MICHEL POLNAREFF - ENFIN ! (2018)

Le Bal des Naze ?

Tous les fans du perruqué frisé vous le diront, il y a des dizaines d’années que Polnareff n’avait pas sorti un disque. Ce qui n’empêchait pas le monde de tourner (plus ou moins rond, mais c’est un autre débat …). Alors là, dans un timing mercantile parfait avant les fêtes il nous a sorti un disque qui sent le sapin pour mettre sous le sapin. Un disque de plus d’une heure (quelqu’un lui a-t-il suggéré que pareille longueur n’est plus de mise depuis plus de trente ans ?), un disque interminable. Et quasiment minable tout court.
Polnareff 2018
Polnareff, je suis fan de ses débuts. Nettement moins des bouillasses seventies (même si occasionnellement on pouvait y trouver des tueries totales) depuis et y compris le prétentieux « Polnareff’s ». Et je suis encore moins fan de l’homme Polnareff. Exilé fiscal (sous prétexte qu’un génie comme lui n’avait pas à rendre des comptes au fisc, la belle excuse). Pas pire que tous les Tapie, Ghosn, Cazeneuve ou Balkany le mafieux de Levallois, le pire de tous peut-être … j’ai pas du tout aimé ses retours hyper-médiatiques très chèrement monnayés (l’aubade du 14 Juillet sur les Champs-Elysées financée par Sarko-Nabot Ier, donc par nos impôts, no comment …). Pas plus que ses déclarations opportunistes d’un crétinisme pervers sur sa sympathie pour les gilets jaunâtres, eux qui demandent entre autres le rétablissement de l’ISF, alors que lui justement s’en exonérait en s’exilant aux States … Fuck you Polnareff …
Et si on parlait musique, puisqu’à la limite on peut faire abstraction de tout le reste ? Et tant qu’à évacuer le problème de l’opportunisme, disons tout d’abord le mépris que m’inspire le titre « Terre Happy », qui en plus d’un jeu de mots affligeant, nous montre un Polnareff qui nous livre un machin larmoyant très pro-écolo (il a du apprendre que le collectionneur de 4X4 Hulot était très populaire en Macronie, faut ratisser le plus large possible quand on sort un disque tous les cent ans …). Polnareff (74 ans au compteur, génération Dylan-McCartney-Jagger-etc. pour situer) aurait pu la jouer profil bas, se contenter de sortir un disque honnête, que de toutes façons ses vieux fans chauves auraient acheté les yeux et les oreilles fermés. Le type a suffisamment de talent (le génie, il en a eu aussi, mais le propre du génie, c’est qu’il est le plus souvent éphémère, et celui de Polnareff l’a fui depuis longtemps) pour à l’instar des chenus ancêtres de son âge, sortir un truc point trop désolant …
La grand-mère de Polnareff
Las, il nous a pondu une rondelle d’une prétention terminale, une démonstration musicale au forceps à grand renfort d’orchestres classiques et/ou symphoniques. Des cohortes de violons, violoncelles, cuivres, qui le plus souvent n’apportent rien ou peu de choses aux titres qu’ils parasitent (les trois-quarts). On peut même se demander s’ils ne sont pas là pour couvrir la déchéance vocale de Polnareff. On aurait parfaitement compris (et pardonné) qu’à son âge, il ne puisse plus aller aussi haut dans les aigus, tandis qu’ici ces couches d’instruments empilés donnent l’impression de n’être que des cache-misères. Quand il se hasarde sans filet dans un titre piano-voix (« Grandis pas »), y’a comme qui dirait un malaise, on attend quelque chose qui ne peut plus venir, et on se retrouve devant un machin dont Obispo ne voudrait pas comme bonus track …
« Enfin ! » s’ouvre et se ferme par deux longs instrumentaux (10 minutes de moyenne) qui prouvent que quand on a tout oublié, restent les années de Conservatoire. C’est « écrit », pensé, réfléchi, d’une précision sonore diabolique (pas facile de mixer sur l’introductif « Phantom » des violoncelles et la guitare hardos du requin de studio Tony McAlpine), mais prodigieusement chiant, à un point qu’on trouverait intéressant des horreurs comme le « Underture » des Who sur « Tommy » … Le problème, c’est que quand la durée des titres se réduit et qu’il y a des paroles, c’est pas plus captivant. Ambiances funky-groovy-jazzy le plus souvent, qui dans le meilleur des cas semblent marcher sur les pas du Stevie Wonder qui commençait à décliner, celui des années 80 et suivantes.
Polnareff sans perruque ?
Les années 80, on y est parfois en plein dedans, et à ce titre le navrant « Sumi », gros riff hardos d’entrée pour un rock FM à la Europe (non, pas l’Union, les tocards de « Final Countdown »), avec paroles et jeux de mots d’une indigence stupéfiants. Le genre de truc qui pourrait tourner en boucle sur les radios si quelqu’un pensait à les écouter … Des lustres sans disques, mais pas du neuf pour autant. « Ophélie flagrant des lits » (des titres comme ça te donnent envie d’acheter l’Almanach Vermot), était d’après les fans jouée régulièrement en concert depuis longtemps. Je veux bien croire que ça puisse fonctionner en live tellement c’est crétin, un mix entre Dorothée (celle du Club du même nom, oui, on en est là) et son propre « LNAHO », là aussi pas ce qu’il a fait de mieux … Quand on sait que Polnareff a passé des décennies à baver sur « Tous les bateaux tous les oiseaux », son plus gros succès, qu’il trouvait d’une simplicité débile, faudrait qu’il réécoute à tête reposée ce qu’il sort maintenant …
Qu’est-ce qu’il reste à sauver ? Pas grand-chose certes, pourtant Polnareff est encore capable de chansons fulgurantes. Ici il y en a deux. « Longtime » c’est du Polnareff éternel, la tuerie mélodique, et des paroles pas trop cons (un titre sur le manque d’inspiration, ceci explique cela). Mais le meilleur titre arrive vers la fin, ça s’appelle « L’homme en rouge », ça parle du Père Noel que les enfants pauvres attendent et qui ne vient pas, et ça cumule paroles pour une fois simples et sensées et une partie musicale à classer dans le Top 10 de Polnareff …
Tout ceci ne fait pas un ratio qualitatif extraordinaire. En fait c’est quand le disque est terminé qu’on dit « Enfin ! »

Du même sur ce blog :

PAUL HAGGIS - COLLISION (2004)

Tôles et vies froissées ...

En 2004, Paul Haggis est plutôt connu des initiés comme scénariste (du « Million dollar baby » d’Eastwood notamment). C’est un cauchemar récurrent qui va le lancer dans l’écriture, la production et la réalisation de « Collision ». Une dizaine d’années plus tôt, il fut avec sa femme victime d’un car jacking. Episode traumatisant et questions sans réponses : qui étaient ces jeunes braqueurs, depuis combien de temps se connaissaient-ils, que sont-ils devenus … autant d’interrogations qui lui valent des nuits blanches.
Bullock, Haggis & Fraser
Et au cours d’une de ses insomnies, il prend ce point de départ de braquage de bagnole pour écrire un scénario. Basé en gros sur l’effet papillon ou la théorie des dominos, qui fait que le hasard fait se rencontrer ou s’opposer des gens qui ne se connaissent pas mais dont la rencontre va modifier l’existence des protagonistes. En gros, un film conçu comme un mix de « Les américains » de Altman et des premiers Iñarritu.
Haggis n’a rien d’un type bankable, il y sera de sa poche pour produire, assisté d’un tas d’autres financeurs, dont le premier intéressé est l’acteur (de seconde zone) Don Cheadle qui se verra attribué un des rôles principaux. Résultat de cette sorte de crowdfunding : six millions et demi de dollars, et donc un film à petit budget où il faudra déployer des merveilles d’ingéniosité pour faire des économies et rogner sur toutes les dépenses (des scènes seront tournées dans la propre maison de Haggis).
Don Cheadle
Malgré tout, Haggis attire deux stars sur son projet : Sandra Bullock et Matt Dillon qui se contenteront de cachets dérisoires emballés qu’ils sont par le scénario (version officielle …, mais rien ne dit que leurs avocats n’ont pas négocié un gros pourcentage sur recettes et bénéfices, allez savoir …).
Le film est prenant. En même pas deux heures, on voit se croiser les destins d’une multitude de protagonistes. D’abord présentés de façon caricaturale, de stéréotypes. Et puis, les situations auxquelles ils vont se trouver confrontés va casser tous leurs codes et on va les voir évoluer tout au long du film. Qui commence une nuit et s’achève à la fin de la nuit suivante, dans la froidure d’un Los Angeles hivernal. D’après Haggis, le choix de Los Angeles est crucial, c’est une ville où il n’y a aucun contact direct entre les personnes, tous les contacts se font par le métal (les flingues devant le museau, les bagnoles qui se rentrent dedans).
Le manteau magique invisible sera t-il suffisant ?
On suit donc trente-six heures de la vie des protagonistes qui symbolisent toute la population de L.A. Le couple d’enquêteurs de police (le Black Cheadle et sa collègue Hispano, ils sont vaguement amants, lui s’occupe de sa mère impotente et il a un jeune frère en train de mal tourner), le duo de jeunes braqueurs Blacks (dont le rappeur Ludacris), le district attorney et sa femme (Sandra Bullock), la patrouille de flics (les excellents Matt Dillon et Ryan Philippe), le producteur de sitcoms Noir et sa femme, le serrurier mexicain, sa femme et sa fille, le couple de Sud-Coréens, l’épicier iranien et sa famille, …
Il faut d’abord souligner le gros travail d’écriture. Malgré la multiplicité des personnages, et donc des mini-intrigues (et certains se retrouvent dans plusieurs), le film est très fluide, facile à suivre (à la différence de ceux d’Iñarritu, où il faut s’accrocher, même si ça vaut plus que le coup). Certains personnages sont fouillés (ceux de Sandra Bullock, de Matt Dillon, de Don Cheadle, de Michael Peña qui joue le serrurier mexicain). Et puis ce sont des tranches de vie qui sont montrées, et la vie à L.A. elle est pas forcément comme sur les cartes postales. Le racisme est au cœur du film, même si c’est pas un film sur le racisme. Tous les protagonistes à un moment ou à un autre sont quasiment dépendants de leur couleur de peau, de leurs origines.
L'un des deux est la fille de Marvin Gaye. Sauras-tu la trouver ?
Il y a des scènes fortes, avec comme sommet un contrôle au faciès de Matt Dillon sur un couple noir aisé, avec fouille au corps humiliante de la femme. Mais d’autres ne laissent pas indifférent, soient qu’elles jouent sur la tension ou l’émotion (la scène du serrurier mexicain avec sa fille quand il lui offre un manteau magique invisible, et plus tard quand la gamine s’interpose entre son père et l’épicier iranien qui le menace flingue à la main).
« Collision » est un film que dans un autre siècle quand le cinéma n’existait pas on aurait qualifié de déterministe. A savoir la façon dont les événements agissent sur le comportement des gens. Et c’est là que le bât blesse un peu. On voit (en trente-six heures !) les démons devenir des anges et vice versa. L’enchaînement des évènements est crédible, ce sont les évolutions des personnages qui ne le sont pas. Certes, nobody’s perfect comme disait l’autre, témoin la révélation finale de l’activité du Coréen que l’on prenait jusque-là pour un type malchanceux (au mauvais endroit au mauvais moment) et qui semblait oublié par les scénaristes.
Mais désolé, des pans entiers du final du film laissent dubitatif. La super bourge raciste Bullock qui tombe dans les bras de sa boniche souffre-douleur mexicaine, ouais bof … ou la transformation en quelques heures du producteur de cinéma qui passe de victime consentante en redresseur de torts casse-cou … ou pire, la dérive tragique du coéquipier de Dillon qui finit par aller beaucoup plus loin que le collègue détesté … Certes, ça fait partie du projet et de la vision du scénario et du réalisateur, mais la plupart de ces rédemptions (l’autre sujet du film) sonnent faux …
Mais le constat (amiable ?) de « Collision » reste largement favorable. C’est prenant, rythmé, et réalisé humblement (Haggis se prend pas pour Scorsese, il sait qu’il n’en a ni la technique ni les moyens financiers) sans paraître misérabiliste. Pas loin d’être incontournable …



PHIL OCHS - PLEASURES OF THE HARBOR (1967)

Balance ton port ?

Phil Ochs est bien oublié aujourd’hui (il a passé l’arme à gauche, forcément à gauche en 1976). Mais même de son vivant et dans sa meilleure période (les sixties), il jouait en seconde division. La faute à Dylan, qui a tellement écrasé la décennie de ceux qui chantaient en s’accompagnant d’une guitare en bois, et traumatisé ceux des générations suivantes qui voulaient s’adonner à cet exercice. A l’instar de tous ces Paul Simon, Leonard Cohen, Donovan (et je cause là que du très haut du panier), il y avait Dylan et les sous-Dylan.
Qui a dit que personne écoute Phil Ochs
Ochs a commencé dans un style très rustique (like Dylan), avant d’évoluer (like Dylan again). Mais là où le petit frisé recrutait de rudes soudards qui faisaient rugir les Marshall (Bloomfield, Robertson), Phil Ochs s’est orienté vers des arrangements à base de cordes, de vents, de piano, … avec un rendu qui fait souvent penser à de la musique de chambre, ce machin pour les nobles joué dans les palais royaux vers les XVIème et XVIIème siècles. Forcément ça n’a pas plu à tout le monde. L’encyclopédiste et pontifiant Robert Christgau, auto-proclamé pape indiscutable de la critique rock américaine des années 60 et suivantes, a décrété à propos de ce « Pleasures … » que Ochs avait dans les cordes vocales un demi octave et qu’il jouait de la guitare avec des mains palmées. Ce qui est pas très gentil … même s’il y a un peu de ça …
Ochs n’est pas Roy Orbison, on est d’accord. Il interprète tous ses morceaux de la même façon, ballade folk mid ou down tempo. C’est son style, son approche du genre, et on pourrait faire le même reproche à plein de chanteurs, de folk ou d’autre chose. Malgré ses limites, il fait vivre ses chansons, et c’est bien là l’essentiel. Quant à sa technique à la guitare, faut avoir l’oreille plus que fine pour en trouver trace dans ce disque. Elle n’est présente que sur un seul morceau, celui qui donne son titre à l’album. Et on peut lire un peu partout que c’est pas Ochs qui en joue, mais le tout jeune Warren Zevon (Warren qui ? Pfff, laissez tomber …), même si c’est écrit nulle part sur la pochette du disque.
Ah ouais, je vous ai pas encore dit. Déjà que les galettes de Ochs sont pas vraiment en tête de gondole dans les Leclerc, « Pleasures … », assez souvent débiné par tous ceux qui en causent, est encore plus rare que les autres, et ne se rencontre semble-t-il plus que d’occase en vinyle à un prix abordable.
N’écoutant que mon courage en ces temps de pensée nivelée par le bas du gilet jaune, j’affirme que « Pleasures … » est un disque superbe. Il n’y a de fait qu’un titre à jeter, le dernier, « Crucifixion », dans lequel Ochs passe en revue quelques martyrs célèbres, dont JFK, sur un fond de synthés préhistoriques, avec voix hiératique à la Nico – Scott Walker et instrumentation idoine, ce qui ne ravira que les fans de la chuteuse de vélo et du faux frère Walker, autrement dit pas grand-monde … Mais le reste, désolé, ça tient la route et plus que bien à considérer que quel que soit le talent de Dylan, il n’est pas l’alpha et l’oméga de la musique populaire américaine à lui seul.

Il y a fort à parier que ceux qui aiment Leonard Cohen (qui à l’heure où Ochs était supposé sur le déclin commençait à peine sa carrière) ou le Neil Young « symphonique » de « A man needs a maid » ou « There’s a word » du partout adulé « Harvest » devraient jeter une oreille sur ce « Pleasures … ». Ils y entendraient des mélodies à fleur de peau first class (« Cross my heart », « Flower lady », « I’ve had her », « Pleasures … ») sur des titres superbes car pas parasités par les arrangements millimétrés des instruments classiques (alors qu’on peut trouver que le pourtant génial Jack Nitzsche a eu la main plutôt lourde avec le London Symphonic Orchestra sur « Harvest »).
Il y a une similitude de tons et de sons, certes (mais qui à part moi, reproche à Canned Heat de faire le même titre depuis 50 ans ?), même si les digressions restent possibles et de bon goût. Lorsque l’on crie au génie du Band quand ils s’attaquent au dixie (« The night they drove Old Dixie down »), il faut aussi s’agenouiller devant « Outside of a small circle of friends » de Ochs, bien parti pour un faire un hit jusqu’à ce qu’on s’aperçoive d’un « smoking marijuana » au détour d’un vers, ce qui même en 1967, suffisait pour faire interdire une chanson d’antenne. Même si musicalement Ochs vient de New York (et des clubs du Village), il est capable d’aller chercher pour enluminer ses titres du jazz genre piano bar (« The party ») et laisser un virtuose de l’instrument, Lincoln Mayorga apporter une touche de technique avant-gardiste à la manière d’un Mike Garson chez Bowie. La touche jazzy peut se faire plus grivoise genre New Orleans sur « Miranda ».
Pour finir, y’a autre chose qui peut rebuter, c’est la longueur des titres. Cinq (sur huit) dépassent les six minutes, ce qui en matière de folk comme de la plupart des autres genres écoutables, peut paraître un peu longuet, d’autant que les ponts censés aérer les titres ne sont pas de ceux qui s’incrustent dans les mémoires.
Et donc, je vais de ce pas soumettre (mais à qui ?) que soit organisé un RIC afin que soit rééditée à prix gilet jaune l’intégrale de Phil Ochs.



PETER HAMMILL - NADIR'S BIG CHANCE (1975)

Hammill & Images ?

Ils t’entraînent au bout de la nuit, les démons de minuit … ça fout les jetons, hein… ben Peter Hammill, c’est un peu pareil. Rien qu’à voir son nom, ou celui de son groupe Van der Graaf Generator, n’importe qui d’à peu près normal (ce qui exclut gilets jaunes, sympathisants LaREM, supporters du Qatar St-Germain, chasseurs à courre, joueurs de golf, numismates et clients de McDo, liste entière contre intégrale de Led Zep en premier pressage vinyle état mint), se doit de détaler au plus vite. On est censé se retrouver en face d’un type qui faisait du prog différent, mais enfin du bordel de fuckin’ prog quand même. J’ai réussi à passer plus d’un demi-siècle de nuisances sonores en évitant soigneusement d’exposer mes fragiles conduits auditifs à VdGG (et je compte bien persévérer), mais bon, Peter Hammill je me suis laissé tenter.

Sur la seule foi de déclarations moultes fois répétées de John Lydon, gueulard des Pistolets Sexuels, vomissant à tue-tête que Peter Hammill était le chanteur qui l’avait le plus influencé et que c’était lui le vrai ancêtre de tout punk digne de ce nom. Conclusion, que tout le monde devrait connaître : John Lydon est un con, mais sur ce coup-là, il a pas tout faux. Même s’il faut de sacrées contorsions cérébrales pour ranger sur la même étagère les – au hasard – Ramones et Peter Hammill.
« Nadir’s … » est avec une paire d’autres (« Fool’s mate », « In camera ») s’il faut en croire les spécialistes des disques qu’il ne faut jamais avoir écouté dans sa vie, une rondelle représentant ce qu’Hammill a fait de mieux. Parce que Hammill, tel une sorte de Rod Stewart – Faces prog, sortait en même temps des disques solo et des disques de son groupe. Tout ça parce qu’étant le principal compositeur, en plus d’être chanteur et guitariste, et d’avoir un caractère de cochon, il n’en faisait qu’à sa tête (de lard), et que s’il avait fait où on lui disait de faire, il aurait été plus célèbre et plus riche que Phil Collins et Genesis réunis … 
« Nadir’s … », moi j’aime bien. D’abord parce que ça a peu à voir avec le funeste prog, et puis parce que le mec Hammill, il a une présence vocale qui marque son territoire. Capable de chanter dans des registres très différents, et d’habiter ses chansons. Et puis, il est capable d’envoyer le bois (le morceau-titre, « Open your eyes », « Birthday special »), s’appuyant sur de gros riffs de guitare, parfois doublés par un sax.
On pense au glam-rock qui commence à partir en sucette en 75, parfois à Alice Cooper (le phrasé malsain et psychotique, comme sur « Nobody’s business), d’autre fois à Scott Walker (ou Jacques Brel, les folk-blues morbides du Belge rameutent de nombreux fans qui le reprennent, de Bowie à Ange, en passant par Steve Harley) sur « Shingle song », par ailleurs superbe ballade, moins évidente que la fabuleuse « Been alone so long », pour moi le sommet du disque. Et évidemment, toutes ces parties chantées qui inspireront très fortement, c’est le moins qu’on puisse dire le Rotten cité plus haut (« Nadir’s big chance », ou « Birthday Special » qui aurait pu figurer tel quel sur « Nevermind the bollocks »).
On n’échappe pas aux tristes marqueurs du prog (le concept fumeux de l’album construit autour de Rikki Nadir, double de Hammill, « People … », le final pénible de « Airport » aussi pénible que du Radiohead à venir, le trop long « Two or three spectres », dernier titre du skeud et manifestement titre de trop.
Pour ceux qui sont pointilleux, on précisera que la plupart des titres ont été écrits avant la formation de Van der Graaf Generator, ou qu’ils avaient été laissés de côté par le groupe.
Pas l’épiphanie, mais une bonne surprise inattendue …