PIXIES - TROMPE LE MONDE (1991)


Ça sent le sapin …

Et pas seulement parce qu’il y a de la neige et des yeux ( pourquoi ? ) à la place des boules sur la pochette, une des plus moches de chez 4AD … Tout dans ce disque indique que le groupe part en sucette (oui, je sais, plus de vingt ans après, c’est facile d’écrire çà, mais même à l’époque, y’avait des détails qui trompaient pas – le monde – on y reviendra …).
Les Pixies, c’était un des rares groupes dont quelques cinglés comme moi attendaient vraiment les disques à cette époque. Avec les Jesus & Mary Chain, le compte était vite fait … et encore, les frangins Reid commençaient à se vautrer dans la redite et le quelconque. Tandis que les Pixies, ils devenaient, phénomène rarissime, meilleurs à chaque disque… Jusqu’à ce « Trompe le monde ».
Pourtant, les Pixies c’était un des assemblages les plus improbables à avoir sévi dans le milieu des musiques plus ou moins trépidantes adressées aux djeunes. Un gros patapouf excité au centre de la scène, une bassiste raide def qui commençait aussi à s’envelopper, un métèque porto-mexicain ou un truc du même genre à l’autre guitare, un batteur genre vieux beau surfeur qui revient sur la plage en ayant perdu sa planche … Fringués comme des beaufs au camping, charisme zéro …
Mais les disques, putain, c’était quelque chose, ma bonne dame … les Beach Boys repris par les Sex Pistols, les Herman Hermitt’s par les Ramones, les Supremes par les Damned … des mélodies époustouflantes, des rythmes épileptiques, des guitares surf, des harmonies vocales célestes, des morceaux tellement crétins qu’ils en devenaient géniaux, … et puis un truc (qu’ils avaient certes pas inventé), mais qui allait faire la fortune de tout un tas de chevelus à chemise à carreaux, Nirvana en tête, cet assemblage ce couplets quiet et de refrains loud… Les Pixies c’était ça, les ploucs totaux qui jouaient la meilleure musique de la galaxie …
Et puis, là, avec « Trompe le monde », y’a des trucs qui ont commencé à coincer. Et d’abord, putain c’est quoi ce bordel, on n’entendait plus la voix de Kim Deal. Les supputations y allèrent cinq minutes bon train, avant de se rendre à l’évidence, le gros qui écrivait tous les titres avait décidé que sa voix de goret qu’on égorge suffisait, et exit vocaux, chœurs et contre-chants de la toxique bassiste. Pas cool … Et « Trompe le monde » est autant un disque en solo de Black Francis qu’un disque des Pixies. Et si on dissèque la bestiole, on se rend compte que finalement, de ces trouvailles folles, de ces gimmicks cinglés qui rendaient « Doolittle » et « Bossanova » cruciaux, ben ici, ils sont moins nombreux (si on est gentil), ou ont à peu près disparu (si on est lucide). Alors voilà, un groupe qui vend que dalle ou presque, et qui se met à faire son Simple Minds, qui répète sa formule en moins bien ? On n’y était pas habitué. Sauf que quand même, un disque plutôt foiré des Pixies, c’est quand même mieux foutu qu’un de réussi des Simple Minds …
Parce que d’entrée, « Trompe le monde » le morceau et « Planet of sound » te collent une balle entre les yeux, c’est bourrin et mélodique à la fois, y’a des breaks zarbis de partout, … terrain connu. « Alec Eiffel » est assez étonnant (moi, je prends, mais beaucoup avaient froncé les sourcils devant ce titre, un des plus pop et légers écrits par le gros), le suivant (« The sad punk »), une bêtise hardcore qui vire « climatique », commence à interpeller. Ils vont où, là ? Et Kim Deal, on l’entend plus ?
Cool as Kim Deal
Bon, tout n’est pas à jeter, mais quand même, on trouve sur « Trompe le monde » des choses douteuses, fades, déjà entendues sur les disques précédents. Les Pixies n’avancent plus, ils commencent à tourner en rond. Des choses comme « Palace of the brine » récite des pans entiers de « Here comes your man », « Letter to Memphis » c’est du classic rock come Bon Jovi ou Billy Idol en faisaient quelques années plus tôt, « Distance equals » est tellement court que ça ne vaut pas la peine d’en dire tout le mal qu’il mérite, … c’est dire si les Pixies font du sur-place. A l’inverse, des choses comme « Space (I believe in) », ou « Motorway to Roswell » en plus d’énoncer les thématiques sci-fi tordues chères à Black Francis, voient idées sonores et trouvailles diverses se bousculer, le second étant même fini au piano, ustensile jusque-là peu mis en avant dans le groupe.
Faute de mieux ailleurs, il a bien fallu s’en contenter de ce « Trompe le monde ». Un disque qui empestait la fin programmée, le manque de discussion dans le groupe passé sous la totale grosse pogne de Black Francis. Qui, grenouille voulant se faire plus grosse que le bœuf, a sorti une paire de rondelles correctes en solo (les deux premières), avant une longue litanie de skeuds dont strictement personne n’a plus rien à foutre. Kim Deal, en plus d’inspirer des titres de chansons aux Dandy Warhols, a réactivé son ancien groupe Breeders pour quelques disques hétérogènes juste passables. Les deux autres, le métèque et le surfeur, on s’en fout …
Tout ce beau ( ? ) monde s’est retrouvé dans les années 2000 pour une séquence nostalgia – reformation bien  plus rémunératrice que quand ils étaient « vivants ». Thanks God, ils n’ont pas poussé la mauvaise blague jusqu’à revenir en studio … pour le moment …

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