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FRANKIE GOES TO HOLLYWOOD - WELCOME TO THE PLEASURE DOME (1984)

 

Born to fun ...

Il y a des rondelles qui, le temps passant, prennent une certaine patine. Pas celle-là …

D’abord parce qu’on se retrouve en présence d’un des sons les plus typés (et pas en bien, on en recausera) des cinquante derniers siècles, et en face d’une de ces rock’n’roll swindles que l’industrie (ou plutôt le commerce) du disque est capable d’engendrer.

« Welcome … » et Frankie Goes To Hollywood sont à replacer dans un contexte, celui de la fin de la première moitié des années 80. Le rock est rayé de la carte. Son dernier emblématique représentant, The Clash, vient de subir une fin pathétique, sur fond d’embrouilles politico-musicales. Bowie avec un disque très quelconque (« Let’s dance ») rencontre un succès considérable, U2 et sa positive attitude pompière (« War ») commencent à faire parler d’eux. Voilà pour les british. De l’autre côté de l’Atlantique, Springsteen et son disque pour stades (« Born in the USA ») va rafler une mise gigantesque (et pas imméritée). Michael Jackson vient de vendre du « Thriller » par dizaines de millions, et les provocs tous azimuts (pour l’époque) de Prince ou Madonna s’apprêtent à faire tinter les tiroir-caisse. Evidemment, des bons groupes, il y en avait, mais relégués au fin fond des statistiques de vente.

Parce qu’en même temps, le « marché » du disque était en pleine effervescence. Un média (MTV) qui déjà commençait à faire et défaire les carrières à coup de matraquage de vidéo-clips s’immisçait partout. Les vinyles se vendaient à coup de millions et un nouveau support audio (le Cd) qui allait forcer des foules à racheter leurs vieux disques sous prétexte de gain qualitatif sonore se voyait prédire une expansion fulgurante … La cash machine tournait à plein régime …
FGTH : tout le monde s'éclate à la queue leu leu ...

Des deux côtés de l’Atlantique, d’obscurs zigotos dont les poubelles de l’histoire sont pleines, sortaient un single qui cartonnait et disparaissaient. Un truc éminemment rentable. Sauf qu’à pousser la logique jusqu’au bout, si on trouvait quelques clampins qui puissent sortir plusieurs morceaux au lieu d’un seul que le bon peuple s’arracherait, ce serait le jackpot assuré (les ventes de singles d’abord, puis le Cd ou le vinyle qui les contient ensuite). Et à ce jeu-là, ce sont les Anglais qui ont gagné and the winner is … Frankie Goes To Hollywood.

Qui au début des années 80 est un vague groupe à la réputation « sulfureuse » (bâillements) de Liverpool, tirant son nom d’une couverture de magazine relatant un déplacement de Sinatra, un groupe autoproclamé porte-drapeau de la gay generation locale (ce qui ne correspondait pas exactement au crooner italo-américain) … dont personne ne veut (savent pas jouer, n’ont pas de répertoire). Par hasard, une bonne fée va se pencher sur leur berceau. Cette bonne fée s’appelle Trevor Horn, il a assuré sa fortune avec les Buggles (la prémonitoire scie « Video kill the radio stars »), il passe sa vie en studio, il vient de monter un label, dont Zang Tuum Tumb (réduit à ZTT) est l’improbable patronyme. Le Horn est dans l’air du temps, à tel point que les ringards prog de Yes l’embauchent à rien de moins que l’écriture et la production. S’ensuivra « Owner of a lonely heart », carton mondial de ces nigauds que l’on croyait disparus à jamais, balayés par la vague punk … Horn est dès lors très demandé, n’est pas pour rien dans le succès des excellents débuts d’ABC (le côté commercial), mais veut signer du « difficile », ce qu’il fera avec Art of Noise et Propaganda (re-bâillements). Dans tout cela, les Frankie seront en quelque sorte sa danseuse …

Trevor Horn : FGTH  à lui seul ?

Même aujourd’hui, presque quarante ans après les faits, la réalité n’est pas vraiment établie. La version la plus favorable au groupe le fait enregistrer « Welcome … » avec quelques aides extérieures créditées dont Steve Howe de Yes, et Anne Dudley de Art Of Noise qui commence là une brillante carrière de compositrice et d’arrangeuse toutes catégories (musique et cinéma). A l’autre extrémité des potins, tout le disque a été écrit par Horn, joué par les types de Yes, seuls quelques vocaux du chanteurs Holly Johnson constituant la participation de FGTH à « son disque ».

Quoi qu’il en soit, le succès dépassera toutes les espérances. Trois singles (et leurs vidéo-clips) jugés scandaleux (le tout savamment mis en scène, mûrement réfléchi, et accompagné d’un plan marketing minutieux) affoleront les charts européens (les Ricains n’ont pas trop suivi, il faut dire que « Welcome … » n’est pas un « produit » fait pour eux).

Plus d’un quart de siècle plus tard, il en reste quoi, de tout ce bazar ?

Les Frankie ont sorti un autre album que personne n’a acheté, entraînant la débandade du « groupe ». Le chanteur Holly Johnson a sorti un disque solo qui s’est également vautré. Des années plus tard le groupe s’est bien évidemment reformé dans l’indifférence générale.

« Welcome … » est un disque m’as-tu-vu, à la production délirante, surchargée et mégalo, reprenant et amplifiant tous les pénibles tics sonores de l’époque (les grosses batteries réverbérées et compressées, les basses slappées, les voix et les chœurs pleins d’écho, les effets stéréo tourbillonnants, …). Double trente-trois tours de 14 titres plus deux intermèdes, l’un sexuel et salace, le dernier pour dire que le disque est fini (!), composé en partie de titres « maison » et d’un gros paquet de reprises. Les singles (sortis sous de multiples versions) sont bien sûr là.

Frankie Goes To War ...

« Relax » le plus successful, et accessoirement le meilleur (le groupe se permettant même de rejeter un clip filmé par Coppola himself) est une efficace scie pseudo-disco présentant pas mal de similitudes avec le « Run like hell » du Floyd encastré dans le Mur. « Two tribes » (après le sexe de « Relax », la guerre), sur un rythme frénétique (comme un brouillon de Prodigy avant l’heure) a fait surtout beaucoup causer à cause de son clip mettant en scène des sosies de Reagan et Tchernenko se foutant sur la gueule dans une arène genre combat de coqs (on est en plein retour de la Guerre Froide et des peurs de guerre nucléaire totale ente USA et URSS). Le troisième gros succès est la ballade grandiloquente « The Power of love » qui ferait passer les pires excès sonores de Queen pour les premiers disques de Leonard Cohen, et qui marquent les premiers pas d’Ann Dudley vers la gloire en y empilant des couches et des couches de cordes. Seule autre compo signée FGTH à mentionner l’insupportable titre éponyme (quasi un quart d’heure au compteur, sorte de resucée de l’assez pénible « Alan’s psychedelic breakfast » du Floyd, dans lequel le Yesman Steve Howe tartine des parties tarabiscotées de guitare acoustique … Tout le reste ne vaut pas tripette …

Pour moi, les seuls titres à vraiment sauver en plus de « Relax » sont à chercher du côté des reprises. « Ferry cross the Mersey » l’archi-rebattu hymne de Liverpool de Gerry & the Pacemakers est ici rebaptisé « Fury » et est traité façon berceuse. Amusant, court mais dispensable. « San José » est une relecture sur un rythme de bossa nova du « Do you know the way to San José » signé Hal David et Burt Bacharach, et un des classiques du répertoire de Dionne Warwick. Bonne version cool.

« War » de Barrett Strong et Norman Whitfield (un des derniers succès de la Motown par Edwin Starr, qui faisait une fois n’est pas coutume allusion à l’actualité, ici la guerre du Vietnam). Les Frankie en livrent une version à rallonge gavée de pénibles percussions tribales. Cette chanson est une des reprises fétiches de Springsteen. Dont je mentionne le nom parce que l’autre reprise de « Welcome … » (et elle a fait jaser dans les chaumières en son temps), c’est rien de moins que l’hymne seventies du Boss « Born to run ». Ben je vais vous dire, si on part du principe que la version originale est indépassable, la reprise est excellente, et la meilleure que j’aie jamais entendue de ce titre. Rythme accéléré (mais tous les breaks y sont), voix en haut des aigus, un peu comme si elle était reprise par les Wampas avec un Didier Wampas qui pour une fois chanterait pas faux … Jubilatoire, quoi qu’en aient pensé les intégristes à l’époque …

Résultat des courses : deux grands morceaux (« Relax », « Born to run »), une petite poignée d’écoutables, une très grosse moitié à jeter … allez, suivant …


ELLIOTT SMITH - EITHER / OR (1998)

 

Chansons de l'innocence perdue ...

A ce stade de sa … euh, carrière (?), « Either / Or » était le disque « spectorien » d’Elliott Smith. Son troisième en solo, Elliott Smith approche de la trentaine.

Elliott Smith est issu de la middle class américaine, fils d’une institutrice et d’un toubib. Brillant, il entame des études supérieures sans conviction, ce qui ne l’empêche pas d’être diplômé en philo et sciences politiques. Il fait aussi un peu de musique avec quelques potes, dans le genre boucan (punk, hardcore, proto-grunge, cette sorte de choses). Le groupe se séparera avant la parution de son premier disque (ce qui lui vaudra plus tard des bisbilles avec l’industrie du disque, il a évidemment signé un contrat qui l’engage à vie et après le succès critique de « Either /Or » ce contrat ressurgira …). Il aurait aussi commencé tout juste ado à goûter goulûment aux drogues dures.

Smith sort au milieu des années 90 deux disques sur un label indépendant. Un pote lui a prêté un 4 pistes, il donne dans le folk dépouillé et compose, joue et produit tout seul. Avec les ventes phénoménales qu’on imagine …


Elliott Smith est un type insaisissable, beaucoup de choses dans sa vie restent un mystère (jusqu’à sa mort, classée cold case, on ne sait pas vraiment s’il s’est suicidé ou a été tué, accidentellement ou pas). Il fait partie de cette litanie d’auteurs tourmentés, fragiles et accros aux drogues et médicaments, dont les têtes de gondole du genre se nomment Nick Drake, Townes Van Zant ou Kurt Cobain … On l’aura compris, les disques d’Elliott Smith ne sont pas de ceux qu’on entend sur la sono à la fin des banquets de mariage …

« Either / Or » le sortira de l’anonymat. Sans qu’il soit dans quelque air du temps que ce soit. C’est dans tous les sens du terme un disque solo. Enregistré grâce à son 4 pistes un peu partout, et notamment chez sa copine de l’époque Joanna Bolme (que l’on retrouvera des années plus tard dans les Jicks, le groupe de Stephen Malkmus).

Le titre du disque est le même que celui d’un bouquin du philosophe danois Kierkegaard, pas vraiment un hasard quand on connaît le cursus de Smith. Sauf que sur le disque, nulle prise de tête.

Il est assez sidérant de constater comment, dans un genre largement diffusé (le folk pour faire simple) et minimaliste, on puisse encore trouver des mélodies, des refrains, des brouillons d’arrangements aussi beaux et fragiles. Oui, certes c’est brouillon. Sur plusieurs titres, on entend le souffle des bandes, le bruit du magnéto qui démarre l’enregistrement, la « production » est sommaire (les effets sur la voix, souvent doublée, sont à la limite de la faute professionnelle, on espère que c’est fait exprès, mais rien n’est moins sûr). En gros, n’importe quel groupe débutant ne voudrait pas du son de « Either / Or » comme première maquette. Sauf que …


Qui est capable d’écrire des trucs affolants de simplicité comme « Speed trials », « Ballad of big nothing », « Rose parade » « Punch and Judy », pour ne citer que les plus évidents. Et puis, chose assez inédite à cette époque-là chez Smith, il n’hésite pas à se lâcher et envoyer le bois (pas de la même façon que Metallica peut-être, mais plus intelligemment certainement). Il cogne sur les fûts, lâche quelques riffs électriques (« Pictures of me », le final quiet-loud de « Cupid’s trick », celui carrément bruyant de « 2 :45 AM »). On a rarement entendu des choses aussi évidentes faites par quelqu’un qui a l’air de s’en foutre royalement (un morceau n’a pas de titre, sinon celui de travail, « No name n°5 »).

Quelques dizaines de milliers de copies de « Either / Or » trouveront preneur. Parmi les acquéreurs, le sieur Gus Van Sant, fan depuis les débuts, qui avait utilisé de nombreux titres d’Elliott Smith pour son acclamé « Will Hunting » l’année précédente, le titre « Miss Misery » se retrouvant nommé aux Oscars, catégorie meilleure chanson originale. Elliott Smith refusera de la chanter lors de la cérémonie. Dans un premier temps, car sous la pression de l’Académie (« si tu viens pas la chanter, on la fera chanter par quelqu’un d’autre », ce genre), il s’exécutera finalement.

Dès lors, ce type qui comme Cobain ne voulait absolument pas de gloire ou de célébrité, va se retrouver malgré lui sous le feu des projecteurs, et corollaire, va devenir un junkie parano jusqu’auboutiste. Ce qui ne l’empêchera pas de publier quelques autres disques fabuleux …


THE BYRDS - GREATEST HITS (1967)

 

L'envol des Oyseaux ...

Les Byrds, tous ceux qui ont pas fini encovidés dans les EHPADs vous le diront, c’est les Beatles qui reprennent Bob Dylan. Certes … Sauf que les Byrds ils ont inventé le country-rock (avec Gram Parsons, l’indépassable album « Sweetheart of the Rodeo »), et ont donné l’idée à Tom Petty (et d’autres) de foutre partout de la Rickenbacker 12 cordes acoustique, ce que n’ont fait ni Dylan ni les Beatles …

Hillman, Clark, Clarke, McGuinn & Crosby en 1964

Il n’en reste pas moins que citer dans la même phrase Dylan, Beatles et Byrds ne relève pas d’une litote. Aux débuts était Dylan. Avec ses folks revêches acoustiques déclamés de sa voix nasale. Beaucoup plus à l’Est, les Beatles avec leurs petits costards, leurs coupes au bol, et leurs chansonnettes pour petites filles révolutionnaient l’Europe et commençaient à envahir les States. Qui se devaient de répondre. La Columbia, pas la moindre ni la pire des maisons de disques avança ses pions, les Byrds. Quasi un boys band, ils savaient chanter, composer, et avaient été réunis par une sorte de casting autour de celui qui apparaissait le plus doué (ou la plus grande gueule du lot), un certain Roger McGuinn. Par contre, en studio, ils étaient priés de laisser leurs instruments à la maison, remplacés par des sessionmen, et se contentaient de chanter et d’harmoniser. Et ça, ils savaient faire. Sauf qu’assez vite, les talents ont percé.

Roger McGuinn (qui lors d’un trip se reprénommera Jim) était la boussole du groupe, celui qui donnait la direction et le seul à participer à la longue litanie des formations différentes du groupe, Gene Clark se révèlera un compositeur fabuleux (et mésestimé toute sa vie, y compris dans sa carrière solo), et David Crosby un grand chanteur avant d’entrer dans la légende de la West Coast avec ses potes (?) S, N et parfois Y. Les trois sont l’ossature originelle des Byrds. Sera recruté un batteur (en fait c’est Hal Blaine qui joue en studio) limité mais choisi parce qu’il ressemble très très beaucoup physiquement à Brian Jones. Et assez vite, le multi-instrumentiste Chris Hillman rejoindra le groupe baptisé Byrds avec une faute d’orthographe comme Beatles. Parce que la référence absolue des Byrds, c’est le groupe de Liverpool et ses harmonies vocales. Dylan arrivera un peu par hasard, sur l’insistance du manager du groupe et de Jac Holzman, homme à tout faire de la Columbia. Les deux pousseront le groupe (pas très chaud au départ) à enregistrer une chanson inédite du Zim, « Mr Tambourine Man ».

Les mêmes un peu plus tard ...

Succès considérable, la version des Byrds deviendra une des chansons emblématiques des sixties. Nous sommes en 1965 et dès lors, en quelques mois, les Byrds vont avancer à une vitesse prodigieuse, mettre en place un son (la Rickenbacker 12 cordes acoustique), un numéro vocal jamais pris en défaut, et de gens à qui on force la main pour choisir un répertoire, devenir un groupe d’avant-garde, un de ceux qui lancent ou valident les courants musicaux. Tout en continuant (ils y ont pris goût et sont devenus fans) de reprendre Bob Dylan (qu’ils influenceront à leur tour, le « convertissant » à l’électricité, ce qu’il ne fera pas avec le dos de la cuillère).

La présente compilation dont au sujet de laquelle il est question s’attache aux trois premières années du groupe, celles du quatuor McGuinn – Clark – Crosby – Hillman (Michael Clarke sera conservé mais mis en retrait pour incompétence musicale flagrante). Ce « Greatest Hits » est rachitique (31 minutes sur un Cd, c’est léger, très léger, et qu’on ne vienne pas me dire que c’est la réédition du vinyle original), mais du coup a l’avantage de présenter le strictement indispensable du groupe, sans bout de gras superflu. Les quatre premiers albums sont concernés (« Mr Tambourine Man », « Turn ! Turn ! Turn ! », « 5th Dimension », « Younger than yesterday »), et sur les onze titres de la compilation, quatre sont signés Dylan (« Mr Tambourine Man », « All I really want to do », « Chimes of freedom », « My back pages »).


Les Byrds des débuts étaient une redoutable machine folk à hit-parades (la réponse de la côte Est se nommera Simon & Garfunkel), entamée avec « Mr Tambourine man » et « All I really want to do », cette dernière lorgnant effrontément vers le Beatles sound. Et tant qu’à faire du Beatles, Gene Clark va se fendre d’un « I feel a whole lot better » qui pourrait sans problème figurer dans le Double Bleu. En plus de Dylan, l’autre inspiration folk sera Pete Seeger, avec « The bells of rhymney » qu’il a co-écrite et une relecture d’une de ses adaptions (« Turn ! Turn ! Turn ! »  autre gros succès) à partir de versets de la Bible.

Ensuite, très vite, moins de deux ans après leurs débuts, les Byrds sous l’impulsion de McGuinn vont plonger dans le psychédélisme naissant et toutes les billevesées mystiques adjacentes. Là les titres parlent d’eux-mêmes (« Eight miles eight », « Mr Spaceman », « Fifth Dimension ») et signent une des premières émancipations du groupe (ces titres sont écrits par McGuinn, avec parfois l’aide de Crosby ou Hillman). Cette période va aussi voir leur succès commercial décliner. Pas cons, les Byrds vont revenir vers leurs fondamentaux originels, le folk rock électrique et les reprises de Dylan, l’album « Younger than yesterday » sur lequel figure l’excellente « My back pages » du Zim. La pièce de ce choix de ce disque (voire même de la compilation) est signée McGuinn / Hillman, c’est l’ironique « So you want to be a rock’n’roll star », c’est expédié en 2’05, et comporte une partie de trompette quasi mariachi du Sud-Africain Hugh Masekele.

La suite (au prochain numéro ?) sera l’éviction de Crosby (remplacé par un cheval sur la pochette de « Notorious Byrds Brothers », no comment …) avant l’arrivée du jeune prodige Gram Parsons …


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Original Singles Vol I 1964 - 1967


TEMPLES - HOT MOTION (2019)

Teenage lobotomy ...

Stade de France : enceinte sportive de la région parisienne, aire de jeu officielle des équipes de France de foot et de rugby. Jeux de ballons dans lesquels les susnommées équipes sont particulièrement mauvaises, celle courant après un ballon rond étant par on ne sait quel hasard, championne du Monde. Ce qui nous vaut d’entendre à tout bout de champ l’insurpassable « Feel the magic in the air, allez, allez, allez, levez les mains en l’air ». Et quand ces jeunes gens à QI tout juste positif ne squattent pas la pelouse, on peut de temps en temps y voir et y entendre d’autres choses.
Les Temples version glam ...
Les dinosaures du jurassique (Rolling Stones) ou du crétacé (Springsteen, AC/DC), les bestioles préhistoriques (Cure, Depeche Mode, U2), les animaux moyenâgeux (Mumuse, Coldplay). Autrement dit des types qui ont sorti leurs premiers disques depuis plus de vingt ans pour les moins vieux d’entre eux … et je ne parle pas des locaux, Indochine, ou (allumer le) feu Johnny, voire … Bigard (putain Bigard …).
Euh, garçon, et les Temples dans tout ça ? Ben, les Temples, ils ont tout pour jouer au Stade de France … un jour peut-être … faut pas rêver, ils sont pas sur une major, y’a que Sony, Universal et la Warner qui y envoient leurs têtes d’affiche … en tout cas, ils ont sorti un disque de pop rock machin de stadium … J’avais, en des temps immémoriaux, donné un avis ferme, définitif, etc… sur leur première rondelle. Celle-ci est leur troisième (pas écouté la seconde). Bon, j’ai pas vu ou entendu avec eux le futur du rock comme disait l’autre, mais ce « Hot Motion », je le trouve moins problématique que leur inaugural « Sun Structures ».
En tout cas, les Temples ont sorti là un disque plaisant, voire pour plaire (au plus grand nombre) … aux jeunes connectés spotifysés, voire à des vieillards de mon âge, qui, intrigués par l’espèce de Marc Bolan qui trône au milieu de la pochette, peuvent aller voir si de revival glam il est question. La réponse est non, pas de glam rock stricto sensu, mais des chansons un peu putes qui veulent ratisser large auprès d’un public point trop exigeant, et forcément potentiellement nombreux … D’où le SDF introductif.
... et version jacquard
« Hot Motion » est un disque bancal, déséquilibré. Si on l’a en vinyle, on peut à peu près zapper la seconde face, ses ballades bruyantes (« The Beam »), ou surchargées (« Monuments ») … ses titres lost in space, comme si les Temples avaient perdu le fil (« It’s all coming out ») … ses gimmicks du pire disco (pléonasme) italien des années 80 (« Step down », pourtant une bonne compo) … son titre à tiroirs, qui débute comme une ânerie folk-bâtons d’encens avant de muer pour finir en instrumental spatial (« Stop down »).
Par contre, les premiers titres, ben ma foi, pas entendu un enchaînement de titres aussi réussis depuis le premier MGMT. Cinq titres, ouais bien sûr un peu honteux tellement ils sont racoleurs, mais d’une évidence rare. Boostés par un son dernier cri, qui ne cède pas pour une fois aux sirènes des vois passées au vocoder ou à l’autotune. Parce que, selon toute vraisemblance, le James Bagshaw (celui qui ressemble à Bolan) sait chanter. Et composer (un tiers des titres, les trois composent, et fait assez rare dans ce cas de figure, les titres s’enchaînent au lieu de s’affronter par des approches différentes, impossible de dire sans lire les notes du livret qui a écrit quoi). Et produire (là le Bagshaw est seul aux manettes).

« Hot Motion » le morceau avec son intro très chaloupée et son refrain à la Chris Rea du « Love & Emotion » (et pas seulement pour des similarités phonétiques), pourrait devenir le « Dance to Joy Division » (Klaxons) des années 2020 (je me rends compte qu’avec des références comme ça, mes millions de lecteurs vont se gratter l’occiput, genre mais putain de quoi et de qui il cause là ?). « You’re either on something » est la ballade parfaite, racoleuse mais ‘achement bien foutue. « Holy Horse » sonne comme un inédit des Beatles … ou de Supergrass, rien à ajouter, c’est somptueux … « The Howl » met en avant un riff de synthés à la Cars (tiens, à propos des Cars, leur leader Ric Ocasek vient de claquer y’a pas longtemps, ça n’a évidemment pas fait les unes des JT), une partie de batterie à la « We will rock you » de Queen ; les Cars, Queen, du joli à l’oreille avec comme point commun des deux le producteur Roy Thomas Baker, pas un hasard si les Temples s’en inspirent dans le même morceau. Et last but not least de ce quintet magique « Context » qui n’est pas sans rappeler le son du premier MGMT, CQFD et la boucle est bouclée …
Curiosité de la pochette : ce logo en haut à droite qui renvoie à la signature de Prince sur certains de ces disques. Pas la moindre idée de ce que ça signifie pour les Temples et si c’est un hommage au nabot de Minneapolis …
Cinq grands morceaux, six de dispensables, soyons positif et décrétons le verre aux trois-quarts plein …


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DUNCAN BROWNE - GIVE ME TAKE YOU (1968)

L'histoire d'une faillite ...

Il y a trois façons de croiser le nom de Duncan Browne.
Soit on est un liquidateur judiciaire et on a bossé sur la faillite du label Immediate en 1969. Et pour essayer de récupérer un peu de pognon, on a pris la liste des derniers types qui avaient enregistré pour le label et on leur a présenté l’addition. Ainsi un huissier s’est pointé un matin chez Duncan Browne pour lui présenter la facture de « Give me take you » soit 2000 livres …
Soit on est un maniaque des sixties anglaises et des types de l’ombre qui ont compté à l’époque et on est tombé un beau jour sur une déclaration de Andrew Loog Odham, disant en substance que de tous les gens dont il s’était à un moment ou un autre occupé de la carrière, ses deux plus beaux succès avaient été les Rolling Stones (l’accroche mémorable « laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stone », c’est de lui), les Small Faces (fleurons de son label Immediate), et Duncan Browne (« il était incroyable, tellement talentueux » dixit Oldham) …
Soit on est un fan ultime de David Bowie et on est allé voir qui étaient ces types qui avaient écrit « Criminal world » (mauvais titre de « Let’s dance »). Ces types faisaient partie d’un groupe déjà à l’époque oublié et disparu du nom de Metro. Et parmi le trio signataire de « Criminal world » il y avait Duncan Browne …
Autrement dit Duncan Browne c’est l’inconnu qui n’a jamais eu son quart d’heure de gloire …
Sauf que ses disques au Browne (y compris le single de son premier groupe Lorel) coûtaient (avant la naissance des eBay, Discogs, et autres magasins de disques virtuels…) une blinde (plusieurs centaines de livres) chez les disquaires spécialisés … Maintenant que tout est disponible en trois clics, a été réédité, remastérisé et tout et tout, ça vaut quoi le disque de Duncan Browne chez Immediate, ce « Give me take you » ?
Surement pas les centaines de livres d’avant, mais largement les quelques euros de la réédition chez Grapefruit / Cherry Red, techniquement irréprochable et gavée de bonus, alternate takes, versions mono des singles, dont le très recherché en son temps de Lorel … et qu’entend-on sur cette rondelle argentée ?

En gros un folk psychédélique de haut niveau, assez proche de ce que faisaient en ces temps reculés des gens comme Nick Drake (la ressemblance la plus évidente), Donovan (en activité et pleine gloire) ou Cat Stevens (aux balbutiements de sa carrière). Mais également une version acoustique des Zombies ou des Kinks. Comme par hasard deux groupes totalement décalés à l’époque, ressassant des mélodies élisabéthaines sur fond de nostalgia (déjà à la fin des sixties) galopante. Il y a dans ce « Give me take you » des faux airs de « Odessey and Oracle », « Village green » ou « Arthur ». Trois chefs-d’œuvre absolus qui se sont commercialement vautrés lors de leur sortie et que de multiples tentatives de réhabilitation dithyrambiques depuis 50 ans n’ont pas réussi à sauver (il me semble avoir lu quelque part récemment que « Village green » n’en était pas encore à 100 000 copies/monde écoulées ce qui en dit long sur l’état auditif de notre planète).
Duncan Browne est un type qui s’est cherché, qui a voulu être aviateur militaire comme papa, puis comédien. Et qui aura finalement l’illumination en entendant Bob Dylan. Il sera dès lors chanteur folk. Un premier groupe, duo à la Simon et Garfunkel, signé par Oldham qui vient de laisser tomber le management des Stones et de créer Immediate. Le copain qui se barre, Oldham qui continue d’y croire et signe Browne en solo, les retrouvailles avec un type (David Bretton), croisé des années auparavant et qui se pique d’être poète (Duncan est un autodidacte de la musique, est capable de jouer plus que bien de la guitare, d’écrire des musiques, mais dès qu’il s’agit de mettre des textes sur le papier, y’a plus personne). Le vrai faux duo (ils cosignent tous les titres, mais seul Browne a son nom sur le recto de la pochette) passe quelques jours en studio pour ce « Give me take you », reçoit (ou pas, il y a doute) le renfort sur quelques titres de Nicky Hopkins (un des cinquièmes Beatles et sixièmes Rolling Stones). Browne impressionne même le clavier du groupe psyché-garage The Nice qui occupe le studio voisin, le martyriseur de Hammond (au sens propre, il en joue en plantant des couteaux entre les touches pour faire durer les distorsions) Keith Emerson. Lequel Emerson, lors de la débandade d’Immediate, proposera à Browne de monter un groupe ensemble, et devant son refus, ira draguer Lake et Palmer qui malheureusement ne diront pas non … Après quelques années de silence radio total, Browne reviendra dans un trio, Metro, qui restera totalement anonyme quelques années avant de disparaître définitivement des radars vers la fin des seventies. Browne décèdera d’un cancer au début des années 90 sans jamais avoir fait reparler de lui …

Le gars aurait mérité mieux, ne dépareillait pas dans une époque pourtant riche en types qui savaient trousser la mélodie et pousser la chansonnette. Des douze titres de la version d’origine de ce « Give me take you », il n’y a finalement que « Gabilan » (guitare acoustique en roue libre et voix geignarde) de franchement dispensable. Tout le reste est plaisant, voire plus. Le morceau titre ravira les fans de Donovan et ceux du « Lady Jane » des Stones, ce qui dans un monde idéal pourrait faire pas mal de monde. « Dwarf in a tree » un des plus « rock » (attention on est quand même pas dans le style Gibson – Marshall sur onze), évoque les splendeurs mélodiques des Zombies et des Kinks de « Village green », le Nick Drake des ballades tristes est présent bien souvent (notamment sur « The ghost walks »), les hippies avec les fleurs dans les cheveux auraient pu faire de « Chloe in the garden » un hymne campagnard des années peace & love, et les fans d’Yves Duteil trouveront lui trouveront moins de génie quand ils auront écouté « I was, you weren’t » que le barde franchouillard a décalqué jusqu’à plus soif toute sa vie … Et puis il y a le titre qui aurait pu être le « Ruby Tuesday » des sixties si les Stones en avaient pas eu l’idée, il s’appelle « On the bombsite », et là, franchement, on comprend pas pourquoi ça n’a pas un hit international (enfin si, la faillite d’Immediate, tout çà …). Et ce titre-là, on va pas se plaindre d’en trouver trois versions supplémentaires dans les bonus (démo, répète en studio, et single en mono).
« Give me take you » est le disque qu’il faut avoir pour (accessoirement) épater ses connaissances, et passer un bon moment peinard à profiter des derniers beaux jours de l’été …



ROXY MUSIC - COUNTRY LIFE (1974)

Un petit tour à la campagne ?

Ça donne envie hein, d’aller faire une virée dans les territoires, comme ils disent les politicards et les gilets jaunes. Ben, vous fatiguez pas, j’y vis dans la cambrousse et des meufs comme ça, y’en a pas … parce que maintenant elles se rasent la foufoune ? ouais, mais pas seulement et … que voilà un post mal … euh embouché, à faire se radiner toutes les hashtagueuses mal bai … pardon, féministes sous prétexte que je suis censé causer musique et que je parle pochette de disque …

Ben oui, les disques de Roxy Music ont ceci de particulier, c’est qu’ils se regardent avant de s’écouter. Faisons les présentations. A gauche, Eveline Grunwald, à droite Konstanze Karoli. La première est la petite amie et l’autre la sœur de Michael Karoli, le guitariste de Can. Rencontrées par Bryan Ferry dans une discothèque portugaise, où les deux teutonnes mignonnes sont en vacances. Mélange alcool plus herbe qui rend nigaud, et proposition de séance photo. Achat de sous-vêtements (les mêmes mais de couleurs différentes, je dis ça pour ça ceux qui se sont abîmés les yeux sur les pochettes de Scorpions, …) et shooting improvisé devant un massif de lauriers roses (?). Résultat, une des pochettes de disques les plus scandaleuses de l’histoire (nous sommes en 1974). Censurée dans plusieurs pays (les USA, l’Espagne franquiste, …). A l’attention des pervers relevant de la psychiatrie, on trouve sur le net des clichés non retenus…
Bon, ben voilà, fin de la chronique… Allez salut et à la prochaine …
Comment, qu’est-ce que tu dis, toi ? Que j’ai pas causé de la musique ? Tiens, c’est vrai, il y a un disque dans la pochette … Bon, on se calme et on reprend …
Des disques de Roxy, il y en a deux d’indispensables. Le second, « For your pleasure » avec une Amanda Lear allumeuse en fourreau (noir) perchée sur des talons immenses, tenant en laisse une panthère (noire), aguiche un Bryan Ferry dans sa bagnole ; et le dernier, « Avalon », avec sa sublime pin-up casquée et de dos … Comment tu sais que c’est une pin-up, connard, on la voit pas ? Pfff, pose pas questions comme ça, connard toi-même, t’as rien compris à Roxy … « For your pleasure », c’est le sommet artistique de Roxy, avec un Brian Eno sur le départ qui transmute en beau bizarre tout ce qu’il touche, le disque expérimental le plus facile d’accès qui soit … « Avalon » c’est un sommet de sophistication lascive intemporelle …

« Country life », sous-titré « The fourth Roxy Music album » arrive deux ans après « For your pleasure », et succède au plutôt dispensable « Stranded ». Et qu’on le veuille ou pas, pâtit également de l’absence d’Eno. Qui avant de devenir un gourou sonore conceptuel (par définition chiant), a été un empêcheur de sonner comme il faut, en gros durant les années septante commencées avec Roxy, et finies avec les Talking Heads, en passant par des disques solos très recommandables et of course, la période dite berlinoise de Bowie. Eno a génialement parasité avec ses bidouillages au jugé les deux premiers Roxy. Certes il y avait dans ces galettes quelques titres pas exactement mauvais mais qui auraient dû sonner « classique », alors que l’aristo dégarni en a fait des trucs inoubliables. Eno, comme tous les sorciers de studio qui deviennent des dictateurs, se trouvait coincé dans Roxy, dont le leader naturel était Bryan Ferry. De plus, il détestait la scène (il injectait ses sons bizarroïdes depuis la table de mixage, on le voyait pas) …
Une fois l’Eno parti, Ferry s’est retrouvé seul maître à bord. Niveau compositions, c’était pas gênant, c’était lui le pourvoyeur essentiel de titres (paroles et musique). Mais Roxy qui était un groupe assez fou (voir les extravagantes tenues de la pochette intérieure de « For your pleasure », qui font passer les délires vestimentaires du Bowie de l’époque pour la garde-robe d’Edouard Philippe) est devenu un groupe « normal ». Du pop-rock dans la ligne du parti, sans trop de place pour les dérapages sonores. Et c’est parfaitement criant sur « Country Life ». Des titres comme « Three and nine » (ballade lascive avec Ferry dans le rôle du crooner lascif qui sera sa marque de fabrique pour les décennies à venir, et le sax omniprésent de MacKay), « If it takes all night » (cabaret jazzy sur rythmique lourde boogie), « Casanova » (la guitare de Manzanera en avant sur un rock mid-tempo) sont convenus, sans surprises.

Roxy Music, dans les seventies, laissait pas mal de gens dubitatifs, enfin surtout ceux qui aiment bien ranger et étiqueter ce qu’ils écoutent. Au gré des lectures, on trouve le groupe à la rubrique prog (le penchant Manzanera pour le sinistre genre, il a fricoté avec quelques progueux, mais en fait avec tous ceux qui lui laissaient brancher sa gratte sur un ampli), dans la rubrique glam (écouter ici « Prairie Rose » un jurerait un morceau du Bowie – Aladdin Sane), dans la rubrique lounge – crooner (le côté chic de Ferry). En fait, Roxy est le groupe des malentendus. Il est certes un peu de tout ça, mais surtout inclassable, passant du coq à l’âne d’un titre à l’autre, en multipliant les fausses pistes. Un seul exemple, Bryan Ferry, qui a cultivé toute sa carrière une image de dandy chic aristocratique est un fils de paysans tout ce qu’il y a de pauvres, un vrai working class hero.
« Country Life » part dans tous les sens, mais sonne plus décousu qu’aventureux. Les titres pris séparément tiennent la route, mais il manque une vision, une direction, un marquage sonore (un coup la rythmique très lourde en avant, une autre fois le sax, une autre fois Manzanera). Même la voix de Ferry, qui deviendra par la suite une marque de fabrique instantanément reconnaissable, suit les tempos et batifole dans plusieurs registres. Surnagent quand même du lot des évidences comme « The thrill of it all », « All I want is you » (deux titres que Bowie a dû disséquer, ça ressemble à ce qu’on trouvera sur « Lodger » un lustre plus tard), ainsi que « Prairie Rose » ou « Out of the blue » …
Bon, pas vraiment de quoi se relever la nuit … sauf si on s’appelle Bryan Ferry et qu’on est sûr de rentrer avec deux gazelles pas très farouches …

Des mêmes sur ce blog :



KAREN O & DANGER MOUSE - LUX PRIMA (2019)

Fiat lux ...

Putain d’étrange affaire que ce disque, né d’une collaboration inattendue, mais pas improbable. Les deux ont depuis une vingtaine d’années que leur carrière a commencé abordé tellement de genres, tenté (avec plus ou moins de bonheur) tellement d’expériences, que retrouver leurs deux noms accolés sur la pochette d’un disque n’est pas a priori une bizarrerie.
Elle, Karen O (O pour un nom polonais imprononçable hérité de son père, sa mère est sud-coréenne, ce doit pas être mieux pour nous occidentaux francophones) est surtout connue pour être la chanteuse des Yeah Yeah Yeahs, groupe new yorkais post rock-punk-new wave, enfin post tout ce que vous voulez… Look garçon manqué à la Chrissie Hynde, présence scénique détonante, des premiers disques au début de ce siècle remarqués sinon remarquables, et une relative disparition des radars depuis quelques années.
Karen O & Danger Mouse font la gueule
Lui, difficile de passer à côté. Des débuts comme Dj, avec une polémique initiale, des procès pour un mix osé (« The Grey album ») entre Jay-Z (« Black album ») et les Beatles (« White album »), avant que les collaborations prestigieuses et les montagnes de dollars s’enchaînent à une cadence infernale (le gros carton de son « groupe » Gnarls Barkley, des productions pour Gorillaz, Adele, U2, Red Hot Chili Machin, Norah Jones, sans parler de son travail avec les Black Keys dont il est de fait le troisième membre depuis le virage sinon commercial, du moins radio friendly du duo barbu).
Généralement, quand deux célébrités travaillent ensemble, on a droit à un partage poli et diplomatique du territoire sonore, pour ne pas décontenancer et perturber le fan de l’un des deux qui passerait par là. Sans être un exégète des œuvres de la demoiselle et du monsieur, il me semble bien qu’ils n’avaient pas fait grand-chose qui ressemble à ce « Lux Prima ».
Qui, autant le dire d’entrée, est un disque fantastique, comme il n’en sortira certainement pas une poignée cette année. Parce que « Lux Prima » est un disque pour les vieux plutôt que pour la génération Spotify - Kendji Girac. Ca tombe bien, je suis vieux, et j’ai jamais écouté plus de dix secondes un putain de morceau de Kendji Truc, et j’ai détalé au premier streaming attrapé sur Spotify (ou Deezer ou iTunes ou tout ce que voulez dans le genre), ces minables mp3 qui sont à la musique (et accessoirement au rock) ce que François de Rugy est à la conviction politique … Donc je suis vieux et j’emmerde la jeunesse (et l’affront national) et j’ai trouvé génial « Lux Prima ».
Karen O & Danger Mouse sont heureux
Parce que cette rondelle brillante fourmille de références. Sans que ça sonne une seule seconde passéiste ou revivaliste. Normal, le Danger Mouse doit passer trente heures par jour en studio, il a dépassé le stade d’essayer de sonner comme les 13th Floor Elevators de 1966. Le type est capable de sortir des mélodies atmosphériques (on disait planantes il y a quarante ans) et le titre d’après d’envoyer un rock minimaliste sur fond de percussions tribales. En utilisant des claviers high tech, certes, mais au fil des morceaux on le retrouve à la batterie, à la basse, aux guitares (acoustiques et électriques), au Wurlitzer, au mellotron,… Lui et la Karen (aux vocaux évidemment, mais aussi épisodiquement aux guitares et aux synthés) se sont même adjoint les services d’une section de cuivres et de cordes. Toutes ces possibilités sonores utilisées avec parcimonie, un bon goût et une classe jamais démentis (on est plus proche de Nick Drake que de Berlioz, if you know what I mean …).
Alors par ordre d’apparition dans la stéréo on a droit à « Prima Lux » (le morceau), quasi instrumental, lent, doucereux, découpé en quatre parties évoquant Pink Floyd, Cocteau Twins, Dead Can Dance … Totalement improbable mais captivant. Suit « Ministry », le genre de titres que Kate Bush (ou son avatar polaire Björk) n’a plus écrit depuis une éternité. Précision, on est dans l’inspiration pas dans la copie, la voix de Karen O et de la Babooshka  n’ont rien en commun, hormis une sensualité insidieuse. On semble parti après ces deux titres vers une atmosphère contemplative, genre new age haut de gamme.
Ben pas du tout. Se pointe un funk discoïde  au ralenti (« Turn the light »), qui marche sur des terres jadis foulées par des gens comme Chic ou Donna Summer. Arrive ensuite un rock primaire (« Woman », rien à voir avec le titre de Lennon), pour ne pas dire primitif, rempli de percus tribales, un peu comme si les White Stripes en leur âge d’or avaient trouvé des synthés dans leur studio et s’en étaient servis, ou si les Black Keys étaient retournés vers leurs trucs rêches et abrasifs.
Et tout le reste du disque multiplie les idées originales, les arrangements malins, les mélodies éthérées, la seconde partie du disque est plus calme, pas forcément moins intéressante. « Redeemer » mélange rythme rock et refrain raggamuffin, « Down » part dans tous les sens et réussit à garder une cohérence et un fil conducteur remarquables, la Karen O susurre à la façon de Debbie Harry une pop étincelante (« Leopard’s tongue »). « Rêveries » est un titre qu’aurait aimé trouver Patti Smith même si finalement dans l’ambiance et la partie vocale il y a des faux airs du « Working class Hero » repris par Marianne Faithfull. Le dernier titre « Nox Lumina » est le contrepoint du premier, manière de boucler la boucle, et que le grand cric me croque si la partie chantée n’emprunte pas la mélodie (ralentie) de « Comment te dire adieu ».
Danger Mouse par sa polyvalence instrumentale et son apparente facilité à aligner sons et mélodies qui s’incrustent en deux écoutes au plus profond du cerveau place la barre très haut, rejoignant dans l’excellence les quelques rares sorciers de studio ayant réussi à sortir sous leur nom des disques audibles (comme au hasard le Brian Eno des seventies avant qu’il vire gourou conceptuel pénible). Karen O surprend par l’étendue de son registre vocal, s’adaptant à quantité de styles, toute en émotion sensuelle, à l’opposé de toutes ces Castafiore sans âme qui encombrent le marché …
Grand et beau disque …



PAUL McCARTNEY - EGYPT STATION (2018)

Les six gares du Pharaon ?

Sir Paul McCartney, musicien anglais, né en 1942, et donc 76 ans au compteur. Des types dans son genre qui étaient là au début du machin, il en reste vivants, en comptant large, une paire de poignées dans le rock-pop-bidule-truc … Et bizarement, la plupart continuent de sortir des disques et de donner des concerts. Alors qu’ils sont multi-milliardaires et pourraient se la couler douce en EHPAD en faisant sauter leurs arrière petits-enfants sur leurs genoux …

Faut croire que pour continuer dans la musique à ces âges canoniques, ils le font parce qu’ils aiment ça et que de toute façon ils savent pas et n’ont pas envie de faire autre chose. Mourir sur scène semble être la fin recherchée par les Jagger, Richards, Lewis, Little Richard, Townsend, Daltrey, Davies, Morrison. Et Macca donc (ouais, je sais, j’ai oublié Ringo, qui est plutôt bien sur scène avec son All-Star Band, mais qui a jamais sorti un disque écoutable de sa vie en solo …).
Donc le dernier McCartney s’appelle « Egypt Station », se présente sous la forme d’un carton dépliant genre accordéon et est enluminé par des peintures du Paulo himself. Ah ouais, il y a un dique à l’intérieur aussi. Certains disent que c’est son meilleur depuis « Chaos and creation … », voire depuis « Band on the run ». Les plus sourds de ses fans citent même « RAM » (ce qu’ils prouve qu’ils sont sourds, « RAM » s’apparentant beaucoup plus à une purge qu’à un chef-d’œuvre). Certains, perdant tout sens de la mesure et de la retenue évoquent la seconde face de « Abbey Road »… Faut raison et oreille objective garder, les enfants …
« Egypt Station », d’accord, il est pas mal, et oui, c’est sûr, Sir Paul il en a sorti de plus mauvais que ça. De là à miauler au génie retrouvé …
D’abord, le Paulo, il a plus toute sa voix. Il chante toujours bien et juste, mais ne prend aucun risque (comme le Bowie de la fin) et sa voix n’est plus reconnaissable à la première mesure, elle est devenue quelconque.

Des fois aussi, le Paulo, il a plus toute sa tête, ni toutes ses oreilles. Il y a dans « Egypt Station » des titres qui auraient dû rester dans les tiroirs de Capitol. Surtout qu’il nous en sert quatorze (plus deux courts intermèdes comme les rappeurs bas du front en glissent dans leurs rondelles) pour quasiment une heure. Le calcul est simple, un tiers de titres en moins, ça aurait fait quarante minutes qui auraient eu de la gueule.
Yeux bandés et direction le poteau d’exécution, sont appelés à comparaître « Hand in hand » ballade au piano comme Obispo peut en écrire une chaque matin, l’idiotie new wave « Back in Brazil » (on est plus en 1980, Paulo, c’est quoi ce machin ?). « Caesar rock » n’est ni rock ni impérial (parenthèse subliminale, ça me renvoie l’image d’un atroce disque d’Iggy Pop « American Caesar »). Quand aux deux choucroutes à la chantilly et crème de marron que sont « Despite … » (on dirait du Genesis des années 80, la honte …) et le medley « Hunt you down … » gâché par une ignoble partie centrale sur un rythme de valse électronique, ils montrent bien que Sir Paul ne changera jamais, capable de temps à autre de livrer des machins d’une mièvrerie et d’un je m’en foutisme édifiants (on peut pas refaire à chaque coup un « Hey Jude » en étant en totale roue libre…).
Greg Kurstin & Sir Paul
Ce qui fait quand même un gros de paquet de titres, qui ne changeront certes pas la face du monde, mais qui se laissent écouter, et plutôt plusieurs fois qu’une. Parce que Macca est un génie de la chanson mélodique, que la recette c’est quasiment lui tout seul qui l’a inventée, et qu’il est encore capable de la retrouver quand il veut … Meilleurs exemples, des titres comme « Do it now » ou « Dominoes », la première aurait pu être écrite il y a cinquante ans du temps de son groupe de jeunesse, la seconde aurait pu figurer telle quelle sur « Band on the run »… tant ça sonne en roue libre, d’une simplicité confondante. A priori des machins totalement anecdotiques, mais les types capables d’écrire des chansons comme ça, en comptant ceux qui peuplent les cimetières, il en a pas existé une demi-douzaine. Surtout que sans avoir l’air d’y toucher, le Paulo est aussi capable de sortir des titres qui te mettent l’eau à la bouche avant même d’en avoir entendu la moindre note. On ne baptise pas impunément un morceau « People want peace » sans que le fantôme d’un sien ami de jeunesse à binocles rondes chantonnant « Give peace a chance » surgisse immédiatement. Surtout quand le morceau en question sonne comme du Lennon du début 70’s… « I don’t know » d’entrée, commencée sobrement au piano et qui gagne peu à peu en ampleur, rien à dire, c’est bien foutu, même si Macca a fait mieux dans le genre … « Happy with you » tu peux croire que c’est un inédit de « Rubber soul » ou « Revolver », tous les ingrédients sont là … Et « Fuh you » montre que McCartney peut atteindre des sommets stratosphériques en faisant aujourd’hui encore aussi bien que les plus doués de ses imitateurs (MGMT ou The Coral au hasard)
Tout ça nous fait un disque certes un peu longuet, doté d’un son roboratif (Greg Kurstin, coupable d’avoir gagné sa vie en produisant toutes les Lily Allen, Beyoncé, Britney Spears, Katy Perry, Pink, … qui passaient à portée, avant de revenir ces derniers temps dans le droit chemin en bossant pour les Shins, les Foo Fighters ou Liam Gallagher), de types qui assurent (contrairement à ce qui est parfois annoncé, « Egypt station » n’est pas un disque solo même si le Paulo est crédité de tous les instruments, plein de gens, dont notamment les types qui l’accompagnent sur scène jouent sur le disque), une grosse poignée de bonnes chansons…
On va pas lui jeter la pierre pour ça, ni d’un autre côté présenter « Egypt Station » comme un mausolée musical. McCartney a fait ce qu’il sait faire de mieux, un disque de McCartney …



Du même sur ce blog : 
McCartney



THE CORAL - MOVE THROUGH THE DAWN (2018)

Le temps des cathédrales ...

De ces cathédrales pop dont la recette semblait perdue à jamais … de ces machins et tellement tarabiscotés et tellement évidents à la fois, qui naissaient dans des temps immémoriaux de l’esprit dérangé de Brian Wilson ou Arthur Lee, ou dans les rêves de McCartney.
The Coral, ils ont eu un énorme handicap. Ils venaient de Liverpool et savaient trousser la mélodie, et donc, sans qu’ils aient rien demandé, se sont évidemment vus taxer de (énièmes) nouveaux Beatles. Ce qui, malgré une poignée de disques, honorables voire plus dans les années 2000, était un costard un peu trop grand pour leurs épaules. L’affaire Coral semblait classée, d’autant que leurs deux ou trois dernières livraisons, parasitée par des départs (celui du guitariste notamment), étaient loin de faire l’unanimité y compris au sein de leurs aficionados.
The Coral 2018
Et ce « Move through the dawn » se pointe. Avec sa pochette à faire frémir, genre rednecks américains en goguette à Tokyo (y’en a un avec un tee-shirt Mickey, même Curt Cobain, peu soucieux de sa garde-robe et de son look, n’avait pas osé …). Le genre de skeud que tu mets dans un coin en te disant que tu l’écouteras quand tu auras vraiment rien d’autre à foutre …
Tout faux. « Move through the dawn » est un grand coup de pied aux idées reçues et aux a priori … même avec la meilleure mauvaise volonté du monde … Ouais, le premier titre « Eyes like pearls » est extraordinaire, un bijou de sunshine pop, un titre comme plus personne n’en a sorti depuis Crowded House, Prefab Sprout ou XTC, ce qui ne rajeunit personne et surtout pas moi... Mais tout le monde met un bon morceau en ouverture des disques, je vais pas me faire avoir, et je prépare la kalachnikov pour dézinguer le reste, qui forcément, ne tiendra pas la route…
Sauf qu’il faut arriver au dixième titre (sur onze), le très mal nommé « Stormbreaker » (on dirait un titre de chanson de Deep Purple ou de Rainbow, c’est dire) pour trouver quelque chose qui s’apparente à une baisse de niveau, un semblant de régression qualitative. Et encore, on en connaît à la pelle, des zozos qui passent en tête d’affiche des festivals avec cachet indécent à la clé, qui vendraient père et mère pour être capables d’écrire ce genre de ballade mid-tempo très seventies avec sa partie centrale très Pink Floyd. Tout ceci avant que le disque ne se termine par « After the fair », ritournelle folk pleine d’arpèges acoustiques que n’aurait pas reniée un Nick Drake et qui devrait inciter nombre d’apprentis Dylan ou Neil Young qui pullulent depuis cinquante ans à changer de métier …
James Skelly, chanteur et principal compositeur
Tout le reste est un enchantement (pour qui n’est pas fan de Slayer s’entend). On ne sait plus où donner de l’oreille devant ces trouvailles mélodiques, ces arrangements millimétrés d’une finesse et d’une classe folle, alors que le genre abordé (la pop baroque ou luxuriante) ne conduit généralement qu’à un ramassis de sonorités ampoulées et prétentieuses. Tout ça en évitant le piège de l’emphase, du kouglof mis en musique. Les titres sont vifs, nerveux. « Reaching out » fera plaisir aux fans des Go-Go’s ou du Dwight Twilley Band, « Sweet release » aurait trouvé sa place dans le « Live at Budokan » de Cheap Trick, « She’s a runaway » swingue et funke comme le meilleur de Crowded House, « Stranger in the hollow » déploie des trouvailles mélodiques insensées, « Eyes of the moon » fait oublier l’absence depuis des lustres du Paddy McAloon (pas vraiment sa faute, il est gravement malade) qui tutoyait les étoiles avec Prefab Sprout, et « Undercover of the night » (rien à voir avec un très mauvais disque des Stones 80’s) sonne tellement Simon et Garfunkel qu’on croirait que le nabot et la grande asperge se sont encore rabibochés.
Et puis, pour en revenir aux Beatles dont il était question au début, « Love or solution » devrait donner envie à tout le monde de réécouter « Revolver » pour constater que oui, ce titre aurait pu y figurer dans le tracklisting sans que personne y trouve à redire.
A ce stade, il reste deux questions : un, mais putain comment les Coral ont-ils fait pour torcher pareille merveille et deux, seront-ils capables de reproduire pareil coup d’éclat ? On l’espère …