ETIENNE DAHO - POP SATORI (1986)

 

Antoine Doinel 80's ?

Daho, il sort de nulle part. De Rennes, précisément, ce qui musicalement revient à peu près au même au début des années 80. Bon, avant que les Bretons bretonnants me lancent une fatwah, je précise mon propos. Ouais, je sais, Marquis de Sade et les Transmusicales, la Rue de la Soif, et toute la mythologie provinciale du rock’n’roll… Mais c’est quoi les ventes de Marquis de Sade ? Et les Trans, c’était pas un peu surévalué par les journaleux parisiens venus là en goguette ? Non, en ce temps là comme tout le temps, ce qui comptait vraiment, ça se passait à Paris, et il a déménagé où, Daho, une fois les biftons des premiers succès en poche, hein ? pas à Morlaix que je sache … Voilà, voilà, j’ai encore rien dit que je me suis fait plein d’amis … surtout bretons …


Bon reprenons avec le jeune Etienne de Rennes. C’est un ado timide et romantique, et fan d’un monde déjà disparu. Celui des années 50 et 60, des films existentialistes de la Nouvelle Vague en noir et blanc, du premier disque du Velvet Underground avec Nico, du Pink Floyd de Syd Barrett, de Françoise Hardy ... Premier fait d’armes de Daho, il met toutes ses économies sur la table pour organiser à Rennes un concert d’Elli et Jacno, parce qu’il aime bien leur musique, mais plus encore la belle uruguayenne Elli Medeiros, qui chante (assez faux) dans le duo. Daho surmontera sa timidité et sa faiblesse vocale pour commencer à enregistrer. Deux disques, le premier « Mythomane », passe inaperçu, mais le single qui suit « Le grand sommeil » (évidemment à cause du film du même titre avec Bogart et Bacall) récolte quelques critiques favorables. Second trente trois tours « La notte, la notte » (référence au film d’Antonioni) fait frissonner les hit parades grâce au single « Week end à Rome ». Mais en tout cas rien qui ne préfigurait le succès de « Pop Satori ».

« Pop Satori » est donc le troisième disque de Daho, et qui suit un maxi 45T avec un titre bien diffusé en radio, « Tombé pour la France ». Ce maxi est vraiment le dernier de la période rennaise de Daho. Même si le titre à succès est produit comme tout ce qu’a sorti Daho depuis « Le grand sommeil » par Franck Darcel (guitariste et fondateur de Marquis de Sade puis d’Octobre, devenu maintenant écrivain et activiste breton), il est enregistré entre Paris et Bruxelles. « Tombé pour la France » figure (en fin de première face vinyle, donc au milieu du Cd) sur « Pop Satori » avec un son assez différent du reste du disque, en tout cas le meilleur titre d’électro-pop français sorti à l’époque, aussi bien foutu qu’une rengaine à succès d’Orchestral Manœuvres, Eurythmics, ou Depeche Mode.

Avec Elli Medeiros

Parce que Daho, alors que toutes ses influences sont dans le passé, va s’attacher à faire un disque de son époque, le milieu des 80’s. Alors, certes il gardera Arnold Turboust, son alter ego pour l’écriture des morceaux, mais ira chercher des Anglais peu connus mais qui selon lui, peuvent lui amener ce son contemporain et classe dont il rêve. Apparaissent donc en bonne place dans les crédits le producteur Rico Conning, et le groupe Torch Song, dont la tête pensante est un dénommé William Orbit (qui sera quelques années plus tard le pape de la techno anglaise, producteur, mixeur, remixeur et Dj mondialement reconnu – l’anti Guetta pour situer).

« Pop Satori » n’est pas aussi conceptuel que le laisse entendre son titre. Satori, en japonais, signifie en gros illumination, prise de conscience, dans la religion bouddhiste. Ce disque est plutôt un hommage au passé ou à un monde rêvé. Daho est un indécrottable romantique passéiste et il inaugure avec « Pop Satori » son culte du passé servi par des sonorités contemporaines, le « c’était mieux avant » avec des synthés. Grosso modo, il fera ça à chacun de ses disques, un son d’actualité au service de la nostalgie. Voir ici « Paris, le Flore », évidemment hommage au bistrot parisien (la photo de pochette y a été prise) haut lieu de la culture Rive Gauche. Le titre est coécrit par un Anglais, Stuart Moxham, compositeur principal de l’éphémère groupe culte Young Marble Giants (une seule rondelle à leur actif, qui sera un des disques de chevet de Kurt Cobain).

Rayon hommage et nostalgie, difficile de passer à coté de « Duel au soleil » (encore un titre de film devenu chanson) et de « Late night ». Le premier a été composé par Robert Farel (quasi clone de Daho, et dont on n’entendra parler que brièvement l’année suivante avec son titre « Les petits boudins ») et le journaliste Jérôme Soligny (depuis des années à Rock & Folk, auteur d’articles-fleuve sur Bowie, Macca et – nobody’s perfect – Coldplay), mélodie intemporelle, arrangements tantôt arabisants, tantôt hispaniques, pour moi d’assez loin le meilleur titre de la rondelle. A égalité avec « Late night » de Syd Barrett, paru sur son premier disque solo « The madcap laughs ». Dernier titre du disque, en totale rupture avec le son de ce qui précède. Ici, juste guitares et voix, dans une version assez similaire à l’original (manque juste les guitares « spatiales » caractéristiques de Gilmour).

Avec Nico

Le gros succès radiophonique de « Pop Satori » sera « Epaule Tattoo », beaucoup moins évident aujourd’hui, certainement le titre le plus daté, irrémédiablement bloqué sur ses synthés très début 80’s. A lui seul, ce morceau résume pour moi le problème Daho. Il propose des compos certes sympas écrites pour sa voix que pour être gentil on qualifiera de limitée, et les met en musique en s’inspirant de l’air (en général électronique) du temps. Parfaitement en phase avec leur époque, ses disques prennent assez vite de gros coups de vieux. Tiens à ce propos, dans les crédits de « Pop Satori », section remerciements Daho écrit en conclusion : « c’était trop bath ! ». Même dans les années 80, qui disait que c’était bath ? Léo Ferré peut-être …

Bien trente ans que je l’avais pas écouté ce « Pop Satori ». Dans mes souvenirs, il était bien, voire très bien … Ben, il a assez mal vieilli, la moitié des titres ne valent pas d’être cités … irrémédiablement d’une autre époque. Par contre quelques-uns ont plutôt pas mal traversé les décennies, et comme par hasard, ce sont les mieux écrits. Comme quoi un bon son, un gros son, un son moderne, ça peut parfois suffire, mais s’il y a une bonne chanson pour aller avec, c’est encore mieux …


3 commentaires:

  1. Bon, Daho j'ai un problème avec. Au départ, je n'aimais pas, ou plutôt cela ne m’intéressait pas. Une pop bien faite mais synthétique 100% plastoc avec un son horrible de batterie, c'est juste pas possible. Sauf que ma femme, elle adore. Elle a son Etienne Daho, et moi mon Springsteen (on partage Bowie). Et puis ces dernières années, j'avoue, j'écoute davantage, grâce à elle, notamment l'album "Les Chansons de l'innocence retrouvée", et là on a vraiment de la bonne musique, avec de vrais musiciens, une putain de rythmique assez funky, bien que trop arrosée à mon goût de violons. Daho est à mon sens un vrai "auteur", qui a encore du mal à chanter juste (c'est quand même la base, non ?) mais qui sait produire une ambiance, et s'entourer de pointures.

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    1. Ah, ce que femme écoute ... l'homme doit quelques fois écouter aussi (et j'ai pas dit supporter, même si j'y ai pensé très fort).
      Daho, j'en ai trois ou quatre, que j'écoute jamais, pas que je les trouve nuls, mais je trouve toujours un truc mieux (ou pas) à mettre sur la platine. Les chansons de l'innocence retrouvée, je l'ai, mais je sais pas trop à quoi ça ressemble, j'ai dû l'écouter une fois et oublié de le repasser ... Funky tu dis, j'essaierai de jeter une oreille ...

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  2. Grand dadais, grand dandy (désolé)...

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