CHRISTOPHE HONORE - LES CHANSONS D'AMOUR (2007)

 

Hommages et dommage ...

« Les chansons d’amour » en voilà un film dont je sais pas trop quoi penser. Une chose est sûre, pas un chef-d’œuvre du 7ème art, bon, c’était pas le but non plus … « Les chansons d’amour » est un film fauché, ça se voit, et c’est d’ailleurs revendiqué par Honoré lui-même.

Beaupain, Mastroianni, Leprince-Ringuet, Sagnier, Garrel, Honoré, Hesme

« Les chansons d’amour », c’est un peu une version bobo des premiers Godard notamment, mais aussi du cinéma de Truffaut, de Demy, la Nouvelle Vague en fait. Par cette obsession à mettre Paris en scène (ici en l’occurrence le Xème arrondissement, pas très loin de la Place de la Bastille) on pense forcément au Godard de « A bout de souffle », dont Honoré recopie la technique rudimentaire. On tourne en décors naturels, avec des vrais passants, la caméra installée sur un fauteuil roulant. Et donc on voit des gens qui se retournent vers l’objectif, qui sortent sur la porte des boutiques … on en a même un qui suit Mastroianni et Garrel avec un caméscope … « Les chansons d’amour », c’est aussi un clin d’œil à Truffaut (le ménage à trois à la « Jules et Jim », et un Garrel aussi tête à claques avec son jeu très stylisé que Léaud – Doinel). Et puisque comme son titre l’indique on a affaire à un film musical, impossible d’évacuer l’influence omniprésente du Demy des « Parapluies de Cherbourg » avec son actrice blonde (Ludivine Sagnier) coiffée comme Deneuve à l’époque, et dont la Chiara de fille a un des rôles principaux … et pour les maniaques, on trouve plein de pages sur le Net qui évoquent les allusions aux films de la Nouvelle Vague …

Avoir des références solides n’exclut pas d’avoir aussi un peu de rigueur. Les commentaires d’Honoré sur son film sont assez saisissants : « si le premier quart d’heure est raté, c’est pas grave », « il faut des scènes faibles pour faire ressortir les moments forts » … c’est quand même le genre de réflexions qui me laissent assez dubitatif … Parce que le challenge est de taille. Pour faire un bon film musical (et pas une comédie musicale, la différence est de taille), faut une bonne histoire et de bonnes chansons.

Sagnier, Garrel & Hesme : bizarre love triangle

Côté histoire, ça peut aller. Ismaël (Louis Garrel), Julie (Ludivine Sagnier) et Alice (Clotilde Hesme), vivent, dorment et baisent dans le même appartement (à noter que Hesme et Garrel étaient déjà en couple dans "Les amants réguliers"  de Philippe Garrel et de morne mémoire). Et lorsque Julie meurt subitement au bout d’un petit tiers du film (ça fait penser les coups de canif dans la douche en moins à Janet Leigh dans « Psychose »), on suit la dérive émotionnelle d’Ismaël, lâché par Alice (on comprend pas pourquoi), partagé entre sa belle-famille (Jean-Marie Winling et Brigitte Rouan, les parents de Julie, Chiara Mastroianni et Alice Butaud ses sœurs), ses nanas de passage (une serveuse de bar), et sa « révélation » homosexuelle avec le frangin du nouveau copain d’Alice (Erwann, joué par Grégoire Leprince-Ringuet) … même si dans cette histoire la tendance bobo blasé surjouée des personnages finit par être redondante et plutôt pénible …

Côté chansons, la bande-son (hormis une citation des « Amoureux solitaires » de Elli et Jacno dans sa reprise par Lio, et un obscur titre de Barbara sur le générique de fin) est à mettre à l’actif (ou au passif, c’est selon) d’un pote d’Honoré, Alex Beaupain (Alex qui ? désolé, j’ai des lacunes en chanson française). Ça sonne quasi exclusivement comme du Souchon sous Lexomil, même si Beaupain cite souvent Daniel Darc (la connexion Frédéric Lo, producteur de l’ancien Taxi Girl et de la bande-son) et Etienne Daho. C’est chanté avec les moyens du bord (par les acteurs eux-mêmes en studio, et en play-back - ça se voit, pas toujours synchros – lors du tournage des scènes), pendant des séquences du film qui font penser à un vidéo-clip réalisé par France 3 Limousin pour le vainqueur du radio-crochet de la foire aux bestiaux de Tulle …

Leprince-Ringuet & Garrel : mélodie en balcon

Tiens, et puisqu’on en est à parler de Tulle (patrie du grand François Hollande, non, je déconne …), le film a été tourné pendant l’hiver 2006-2007, lors les débuts de la campagne pour la présidentielle de 2007. Au début, on voit très fugacement une affiche avec la rose du PS, et puis Garrel passe de nuit devant la permanence électorale de Sarkozy. Et comme Honoré est un « engagé », on voit Garrel et Hesme travailler (ils bossent dans la presse écrite) sur un article relatant la fameuse traque du scooter au fils à Sarko (retrouvé en mobilisant la police scientifique et les empreintes ADN, tout ça pour un scoot, et dire qu’il y a des nostalgiques de ce nabot …). Le genre de précision idéologique tant datée que dispensable …

« Les chansons d’amour », c’est quand même globalement un film élitiste (j’ai pas dit prétentieux) … ça s’adresse pas au « grand public », c’est parfois assez chiant, le jeu des acteurs me laisse perplexe (Leprince-Ringuet je le trouve pas bon dans son rôle d’ado qui s’éveille à l’homosexualité, Garrel en fait souvent trop et le reste du casting souvent pas assez, …), et la musique, passons …

« Les chansons d’amour », ça ciblait les abonnés de Télérama. De ce côté-là, objectif atteint, le mag l’a encensé … Ailleurs, les avis ont été assez mitigés et le film n’a pas enflammé la Croisette lors du Cannes 2007 …


3 commentaires:

  1. Mouais, j'en pense la même chose, même si pas revu depuis un moment. Dans la bande annonce, tu repères les plans piqués à Demy, Truffaut (Garrel en lunaire Doinel, ou son rôle dans La Maman et la Putain d'Eustache, tiens un trio...) et bien sûr Godard, on s'attend à voir Bébèl arriver par la fenêtre pour embrasser Karina. Il faudrait faire une étude pour savoir - dans deux registres différents - d'Hitchcock ou de Godard qui a le plus influencé les autres réalisateurs. Et question subsidiaire : peut-on encore filmer un couple au lit, drap remonté sous les bras, un livre chacun dans les mains, sans convoquer Godard ou Truffaut ? (vous avez trois heures)

    Alex Beaupain travaille beaucoup pour le cinéma, on parle de lui comme de Gaétan Roussel, la référence ultime de la musique française contemporaine. Le dernier Honoré que j'ai vu c'est Chambre 212, avec la Chiara, beaucoup plus maîtrisé techniquement, tourné en studio, très chiadé, scénario malin, mais avec ces tics 'cinéma français' (un personnage est forcément prof de philo, donc on le filme devant une immense bibliothèque dans un appart parisien chic). Mais qui avait fini par m'agacer car trop intellectualisé et référencé, Woody Allen et Bertrand Blier cités jusqu'à la nausée.

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    1. je vais oser une comparaison (les cons ça ose tout) ... Ce film il me fait penser à Nouvelle Vague (no joke), un groupe français dont je sais pas s'il existe encore, et qui reprenait en version bossa nova des succès anglo-saxons ... le premier titre, tu trouves ça sympa, le second y'a plus l'effet de surprsie, et à pertir dutroisième tu te dis que ça vaut pas les originaux ...

      là, c'est un peu pareil ... à force de multiplier les citations et allusions, tu te dis que t'échangerais pas une heure du film d'Honoré contre trois scènes de Godard, Demy, et même Truffaut ...

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