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ZAKK WYLDE - BOOK OF SHADOWS (1999)

 

Marche à l'ombre ?

Autant le préciser d’emblée, voici le genre de rondelles que j’aborde avec circonspection. Le Zakk est maintenant célèbre (?) pour être le leader de Black Label Society, qui me semble être une bande de chevelus bien bourrins (mais je sais pas trop, j’ai écouté que deux-trois morceaux en travers). Auparavant, Wylde s’est fait remarquer de ceux qui trempent leur slip dès qu’un solo de guitare apparaît à l’horizon en étant l’accompagnateur de Ozzy Osbourne (après Randy Rhoads, … bâillements). Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il fallait une bonne dose d’abnégation pour accompagner l’ancien chanteur de Black Sabbath, précocement sénile et rendu totalement cinoque par l’alcool et la coke dans les années 80 et suivantes. Il paraît que cette promiscuité a laissé des traces chez Wylde, le poussant vers la picole à forts volumes et (sans doute pour contrebalancer et éliminer les toxines) la gonflette musculaire. Le type est baraqué et joue de son physique schwarzeneggerien … Les spécialistes pourraient vous tartiner trois feuillets à vous dire l’importance de Wylde live, of course, mais aussi en studio, où il aidait beaucoup son demeuré de patron à écrire et arranger des chansons …

Quand les cures de désintox de l’Ozzy lui laissaient du temps libre, il avait monté un groupe dont j’ai oublié le nom (et que j’ai la flemme de rechercher) qui a duré quelque temps avant de disparaître. Son label Geffen lui a signifié qu’il avait signé un contrat qu’il se devait d’honorer et qu’il lui était redevable d’un disque. D’où de « Book of shadows » en solo. Se méfier des disques de fin de contrat, les artistes ayant souvent tendance à saboter le boulot pour aller plus vite voir ailleurs. Aux dires des spécialistes du Wylde, « Book of shadows » n’a que peu à voir avec ce qu’il avait produit auparavant. Fini les trucs hardos et place à un country-rock viril. Ce qui à titre tout à fait perso me convient mieux.


Et ça commence plutôt très bien. « Between heaven and hell » premier titre de la rondelle, débute par une intro à la guitare acoustique renforcée par un harmonica. Une référence clignote instantanément, celle de « Harvest » de Neil Young. On a connu des débuts de disque moins intéressants. Et petit à petit dans ce titre, l’électricité arrive pour culminer par un solo court et intéressant de guitare électrique. Du bon classic rock, en formation serrée (ils sont que trois en studio, Wylde, un bassiste qu’on retrouvera chez Megadeth (soupirs …), et un batteur, Joe Vitale, habitué des sessions dans le gotha du rock West Coast (CSN, Eagles, Walsh, …). En plus de leurs instruments de prédilection, ils malmènent également pianos et claviers divers. On peut souvent lire que Zakk Wylde en solo pratique du rock sudiste. Amen … sauf que je vois pas bien en quoi ce disque peut ressembler aux premières rondelles des frères Allman ou de Lynyrd Skynyrd.

Pour moi, le premier titre est l’arbre qui cache la forêt. Globalement, « Book of shadows » est supportable. Sauf que Wylde décline toujours la même chose. Une intro acoustique (guitare ou piano), et un crescendo électrique trouvant son aboutissement dans un solo de guitare dans la ligne du parti (entendez par là qu’on n’est pas dans le superfétatoire démonstratif ou l’expérimental forcené). En fait, comme la plupart des titres sont sur un tempo lent ou médium, on a grosso modo un album de classic rock ricain … du genre de ceux que tartine Springsteen depuis la fin des années 80. Sauf que quand le Boss arrive plus ou moins à faire prendre la sauce en mettant ses tripes et son feeling dans le chant, le Wylde, il a pas vocalement le coffre pour insuffler de l’épique dans ses titres. C’est un chanteur juste correct et limité, et à force de pas être capable de varier la voix, ça finit par être redondant. Tous ces titres qui se ressemblent, qui sonnent tous de la même façon, si on n’est pas fan absolu, ça lasse … et c’est pas l’ésotérisme mystique de pacotille des thèmes des chansons (le Bien, le Mal, la culpabilité, la mort, la rédemption, …) qui peut sauver l’affaire.

Je suis guitariste, capito ?

Alors fatalement, ont tendance à ressortir du lot des titres qui essaient de se démarquer du moule uniforme. Comme le strict country-rock énervé de « The things you do », ou l’ultime « I thank you child » qui fait le grand écart entre les gentilles comptines de Donovan et un riff monumental accompagné d’un gimmick de batterie qui évoque le « Kashmir » de Led Zeppelin … Bon titre également, « Throwin’it all away » sous forte influence Dylan période « Knockin’ on heaven’s door » et doté d’un bon solo bluesy sans trop d’esbrouffe ou de fioritures superflues … Quelque part vers le milieu du disque on trouve aussi enchaînés une paire de titres quasi strictement acoustique, assez mignons mais qui courent un peu vainement sur les traces du Neil Young du même genre. Quant au reste, bof …

Comme si ça ne suffisait pas avec l’album original (onze titres, plus de cinquante minutes) la plupart des éditions de « Book of shadows » fournissent un Cd bonus avec trois titres qui n’apportent rien de plus ni de mieux (peut-être un chouia plus acoustique et une déception avec « Evil ways » qui n’est malheureusement pas une reprise du classique de Santana).

Il existe aussi un « Book of shadows II» … Euh, tout compte fait, non merci …




JOHN SAYLES - LONE STAR (1996)

 

Y'a des fois, faut pas chercher à comprendre ...

John Sayles, c’est le réalisateur avec une grosse pancarte « film indépendant américain » dans le dos. Autant dire pas le genre de type multi-nominé et multi-oscarisé, parce que l’industrie, oui, l’industrie est bien le mot, aime bien récompenser ceux qui marchent plus ou moins droit. Tandis que pour les types comme Sayles qui empruntent les chemins de traverse pour faire des films, circulez, y’a rien à voir … Bon remarquez, l’œuvre assez obscure du bonhomme mérite pas non plus qu’on crie systématiquement au génie à tue-tête à son propos …

Chris Cooper & John Sayles

« Lone Star » est certainement son film le plus connu, il l’a réalisé et en a également écrit le scénario. Belle histoire, un peu alambiquée, on y reviendra, beau casting. Même si ceux dont le nom est écrit le plus gros sont pas les premiers rôles (Kris Kristofferson, Matthew McConaughey, … y’a même Frances McDormand qui fait un passage éclair juste dans une scène …)

« Lone Star » fait évidemment référence au Texas (Lone Star State pour ceux qui regardent « Plus belle la vie »), mais aussi à l’étoile que portent les sheriffs. Tout commence dans les années 90 (1990, « Lone Star » n’est pas un western, ou si peu …), quand deux botanistes explorant les collines autour d’une base militaire désaffectée découvrent un squelette avec à côté de lui une étoile de sheriff.

La petite ville où se situe l’action est Del Rio, ville frontière, dans laquelle les « non-blancs » (pour faire simple) représentent 90% de la population (Blacks, Chicanos, Indiens). Le sheriff de Del Rio, Sam Deeds (Chris Cooper), fraîchement élu, l’a été sur son nom de famille, il est le fils d’un sheriff légendaire (et décédé) de la ville, Buddy Deeds (Mathew McConaughey), lui-même successeur du très corrompu et disparu sans laisser de traces durant son mandat Charlie Wade (Kris Kristofferson). Comme on a trouvé à côté du macchabée des collines une étoile de sheriff, il ne fait guère de doute qu’il s’agit des restes du détesté Charlie Wade, d’autant plus que depuis sa disparition, la rumeur publique affirme que c’est le père Deeds qui en a débarrassé la ville. Et le fiston du héros se retrouve donc à enquêter sur la mort de Wade (un labo confirme qu’il s’agit bien de ses restes) à laquelle est mêlée son père …

Renouer avec une ancienne connaissance ...

Sam Deeds est un mec plutôt cool, qui avait quitté Del Rio pendant des années, et qui a très vite l’intuition que remuer ces vieilles histoires de plus de quarante ans risque de faire remonter des trucs pas folichons à la surface… il mène son enquête, en commençant par quelques protagonistes encore en vie de cette lointaine période (le maire, un patron de bar). Et évidemment, les surprises vont fleurir comme chrysanthèmes à la Toussaint.

De nombreux protagonistes vont participer à l’histoire, avec leurs embrouilles présentes ou passées. Parce que si l’essentiel du film se joue au présent, de nombreux flashbacks (souvenirs de Sam Deeds, récits de témoins) dévident petit à petit l’écheveau compliqué de l’affaire principale. La technique filmique des flashbacks est quasiment toujours la même, la caméra passe d’un personnage dans un lieu contemporain pour faire découvrir une scène qui a eu lieu à cet endroit des décennies plus tôt. Et on s’aperçoit que le sheriff actuel n’est pas le seul à vivre avec le poids des fantômes du passé…

Il retrouve (et renoue avec) un ancien amour de jeunesse, maintenant institutrice et divorcée (son gosse bricole avec des autoradios volés, ce qui l’amène évidemment chez le sheriff), dont la mère, ancienne immigrée clandestine et femme d’un passeur abattu par Wade, tient maintenant le restau huppé du bled, menant à la trique ses employés, bien qu’elle soit capable (on comprendra au final pourquoi) d’aider et de soigner des clandestins …

On apprend aussi très vite que le maire a été l’adjoint de Wade, qu’il fermait les yeux sur ses activités illégales, moyennant quelques billets que le corrompu lui glissait … Que le patron de bar est et a toujours été à la limite de plein de hors-jeux, qu’il a un fils colonel de l’armée, qui vient d’être nommé en charge de la caserne de la ville. Le bidasse, dur et rigide, a rompu depuis longtemps tous les liens avec son père, mais il a un fils qui aimerait bien rencontrer Papy. La situation se complique encore plus quand lors d’une embrouille dans le bar, un soldat se fait tirer dessus.

Wade (K Kristofferson)

Etonnamment, et c’est tout à l’honneur de Sayles, le récit reste remarquablement fluide (on n’est pas dans « Tenet » ou « Inception »), on suit toutes les intrigues qui se croisent et s’entrecroisent, et petit à petit, on découvre la zone d’ombre de tous les personnages. Les statues de Commandeur tombent une à une (on en a même érigé une pour le père Deeds), et le dénouement qui est superbe, se joue à deux niveaux. On croit que c’est fini quand l’assassinat de Wade est élucidé, sauf que le couillon de sheriff est allé fouiller dans les recoins de la vie privée de son père, ce qui vaut un ultime et inattendu twist final …

Un point fort du film : une scène fabuleuse qui voit Sam Deeds aller chercher les archives paternelles dans la maison familiale qu’il a laissée à son ex-femme (jouée par Frances McDormand), poivrote allumée, fan et supportrice ultime de foot américain. C’est la seule séquence drôle du film, mais elle vaut le détour, croyez-moi …

Un point faible : hormis Cooper, les têtes d’affiche du casting (Kristofferson, McConaughey, McDormand) sont sous-employées et on les voit juste quelques minutes à l’écran …

Au final, « Lone Star » est un film à tiroirs qui navigue entre plusieurs genres, le polar of course, mais aussi le film social (beaucoup de références à l’immigration clandestine, à la politique et aux élections locales), voire le drame familial (on essaye au maximum de laver son linge sale en famille) …

Cette histoire aux ramifications tentaculaires a valu à John Sayles une nomination à l’Oscar du meilleur scénario. Méritée. On aurait cependant aimé un peu plus d’imagination au niveau de la réalisation. « Lone Star » est un bon film, mais très académique au niveau sonore et visuel. Un peu plus de folie de ce côté-là, et ça aurait été parfait …


SPIKE JONZE - DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (1999)

 

Au-delà du délire ...

« Being John Malkovich » en V.O. est un film extraordinaire dans tous les sens du terme … pendant plus d’une heure. La dernière demi-heure, par contre, vient un peu tout flinguer …

Spike Jonze & John Malkovich

Alors commençons par le début. A l’origine du film, deux hommes, Spike Jonze et Charlie Kaufman. Le premier est un golden boy du spot télé et du vidéo-clip (pour ceux qui sont en haut de l’affiche à la fin des 90’s, genre Björk, Fatboy Slim, les Chemical Brothers, …). Le second est scénariste pour des séries télé. « Dans la peau … » sera leur coup d’essai dans le cinéma pour les deux, première réalisation pour Jonze, première écriture de scénario pour Kaufman … Je sais pas à quoi ils carburaient (enfin, on peut supposer qu’ils suçaient pas que des glaçons, du moins Jonze, que l’on voit descendre de sa voiture et vomir dans la rue, lors d’une courte – forcément courte – interview dans les bonus du Dvd), mais ils ont fait très fort sur ce coup …

Craig Schwartz (John Cusack) est un marionnettiste qui se trouve génial, mais ne vit que des piécettes qu’il récolte en se produisant dans les rues, quand il ne prend pas des torgnoles par les parents lorsqu’il met en scène dans son spectacle l’histoire d’Héloïse et d’Abélard (ben ouais, fallait écouter en cours de français au lycée, sinon allez sur Wikimachin, vous comprendrez que c’est pas vraiment une histoire d’amour tout public …). Craig est marié à Lotte (Cameron Diaz, loin des rôles de bimbo qui l’ont rendue célèbre), qui travaille dans une animalerie et ramène du boulot à la maison, forcément transformée en zoo, et qui s’intéresse plus à ses bestioles qu’à son mari, auquel elle suggère tout de même que les marionnettes, c’est bien joli, mais qu’il faudrait trouver un vrai job …

L'étage 7 et demi

Ça tombe bien Craig dégotte une annonce où une boîte recherche un type agile de ses doigts pour du classement et de l’archivage. Cette boîte se trouve dans un immeuble, au septième étage et demi … c’est-à-dire que tout le monde marche courbé dans des couloirs et des bureaux où le plafond est à un mètre cinquante du sol. Le personnel et le directeur sont aussi étranges que les lieux qu’ils occupent, de la secrétaire dyslexique et allumeuse (Mary Kay Place), au patron (Orson Bean, un vétéran des seconds rôles), un prétendu docteur de cent cinq ans, bien conservé grâce à une consommation effrénée de jus de carotte, et prêt à baiser tout ce qui passe à portée …

Craig utilise donc sa dextérité pour classer fiches et dossiers, tout en tombant amoureux fou d’une grande brune qui n’a pas froid aux yeux (excellente Catherine Keener). Un jour, pour récupérer un dossier qui a glissé derrière un meuble, il découvre une petite porte donnant sur une galerie souterraine. Dans laquelle il s’empresse de ramper pour se retrouver … dans la peau de John Malkovich, en tant qu’ « invité » (il est quelque part dans son cerveau, et voit à travers ses yeux). Et au bout d’un quart d’heure, l’expérience prend fin, et Craig est éjecté, tombant dans le remblai d’une rocade …

Cusack, Keener & Diaz

L’expérience pouvant se répéter à l’infini, Craig et Maxine (la grande brune qui bosse avec lui) commencent donc une lucrative vente de billets (paiement en espèces, of course) pour passer un quart d’heure dans la peau de John Malkovich. Sauf qu’avec un peu d’entrainement, on peut passer plus de temps et « diriger » Malkovich. Si l’on rajoute des tentatives de liaison amoureuse qui compliquent tout (Craig tombe amoureux de Maxine, Maxine de Lotte, le toubib de Lotte, et Malkovich de Maxine). Parce que le John, sentant qu’il se passe des trucs bizarres dans sa tête, finit par mener son enquête et découvre les étrangetés qui se trament dans le septième étage et demi, allant même jusqu’à emprunter le couloir lui-même …

C’est avec cette scène extraordinaire (John Malkovich dans un restaurant où tout le monde est John Malkovich) que prend fin la partie la plus intéressante du film. Le reste, qui consiste à trouver une fin « crédible » ou « rationnelle » à toutes ces aberrations mises en images, fait tourner les personnages et les mini-intrigues qui les lient en rond. Cette dernière partie repose beaucoup sur John Malkovich, qui trouve là les scènes de loin les plus délirantes de sa carrière, mais cabotine un max, pion central d’un jeu dont Kaufman et Jonze ont à peu près perdu toutes les règles …

Reste quand même les deux premiers tiers du film où quasiment rien n’est à jeter, trouvailles scénaristiques géniales, comique surréaliste à tous les …étages … avec mention particulière au couple Cusack – Diaz (lui, lunaire à la perfection, elle s’en allant de plus en plus dans l’irrationnel total). La scène où ils sautent tous les deux en même temps sur Maxine qu’ils ont invité à dîner et à fumer des joints mérite sa place dans une anthologie du comique de situation …

Un monde plein de Malkovich ...

Evidemment, Jonze (trente ans) a pu compter sur ses états de service dans d’autres domaines pour réunir tout ce beau monde (et si l’on compte ceux qui n’ont qu’une courte scène, ou font juste un caméo, il faut rajouter au casting des Dustin Hoffmann, Martin Sheen, Sean Penn, Michelle Pfeiffer, Brad Pitt, et quelques-un(e)s que j’ai dû louper parce que aucun ne figure au générique). Le fait qu’à cette époque il fréquente assidûment la famille Coppola, notamment la Sofia du même nom, a aussi dû aider à faire s’ouvrir quelques portes et sortir quelques carnets de chèques …

« Dans la peau de John Malkovich » est à la base une comédie totalement délirante. Dommage que viennent dans les dernières bobines se greffer « explications » métaphysico-médicales, sorte de secte recherchant la jeunesse éternelle (le polar horrifique « Get out » se serait-il inspiré de cette partie du scénario ?), qui finissent par parasiter les géniales idées originelles et une prestation épileptique d’un Malkovich en roue libre …

« Dans la peau de John Malkovich » est un peu le pendant cinématographique d’un rock indé bobo qui faisait les milliardaires musicaux de la décennie. Le film est co-produit par Michael Stipe de R.E.M., et après une partie musicale essentiellement à base de classique, c’est la très in Björk qui assure le générique avec l’aquatique, forcément aquatique « Amphibian ».


BOY GEORGE AND CULTURE CLUB - SPIN DAZZLE THE BEST OF (1992)


 Bouillon de culture ?

M’en souviens … Le dénommé George O’Dowd, plus connu sous le surnom de Boy George et à peu près Culture Club et autres avatars à lui tout seul, avait fait au temps de sa gloire la couverture de Best et Rock & Folk, avec copieux articles de fond (?) à la clef. Me souviens aussi du courrier des lecteurs avec des gens outrés que pareille chose ait place dans les colonnes de ces vénérables magazines … avec le recul, tout ça n’est pas bien grave, les gars réagissaient comme leurs parents quand ils avaient vu ou entendu Elvis, Stones et Beatles. Il y en a beaucoup qui aiment bien leurs balises, leurs repères, et leurs œillères. Le Boy George, condamné et fusillé sans même avoir été entendu … ou trop entendu … Imaginez, ce type et son pseudo-groupe ont été à la deuxième place des charts US (le premier c’était Michou Jackson avec « Thriller »).

Culture Club 1983

Ouais Boy George et Culture Club faisaient encore plus fort que T.Rex. Bolan au début des seventies recrutait l’essentiel de son public (et de son succès considérable) dans les cours de récréation des collèges (les filles entre 12 et 15 ans). Boy George, lui, faisait carrément la sortie des écoles primaires. Les gamines de 9 à 12 ans l’adoraient … et tant que j’en suis à me souvenir, les préposés aux concerts relataient la foule de parents se pressant devant les endroits où il se produisait, attendant la sortie de leurs chères têtes blondes, il y avait encore plus de monde à l’extérieur qu’à l’intérieur de salles hystériques, forcément hystériques …

On pourrait ergoter pendant des heures pour savoir comment on a bien pu en arriver là, comment on a pu passer en tout juste une décennie de « Exile on Main St » à « Colour by numbers » … On va s’en tenir à Boy George … Qui était avant même d’avoir mis les pieds en studio une figure de la nuit londonienne. Tous les témoignages de ses contemporains sont formels, avant d’être célèbre, il avait déjà ce look totalement improbable à base de pantalons et longues tuniques bouffantes, dreadlocks multicolores et chapeau de rabbin. Sans oublier les tonnes de maquillage sur le museau. Autant dire que même dans le contexte « branché » (post-punk et nouveaux romantiques, tout dans le look et pas grand-chose pour les oreilles) de l’époque il passait pas inaperçu. Il « démarre » dans le music-business sous l’égide de l’escroc en chef Malcolm McLaren (inventeur, manager et communiquant des Sex Pistols) par un rôle-éclair de choriste dans Bow Wow Wow. Pseudo groupe monté de toutes pièces par McLaren autour d’une nymphette anglo-asiatique (Annabella Lwin), vendu comme du « rock tribal » (le « groupe » essayait de refaire le gag du « I want candy » des Strangelove, pseudo-peuplade primitive enregistrant du rock, en fait une blague de requins de studio à la fin des 60’s, où l’on retrouvait Richard Gottherer, futur producteur des premiers Blondie). Les Bow Wow Wow ont fait parler d’eux avec leur premier disque, dont la pochette pastichait « Le déjeuner sur l’herbe » de Manet, avec l’Annabella à poil au milieu de ses « musiciens ». Seul problème, elle avait quatorze ou quinze ans, donc gros scandale, donc mission accomplie pour McLaren …

Boy George 1988

Boy George n’est déjà plus de ce naufrage, il a monté Culture Club avec son copain de l’époque et deux autres zozos. Signé à cause de son look par Virgin, qui balance quelques singles sans conviction. Les deux premiers sont des bides, le troisième s’appelle « Do you really want to hurt me ». C’est un truc commencé quasi a capella, sur une base bien policée de reggae et de soul. Tout ce que la planète compte de stations de radio va diffuser ce morceau en boucle, qui est, il faut le reconnaître, le genre de scie imparable qui peut plaire à un maximum de personnes. Le George a un atout maître, occulté par son androgynie et son look extravagant : il chante juste (chose pas forcément courante à l’époque), avec une voix aussi à l’aise dans des sonorités graves que très douces. Et un vibrato dont il ne se sert pas pour bêler, comme le premier Julien Clerc ou Véronique Sanson de passage … La première comparaison vocale qui me vient à l’esprit, c’est – excusez du peu – Sam Cooke. Boosté par le single, le premier 33 T (très dispensable) se vendra par camions, d’autres singles seront extraits. La suite, l’album « Colour by numbers » sera meilleur, contenant le meilleur titre de Culture Club, « Church of the poison mind » (un beat Tamla-Stax, une partie d’harmonica, des chœurs féminins très soul).

La suite sera une chute vertigineuse. Quelques rondelles de plus en plus mauvaises, des singles qui se vendent beaucoup moins, et la dissolution du groupe. Ceci pour le côté musical de l’affaire. Parce qu’en même temps, le bon George se révèlera un déglingo total, dans la lignée des Keith Richards – Johnny Thunders. Si son côté homosexuel forcené ne lui a pas causé trop de tort, de multiples descentes de flics qui repartaient de chez lui avec des quantités considérables de poudres blanches (qui ne lui servaient pas à se maquiller), lui vaudront scandales à répétition via les tabloïds anglais très friands de ce genre de faits divers. Cerise sur le space cake, les flics trouveront un jour chez lui un macchabée dans un placard, refroidi par une overdose. Case prison direct, avant qu’il soit euh … blanchi par la justice.

Jesus Loves You 1992

Entre-temps, c’est en solo qu’il continue la musique. En tant que DJ (il y a des décennies qu’il est reconnu comme une pointure du genre), et en sortant des disques solo. Sur son premier figurera ce qui est pour moi son meilleur titre, le reggae ralenti de « Everyhing I own » (ce titre est des Américains de Bread, sortes de Badfinger d’Outre-Atlantique, et la version de Boy George est calquée sur la reprise reggae qu’en avait fait le Jamaïcain Ken Boothe). Boy George nous fera ensuite sa Nina Hagen, sombrant dans le mysticisme oriental, virant bouddhiste zen, se rebaptisant Jesus Loves You (à moins que ce soit le nom de son groupe), avec le répertoire crétin qui va avec, comme tous ces types défoncés jusqu’à la moelle, qui ont vu leurs péchés et la lumière de la rédemption. Témoin sonore de cette époque « Bow down Mister », quasi-plagiat du « My sweet Lord » de George Harrison, lui-même plagiat du « He’s so fine » des oubliées Chiffons …

Ce « Spin Dazzle » de 1992 avec pochette aux motifs hindouistes de rigueur et logo Hare Krishna (il me semble qu’il est revenu de ces fadaises), relate donc en quinze morceaux le parcours du garçon George. Les quatre titres déjà cités y sont évidemment. Parmi les autres, deux ou trois sont écoutables (grâce à la voix essentiellement), comme « Miss me blind » (la ballade triste) ou « After the love » (gentille soul blanche).

Tout le reste est à jeter, ça va des follow-ups ratés de ses succès (« Time »), à des eltonjohneries bas de gamme (« To be reborn »), en passant par des comptines pour écoles maternelles (« Karma chameleon »). Et quelques-unes sont encore plus pourries par des remix d’époque (92, le règne de la house music) …

Pour desperate housewifes autour de la cinquantaine only…




ELLIOTT SMITH - EITHER / OR (1998)

 

Chansons de l'innocence perdue ...

A ce stade de sa … euh, carrière (?), « Either / Or » était le disque « spectorien » d’Elliott Smith. Son troisième en solo, Elliott Smith approche de la trentaine.

Elliott Smith est issu de la middle class américaine, fils d’une institutrice et d’un toubib. Brillant, il entame des études supérieures sans conviction, ce qui ne l’empêche pas d’être diplômé en philo et sciences politiques. Il fait aussi un peu de musique avec quelques potes, dans le genre boucan (punk, hardcore, proto-grunge, cette sorte de choses). Le groupe se séparera avant la parution de son premier disque (ce qui lui vaudra plus tard des bisbilles avec l’industrie du disque, il a évidemment signé un contrat qui l’engage à vie et après le succès critique de « Either /Or » ce contrat ressurgira …). Il aurait aussi commencé tout juste ado à goûter goulûment aux drogues dures.

Smith sort au milieu des années 90 deux disques sur un label indépendant. Un pote lui a prêté un 4 pistes, il donne dans le folk dépouillé et compose, joue et produit tout seul. Avec les ventes phénoménales qu’on imagine …


Elliott Smith est un type insaisissable, beaucoup de choses dans sa vie restent un mystère (jusqu’à sa mort, classée cold case, on ne sait pas vraiment s’il s’est suicidé ou a été tué, accidentellement ou pas). Il fait partie de cette litanie d’auteurs tourmentés, fragiles et accros aux drogues et médicaments, dont les têtes de gondole du genre se nomment Nick Drake, Townes Van Zant ou Kurt Cobain … On l’aura compris, les disques d’Elliott Smith ne sont pas de ceux qu’on entend sur la sono à la fin des banquets de mariage …

« Either / Or » le sortira de l’anonymat. Sans qu’il soit dans quelque air du temps que ce soit. C’est dans tous les sens du terme un disque solo. Enregistré grâce à son 4 pistes un peu partout, et notamment chez sa copine de l’époque Joanna Bolme (que l’on retrouvera des années plus tard dans les Jicks, le groupe de Stephen Malkmus).

Le titre du disque est le même que celui d’un bouquin du philosophe danois Kierkegaard, pas vraiment un hasard quand on connaît le cursus de Smith. Sauf que sur le disque, nulle prise de tête.

Il est assez sidérant de constater comment, dans un genre largement diffusé (le folk pour faire simple) et minimaliste, on puisse encore trouver des mélodies, des refrains, des brouillons d’arrangements aussi beaux et fragiles. Oui, certes c’est brouillon. Sur plusieurs titres, on entend le souffle des bandes, le bruit du magnéto qui démarre l’enregistrement, la « production » est sommaire (les effets sur la voix, souvent doublée, sont à la limite de la faute professionnelle, on espère que c’est fait exprès, mais rien n’est moins sûr). En gros, n’importe quel groupe débutant ne voudrait pas du son de « Either / Or » comme première maquette. Sauf que …


Qui est capable d’écrire des trucs affolants de simplicité comme « Speed trials », « Ballad of big nothing », « Rose parade » « Punch and Judy », pour ne citer que les plus évidents. Et puis, chose assez inédite à cette époque-là chez Smith, il n’hésite pas à se lâcher et envoyer le bois (pas de la même façon que Metallica peut-être, mais plus intelligemment certainement). Il cogne sur les fûts, lâche quelques riffs électriques (« Pictures of me », le final quiet-loud de « Cupid’s trick », celui carrément bruyant de « 2 :45 AM »). On a rarement entendu des choses aussi évidentes faites par quelqu’un qui a l’air de s’en foutre royalement (un morceau n’a pas de titre, sinon celui de travail, « No name n°5 »).

Quelques dizaines de milliers de copies de « Either / Or » trouveront preneur. Parmi les acquéreurs, le sieur Gus Van Sant, fan depuis les débuts, qui avait utilisé de nombreux titres d’Elliott Smith pour son acclamé « Will Hunting » l’année précédente, le titre « Miss Misery » se retrouvant nommé aux Oscars, catégorie meilleure chanson originale. Elliott Smith refusera de la chanter lors de la cérémonie. Dans un premier temps, car sous la pression de l’Académie (« si tu viens pas la chanter, on la fera chanter par quelqu’un d’autre », ce genre), il s’exécutera finalement.

Dès lors, ce type qui comme Cobain ne voulait absolument pas de gloire ou de célébrité, va se retrouver malgré lui sous le feu des projecteurs, et corollaire, va devenir un junkie parano jusqu’auboutiste. Ce qui ne l’empêchera pas de publier quelques autres disques fabuleux …


METALLICA - GARAGE, INC. (1998)

Karaoké de métal ?

Les Metallica, comment dire … bon, je dis rien, vous avez compris … que dans leur période tignasse folle, jeans sales, trash-speed-machin métal à fond, je m’en foutais complet … et qu’ensuite (après le très successful « Metallica – The Black Album »), avec leur look tout en cuir destroy genre figurants de « Mad Max – Fury Road »), j’ai trouvé leur musique pas trop moche, mais bon …
Il y a un truc commun à tous les chevelus qui jouent vite et fort, c’est que ce sont des bosseurs (les masses laborieuses du rock), t’es fan et t’en as pour ton argent (sur skeud, en live, on sabote pas le taf) et des types qui aiment bien rendre hommage à leur héros. Alors après les millions de dollars et une paire de disques siamois de classic rock lourd (« Load / Reload ») ayant laissé quelques franges de leur public dubitatif, les Metallica payent leurs dettes. A tous ceux qu’ils aiment. Et sortent donc un disque entier de reprises, ce « Garage, Inc. ». Et pour que la fête (?) soit complète, rajoutent une autre rondelle argentée regroupant les reprises déjà commises depuis leurs débuts …

Bonjour le pavé. Deux fois plus d’une heure de Metallica qui joue autre chose que du Metallica. Quoique … ceux qui attendaient un medley Etienne Daho ou Culture Club seront déçus, mais ils doivent pas être nombreux … Le « Garage, Inc. » stricto sensu (la première rondelle) c’est du Metallica « d’avant ». Tous les potards sur onze et à fond la caisse, de quoi ravir les fans des débuts. Surtout qu’on peut subodorer vu les groupes de quatrième zone repris, que les versions des quatre de la Bay Area sont supérieures aux originaux. Qui hormis quelques malentendants bas du front en a quelque chose à cirer des punks crétins de Discharge, ou des hardeux de fond de tiroir comme Mercyful Fate ou Diamond Head ? Groupes moqués à l’époque par leurs congénères, alors, presque vingt ans après … Quand Metallica s’attaque à des références autrement moins comiques, la situation se complique. Reprendre du Black Sabbath ou du Blue Öyster Cult de la « grande époque » (« Sabbra Cadabra », « Astronomy »), c’est prendre le risque de se frotter à la comparaison avec les originaux. Et la comparaison n’est pas flatteuse pour Metallica. Manque évident de comment dire, finesse ? Surtout à cause de Lars Ulrich, bourrin comme c’est pas possible derrière ses peaux, qui envoie un tempo systématiquement frénétique que les autres doivent suivre. Mais comme c’est lui le boss, ça moufte pas derrière. Hetfield, lorsqu’il ne braille pas de façon gutturale montre des lacunes vocales béantes (moduler c’est pas son fort) …

On peut quand même reconnaître aux Metallica d’avoir des cojones quand ils vont baguenauder en dehors de leurs sentiers battus et rebattus. Se frotter à du Bob Seger, du Thin Lizzy, du Lynyrd Skynyrd ou plus improbable encore, du Nick Cave, si c’est pas de la prise de risque, je veux bien rejoindre le fan club d’André Rieu … et qui dit prise de risque dit aussi sortie de route. Reprendre Seger sans avoir rien de soul ou de bluesy dans le buffet, ça le fait pas … Reprendre Thin Lizzy sans un minimum de groove dans la besace, ça le fait pas non plus, d’autant plus qu’il s’agit de l’ultra classique de Lynott et ses boys (« Whiskey in the jar »). Pour le morceau des Lynyrd, y’a de la triche, les quatre de Metallica étant rejoints (la reprise a été faite pour les besoins d’une émission de radio) par une cohorte de potes plus ou moins hardeux (venus de Alice in Chains, Primus, Corrosion of Conformity, …) auxquels se rajoute le vétéran survivant de Skynyrd, le guitariste originel Gary Rossington. Du coup, avec des claviers, des chœurs et des types qui essayent pas de jouer plus vite que leur ombre, la farce prend et ce « Tuesday’s gone » revisité, il est pas mal du tout …Reste à débattre du cas du « Loverman » de Nick Cave. Titre anecdotique d’un disque anecdotique (« Let love in ») de l’Australien, il est traité façon Nick Cave des débuts quand il foutait les jetons à son public par son extrémisme du temps de Birthday Party. Et même s’il n’y a pas cette folie hurlante, (la reprise des Metallica se contente d’un quiet / loud braillé), je trouve ce traitement réussi et ce titre est pour moi le meilleur de ces deux rondelles …
Le second Cd, c’est du déjà vu (et entendu). Se trouvent compilés toutes les reprises déjà parues depuis leurs débuts. En commençant par le sympathique « Garage days re-revisited » de 87 (dont le recto de pochette sert de verso à « Garage, Inc. »), à une époque où les Metallica fonçaient d’abord et réfléchissaient ensuite s’ils avaient le temps. Suivent une litanie de titres disséminés sur des faces B, titres sur lesquels on (re)trouve les références habituelles du groupe, les catastrophiques punks 80’s anglais (Anti-Nowhere League), la seconde division du hard 70’s (Budgie), et la troisième du hard 80’s (les inévitables lourdauds de Diamond Head).
Qui a dit que les Metallica n'avaient aucun humour ?
Restent (j’en zappe volontairement quelques-uns) une reprise de Queen et quatre de Motörhead. Bon, Queen. Faudra que les gens comprennent une bonne fois que Queen c’est un des très rares groupes à prendre au second degré (comme les Mothers de Zappa et peut-être les vingt dernières années de Bob Dylan). C’est du mauvais goût poussé dans ses derniers retranchements (mais sans le dire, ce qui permet le malentendu). Donc livrer une version métal bourrin de « Stone cold crazy », c’est totalement crétin et totalement à côté de la plaque … Quant aux titres de Motörhead, ils sont révélateurs de l’écart qui peut exister entre un maître et des élèves appliqués mais pas très doués. Première victime sur « Overkill », le Lars Ulrich, incapable de reproduire le tir de barrage de la double grosse caisse de Philty. Pourtant il nous les avait bien brisé depuis deux heures avec sa frappe de mammouth en rut. Passons sur le bassiste (de toutes façons la pièce rapportée de Metallica depuis la mort de Burton) qui n’arrive pas à la cheville de Lemmy (et on ne parle là que du jeu de basse). Hetfield a beau essayer de grogner et Hammett de mitrailler des solos bruyants, ça le fait pas … trop tendres, les Metallica …
Arrive dès lors la question cruciale : à quoi peut bien servir cette double galette ? A mon humble avis à pas grand-chose, les fans retrouveront le Metallica « perdu » depuis le « Black Album » (« Garage, Inc. » s’est bien vendu, leur banquier a été ravi), et les autres auront la démonstration qu’en plus de faire généralement des disques insupportables, les Metallica aiment des trucs tout autant insupportables … CQFD ?



WILLIAM SHELLER - ALBION (1994)

Spinal Bion ?

Je me souviens, je me rappelle … de ce blondinet timide, chantant les mains dans les poches des histoires d’encre bleue et de carnets à spirale. C’était quand la télé commençait à être en couleurs, et on y voyait quelques fois le Sheller pousser la chansonnette chez Drucker ou les Carpentier, entre les tocards habituels, tous ces Charles Bécaud, Gilbert Aznavour, Mireille Lama et Serge Mathieu… Il avait l’air de se demander ce qu’il foutait là, et de s’y emmerder royalement …
Et puis, il a eu son quart d’heure de gloire vers la fin des 80’s, quand tout seul avec son piano, on le voyait quelques fois dans des shows télé (un peu) moins honteux, chanter de mignonnes chansons tristes. Et comme il disait, il devait être un homme heureux …
Pour moi, c’était un de ces sous Polnareff comme la variété française en pond un tous les cinq ans, avant de passer au suivant … ce qui ne l’avait pas empêché de sortir quelques trucs risibles, au premier lieu desquels l’impérissable ( ? ) « Rock n’ dollar » (« Donnez moi Madame s’il vous plaît du ketchup pour mon hamburger … »), fallait y penser … Et surtout pas avoir peur du ridicule, Sheller étant aussi rock’n’roll que, au hasard, Macron … C’était dans ses débuts de carrière, il devait se chercher, et allait retenir la leçon, le rock c’était pas fait pour lui …
Ben non … Voilà t-il pas qu’en pleine vague grunge (retombante), il se paye un séjour aux cossus studios Ridge Farm, dans le cossu Surrey, studios qui ont vu défiler du beau monde (Bad Company, Roxy Music, Queen, Prefab Sprout, Bowie-Tin Machine, …), ou pas (Jethro tull, a-ha, Frankie Goes to Hollywood, OMD, …). Sheller recrute quelques requins anglais (inconnus) et met en chantier un disque de rock … Je sais pas ce qui lui passait par la tête et je m’en fous, mais force est de reconnaître que c’était pas une bonne idée du tout.
Ce « Albion » fruit de ces séances, est atroce. Les compos sont pas mauvaises en soi, Sheller est capable de trousser de belles constructions mélodiques, mais une fois passée par les pattes de cette joyeuse ( ? ) équipe, c’est d’une navritude (inutile d’écrire à Blanquer, je sais que c’est un mot qui existe pas, je suis dans ma période Ségolène – feu Chirac qui étaient coutumiers de ce genre de créations, mais qui eux faisaient pas exprès) absolue.
On retiendra de cette horreur sonore un jeu de batterie herculéen qui recycle les plus mauvais plans du rock FM (la Benatar, Foreigner, Toto, le Van Halen des mauvais jours), et un guitariste imbécile, certainement payé à la note, qui à la moindre éclaircie, se lance dans des solos imbéciles de technique vaine. Sheller, préposé à tout ce qui a des touches blanches et noires, n’est pas en reste, et s’efforce de sonner comme tous ces types qui au début des 80’s jouaient des synthés à un doigt … alors que le William est capable d’utiliser les dix …
Les coupables ...
Qu’il veuille sonner « rock », c’est son problème. Le problème, c’est que le rock, il y connaît rien. Dans les moins mauvais moments, ça sonne comme Jethro Tull ou le Genesis des 80’s, c’est dire l’ampleur des dégâts … on ne s’étendra pas par charité sur sa prestation vocale, c’est pas un hurleur, et pour faire entendre sa voix au milieu de tout ce raffut, il n’a rien trouvé de mieux que de la gonfler en la passant par tout un tas de filtres ou de vocoders …
Sur le podium des horreurs, médaille de bronze pour « Silfax », entre reggae et calypso (faut oser, avec un band qui swingue comme un régiment d’enclumes), titre pendant lequel le guitariste se « surpasse » (no comment). Médaille de bronze pour « Maintenant tout le temps » entre Gold (« Ohééé ohééé capitaine abandonnééééé » ») et une face B de Foreigner. Médaille de chocolat décernée à « Excalibur », titre dont il avait fait une version celtique qui n’arrivait pas à la cheville de Manau (les Alan Stivell des malentendants) et qu’il nous ressert là façon rock (enfin, à sa façon à lui), et « agrémentée » d’un clip très Mylène Farmer (les jolies fesses en moins), heureusement (?) introuvable sur TonTube.
En fait, il faut avoir le courage - « Albion » dure une heure (putain, une heure) – d’arriver au dernier titre le bien nommé ( ? )  « Relâche » pour trouver quelque chose ressemblant à du Sheller « d’avant », c’est-à-dire écoutable quand on a vraiment rien de mieux à faire.
Y’avait longtemps … poubelle direct …



JIM JARMUSCH - DEAD MAN (1995)

Western poétique ...

Jim Jarmusch est bien le dernier type qu’on aurait vu tourner un western … il était plutôt une figure de proue du cinéma indépendant américain dont les œuvres se retrouvaient systématiquement cataloguées dans la rubrique des films d’auteur. Soyons clair, « Dead Man » n’est pas un western qui revendique l’influence de John Ford. D’ailleurs « Dead Man » n’est pas vraiment ou pas seulement un western. C’est … autre chose.
Jim Jarmusch comme Calegero, face à la mer ...
« Dead Man », c’est l’histoire d’un jeune gars bien sous tous rapports de Cleveland qui après un éprouvant voyage en train arrive bans un bled minier du trou du cul de l’Ouest sauvage pour y trouver un job de comptable. La trame du film « classique » tient dix minutes (même si dans le train on a eu droit à une galerie de portraits assez bizarre). « Dead Man » part dans une autre dimension quand le jeune gars rencontre le patron de l’usine censé l’embaucher. Le boss tout-puissant et qui terrifie tout le monde, c’est Robert Mitchum pour son dernier rôle au cinéma, dans une composition d’un type totalement frappadingue, dont la folie suinte par tous les pores. A côté on peut penser que son personnage dans « La nuit du Chasseur » est un Bisounours. En face, le petit gars de Cleveland sapé comme un citadin pour qui il n’y a plus de boulot, c’est  Johnny Depp. Ou plutôt William Blake, le nom de son personnage. Rappelons pour ceux qui avaient pris console Nintendo au lieu de littérature au lycée que William Blake est un poète anglais du XIXème siècle … Parenthèse, c’est pas le seul nom « réel », William Blake va croiser la route de deux sheriffs Lee et Marvin ( !! ) et tuer un dénommé George Drakoulias (le producteur des Black Crowes, alors au sommet de leur popularité …).
Jusque là, tout allait bien ...
L’apparition de Mitchum (et ses conséquences sur l’avenir de Blake) offre déjà une bifurcation étrange au scénario. Rien cependant à côté de ce qui va suivre. Du western ne va subsister qu’une galerie de portraits faisant se succéder des personnages hauts en couleurs (bien que le film soit dans un superbe et strict noir et blanc), et tous plus barrés les uns que les autres.
L’autre personnage central du film est un Indien solitaire (grosse performance de Gary Farmer) qui se nomme Personne (plutôt qu’une référence au western italien, je pense qu’il s’agit d’une allusion à Homère, Personne étant le nom qu’Ulysse donne au cyclope avant de lui crever l’œil) qui prend en charge Blake, retrouvé touché d’une balle près du cœur sur un chemin. Dès lors va se mettre en place un étrange attelage, un Indien philosophe et cultivé, et un minot tendance efféminé lâchés dans le wild wild West. Personne est le seul du casting à penser que son compagnon est la réincarnation du poète anglais, parce que c’est le seul du casting à connaître le poète anglais. Ou quasiment. Le seul autre qui a entendu parler de William Blake est une sorte de vagabond travesti aimant citer poètes et philosophes (Iggy Pop dans un rôle lui aussi plutôt inattendu), qui, comme la plupart de ceux qui vont croiser l’improbable duo y laissera la peau.
Mitchum
On garde tout de même une trame de western, avec la fuite du duo ayant à ses basques tout ce que le coin compte de chasseurs de prime (Blake a tué par hasard et en état de légitime défense comme on dirait au tribunal un des fils de Mitchum qui lance à ses trousses un trio de tueurs à gages). En fait, Blake, grièvement blessé, ne fuit pas, il est en route pour un autre monde, guidé par son compagnon de fortune. « Dead Man » est un film mystique, dans lequel les considérations plus ou moins ésotériques prennent le pas sur l’instinct de survie (Personne qui prend du peyotl, et qui conduit Blake dans un village bizarre ou des chamans prépareront Blake pour son dernier voyage en canoë).
Mais, tour de force de Jarmusch, « Dead Man » n’est pas un film prise de tête. Il règne toujours un humour noir féroce, voire sordide, avec des scènes totalement loufoques (Mitchum qui au lieu de s’adresser à ses interlocuteurs parle à un ours empaillé, Blake qui  à mesure que son état de santé empire devient un manieur de flingue redoutable, l’improbable trio de chasseurs de primes dont l’un dort avec son nounours mais qui finissent évidemment par s’entretuer et se bouffer réellement - on parle là de cannibalisme - entre eux, …)
Sans oublier les aphorismes, sentences et maximes diverses de Personne, qui valent bien celles que Godard distillait dans ses films des sixties. Au hasard (Balthazar), « On n’arrête pas les nuages en construisant un bateau », « Tu as tué l’Homme Blanc qui t’a tué ? » « Quel nom t’a-t-on donné quand tu es né, pauvre con de Blanc ? », chaque répartie de Personne est quasiment de l’Audiard dans le texte.
Personne & William Blake
On n’oubliera pas une grosse prestation de Johnny Depp, qui en plus de sa belle gueule est un grand acteur, faisant passer tous les sentiments et émotions possibles par d’infimes mouvements du visage (il est très souvent cadré en gros plan), et jouant l’ébahi blessé (sa dégaine à cheval !) engoncé dans un ridicule costard à gros carreaux avec un naturel bluffant. A moment donné il finit la frimousse barrée d’éclairs comme Bowie sur la pochette d’« Alladin Sane ». Transition facile avec la musique, parce que « Dead Man » bénéficie d’une bande-son extraordinaire due à Neil Young. Jarmusch a collé le Loner devant les rushes du film et lui a demandé d’improviser sur sa vieille pelle en fonction de ce qu’il voyait à l’écran. Cette prestation économe de notes mais toute en saturation et larsens divers contribue à accentuer l’aspect irréel et fantomatique du film … Et ces notes égrenées lentement sont tout à fait raccord avec le rythme très lent du film, parce que quand il est question de mourir, pas besoin d’y aller au sprint … Jarmusch a dû apprécier la prestation du Canadien, puisque l’année suivante il le suivra en tournée et en sortira le documentaire « Year of the Horse » (comme il est aussi fan d’Iggy Pop, il travaillera plusieurs années sur le « Gimme danger » censé être définitif sur la carrière des Stooges).
« Dead Man »  recevra un accueil mitigé, genre film incompris mais appelé à devenir culte. Pour moi, ç’est le chef-d’œuvre de Jarmusch, loin devant le très surestimé « Broken flowers » ou ses premiers essais pourtant magnifiques comme « Stranger than Paradise » et « Down by law » …



CURTIS HANSON - L.A. CONFIDENTIAL (1997)

Flics et voyous ...

Il y a des gens dont on n’attend rien. De bon ou mauvais. Curtis Hanson fait partie de ces réalisateurs dont tout le monde se fout, qui tourne des films dont tout le monde se fout, critique comme public …
Et puis, sans que l’on sache pourquoi, le type sort un machin qui met tout le monde d’accord, un très gros succès populaire encensé par tous ceux que l’on paye pour donner leur avis sur ce qu’ils ont vu avant les autres sur un écran. Moi personne me paye, ce qui évidemment ne donne donc aucune valeur à mon avis. Et pourtant je le dis haut et fort, « L.A. Confidential » est un super film.
Pearce, Hanson & Crowe
Un film auquel on a bien du mal à comprendre quelque chose la première fois, parce qu’ici il n’y a ni bons ni méchants. Juste un tas de types plus ou moins pourris, et qui dans le meilleur des cas agissent pour eux et non pas forcément pour ce pourquoi ils sont payés. « L.A. Confidential » est une histoire de flics, plus ou moins corrompus, qui s’agitent dans le Los Angeles des années cinquante. Autour d’eux gravitent des femmes (bizarrement, mieux traitées dans le scénario, même si une finira à la morgue et l’autre … on en reparlera), et toute une faune allant du journaliste cupide et partial, aux politiques dépravés ou manipulateurs, en passant par les milliardaires proxénètes et les immigrés (surtout les chicanos) en bons clients qu’on tabasse ou flingue impunément.
A la base de « L.A. Confidential », un bouquin de James Ellroy, qu’il est inutile de présenter, tant son nom est associé aux polars glauques et désespérés, un descendant-successeur des Hammett ou Chandler, les rails de coke en plus … Dire que l’intrigue est aussi compliquée que celle du « Faucon maltais » ne relève pas de la litote. Faut dire qu’il n’y a pas un mais plusieurs protagonistes principaux et que leurs histoires pas très nettes finissent par se croiser lorsque des enquêtes qu’ils mènent chacun de leur côté deviennent une seule et même affaire.
Les flics
On ne peut pas ne pas penser au « Chinatown » de Polanski pour plusieurs raisons : les reconstituions méticuleuses et pointilleuses du Los Angeles d’une époque révolue, chez Polanski les années 30, ici les années 50, le rôle crucial de la femme qui fait avancer le scénario, Dunaway vs Basinger, et les deux enquêtes qui évoluent et finissent dans les plus hautes sphères de la société de la ville. On a aussi des différences notables, dans « Chinatown » il n’y a vraiment qu’un type qui mène l’enquête (et Nicholson n’est même pas flic, c’est un privé), et ses méthodes (no guns et le moins de bastons possibles) tranchent radicalement avec l’atmosphère violente voire ultra-violente de « L.A. Confidential ». Hanson cite aussi « Le grand sommeil » (avec Bogart et Bacall) comme source d’inspiration. Comme il y a des décennies que je l’ai pas vu, je lui fais confiance …
Le film doit tout à Hanson. C’est lui qui écrit l’adaptation du bouquin d’Ellroy, et s’en va à la pêche aux producteurs. Le sulfureux Arnon Milchan (mais au nez très creux lorsqu’il s’agit de faire des cartons au box-office) est séduit par le projet ambitieux de Hanson qui sent qu’il a un super scénario et envisage d’entrée la superproduction hollywoodienne. Milchan commence à se gratter la tête lorsque Hanson lui annonce ses deux acteurs tête d’affiche : Russell Crowe et Guy Pearce. Deux métèques donc. Totalement inconnus du public américain (et de celui du reste du monde aussi, d’ailleurs). L’un est néo-zélandais et a marqué Hanson par un rôle se skinhead facho et violent (pléonasmes) dans « Romper stomper » (que je recommande au passage), l’autre en jouant une drag-queen dans « Priscilla, folle du désert » (que je recommande aussi).
Crowe sera donc un flic brutal, révélant au monde entier un baraqué castagneur, le genre de rôle qu’il endossera à peu près toute sa carrière. A côté de son personnage, Eastwood dans « Dirty Harry », c’est l’Inspecteur Gadget … Pearce sera un flic honnête (à peu près le seul du scénario) au départ, mais qui finira par carriérisme d’abord puis par Basinger alpagué, et finalement lorsqu’il sent qu’il peut régler une affaire toute perso (retrouver l’assassin de son père, flic aussi et tué dans des circonstances non élucidées en service), par déraper sérieusement vers la haine et la violence.
Autre flic du casting, Kevin Spacey, le flic corrompu jusqu’à l’os, plus ou moins associé à Danny DeVitto, journaliste d’une feuille de chou à scandale. Les deux se refilent des infos (et du pognon) pour booster leurs carrières respectives, en évoluant dans la high society, à l’affût du moindre ragot ayant à voir avec la drogue, l’adultère, la prostitution et les trafics divers. Les deux finiront mal, le premier sur la voie de la rédemption, le second parce qu’il est devenu une pièce à conviction gênante … Une faune interlope sur laquelle règnent des caïds qui s’entretuent, des flics haut placés qui ferment les yeux, et des politiques véreux ne refusant jamais un bon pot-de-vin complètent les figures des protagonistes majeurs.
Kim Basinger, envie de croire au Père Noel ?
Et puis il y a la femme, jouée par une sublime Kim Basinger, qui trouve là certainement son meilleur rôle. Prostituée haut de gamme maquée par un milliardaire qui conçoit ses créatures (à grand renfort des chirurgie esthétique si besoin) comme les sosies d’actrices célèbres. Cette Veronica Lake des trottoirs n’est pas seulement là pour donner un côté glamour et sexy au film, c’est un personnage principal, qui petit à petit dévoile fractures et brisures d’une fille paumée venue tenter la fortune à L.A. Veuve noire qui attire dans ses filets soit sur ordre de son mac soit de sa propre initiative quelques-uns des acteurs principaux …
« L.A. Confidential » est un film prenant parce qu’il est ancré dans le réel (le tabassage des Mexicains en prison a bien eu lieu pour le Noel 1951, les personnages de Spacey et DeVitto ont existé, la feuille de chou à scandale s’appelait même « Confidential »). Mais aussi parce que même avec des personnages fouillés, il n’y a pas de temps mort, et que ça tape et ça flingue aussi fort que dans « Les affranchis ».
Pour finir et pour donner une idée de la noirceur toujours sous-jacente du film, cet échange laconique entre Pearce: « Pourquoi t’es devenu flic ? » et Spacey : « Je ne m’en souviens plus » …