MELODY'S ECHO CHAMBER - BON VOYAGE (2018)

Melody ... Nelson ?

Conclusion : ce disque est embarrassant … voilà, voilà …
Pourtant a priori, j’avais envie d’en dire du bien. Une Française (Melody’s Echo Chamber c’est Melody Prochet seule aux commandes), qui ne donne pas dans la chanson française, qui ne singe pas je ne sais quelle mouvance sonore anglo-saxonne … Et qui donc fait quelque chose de relativement original. Sans vraiment rien inventer (d’ailleurs qui invente quelque chose depuis des lustres ?).
Melody Prochet
Son premier disque, auréolé de la présence du type en pleine hype (Kevin Parker, soit Tame Impala à lui seul) à ses côtés, avait créé le buzz. Un disque correct, bien que quelque peu convenu, paru en 2012. Depuis, plus rien. On lit ici ou là que la Melody a connu une déception amoureuse traumatisante, un sévère carton en bagnole, deux accidents de la vie dont elle a mis longtemps à se remettre. Soit … Qu’elle a dû se reconstruire, physiquement et mentalement avant de retourner à la musique. Qu’elle a rencontré fortuitement deux types, des Suédois, d’un groupe (Dungen, jamais entendu parler, soi-disant de la pop lorgnant sur …arghhh le progressif). Qu’elle a fait ce disque avec eux, d’ailleurs il y a plein de nom à consonnance du pays de Zlatan dans les crédits, et même un titre acoustique qu’elle chante en suédois (« Van hart du vart ? »), folk dispensable, avec par moment des faux airs mélodiques de « The girl from Ipanema ».
« Bon voyage » est une rondelle souvent agaçante, parfois même plombante …
Agaçante parce qu’il y a un parti-pris de noyer tout le son (instruments et voix) sous des tonnes d’effets, et de faire partir la plupart des titres dans tous les sens (effet prog ?), en multipliant les approches mélodiques, les ponts, les breaks, alternant parfois dans le même morceau chant en français et en anglais. Points communs à tous les titres : des couches de mellotron, pas l’instrument le plus discret du monde, même s’il donne une patine rétro (futuriste ?) à l’ensemble. Beaucoup également de sons et d’ambiances orientaux, en filigrane dans la pochette du disque. Un crobar tendance perse – kamasoutra où l’on voit la Melody se rapiécer la peau à hauteur du cœur (syndrome Ugolin – Manon des Sources ?) …
Ce qui nous amène à l’aspect plombant. Le propos global n’est pas joyeux, il donne plutôt dans l’introspection déprimante. La Melody n’a pas le moral au beau fixe, revient comme la misère sur les pauvres sur son amour disparu. Clairement, ce disque fonctionne comme une thérapie pour elle. Ce qui place l’auditeur dans la situation de voyeur de ses états d’âme. J’aime pas ça, d’une façon générale, ces gens qui te prennent en otage alors qu’ils sont en train de faire un strip-tease de leur âme. Tout le monde n’a pas le génie de (au hasard) Nick Drake pour ce genre de figure de style…
Melody's Echo Chamber live
Faut donc zapper pas mal d’aspects de cette galette si l’on ne veut s’en tenir qu’au résultat final. Melody Prochet est talentueuse, c’est sûr. Elle est capable d’écrire de grandes et belles choses, mais a trop tendance à les diluer et les étirer au-delà du raisonnable (seulement sept titres pour à peine plus d’une demi-heure). Un seul titre est « facile », d’une structure assez simple. « Breathe in, breathe out » qu’il s’appelle. D’ailleurs, et c’est certainement pas anodin, il est sorti en single. Le reste évoque pêle-mêle Gainsbourg – Burgalat – Air (« Cross my heart », « Visions of someone »), les montées dans les aigus de la voix (alors que Melody Prochet a naturellement une voix de non-chanteuse genre Adjani-Birkin) ressuscite à l’occasion le fantôme de Björk (proximité nordique entre Suède et Islande ?), se perd dans une sophistication envahissante (exemple type, « Shirim », instrumental de fin, avec cocottes funky engluées dans des synthés parfois proches de ceux de Daft Punk, sans qu’on voit où la Melody veut en venir).
« Bon voyage », c’est un peu le disque des générations Facebook ou Instagram, l’exhibition devant la Terre entière de ce qui ferait mieux de rester dans le domaine de l’intime et du privé. La qualité de ce qui nous est jeté en pâture devenant accessoire.
Reviens quand tu veux, Melody, mais s’il te plaît, avec un disque pour tout le monde, et pas seulement pour toi …


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