JAKE BUGG - SHANGRI LA (2013)

Un petit Bugg ?
Non, faut être sérieux, parce que lui, là, le Jake Bugg, c’est l’Espoir, celui qui va sauver le truc, remettre le machin dans le bon sens, faire revivre la chose … Il est jeune (19 ans), point trop laid (trollé ?), ça peut servir, et … Anglais. Bon, on fera avec, ça aurait été mieux si c’était un Ricain. Remarquez, il se rattrape en faisant une musique plus américaine qu’anglaise, à base de folk, rock ou pas, de country, etc, etc, …
Comme j’ai oublié ma boule de cristal, j’ai aucune d’idée du succès ou pas qu’il va réellement rencontré. Parce que tout le monde (enfin, ceux qui « savent », qui ont bon goût) enquille les superlatifs sur le présumé prodige. Mais en attendant, c’est Bieber et Gaga qui vendent …
Moi, j’émets quand même quelques réserves. On nous fait le coup du génie en devenir tous les dix mois. Après Miles Kane, Tame Impala, Ty Segall, Jacco Gardner, au tour de Bugg. Son disque, il est pour moi un ton en-dessous de ceux des autres sus-cités. Qui, soit dit en passant, ne sont pas des valeurs sûres pour autant. C’est pas eux, c’est Iggy Pop, Bowie ou les Stones qui passent à la caisse, qu’on voit ou entend dans les publicités …

« Shangri La » donc. Du nom du studio ayant appartenu à Dylan et The Band et où a été enregistré ce disque. Triple symbolique du titre pour ce qui concerne le rock, on peut y voir aussi la référence au girl group new-yorkais des 60’s, et à la chanson des Kinks. Faut faire gaffe, garçon, avec des appels du pied comme ça, faut être au niveau après. Bon, là, apparemment, il en manque … Pas faute de s’appuyer sur du solide, Pete Thomas, le « vieux » batteur des Attractions de Costello, Chad Smith celui des Red Hot, Brendan Benson (Raconteurs) à la co-écriture de plein de titres, et surtout le sorcier des manettes Rick Rubin. Lequel confirme avec ce disque qu’il est bon dans tous les genres, responsable ici d’une production « classique », sans esbroufe, mais qui réussit quand même à surpasser tout le reste, et surtout l’essentiel, les chansons …
Niveau écriture, c’est pas mauvais-mauvais, il y a même deux-trois trucs excellents, mais dans ces genres battus et archi-rebattus depuis presque cinquante ans, ce « Shangri La » n’a rien d’exceptionnel. Surtout que le Bugg est doté d’une voix qui rappelle assez souvent furieusement celle de Bob Dylan, c’est-à-dire assez « difficile » à l’oreille. C’est clairement le public ricain qui est visé dans ce disque, parce que sinon je vois pas trop l’intérêt d’entamer les hostilités par un morceau 100% country (« There’s a beast … »), et un suivant qui l’est quand même à moitié (« Slumville sunrise », doté d’une belle mélodie). Le reste navigue entre les mid-tempo d’une americana typique (« Messed up kids », « All your reasons »), accélérations franchement rock (« Kingpin »), relents de power pop comme c’était à la mode vers la fin des 70’s (« What doesn’t kill you »), assoupissement quasi laid back (« Kitchen table »), folks ou folk-rocks forcément dylaniens (« Me and you », « Pine trees »), torch song bien faite (« A song about love »), un truc pour finir qui me fait penser au vieux et oublié Country Joe McDonald, avec un emprunt mélodique au « Well all right » de Buddy Holly (« Storm passes away »)
Rien d’exceptionnel, du bon boulot un peu passéiste fait correctement. Peut-être un titre qui pour moi ressort du lot, « Simple pleasures », voix et instruments « concernés », atmosphère prenante, un truc qui pourrait passer à la radio, avec un bout de mélodie sur le refrain qui rappelle pas mal celle du « Zombie », gros succès en son temps des funestes Cranberries …

Je veux bien croire que Jake Bugg est un futur grand en devenir. Mais enfin, y’a encore du boulot, et il faudra sortir des disques autrement plus risqués et convaincants que ce « Shangri La », peut-être dans le haut du panier de la production actuelle, mais qui n’a rien de transcendant …