PAUL McCARTNEY - EGYPT STATION (2018)

Les six gares du Pharaon ?

Sir Paul McCartney, musicien anglais, né en 1942, et donc 76 ans au compteur. Des types dans son genre qui étaient là au début du machin, il en reste vivants, en comptant large, une paire de poignées dans le rock-pop-bidule-truc … Et bizarement, la plupart continuent de sortir des disques et de donner des concerts. Alors qu’ils sont multi-milliardaires et pourraient se la couler douce en EHPAD en faisant sauter leurs arrière petits-enfants sur leurs genoux …

Faut croire que pour continuer dans la musique à ces âges canoniques, ils le font parce qu’ils aiment ça et que de toute façon ils savent pas et n’ont pas envie de faire autre chose. Mourir sur scène semble être la fin recherchée par les Jagger, Richards, Lewis, Little Richard, Townsend, Daltrey, Davies, Morrison. Et Macca donc (ouais, je sais, j’ai oublié Ringo, qui est plutôt bien sur scène avec son All-Star Band, mais qui a jamais sorti un disque écoutable de sa vie en solo …).
Donc le dernier McCartney s’appelle « Egypt Station », se présente sous la forme d’un carton dépliant genre accordéon et est enluminé par des peintures du Paulo himself. Ah ouais, il y a un dique à l’intérieur aussi. Certains disent que c’est son meilleur depuis « Chaos and creation … », voire depuis « Band on the run ». Les plus sourds de ses fans citent même « RAM » (ce qu’ils prouve qu’ils sont sourds, « RAM » s’apparentant beaucoup plus à une purge qu’à un chef-d’œuvre). Certains, perdant tout sens de la mesure et de la retenue évoquent la seconde face de « Abbey Road »… Faut raison et oreille objective garder, les enfants …
« Egypt Station », d’accord, il est pas mal, et oui, c’est sûr, Sir Paul il en a sorti de plus mauvais que ça. De là à miauler au génie retrouvé …
D’abord, le Paulo, il a plus toute sa voix. Il chante toujours bien et juste, mais ne prend aucun risque (comme le Bowie de la fin) et sa voix n’est plus reconnaissable à la première mesure, elle est devenue quelconque.

Des fois aussi, le Paulo, il a plus toute sa tête, ni toutes ses oreilles. Il y a dans « Egypt Station » des titres qui auraient dû rester dans les tiroirs de Capitol. Surtout qu’il nous en sert quatorze (plus deux courts intermèdes comme les rappeurs bas du front en glissent dans leurs rondelles) pour quasiment une heure. Le calcul est simple, un tiers de titres en moins, ça aurait fait quarante minutes qui auraient eu de la gueule.
Yeux bandés et direction le poteau d’exécution, sont appelés à comparaître « Hand in hand » ballade au piano comme Obispo peut en écrire une chaque matin, l’idiotie new wave « Back in Brazil » (on est plus en 1980, Paulo, c’est quoi ce machin ?). « Caesar rock » n’est ni rock ni impérial (parenthèse subliminale, ça me renvoie l’image d’un atroce disque d’Iggy Pop « American Caesar »). Quand aux deux choucroutes à la chantilly et crème de marron que sont « Despite … » (on dirait du Genesis des années 80, la honte …) et le medley « Hunt you down … » gâché par une ignoble partie centrale sur un rythme de valse électronique, ils montrent bien que Sir Paul ne changera jamais, capable de temps à autre de livrer des machins d’une mièvrerie et d’un je m’en foutisme édifiants (on peut pas refaire à chaque coup un « Hey Jude » en étant en totale roue libre…).
Greg Kurstin & Sir Paul
Ce qui fait quand même un gros de paquet de titres, qui ne changeront certes pas la face du monde, mais qui se laissent écouter, et plutôt plusieurs fois qu’une. Parce que Macca est un génie de la chanson mélodique, que la recette c’est quasiment lui tout seul qui l’a inventée, et qu’il est encore capable de la retrouver quand il veut … Meilleurs exemples, des titres comme « Do it now » ou « Dominoes », la première aurait pu être écrite il y a cinquante ans du temps de son groupe de jeunesse, la seconde aurait pu figurer telle quelle sur « Band on the run »… tant ça sonne en roue libre, d’une simplicité confondante. A priori des machins totalement anecdotiques, mais les types capables d’écrire des chansons comme ça, en comptant ceux qui peuplent les cimetières, il en a pas existé une demi-douzaine. Surtout que sans avoir l’air d’y toucher, le Paulo est aussi capable de sortir des titres qui te mettent l’eau à la bouche avant même d’en avoir entendu la moindre note. On ne baptise pas impunément un morceau « People want peace » sans que le fantôme d’un sien ami de jeunesse à binocles rondes chantonnant « Give peace a chance » surgisse immédiatement. Surtout quand le morceau en question sonne comme du Lennon du début 70’s… « I don’t know » d’entrée, commencée sobrement au piano et qui gagne peu à peu en ampleur, rien à dire, c’est bien foutu, même si Macca a fait mieux dans le genre … « Happy with you » tu peux croire que c’est un inédit de « Rubber soul » ou « Revolver », tous les ingrédients sont là … Et « Fuh you » montre que McCartney peut atteindre des sommets stratosphériques en faisant aujourd’hui encore aussi bien que les plus doués de ses imitateurs (MGMT ou The Coral au hasard)
Tout ça nous fait un disque certes un peu longuet, doté d’un son roboratif (Greg Kurstin, coupable d’avoir gagné sa vie en produisant toutes les Lily Allen, Beyoncé, Britney Spears, Katy Perry, Pink, … qui passaient à portée, avant de revenir ces derniers temps dans le droit chemin en bossant pour les Shins, les Foo Fighters ou Liam Gallagher), de types qui assurent (contrairement à ce qui est parfois annoncé, « Egypt station » n’est pas un disque solo même si le Paulo est crédité de tous les instruments, plein de gens, dont notamment les types qui l’accompagnent sur scène jouent sur le disque), une grosse poignée de bonnes chansons…
On va pas lui jeter la pierre pour ça, ni d’un autre côté présenter « Egypt Station » comme un mausolée musical. McCartney a fait ce qu’il sait faire de mieux, un disque de McCartney …



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McCartney