pop de « Dawned on me » avec ses couplets qui renvoient à « Alright » de Supergrass, le rock bancal à la Pavement (« Born alone »), le classic rock « Standing O », le très Randy Newman « Capitol City » et ses sonorités volontairement désuètes, Wilco donne une grande leçon d’americana. Sans pour autant être scolaire, Tweedy est suffisamment doué pour se démarquer de ses modèles évidents, et les six du groupe sont ce qu’il est convenu d’appeler des pointures et ne se contentent pas de ressasser leurs gammes, comme le font malheureusement trop de dinosaures centristes ronronnants qui se contentent de persister sur leurs acquits …

Wilco sait être classique tout en innovant, faisant rentrer le old blue rock de plein pied dans le XXIème siècle. Mais Wilco reste un groupe humain, capable et coupable de complaisance et de choses anecdotiques. Les trois derniers titres sont tout ce qu’il y a de plus quelconque et d’anodins, avec même le dernier qui distille douze minutes folky ennuyeuses (on ne sort pas un « Sad eyed Lady of the Lowlands » tous les jours en euh … roue libre, quand bien même s’appelle t-on Wilco).

S’il  avait été absolument parfait de bout en bout, ce « The whole love » aurait forcément été le meilleur disque de 2011. Il n’est donc que le meilleur disque américain de l’année, ce qui n’est déjà pas si mal …

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