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MICHEL POLNAREFF - ENFIN ! (2018)

Le Bal des Naze ?

Tous les fans du perruqué frisé vous le diront, il y a des dizaines d’années que Polnareff n’avait pas sorti un disque. Ce qui n’empêchait pas le monde de tourner (plus ou moins rond, mais c’est un autre débat …). Alors là, dans un timing mercantile parfait avant les fêtes il nous a sorti un disque qui sent le sapin pour mettre sous le sapin. Un disque de plus d’une heure (quelqu’un lui a-t-il suggéré que pareille longueur n’est plus de mise depuis plus de trente ans ?), un disque interminable. Et quasiment minable tout court.
Polnareff 2018
Polnareff, je suis fan de ses débuts. Nettement moins des bouillasses seventies (même si occasionnellement on pouvait y trouver des tueries totales) depuis et y compris le prétentieux « Polnareff’s ». Et je suis encore moins fan de l’homme Polnareff. Exilé fiscal (sous prétexte qu’un génie comme lui n’avait pas à rendre des comptes au fisc, la belle excuse). Pas pire que tous les Tapie, Ghosn, Cazeneuve ou Balkany le mafieux de Levallois, le pire de tous peut-être … j’ai pas du tout aimé ses retours hyper-médiatiques très chèrement monnayés (l’aubade du 14 Juillet sur les Champs-Elysées financée par Sarko-Nabot Ier, donc par nos impôts, no comment …). Pas plus que ses déclarations opportunistes d’un crétinisme pervers sur sa sympathie pour les gilets jaunâtres, eux qui demandent entre autres le rétablissement de l’ISF, alors que lui justement s’en exonérait en s’exilant aux States … Fuck you Polnareff …
Et si on parlait musique, puisqu’à la limite on peut faire abstraction de tout le reste ? Et tant qu’à évacuer le problème de l’opportunisme, disons tout d’abord le mépris que m’inspire le titre « Terre Happy », qui en plus d’un jeu de mots affligeant, nous montre un Polnareff qui nous livre un machin larmoyant très pro-écolo (il a du apprendre que le collectionneur de 4X4 Hulot était très populaire en Macronie, faut ratisser le plus large possible quand on sort un disque tous les cent ans …). Polnareff (74 ans au compteur, génération Dylan-McCartney-Jagger-etc. pour situer) aurait pu la jouer profil bas, se contenter de sortir un disque honnête, que de toutes façons ses vieux fans chauves auraient acheté les yeux et les oreilles fermés. Le type a suffisamment de talent (le génie, il en a eu aussi, mais le propre du génie, c’est qu’il est le plus souvent éphémère, et celui de Polnareff l’a fui depuis longtemps) pour à l’instar des chenus ancêtres de son âge, sortir un truc point trop désolant …
La grand-mère de Polnareff
Las, il nous a pondu une rondelle d’une prétention terminale, une démonstration musicale au forceps à grand renfort d’orchestres classiques et/ou symphoniques. Des cohortes de violons, violoncelles, cuivres, qui le plus souvent n’apportent rien ou peu de choses aux titres qu’ils parasitent (les trois-quarts). On peut même se demander s’ils ne sont pas là pour couvrir la déchéance vocale de Polnareff. On aurait parfaitement compris (et pardonné) qu’à son âge, il ne puisse plus aller aussi haut dans les aigus, tandis qu’ici ces couches d’instruments empilés donnent l’impression de n’être que des cache-misères. Quand il se hasarde sans filet dans un titre piano-voix (« Grandis pas »), y’a comme qui dirait un malaise, on attend quelque chose qui ne peut plus venir, et on se retrouve devant un machin dont Obispo ne voudrait pas comme bonus track …
« Enfin ! » s’ouvre et se ferme par deux longs instrumentaux (10 minutes de moyenne) qui prouvent que quand on a tout oublié, restent les années de Conservatoire. C’est « écrit », pensé, réfléchi, d’une précision sonore diabolique (pas facile de mixer sur l’introductif « Phantom » des violoncelles et la guitare hardos du requin de studio Tony McAlpine), mais prodigieusement chiant, à un point qu’on trouverait intéressant des horreurs comme le « Underture » des Who sur « Tommy » … Le problème, c’est que quand la durée des titres se réduit et qu’il y a des paroles, c’est pas plus captivant. Ambiances funky-groovy-jazzy le plus souvent, qui dans le meilleur des cas semblent marcher sur les pas du Stevie Wonder qui commençait à décliner, celui des années 80 et suivantes.
Polnareff sans perruque ?
Les années 80, on y est parfois en plein dedans, et à ce titre le navrant « Sumi », gros riff hardos d’entrée pour un rock FM à la Europe (non, pas l’Union, les tocards de « Final Countdown »), avec paroles et jeux de mots d’une indigence stupéfiants. Le genre de truc qui pourrait tourner en boucle sur les radios si quelqu’un pensait à les écouter … Des lustres sans disques, mais pas du neuf pour autant. « Ophélie flagrant des lits » (des titres comme ça te donnent envie d’acheter l’Almanach Vermot), était d’après les fans jouée régulièrement en concert depuis longtemps. Je veux bien croire que ça puisse fonctionner en live tellement c’est crétin, un mix entre Dorothée (celle du Club du même nom, oui, on en est là) et son propre « LNAHO », là aussi pas ce qu’il a fait de mieux … Quand on sait que Polnareff a passé des décennies à baver sur « Tous les bateaux tous les oiseaux », son plus gros succès, qu’il trouvait d’une simplicité débile, faudrait qu’il réécoute à tête reposée ce qu’il sort maintenant …
Qu’est-ce qu’il reste à sauver ? Pas grand-chose certes, pourtant Polnareff est encore capable de chansons fulgurantes. Ici il y en a deux. « Longtime » c’est du Polnareff éternel, la tuerie mélodique, et des paroles pas trop cons (un titre sur le manque d’inspiration, ceci explique cela). Mais le meilleur titre arrive vers la fin, ça s’appelle « L’homme en rouge », ça parle du Père Noel que les enfants pauvres attendent et qui ne vient pas, et ça cumule paroles pour une fois simples et sensées et une partie musicale à classer dans le Top 10 de Polnareff …
Tout ceci ne fait pas un ratio qualitatif extraordinaire. En fait c’est quand le disque est terminé qu’on dit « Enfin ! »

Du même sur ce blog :

MELODY'S ECHO CHAMBER - BON VOYAGE (2018)

Melody ... Nelson ?

Conclusion : ce disque est embarrassant … voilà, voilà …
Pourtant a priori, j’avais envie d’en dire du bien. Une Française (Melody’s Echo Chamber c’est Melody Prochet seule aux commandes), qui ne donne pas dans la chanson française, qui ne singe pas je ne sais quelle mouvance sonore anglo-saxonne … Et qui donc fait quelque chose de relativement original. Sans vraiment rien inventer (d’ailleurs qui invente quelque chose depuis des lustres ?).
Melody Prochet
Son premier disque, auréolé de la présence du type en pleine hype (Kevin Parker, soit Tame Impala à lui seul) à ses côtés, avait créé le buzz. Un disque correct, bien que quelque peu convenu, paru en 2012. Depuis, plus rien. On lit ici ou là que la Melody a connu une déception amoureuse traumatisante, un sévère carton en bagnole, deux accidents de la vie dont elle a mis longtemps à se remettre. Soit … Qu’elle a dû se reconstruire, physiquement et mentalement avant de retourner à la musique. Qu’elle a rencontré fortuitement deux types, des Suédois, d’un groupe (Dungen, jamais entendu parler, soi-disant de la pop lorgnant sur …arghhh le progressif). Qu’elle a fait ce disque avec eux, d’ailleurs il y a plein de nom à consonnance du pays de Zlatan dans les crédits, et même un titre acoustique qu’elle chante en suédois (« Van hart du vart ? »), folk dispensable, avec par moment des faux airs mélodiques de « The girl from Ipanema ».
« Bon voyage » est une rondelle souvent agaçante, parfois même plombante …
Agaçante parce qu’il y a un parti-pris de noyer tout le son (instruments et voix) sous des tonnes d’effets, et de faire partir la plupart des titres dans tous les sens (effet prog ?), en multipliant les approches mélodiques, les ponts, les breaks, alternant parfois dans le même morceau chant en français et en anglais. Points communs à tous les titres : des couches de mellotron, pas l’instrument le plus discret du monde, même s’il donne une patine rétro (futuriste ?) à l’ensemble. Beaucoup également de sons et d’ambiances orientaux, en filigrane dans la pochette du disque. Un crobar tendance perse – kamasoutra où l’on voit la Melody se rapiécer la peau à hauteur du cœur (syndrome Ugolin – Manon des Sources ?) …
Ce qui nous amène à l’aspect plombant. Le propos global n’est pas joyeux, il donne plutôt dans l’introspection déprimante. La Melody n’a pas le moral au beau fixe, revient comme la misère sur les pauvres sur son amour disparu. Clairement, ce disque fonctionne comme une thérapie pour elle. Ce qui place l’auditeur dans la situation de voyeur de ses états d’âme. J’aime pas ça, d’une façon générale, ces gens qui te prennent en otage alors qu’ils sont en train de faire un strip-tease de leur âme. Tout le monde n’a pas le génie de (au hasard) Nick Drake pour ce genre de figure de style…
Melody's Echo Chamber live
Faut donc zapper pas mal d’aspects de cette galette si l’on ne veut s’en tenir qu’au résultat final. Melody Prochet est talentueuse, c’est sûr. Elle est capable d’écrire de grandes et belles choses, mais a trop tendance à les diluer et les étirer au-delà du raisonnable (seulement sept titres pour à peine plus d’une demi-heure). Un seul titre est « facile », d’une structure assez simple. « Breathe in, breathe out » qu’il s’appelle. D’ailleurs, et c’est certainement pas anodin, il est sorti en single. Le reste évoque pêle-mêle Gainsbourg – Burgalat – Air (« Cross my heart », « Visions of someone »), les montées dans les aigus de la voix (alors que Melody Prochet a naturellement une voix de non-chanteuse genre Adjani-Birkin) ressuscite à l’occasion le fantôme de Björk (proximité nordique entre Suède et Islande ?), se perd dans une sophistication envahissante (exemple type, « Shirim », instrumental de fin, avec cocottes funky engluées dans des synthés parfois proches de ceux de Daft Punk, sans qu’on voit où la Melody veut en venir).
« Bon voyage », c’est un peu le disque des générations Facebook ou Instagram, l’exhibition devant la Terre entière de ce qui ferait mieux de rester dans le domaine de l’intime et du privé. La qualité de ce qui nous est jeté en pâture devenant accessoire.
Reviens quand tu veux, Melody, mais s’il te plaît, avec un disque pour tout le monde, et pas seulement pour toi …


De la même sur ce blog :

KENT - AMOURS PROPRES (1983)

La réédition qui fait mal ...

A la fin des années 70, Starshooter faisait des 45 T rigolos (« Betsy Party », « Get baque », « Ma vie c’est du cinéma », …) et des 33 T ratés. Leur leader était Kent Cokenstock (vous avez compris qu’il était fan de BD belge ligne claire et d’Hergé en particulier ?) qui chantait encore plus faux que Jean-Louis Aubert des textes décalés dans une veine humoristique punk (ça vous parle ?). Les Starshooter, en pseudo punks provinciaux (Lyon) durèrent quelques années avant de déposer les armes. Le Kent continua le combat (pas très rock) … pour ce premier effort solo après la dissolution du groupe. Son album est calamiteux, et on comprend pourquoi il n’avait apparemment jamais été réédité pendant vingt ans.
Ecce Homo ...
Car même si les radios ont à l’époque un peu diffusé « Partout c’est la merde », on ne peut pas dire que ce calypso bancal soit une réussite. Malheureusement, tout le reste est à l’avenant, du pastiche « téléphoné » de « Souvenirs majeurs », « Stupidités », à l’imitation d’Antoine quand l’élucubrateur avait besoin de repeindre son rafiot (« Long, long, voyage »), quelques rockabs poussifs du niveau des Forbans ou de Jesse Garon (« Je dis bye bye »), un reggae à faire se retourner Marley dans sa tombe (« Rabat-joie »), le tout accompagné de textes pas vraiment inspirés. Ces textes sont d’une navritude extraordinaire (au hasard : « Adieu le stress, bonjours les bananes », « Dans les îles, on finit pas à l’asile »).
Kent se cherche (il fait aussi des BD), et finira quelques années plus tard, quand il aura trouvé sa Barbie (la douce Enzo Enzo) par se fixer sur un style quelque part entre Souchon et Trenet, qui sans le rendre crucial pour autant, lui ira mieux que ce premier essai totalement raté.
1983, l'édition originale ...
La réédition de 2004 (avec visuel différent) comporte quatre bonus. Les deux derniers sont atroces. « Tout petit doute » est comme un brouillon du sinistre reggae de Prisu « Chacun sa route », la BO de « Un Indien dans la ville » et par charité je m’abstiendrai de tout commentaire sur « Passion dans l’Est ». Par contre les deux premiers bonus sont … euh … moins mauvais. « Tiny Tinto » démarre sur un riff très Cars – Def Leppard ce qui nous change des bouillasses précédentes, mais malheureusement le titre finit vite par ressembler à du Gold (« Capitaine abandonné », ce genre de daubes). Sa face B, « West Side » est un hommage que l’on devine sincère au club lyonnais qui a hébergé fin des 70’s – début 80’s la scène punk new wave locale (Starshooter, Marie et les Garçons, Electric Callas, …).
Bon y’avait longtemps … une rondelle from the poubelle, direct …



DOGS - THREE IS A CROWD (1993)

Emportés par la foule ...
Ouais, j’suis mal barré là … alors qu’il y a des milliards de disques que je pourrais dégommer sans avoir à me forcer, à la jouer désabusé, cynique, tout ça … Voilà que je me retrouve avec un Cd dont j’ai pas envie de dire du mal. Ni du bien, c’est là tout le problème.
Parce que les Dogs, même si ça compte triple, comme au Scrabble, quand on arrive à glisser leur nom en société, j’essaie d’en dire du bien autant que faire se peut. Sur la foi d’un de ces croisés-crucifiés du rock Dominique Laboubée, qui était leur âme et qui est parti pas vieux la faute à une saloperie qui l’a bouffé à vitesse grand V. Les Dogs, c’était lui et ses disciples, recrutés au fil des rencontres parmi les plus fines lames rockant et rollant de Rouen d’abord et puis de tout ce pays. Les Dogs, c’étaient des puristes du binaire, les types au goût sûr et à la culture musicale millésimée. Ils ont réussi à se faire une place et à survivre au milieu des punks (ce qui était loin d’être gagné, surtout en Giscardie) et à même attirer l’attention d’une major (Epic, avec toute l’artillerie de la CBS derrière). Les Dogs ont même sorti deux disques parfaits (« Too much class for the neighbhoorood » et « Legendary lovers ») au début des mornes 80’s. Qui parce qu’ils étaient remplies à la gueule de rocks classieux et sans concessions, qui plus est en anglais, n’ont pas du tout marché dans le pays dévoué à Téléphone et Trust, en attendant Rita Mitsouko. Le rock, ici, c’est en français ou aux oubliettes. Grosse connerie et vaste débat, on va pas épiloguer là-dessus.
« Three is a crowd », c’est les Dogs des nineties. Toujours aussi anachroniques (on les a jamais vus en pantacourt balancer des riffs grungy et fuzzy). Toujours obsédés par une musique qu’à juste titre ils trouvaient meilleure que d’autres. Celle des Beatles, des Stones (qu’ils citent dans « Today sounds like yesterday »). Aussi la soul, le rhythm’n’blues, le rock garage, en gros tout ce que les sixties avaient de meilleur. Revivalistes un jour, revivalistes toujours … Sauf que là, exit les majors, faut faire avec les moyens du bord. Et se raccrocher à l’ami Zermati et à son label Skydog, ambulance de tant de rockers français en mal de reconnaissance. Zermati, c’est pas la CBS. Finis les « objectifs », retour au « do it yourself ». Les parutions discographiques des Dogs se sont espacées et quand on peut sortir une galette, faut pas passer trois mois en studio pour régler la caisse claire.
Malgré tout, « Three is a crowd » n’est pas un disque au rabais, un vague cataplasme sonore anémique. C’est là tout le problème pour moi. Les Dogs se sont fait produire par Colin Fairley (pas n’importe qui, longtemps aux côtés de Costello, Nick Lowe, les Dexys Midnight Runners et quantité d’autres). Et volontairement ou pas, l’Anglais leur a collé ce qu’on appelle un « gros son ». Une armure sur de la dentelle, parce que les compos, elles sont loin d’être mauvaises.
Laboubée entouré par Rosset & Lefaivre : Dogs 1993
Mais dès le début du premier titre (« The price of my sins »), on est quelque peu dérouté par une intro hard-indus, un mid tempo lourd de chez lourd, un écho démesuré (et malvenu) dans la voix de Laboubée. C’est cette fragilité naïve qui faisait tout le charme des Dogs (ou dans un autre registre, des Modern Lovers par exemple). Ils nous sortent pas la Panzer Division sonore, mais bon, ces gros artifices clinquants, pour moi, ils leur vont pas. Little Bob aussi (« Ringolevio ») avait quelques années plus tôt malencontreusement durci le ton. Foutue recherche du tape à l’oreille qui a fait tant de ravages dans les discos de types qui n’en demandaient pas autant (hein, Springsteen et Petty, vous voyez de quoi je parle ?).
Dominique et les Dogs savent écrire des chansons, c’est un truc qui s’oublie pas une fois qu’on est tombé dedans. Et celles de « Three is a crowd » sont loin d’être mauvaises (« Back from nowhere » énergique et mémorisable, « Super friend » frais et mélodique même si ça parle de rupture sentimentale, « Today sounds yesterday » on dirait par moments les Who des débuts, « Never been in love » mid tempo avec harmonica bluesy). L’ambiance est à la nostalgie, souvent (« Back from nowhere », « Super friend », « 19 again »), développant la thématique du « c’était mieux avant ». Les hommages sont bien là (« Skydogs » court instrumental pour l’ami Zermati, « Noise therapy » très Ramones (rien que le titre !). On a droit à deux reprises, l’obscure « Three is a crowd » qui donne son titre à l’album et dont j’ai pas réussi à trouver la version originale (non, c’est pas le morceau éponyme d’Otis Clay), et la beaucoup moins obscure « I wanna be your dog » des Stooges, plutôt convenue (le « Johnny Be Good » de la génération garage sixties énervée) et qui n’apporte rien à l’originale ni aux Dogs d’ailleurs.
A signaler aussi pour achever de faire à peu près le tour du proprio une ballade mid tempo (« The end of the gang »). Musicalement et dans les paroles (niveau quinze jours d’anglais au lycée) on est dans la nostalgie (des genres musicaux, des gonzesses, ces vilaines, qui se cassent). La voix de Dominique est souvent bidouillée et un peu trop chargée d’écho à mon goût, mais faut l’extirper des multiples parties de guitare bon, c’est pas Otis Redding au micro, on savait depuis longtemps. Zermati met la main à la pâte (piano martelé au fond du mix sur « I wanna be your dog »), et Philippe Almosnino (Wampas et Johnny Hallyday band entre multitude d’autres) vient placer quelques parties de guitare sur deux titres.

« Three is a crowd » n’est pas le disque par lequel il faut débuter les Dogs. Pas leur meilleur, c’est sûr. Mais s’il sortait dans ce pays que des disques de ce niveau, le rock made in France serait moins comparé au vin anglais … 


Des mêmes sur ce blog :

BERTRAND BURGALAT - LES CHOSES QU'ON NE PEUT DIRE A PERSONNE (2017)

Un secret qui sera certainement bien gardé ...
Quoique … Va savoir … C’est peut-être avec un de ces machins théoriquement invendables que Burgalat finira par se faire connaître au-delà du petit cercle de bobos qui constitue l’essentiel de son public. Parce qu’il mériterait non pas de devenir riche et célèbre (on s’en fout et lui aussi certainement), mais juste de pouvoir continuer son boulot d’artisan et de petit épicier (au sens noble du terme et à l’opposé des gros machins qui sortent du truc convenu au kilomètre) du disque sans flipper à chaque facture qui arrive. Pour qu’il continue d’en sortir sous son nom (j’aime pas trop – pour être gentil – et c’est de çà dont au sujet de la chose que je vais causer), mais surtout de son label Tricatel qu’il porte à bout de bras depuis des décennies. Et qui a fait paraître des choses fabuleuses : la fantastique April March (l’américaine qui réinvente les sixties yéyé françaises), les faramineux AS Dragon (le meilleur groupe de rock d’ici à avoir sévi en pré-Macronie), jusqu’aux très improbables – du moins sur disque – Valérie Lemercier et Michel Houellebecq. Fin de la page de pub …
BB
Burgalat donc. Artiste rare (par ses parutions) et précieux (par son approche). Qui, ironie du sort est maintenant plus connu pour son diabète (il mène un combat d’activiste sur cette maladie envahissante, a écrit des bouquins sur le sujet, et on le voit parfois en causer sur les chaînes d’info en continu) que pour ses disques. Qu’en gros j’aime pas trop, et celui-là ne faillit pas à la règle.
L’univers musical de Burgalat, sédimentation d’une multitude de choses empruntées à six décennies de rock (pas toujours and roll, c’est surtout ce qui me gêne) et régurgitées sur ses disques. Mais attention, Burgalat n’est pas un laborieux copiste, ses influences ressortent plutôt madeleine de Proust que vous sautant en la gueule. Circonstance aggravante, Burgalat n’est absolument pas un chanteur. Au mieux un interprète de ses morceaux. Entendez par là qu’il a pas de voix, et qu’il peut dire merci à Auto Tune pour chanter juste. A côté de lui, Daho passerait pour Pavarotti.
Si la musique de Burgalat souvent me laisse indifférent (j’ai décidé d’être gentil et poli) et fera fuir tout fan d’AC/DC normalement constitué, ses textes me laissent perplexe. Pourtant sur ce disque, il est allé chercher des auteurs, des vrais, de ceux qui donnent dans la littérature, pas Barbelivien quoi. J’en connais presque aucun, mais ça vaut pas, je suis un inculte de ce côté-là. Ça sonne bien, juste, c’est travaillé, mais j’y entrave que dalle la plupart du temps (mais putain de quoi ils parlent ?).
L’ensemble sonne très cinétique, normal pour un type qui a l’habitude de composer des musiques de film. D’ailleurs il y a pas mal d’instrumentaux dans ce pavé. Ouais, je vous ai pas dit, « Les choses … » c’est un double vinyle (une heure dix, dix-neuf morceaux), faut vraiment être accro à l’univers de Burgalat pour pas trouver le temps long. Analogie facile et réductrice, on pense souvent à la french touch (les atmosphères languides, les synthés très présents, même s’ils bouffent pas tout l’espace sonore), parfois à Gainsbourg (les rimes riches, le « chant » parlé), même s’il y a une « patte » Burgalat évidente, qu’on retrouve dans tous ses disques.
Elton John not dead ?
Il y a quelques titres qui me plaisent bien, que je ressors du lot. Le morceau titre (paroles Laurent Chalumeau, un des rares auteurs que je connais) est rythmé, mélodique, avec des cuivres, des violons, et cette allure kitsch qui est la Burgalat trademark. Versant pop, il y a le superbe « Cœur Défense », qui avec sa boîte à rythmes très début des eighties, n’est pas sans présenter certaines analogies avec ce que faisaient à cette époque-là Elli & Jacno. « Tombeau pour David Bowie » est comme l’indique son intitulé un hommage. Plutôt qu’une reprise qui pourrait sonner pathétique (voir le convenu « Rebel rebel » par Springsteen et Madonna, le ridicule n’étant pas du côté de la Detroit girl), Burgalat signe un instrumental qui convoque les plages synthétiques de « Heroes » et un piano qui semble vouloir aller voir s’il y a de la vie sur Mars. Beau morceau.
La perle du disque est pour moi « Son et lumière » (paroles et musiques Burgalat, comme quoi tout seul il y arrive plus que bien), une des réflexions les plus fines et intelligentes sur ce que sont devenus le rock et le music business que l’on a jamais entendues.
Ah, j’en vois qui comptent sur leurs doigts et qui disent que ça fait quinze titres dont je dis pas du bien. Notez que j’en dis pas du mal non plus. C’est pas mon truc, mais force est de reconnaître que c’est pas putassier, c’est digne et cohérent.

Euh sinon, M’sieur Burgalat, des nouvelles d’April March bientôt ?



THE LIMIÑANAS - MALAMORE (2016)

Route du 66 ...
Déjà moi j’suis au Sud (ouais, je sais, et parfois à l’Ouest). Ben les Limiñanas, ils sont encore plus au Sud que moi. Cabestany, banlieue de Perpignan. Et encore plus à l’Ouest que moi aussi…
Et assez bizarrement, parce qu’on s’est (enfin, on c’est les ceusses et ceux qui font les tendances, les modes, le buzz …) pendant des lustres gargarisés de jeunots parisiens se prenant pour les Libertines, les Limiñanas semblent avoir le vent médiatique en poupe. Et pourtant les Limiñanas n’ont rien de glamour ni de sexy. Ils sont deux, Lionel et Marie, la quarantaine, lui sorte de Chabal catalan, elle rousse timide. Circonstance aggravante, ils se situent hors du temps et des modes. N’envisagent pas un morceau en commun avec Louane. Ni avec Kanye West. Et pourtant, ils sont connus et cités sur la planète entière.

Le poète musical Comelade est évidemment de la partie sur ce disque (catalanité mais surtout atomes crochus musicaux obligent), de même que Peter Hook, le bassiste star des feu ( ? ) New Order, et l’azimuté Anton Newcombe (Brian Jonestown Massacre) ne tarit pas d’éloges sur eux (et quand on a lu des interviews de lui, il ferait passer les frères Gallagher ou Mark E Smith pour des types zen et adorables pour leurs congénères).
Lentement, et peut-être sûrement, les Limiñanas sortent de l’ombre. Et quand on écoute ce disque, on se dit qu’il ne serait guère étonnant qu’ils finissent vraiment par faire parler d’eux. Et tout ça sans compromis ni concessions. Leur aventure a commencé par la gestion d’un magasin de disques (à l’heure où même dans la cambrousse la plus reculée d’Hexagonie tu télécharges gratos un cd en trois clics et trente secondes, c’est dire leur sens des affaires et du commerce, mais leur démarche ne se situait pas à ce niveau-là) évidemment voué à la banqueroute, et ce couple à la ville comme à la scène est resté fidèle quand il s’est agi de faire paraître ses disques aux labels indépendants microscopiques (même si maintenant ils sont chez Because, chaînon manquant entre les petits et les majors).
Limiñanas & Comelade
Leurs premiers disques étaient pour la « famille », comprendre les amateurs de rock garage, de rock psychédélique, de guitares couplées à des pédales fuzz, et d’une façon générale à tous les vieux fans des Cramps. Mais de ce genre de machins, y’en a plein les pages de ton putain de blog, entends-je. Certes, mais les Limiñanas sont capables de s’extraire du carcan, aller voir ailleurs. Même si, faut pas déconner quand même, on reste quelque part entre 66 (non, pas le département) et … 66. Mais là où le restant du troupeau s’abreuve jusqu’à plus soif aux compiles Nuggets (garage américain donc), là où les plus téméraires citent « … Satanic Majesties …» ou le Floyd de Barrett, les Limiñanas revendiquent et assument les sixties françaises. Gainsbourg et ses muses, mais aussi la vague yéyé (plutôt côté Ronnie Bird que Cloclo évidemment).
Résultat « Malamore » est un disque qui ratisse large sans faire aucun calcul mercantile. D’ailleurs, les Limiñanas ont l’idée saugrenue de raisonner en termes d’art, d’œuvre et font commencer leurs skeud par un court instrumental, avant que le Lionel déclame d’une voix grave parlée (les deux se revendiquent non-chanteurs, et quand il y a un truc à vraiment chanter, c’est systématiquement Marie qui s’y colle), qui tant par le débit que par le texte (chiadé, riche) évoque irrémédiablement Gainsbourg.

C’est pas la seule fois dans « Malamore » qu’on pensera à l’amateur de pastaga. « Dalhia rouge », tuerie mélodique et pour moi masterpiece du machin, c’est du Bardot (ou Jane) – Gainsbourg là aujourd’hui en 2016. Sans qu’une seule seconde on pense au plagiat. C’est l’esprit du truc qui est capturé, et c’est pas la chose la plus facile à réaliser, beaucoup ont essayé, nombreux ont été ceux qui s’y sont cassé les dents. Les Limiñanas réussissent, comme Burgalat auquel on pense aussi quelquefois dans les titres les plus « naïfs », les plus pop, ou la comète Vanessa & the O’s (quelqu’un sait-il ce qu’elle est devenue, y’a rien à gagner).
« Malamore » réussit à être varié. Deux voix qui se relaient au fil des morceaux, des titres instrumentaux, de la mélodie ou des trucs envoyés en écrabouillant la pédale fuzz, des pyramides sonores avec final hypnotique qui doivent tout arracher en live (« Zippo » ou la référence au énième degré « The train creep a-loopin’ »), des morceaux qu’on devrait entendre à la radio toutes les heures (« Prisunic », « Garden of love » le truc avec Hook et sa basse éléphantesque, ou la quasi instrumentale « Paradise now » plus 60’s yéyé que nature).
Conclusion : et si le meilleur groupe français d’aujourd’hui était un couple de plus tout jeunes perpignanais ? Si on tenait avec eux nos White Stripes (d’ailleurs ça m’étonnerait pas qu’ils finissent par sortir un vinyle chez Third Man, le label de Jack White) ? Possible …

Faudra juste que certains « connoisseurs » arrêtent de dire que non, vous avez rien compris, les Limiñanas c’était bien mieux avant … Non, les Limiñanas, ils sont bons maintenant …


JAD WIO - FLEUR DE METAL (1992)

Fleur du Mâle ?
Jad Wio est un groupe à part dans l’assez triste panorama du rock français. En même temps nostalgique et avant-gardiste, ne se rattachant à l’Hexagone que par un méticuleux travail sur les textes. Mais là, on est très loin du slogan chanté. Plus proche en fait des poètes symbolistes (Mallarmé, Apollinaire, Lautréamont, …), les paroles de Jad Wio, mixées « à l’anglaise » (c’est-à-dire pas mises en avant, on n’est pas chez Renaud ou Aznavour, thanks God), sont chiadées, ciselées, abordant parfois des thématiques chères à Gainsbourg comme l’addiction sexuelle mise en rimes. Pas un hasard si le premier titre (« Bienvenue ») fait beaucoup penser par sa diction et son rythme musical à « Melody Nelson » ou « L’Homme à tête de chou ». Pas de hasard non plus s’ils reprennent dans une version quasi méconnaissable le « Contact » composé par Gainsbourg pour Bardot. Faut aussi préciser que la production est assurée par Bertrand Burgalat, autre esthète sonore et littéraire, qui signe pratiquement là ses débuts derrière les consoles. Et ceux qui trouvent que pas mal de choses ressemblent des années avant au premier disque de Air n’ont pas tout à fait tort.
Bortek & K-Bye
Mais Jad Wio ont un terrain de jeux beaucoup plus vaste. Les deux piliers de l’édifice, le chanteur Denis Bortek et le guitariste K-Bye font aussi une petite fixette sur le glam-rock, ou plus exactement sur sa frange dite « décadente », représentée en des temps immémoriaux par des gens comme Bowie Stardust ou Ferry Music. Les Jad Wio poussant le bouchon aussi loin qu’il se peut (ou qu’ils peuvent financièrement se le permettre) lors de concerts-évènements où ils apparaissent fortement grimés dans une mise en scène théâtralisée parfois jusqu’à l’outrance.
Jad Wio, ce qui saute aux oreilles, c’est la voix et la guitare. La voix exsude tour à tour comme très peu y sont arrivés, sensualité, stupre, perversion. Jamais démonstrative (Bortek est pourtant un grand chanteur), parfois s’alanguissant dans le talk-over, ailleurs entraînant les titres dans une sarabande lubrique. La guitare n’écrase pas tout, des pans entiers de morceaux s’en passent mais quand elle surgit, elle se fait remarquer par son originalité et son inventivité, et ses apparitions parfois fugaces mais qui s’incrustent grave dans les oreilles ne sont pas sans rappeler les interventions de Robert Fripp dans le « Scary Monsters » de Bowie.
Le seul reproche qu’on puisse faire à « Fleur de métal » est de partir dans tellement de directions qu’on finit par ne plus très bien s’y retrouver, on vadrouille de classic glam T-Rexien (« Fleur de métal » le morceau), à une reprise plutôt funky de la légende mod française des 60’s Ronnie Bird (« SOS Mesdemoiselles »), à de la pop synthétique sous forte influence Taxi Girl – Elli & Jacno (« Automate » qui évoque un étrange jeu de séduction entre un homme et une machine, texte assez proche dans l’esprit de celui de « In every dream home a heartache » de Roxy Music, dans lequel Ferry faisait une déclaration d’amour à une poupée gonflable), à des mini-jams funky (« Le beatnik de l’espace ») qui rendent vaines l’écoute du piteux Sinclair, voire à des choses qui s’apparentent à ce qu’on l’on appellera bientôt le trip-hop (« Tsé-tsé », chanson d’amour à – forcément – une mouche), pour finir carrément jazzy (« Mystère »). Et les textes ne donnent guère de pistes, les mots ne sont parfois là que pour leur sonorité, d’autres fois on nage dans des concepts ésotériques relativement fumeux (le trip Bowie-Ziggy du « Beatnik … », l’imaginaire du Ridley Scott de « Blade runner », …)

« Fleur de métal », comme à peu prés tout ce qu’a produit Jad Wio est assez déroutant, mais d’une beauté formelle assez peu atteinte par des groupes de par ici …

Des mêmes sur ce blog :

MICHEL POLNAREFF - POLNAREFF'S (1971)

La folie des grandeurs ?
C’est quelquefois tout le malheur de ceux qui font de la « petite musique » ou de la musique pour « grand public » et que, par facilité sémantique, on qualifie trop vite de génies. Ils ont tendance à vouloir la prouver, cette qualification de génie.
Polnareff, avec son premier prix de Conservatoire, se balade littéralement pour écrire des chansons aux mélodies tuantes de simplicité et d’efficacité. Ses deux plus gros succès populaires, « Y’a qu’un cheveu » et « Tous les bateaux », il les déteste, trop de facilité vulgaire genre comique troupier pour le premier, trop fleur bleue pour le second. Lui veut faire mieux, marquer les esprits des « musiciens ».
Il va faire comme tous ses plus ou moins contemporains dans le même état d’esprit, rêver de concept albums, de couches innombrables d’instruments, d’écriture tarabiscotée et de sur-production. Avec en point de mire les évidents modèles américains (Chicago, Blood Sweat & Tears) ou anglais (Moody Blues, Procol Harum) de cette démarche, et le funeste prog qui commence à pointer le bout de son vilain museau.
Polnareff 1971
Direction Londres, les studios légendaires et high-tech d’Abbey Road, quelques requins de séance cotés (non mentionnés dans les crédits, à l’instar du disque quasi jumeau de Gainsbourg paru la même année, le plus réussi « Melody Nelson »), et un projet de concept album instrumental avec grand orchestre, sections de cordes et de cuivres, et armada des derniers joujoux synthétiques et électroniques (Moog, mellotron, …). Sauf qu’à moment donné, quelqu’un dans son entourage, son management ou sa maison de disques a dû lui dire, que certes, c’était bien joli tout ça, mais qu’il fallait aussi songer in fine à vendre du disque.
On se retrouve donc avec un skeud bancal, où subsistent des bribes du grand-œuvre avorté, quelques concessions à l’air du temps et du Polnareff que l’on aime (enfin que moi j’aime).
Trois instrumentaux chargés comme des coureurs cycliste avant une étape de montagne constituent les reliques du projet initial avorté. Le premier (« Voyages ») qui ouvre le disque est juste risible, empilage à prétention « classique » m’as-tu-vu de tous les instruments disponibles dans le studio. Les autres ne valent guère mieux, entre bouillasse psyché-jazzy-prog (« Computer’s dream ») ou pseudo rhythm’n’blues entre « Twist & shout » et … « La salsa du démon » (« Mais encore »).
1971 : Polnareff et un rocker belge
Le Polnareff des chansons et mélodies tuantes est quand même là, heureusement. On trouve deux de ses classiques, « Né dans un ice-cream » (pas mon préféré, avec son côté très jazzy bon marché, c’est la matrice du très pénible Jonaz), et la nostalgique ballade « Qui a tué Grand Maman » avec sa mélodie parfaite. Les moins connues « Nos mots d’amour » (Obispo tuerait père et mère pour l’avoir écrite) et le rhythm’n’blues gospélisant de « Hey you woman » sont les deux pépites oubliées du disque.
Le reste, c’est assez anodin, ce qui est un comble pour un disque censé en mettre plein les oreilles et dont se délectent les rockeurs mélomanes (oxymore). Il plane sur ce « Polnareff’s » un fort parfum des Moody Blues, le groupe tarte à la crème de l’intelligentsia musicale française des années Pompidou (ils seront cités dans des textes de Ferré et Gainsbourg vers cette époque-là). Moi, les Moody Blues, hormis l’extraordinaire accident « Nights in white satin », ils m’ont toujours gavé, mais gavé, vous pouvez pas savoir (enfin si, vous avez qu’à les écouter, et on en reparle), alors tous ces machins où Polnareff mélange orchestrations classiques, arrangements tarabiscotés, fait en gros de la musique « sérieuse », et bien ils me gavent aussi.
Et même les clins d’œil iconoclastes (les paroles sont signées Dabadie ou Delanoë, tu parles d’iconoclastes), rêve du mariage des prêtres (« Monsieur l’abbé », bonjour le « sujet de société »), où Polnareff s’auto-cite (« Petite, petite »), voire (c’est pas mieux) cite les Moody Blues et Aphrodite’s Child (« A minuit, à midi » emprunte autant à « Nights … » qu’à « Rain & tears », … et bien tout ça finit par lasser, fait exercice de style prétentieux …

Le malheur pour Polnareff, ce qu’il ne sait pas, c’est que ce « Polnareff’s » très nettement surcoté, sera quand même très supérieur à tout ce qu’il fera par la suite… Il y en a qui appellent ça le complexe d’Icare …

Du même sur ce blog : 


LITTLE BOB STORY - RINGOLEVIO (1987)

Little Boss ...
Bon, comment dire …déjà que les disques de Little Bob, c’est matière assez rare (non pas qu’il en ait pas sorti beaucoup, mais c’est pas le genre de « catalogue » qu’on réédite) et à un prix délirant (généralement d’occase qui plus est), y’a comme chez tous du déchet. Dont ce « Ringolevio ». Sachant tout de même que les déchets de Little Bob (avec ou sans la Story), ça vaut bien les Best of de la plupart.
« Ringolevio », c’est d’abord un bouquin de l’écrivain américain « culte » Emmett Grogan. Bouquin que j’ai pas lu, donc ça m’évitera de m’embourber dans un parallèle avec le disque. Ce que je sais, c’est que Little Bob et sa Story, on peut pas les accuser de faire du rock intello, c’est pas le côté littéraire de leur truc qui passe en priorité. Little Bob, de toutes façons le studio et ses disques il s’en fout un peu, ce qui compte c’est la scène, où là, franchement, y’a rien à dire, depuis presque quarante ans il donne tout, que ce soit devant une centaine de personnes ou … une centaine de personnes. Tout son problème, ce petit bonhomme est connu, apprécié et respecté (c’est pas une curiosité rock’n’rollante exotique à la Johnny), par tout un tas de zicos anglais ou américains qui vendent infiniment plus de disques que lui, tandis que lui, Little Bob, il n’a eu au mieux que des « succès d’estime », et encore je suis gentil.
Little Bob Story 1987
Ce petit bout de rocker haut comme trois boots Anello & Davide, fut et demeure respecté par les scènes pub-rock et punk anglaises, et quand il va enregistrer aux Etats-Unis, jouent sur son disque (« Rendez-vous in Angel City » 1989) des gens comme Steve Hunter (Mott The Hoople), Kenny Margolis (Mink/Willy DeVille), Dave Alvin (Blasters), Charlie Sexton (Bob Dylan Band), Eddie Munoz (Plimsouls), … Pas mal pour un type quasi inconnu en France … Et sur ce « Ringolevio » en intro du premier titre éponyme (qui par ailleurs casse pas des briques), y’a la douce voix de castrat de Lemmy qui éructe un tonitruant « Listen up, sons of bitches, Little Bob is gonna to tell you a story ». Parce que quand Little Bob est en ville, Le Moteur en Chef vient lui serrer la paluche.
« Ringolevio », le dernier disque de l’historique Story a donc été enregistré à Londres. Et inconsciemment ou pas, il sonne comme un baroud d’honneur. Little Bob et sa bande vont laisser de côté cet éminemment sympathique côté crasseux, bordélique, tout aux tripes et au feeling qui caractérisait ses disques pour se « payer » le gros son de l’époque. Celui de la fin des années 80, grosses batteries sophistiquées en avant, riffs hardos, potards sur onze, son FM, … Résultat, c’est bien joué, putain de bien chanté, mais ça va aussi bien à Little Bob qu’une sonnerie « Helter Skelter » sur le portable de Christine Boutin… « Shadow lane », on dirait du Foreigner, « Life goes on », c’est juste bourrin, « Crosses on the hill », on dirait un slow des Scorpions, et la reprise du classique « Hush » ne fera pas partie de celles qui resteront dans les annales. Et mine de rien, on en est déjà à la moitié du skeud.
LBS et le producteur Hervé Deplasse (1er à gauche) 
Heureusement, ça s’arrange dans la seconde moitié, on laisse tomber le côté hard à deux balles pour revenir vers des choses beaucoup plus classic rock, soul, rhythm’n’blues. On n’est pas loin de l’axe Springsteen – Seger avec des titres comme « Sad song » et « Roads of freedom » (ce dernier, on jurerait vraiment du Springsteen d’entre les deux « Born .. »). D’autres fois, ça ressemble aux Cars (sans les tonnes de synthés) le temps d’un « Tell everybody the truth », « Motorcycle song » démarre comme un rock épique, mais dure moins de trois minutes et laisse sur notre faim, et les bonnes idées de « Green back dollar » sont gâchées par ce maudit son hardos FM.
On l’aura compris, « Ringolevio » n’est pas le disque que les livres d’Histoire retiendront comme l’œuvre essentielle de Little Bob (avec ou sans la Story). Il colle à son époque comme un vieux chewing-gum, et malgré cet effort « d’ouverture » n’aura pas plus de succès que ses prédécesseurs.
« Ringolevio » a été réédité avec en bonus les quatre titres d’un EP précédent (« Cover girl »), titres sympathiques très orientés soul-rhythm’n’blues (cuivres, chœurs féminins en plus de la Story), mais qui eux non plus ne font pas partie des choses essentielles à retenir de Little Bob.

Alors plutôt que de chercher cette rondelle ou les autres à des prix plus que prohibitifs, allez le voir en concert (faudra quand même pas trop tarder, il va avoir 70 balais), et là vous allez vous prendre une heure et demie de rock’n’soul  total par un des plus grands shouters blancs de sa génération …

FRANCOISE HARDY - COMMENT TE DIRE ADIEU (1968)

Ex-fan des sixties ...

Le problème de la Hardy, comme de tous les autres, c’est qu’à force de durer, on finit par devenir vieux. Et con, les deux vont généralement ensemble. J’ai déjà dit ailleurs tout le bien que je pensais de la mémère cartomancienne, je vais pas continuer de tirer sur l’ambulance (joke …).

Pourtant, dans les sixties, Françoise Hardy, c’était quelque chose. La jeune fille moderne, qui faisait encore plus craquer parce qu’elle avait l’air timide et triste. L’icône féminine made in France, encore plus que Bardot (laquelle avant d’être relookée par Gainsbourg n’était qu’un copier-coller des bimbos blondes décervelées de l’Hollywood des années 40-50, genre Lana Turner, Jayne Mansfield, Monroe …). Brian Jones et Paul McCartney en pinçaient pour elle, Dylan venait la voir à son hôtel, on la voyait en boîte à Londres avec Jagger et Richards, elle accueillera et recueillera Nick Drake au début des seventies … Françoise Hardy était là où ça se passait, fréquentait tous les top musiciens de l’époque. On ne peut pas dire qu’elle s’en soit vraiment inspirée lorsqu’il s’agissait de sortir des disques …
En France, Hardy est juste un produit de sa maison de disques Vogue. Qui bon an mal an lui fait enregistrer quelque rengaine radiophonique avec comme point de mire le succès de son premier titre « Tous les garçons et les filles » (1962). Un 33T sortira à peu près chaque année. « Comment te dire adieu » est paru fin 1968. Année particulière en France. Mais c’est pas le genre de la dame de faire dans le commentaire social, inutile d’y chercher la moindre allusion aux « événements ».
Françoise Hardy, c’est de la variété française, même pas du yéyé, l’avatar local du rock. Les limites vocales de Hardy la cantonnent et l’ont toujours réduite à un registre vaguement folk, vaguement chanté. Un style certes pas original (n’est-ce pas Carla B-S ?).
Françoise Hardy, c’est quand même un nom porteur, bankable. Et Vogue ne lésine pas. Un orchestre très violoneux est présent (souvent un peu trop) sur tous les titres, et sont repris-adaptés des titres de Leonard Cohen (« Suzanne »), Joan Baez (« There but for fortune » / « Où va la chance ? »), Jobim / Buarque (« Sabia » / « La mésange »). Versions parfois sympathiques (« Suzanne »), mais qui ne font guère de l’ombre aux originaux. Deux morceaux très passe-partout sont signés Hardy : « La mer, les étoiles et le vent », bof, et « A quoi ça sert ? » qui porte bien son nom. « Il vaut mieux une petite maison dans la main qu’un grand château dans les nuages », rien que le titre se passe de commentaire, c’est totalement crétin. Un peu à part musicalement, avec un texte de l’écrivain Patrick Modiano sur un tempo très jazz années 20-30 un « Etonnez-moi Benoît » qui sera un petit succès en single.

Quelques morceaux ressortent sans peine du lot. Le poème d’Aragon « Il n’y a pas d’amour heureux », déjà mis en musique par Brassens, ambiance triste et désabusée convient parfaitement à Hardy. « Où va la chance ? » évite l’écueil de la comparaison avec Joan Baez, c’est une jolie ballade menée par une harpe avec l’orchestre qui pour une fois reste discret. Mais surtout, la bonne pioche de ce disque, c’est d’avoir mis à contribution un mercenaire de la chanson qui commence vraiment à se faire un nom, Serge Gainsbourg. Qui livre une compo originale, « L’anamour » appelée à devenir au fil des reprises un classique du répertoire gainsbourgien, et aussi une adaptation d’un titre anglais peu connu (« It hurts to say goodbye ») qui sera la locomotive de cet album, et un des meilleurs et plus connus de Françoise Hardy (« Comment te dire adieu ? »). Indubitablement un des grands textes de Gainsbourg, à tel point que la reprise la plus connue, celle des Communards, reprendra les paroles françaises et pas celles de la version originale …
La pochette de « Comment te dire adieu » est signée d’un quasi-débutant, Jean-Paul Goude, la réédition Cd de 1995 est assez cheap (aucun bonus, son pas terrible, juste trois photos de Jean-Marie Périer). Plutôt un disque pour les fans, une compile fera l’affaire pour le commun des mortels …

ANGE - EMILE JACOTEY (1975)

Un Ange passe ... 

J’ai dû vérifier, mais curieusement, il doit bien rester des gens qui écoutent encore Ange, puisque le groupe existe toujours, tourne, sort des disques, des Dvd, comme les premiers BB Brunes venus …
Ange ils sont dans les grimoires traitant de vieux rock français (quoique si Ange c’est du rock, Nabila c’est Marie Curie), rayon seventies, chapitre prog … Autant dire pas exactement ma tasse de thé … Ange, c’était the big thing du milieu des années septante. En France uniquement. Et surtout en province, la revanche des ploucs sur les Parisiens, cet antagonisme séculaire. Et Ange était vraiment un groupe campagnard (Belfort, la Franche-Comté, ces endroits où même les pauvres ne vont pas passer leurs vacances) cultivant même à l’excès ce côté rustique et paysan. Ange est une affaire de famille, celle de la famille Décamps. Deux frangins, Christian et Francis, et quand le second quittera le groupe, c’est le fils du premier qui le remplacera.
Ils sont velus, ils sont tous là : voilà les Ange
Ange, comme tous les progueux, cultive le paradoxe du progrès(sif) et la fixette pour les temps passés, thème récurent de ses « grands disques », qui s’enchaînent  vers le milieu des seventies (« Le cimetière des Arlequins », « Au-delà du délire », « Emile Jacotey », « Par les fils de Mandrin »). Bien révélateur de toutes les obsessions de l’époque pour un retour vers la campagne, la « vraie vie », et toutes ces balivernes hippies.
« Emile Jacotey », c’est un peu la quintessence de tout çà. Le disque est construit à partir de rencontres, conversations et discussions de Décamps (Christian, le chanteur et leader) avec un ancien maréchal-ferrant de village (Emile Jacotey, comment ça, vous aviez deviné ?). On entend même à une paire de reprises la voix de l’auguste vieillard sur le disque. Même si ce n’est qu’un prétexte, le disque ne raconte pas sa vie, c’est une extrapolation des légendes, contes et histoires racontées par le vieux.  Et encore, juste la première face du vinyle original la seconde étant encombrée par une fuckin’ suite, « Ego et Deus » en quatre « mouvements » (no comment).
Les textes se veulent chiadés, rehaussés par un chant maniéré, changeant, théâtral, inspiré par Brel (que le groupe avait repris sur un disque précédent). La zique, c’est du prog, parfois inspiré par Jethro Machin et les funestes Yes, sur l’intro de « Bêle, bêle, petite chèvre » (amis des titres crétins, bonjour) ou sur « Les noces ». Y’a de la ballade médiévalisante (« Jour après jour »), de la ballade épico-pompiéro-lyrico-campagnarde (« Sur la trace des fées »), du co(s)mique bon marché (« Le marchand de planètes », tournerie entre mauvais krautrock et falsification floydienne). Un titre « Ode à Emile », ritournelle assez réussie avec parties de guitare (du « mythique » Brézovar) plus ou moins intéressantes, deviendra un des classiques du groupe et le point d’orgue de leurs concerts (bâillements) …
Peut-être parce que le « rock français » de l’époque était quasiment inexistant (les Variations finis, Magma assez « branché », les deux ne vendaient de toute façon guère), Ange écoulait des centaines de milliers de ses disques … c’était le bon temps (ricanements lugubres …).

ZEBDA - ESSENCE ORDINAIRE (1998)

Toulouse ô Toulouse ...

Zebda, c’est le groupe du coin qui s’est retrouvé célébré à l’échelle du pays. Tout çà grâce (ou à cause) d’un titre festif « Tomber la chemise », devenu point de passage obligé de toutes les soirées beauf. Assez paradoxal. Tellement même que Zebda dans cette affaire y a laissé la sienne de chemise.
Zebda, c’est le groupe formé autour de potes d’un même quartier populaire toulousain, qui vient déjà de loin quand paraît « Essence ordinaire ». Repéré en ayant détourné et brocardé une réflexion malheureuse (pléonasme) de Chirac. « Le bruit et l’odeur » avait fait un petit hit dans le milieu des années 90. Et valu à ses auteurs une réputation de groupe festif et engagé. Entretenue avec toute la faconde de l’accent du Sud-Ouest par les trois chanteurs et porte-paroles du groupe, Magyd Cherfi et les frères Amokrane.
Zebda sera musicalement classé quelque part entre IAM (pour l’accent et la dérision) et les Négresses Vertes (pour le côté melting pot festif), le groupe tissant dans ses titres tout un entrelacs de sons et de rythmes venant du rap, du reggae, du rock, de la musique « world » ou folklorique ibérique, maghrébine, d’Europe centrale ou du Proche-Orient. Une mixture sinon inédite, du moins originale, et une notoriété tout de même assez confidentielle.

Une notoriété qui va devenir quelque peu démesurée avec « Essence ordinaire » (comprendre « d’extraction populaire ») et sa locomotive « Tomber la chemise ». Dans la lignée, on entendra beaucoup aussi « Y’a pas d’arrangement » ou « Oualalaradime », construits sur les mêmes rythmes festifs, entraînants et humoristiques. Sauf que l’humour de Zebda est à prendre plutôt au second degré et a atténué l’essentiel d’un propos qui sans être sinistre, est beaucoup plus réaliste. Et que le disque se partage entre chansons « joyeuses » et ambiances beaucoup plus lentes et tristes. Des titres comme « Tombé des nues » (les rêves brisés des gosses), « Je crois que ça va pas être possible » (sur le racisme au quotidien), « Quinze ans » (l’âge ou tout peut basculer dans les cités), « Le manouche » (la solidarité entre « étrangers »), tant musicalement que par le propos, valent bien les « hits ».
Le cœur du discours de Zebda (musicalement, faut être honnête, ça casse pas vraiment des briques, et ça ressemble beaucoup aux Négresses Vertes, en forçant encore un plus sur le trait world), c’est en gros l’intégration. La plupart des textes font allusions aux problèmes et brimades subis au quotidien quand on vient d’un quartier populaire, et qu’on a le teint un peu basané. La dénonciation énervée est facile, et ça peut rapporter aussi gros, l’immense majorité des rappeurs l’a démontré, NTM en tête. Les Zebda ne vont pas aussi loin dans le discours, mais ouvrent les portes à une attitude « positive », « participative ». Motivés. Pour réussir à s’intégrer. Ou comme la bannière politico-associative dans laquelle le groupe s’impliquera lors des municipales de Toulouse en 2001 pour s’opposer à la dynastie des Baudis qui dirigent la ville depuis des décennies.
Un engagement qui coûtera cher à Zebda. Les sept membres du groupe ne s’impliqueront pas tous sur Toulouse, ou le feront à des degrés divers (Cherfi, sentant le piège de l’embrigadement et de la récup politique sera le seul sur la liste aux municipales, et pas en position éligible). On verra le groupe, profitant d’une soudaine et inattendue popularité (« Essence ordinaire » dépassera le million de ventes), s’investir dans beaucoup de causes plutôt bonnes, on les verra beaucoup aux côtés des alter mondialistes, des écolos et d’un José Bové alors en pleine croisade anti-OGM-malbouffe-MacDo … Plusieurs monteront des projets annexes.
La suite, parce qu’il faudra en donner une, viendra quatre ans plus tard (« Utopie d’occase ») et, selon la formule scélérate, « ne trouvera pas son public ». Le groupe disparaîtra de la circulation, certains membres le quitteront définitivement, avant une récente tentative de come-back elle aussi à peu près ignorée… Il faut croire que par ici, il est difficile de mélanger préoccupations sociales et succès populaires. Zebda l’a appris à ses dépens …