Black blues
Johnson, Waters, Hooker … Ceux-là sont pour moi la sainte Trinité du blues. Robert Johnson a creusé les fondations du blues moderne, Muddy Waters a construit la maison bleue, et John Lee Hooker l’a repeinte en noir.
Hooker dans toute son œuvre est là pour nous rappeler que le blues, c’est aussi la musique du diable … sombre, comme l’éternelle mine renfrognée du bonhomme, remplie de sourdes menaces … Transmises par le groove lent qu’il donne aux douze mesures, avec le meilleur de ses titres à ses débuts (en gros, jusqu’à la fin des 50’s), quand seul avec sa guitare électrique toute en méchante saturation, le pied droit martelant la mesure (on l’entend parfois), John Lee Hooker nous livre une série de classiques immortels.
Et même si on trouve pas le message dans ses chansons, c’est bien Hooker, qui bien avant James Brown, mettra le mieux en exergue la formule « I’m Black and I’m proud ». Hooker n’est pas un simple amuseur pour rades minables enfumés de Chicago, il y a dans son interprétation quelque chose de fier, quasi hautain, dans sa voix grave tellement aisément reconnaissable, dans la façon lente et menaçante d’égrener notes et mots. John Lee Hooker est dans tous les sens du terme, le plus noir des bluesmen …
Cette compilation en deux Cds assez courts (une cinquantaine de minutes chacun), malgré les quatre décennies musicales en principe abordées, a la bonne idée de zapper à peu près totalement les années 70, 80 et 90, qui pour Hooker comme pour tous ses collègues, ne les virent pas à leur meilleur niveau.
Le premier Cd est fabuleux, les premiers enregistrements des 50’s pour l’essentiel, Hooker seul avec sa guitare, pour une litanie de pépites inusables. Les titres d’anthologie de sa carrière. Rien à jeter …
Le second Cd est logiquement un petit ton en dessous, axé sur les années 60. Même si l’on y trouve quelques classiques (« Boom Boom», « One bourbon, one scotch, one beer », « Shake it baby », …), le son se fait plus étoffé (choristes, claviers, cuivres, autres guitares, …) noyant quelque peu dans la masse de productions qui se veulent clinquantes, la six-cordes et la voix du Maître. En final de Cd, les collaborations, avec Cannet Heat, adeptes du boogie lent et monolithique qui ont eu la bonne idée de faire profiter Hooker de leur popularité et de le sortir de l’oubli, et plus tard dans les 80’s, les titres avec les incontournables de ce genre de duos mais beaucoup plus anecdotiques Roy Rogers ou Bonnie Raitt.
Cette compilation étant signée Rhino et connaissant le sérieux du label spécialisé dans les rééditions, on peut supposer que la plupart des titres les plus anciens sont les « vraies » versions originales, Hooker, comme nombre de ses collègues, était en plus de Chess, signé sur plusieurs autres micro-labels, et n’avait eu de cesse de réenregistrer pendant des années la plupart de ses titres, laissant une discographie pléthorique et labyrinthique…
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