KELLEY STOLTZ - IN TRIANGLE TIME (2015)

Quadrature du cercle ?
Kelley Stoltz … En voilà un oiseau bizarre … Quadra américain au cheminement chaotique pourvu de quelques faits d’armes étonnants. Dont les deux plus connus (enfin, façon de parler) sont en début de carrière, un disque reprenant intégralement le « Crocodiles » d’Echo & The Bunnymen, les new waveux lyriques (j’ai pas dit pompier, mais pas loin) anglais, et un autre skeud certifié bio-éco-responsable ou un truc du genre (utilisation de matériaux recyclables, électricité produite « maison », et toute cette sorte de choses …). Plus récemment, une participation dans les Fresh & Onlys (garage sixties de San Francisco) et dans le backing band du vieux barde oublié de tous Rodriguez (le Dylan dont personne avait entendu parler et auteur de deux disques oubliés fin 60’s) lui vaudront de se faire un petit nom dans le milieu des guitaristes « intéressants ».

Et puis, comme le Stoltz devait avoir du temps libre, il a appris à jouer de plein d’instruments (basse, batterie, claviers entre autres) et à utiliser les tables d’enregistrement et de mixage des studios. Ce qui fait que ce « In Triangle Time » est quasi un exercice solitaire (écrit, joué, arrangé et produit). Et là, faut faire gaffe, parce que dans ce genre plus que restreint, y’a pas que des guignols, si vous voyez ce que je veux dire. Des types qui font leurs disques tout seuls, ils s’appellent McCartney, Wonder, Prince, Rundgren …
Tiens, le Rundgren, justement, il y a un peu de ça chez Stoltz. Notamment dans la capacité de celui qui est perçu comme un bon guitariste à s’effacer devant les autres instruments. En clair, « In Triangle Time » ne ressemble pas à un disque de Joe Satriani. Stoltz, assez étrangement pour un guitareux, met plutôt les synthés en avant. Et (voir son épisode Echo &  The Bunnymachin), il donne plutôt dans les synthés 80’s et dans le son new wave en général. Ce qui change quand même un peu de tous les maniaques revivalistes du psyché des late 60’s.
Alors il y a dans ce « In Triangle … » (on passera sur la côté fumasse et mystico-ésotérique qui semble tenir parfois lieu de concept au disque) plein de choses qui renvoient à un certain art de la power pop comme la pratiquaient le Dwight Twilley Band, voire même Cheap Trick ou des Cars version lo-fi. Avec quelques sorties de route (le début des années 80 est en matière sonore à manier avec précaution, il y a quelques fautes de goût impardonnables) plutôt saugrenues, genre la recréation d’une sorte de Frankie Goes to Hollywood sound (« The Hill »), ou la tentative de ballade dépouillée au feeling (« Destroyers & drones »), dans laquelle il manque quand même un peu beaucoup de feeling.

Donc ce skeud est ma foi assez entraînant, facile à écouter (douze titres entre trois et quatre minutes), plutôt accessible voire centriste. Alors que beaucoup essayent de se faire un nom avec une originalité débordante et casse-roustons, le sieur Stoltz se contente juste de ripoliner ma foi joliment des choses bien connues. De l’évolution, pas de la révolution. Et ça marche assez souvent … Comme dans l’inaugural « Cut me, baby » où il met d’entrée en exergue son aisance mélodique et sa voix traînante. Comme dans la bonne power pop « Jona » avec ses arrangements malins (synthés + guitare), ou l’encore plus classique dans le genre « Fictional girl ». Comme dans le blues « revisité » « Crossed mind blues » qui fera peut-être hurler les puristes maniaques des vieux 78 tours qui crachotent mais que perso je trouve plus intéressant que l’intégrale de Stevie Ray Machin (oh putain, j’ai touché au Bon Dieu, mais je m’en tape). Seul regret, il manque quand même une grande chanson qui pourrait comme on dit passer à la radio …
Et puis j’ai noté un truc curieux sur les deux-trois derniers titres (avant la ballade foirée dont j’ai déjà causé). La voix du Stoltz, comme tout ce qui sort de la console d’enregistrement est extrêmement trafiquée (y’a des fois qu’il en fait même un peu trop, on sait pas si c’est du synthé, du sax ou une guitare) et elle finit par sonner exactement comme celle de Bowie. La première fois (« Little love »), on pense au hasard, le second coup (« Wobbly »), on reste perplexe tant le titre sonne comme un inédit de « Lodger ». Si quelqu’un a une explication (accident ? hommage pre-mortem ?), qu’il se manifeste, il n’y a rien à gagner.

Il va pas en vendre des camions de son disque, ça semble clair. Mais moi, je serais plutôt enclin à le recommander, c’est beaucoup plus original tout en restant classique que ce que l’on a l’habitude d’entendre.


Du même sur ce blog :