LEE UNKRICH - TOY STORY 3

 

Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?

« Toy Story 3 » est un film qui était censé ne jamais voir le jour. Par rapport aux deux précédents, la boucle était bouclée. Le propriétaire des jouets, Andy, était censé grandir, et le temps passait, pas de troisième volet à l’horizon … Sauf que chez Pixar, lucrative entreprise du géant Disney, il a dû y avoir un comptable ou un banquier qui dise que finalement, donner une suite à la franchise, ça pourrait mettre encore plus de beurre dans les épinards au caviar du résultat de fin d’année.

Poubelle direct ?

Et donc tout le monde au boulot … pendant quatre ans. Pour trouver un fil conducteur, une histoire, et comment la mettre en images. Les personnages-jouets de base (ceux d’Andy) sont évidemment tous là, menés par les deux « stars » Woody et Buzz. Recréés de A à Z, avancée des images de synthèse oblige, car la franchise a toujours été à la pointe de la technologie en matière d’animation. Les expressions de visage, les mouvements, tout est fait pour supporter la résolution du Blu-ray (et de la 3D).

Le cœur de cible est toujours le même, les chères têtes blondes et les parents qui les accompagnent au cinéma. Ou ailleurs … parce que pour ce que l’on appelle en langage marketing « produits dérivés », la nébuleuse multinationale Disney-Pixar a fait fort. Au moment de la sortie de « Toy Story 3 », 35 millions de jouets de Buzz l’Eclair ont déjà été vendus, un espace Toy Story a été mis en place dans plusieurs Disneyland, de lucratifs contrats ont été signés avec de grandes marques de jouets (Fisher Price pour le téléphone, Mattel pour Ken et Barbie, …), les supports vidéo (Dvd, Blu-ray, B.O. avec le thème par Randy Newman et les Gipsy Kings sur le générique final, …). Après un an d’exploitation mondiale, « Toy Story 3 » est devenu de très loin le film d’animation le plus rentable de tous les temps …

Lotso & Big Baby

Mais toutes ces architectures financières, plans comptables et calculs de banquiers ne marchent pas si la matière première (le film) ne tient pas la route. « Toy Story 3 » n’est pas forcément le meilleur de la série, en tout cas il ne procure pas le choc initial du premier volet de la saga qui inventait le concept qu’il suffisait de dérouler. Les jouets parlent et agissent, et ça tous ceux qui ont été enfants un jour (certains sont nés vieux et cons, on ne peut rien pour eux) le savent.

Le dilemme qui se posait aux scénaristes était simple : soit on prend les mêmes (le gosse Andy et ses jouets) et on recommence une nouvelle aventure, soit on fait grandir Andy et on voit les conséquences pour les jouets. C’est cette seconde hypothèse de départ qui a été choisie (et avec toujours les voix d’origine, Tom Hanks, Tim Allen, Joan Cusack, … plus Michael Keaton entre autres pour les nouveaux personnages), Andy a son permis de conduire, et va rentrer en fac. Avant de quitter le cocon familial, un tri s’impose : poubelle, grenier, ou voiture. Ses jouets n’échappent pas au choix, avec des fortunes diverses. C’est le point de départ du film … enfin, après une intro, démonstration tour de force technique, dans lequel les jouets se la jouent à un rythme effréné en mode western, James Bond, et super-héros … Dans la majeure partie du film, ils seront tous réunis dans une garderie – école maternelle …

Ken version disco

Le monde de « Toy Story 3 », est plus oppressant (le camion-benne est un des « personnages » centraux du film, revient plusieurs fois, avant la déchetterie qui est au bout et le but de sa tournée), plus psychologique aussi (l’histoire de Lotso, l’ours en peluche, abandonné au bord d’une aire de pique-nique, et qui finit par régner de façon tyrannique à la Gandolfini-Corleone dans la garderie, est le grand moment « adulte » du film) …

Et puis il y a quelques clins d’œil dans des scènes (hommages ? parodies ? plagiats ? détournements ?), et on se transpose dans l’univers de « Evil Dead » (quand Lotso attrape la jambe de Woody et l’entraîne dans le container, selon l’aveu même du réalisateur), dans celui de « Alien 3 » et « Le Seigneur des anneaux » (le cheminement vers l’incinérateur), ou celui de Star Wars (le sauvetage de l’incinérateur ressemble beaucoup au sauvetage dans le concasseur dans « L’Empire contre-attaque »). La référence suprême restant « La Grande Evasion », sous-titre et accroche sur certaines affiches.

Lee Unkrich
Hormis l’intro, il y a d’autres moments d’anthologie (qui reviennent façon running-gag) : l’histoire d’amour entre Ken et Barbie (mention spéciale au défilé de mode de Ken sur « Le freak » de Chic) et un Buzz l’Eclair rebooté en mode hispanique – danseur de flamenco (de vrais danseurs professionnels de flamenco ont été filmés pendant des heures pour que les ordis puissent recréer les mouvements).

Le réalisateur de « Toy Story 3 » est Lee Unkrich, qui n’a cessé de monter dans l’organigramme de Pixar (monteur pour le 1, coréalisateur pour le 2). Bien évidemment, John Lasseter, le créateur de la série et rouage essentiel des studios Disney-Pixar a tout supervisé et est le producteur exécutif du film.

« Toy Story 3 » est à ranger pas très loin de la télé, pour agrémenter les longues soirées d’hiver et/ou de confinement …