Le long des golfes pas très clairs ...
Ce disque longtemps oublié par les détenteurs des
droits du catalogue Neil Young, paru en 1974 et seulement réédité en Cd pour la
première fois en 2003, a longtemps été zappé, les ceusses qui savaient ou
prétendaient tout savoir du canadien s’en tenant à ses œuvres
« disponibles » des 70’s.
Autrement dit, entre « Harvest » et la
période « rouille électrique » (« Rust never sleeps » /
« Live rust »), on citait bien le « Tonight’s the night »
présent dans les rayons mais en avertissant le chaland que c’était un disque
noir, déprimé et déprimant, difficile…
« On the beach » a été composé par Neil
Young après « Tonight’s … » mais est paru un an plus tôt, les gens de
chez Reprise (la maison de disques de Neil Young depuis toujours) ayant ajourné
la parution de « Tonight’s » durant deux ans.
Les deux disques sont siamois, également joyeux.
Peut-être la pochette et le titre de « On the beach » ont-ils été
jugés plus « engageants ». Mais franchement, qui aurait envie de
prendre un bain de soleil sur cette plage déserte et blafarde, encombrée
d’épaves industrielles ? Elle a l’air aussi accueillante qu’une plage
bretonne (avant ou après dégazage ou échouage d’un super-tanker, c’est pas le
problème, sache ami(e) lecteur breton que j’ai rien contre toi ou tes plages,
mais que t’habites une région toute moche et pourrie, et que ça j’y peux rien
et que j’espère que l’on t’a obligé à vivre là, et que je comprends pourquoi
vous êtes tous alcoolos dans votre coin … et non, y’a pas de comptes à régler
avec qui que ce soit, c’est juste de la méchanceté totalement gratuite …)
Bon,
reprenons, Neil Young « On the beach » donc. Qui est disque introspectif.
A replacer dans son contexte.
Neil Young est fondamentalement un naïf, une sorte
de Jean-Jacques Rousseau version hippie de Laurel Canyon égaré avec ses valeurs
dans les States de la fin des 60’s – début des 70’s. Un type qui a vu ses rêves
et ses proches s’écrouler dans tous les sens du terme autour de lui. Charles
Manson, qu’il avait un peu fréquenté vers 1968, avant que ce dernier fasse
mettre à l’air les tripes de Sharon Tate et de quelques autres par les membres
de sa secte The Family. L’engagement et l’acharnement des USA dans la guerre du
Vietnam, l’ont marqué et traumatisé comme tous les hippies (Neil Young s’est
toujours beaucoup plus senti américain que canadien, et ses prises de position,
parfois assez « bizarres », lui ont valu de solides inimitiés). Le
mouvement hippie (Neil Young avait tenu à jouer à Woodstock, dans des
conditions techniques difficiles et précaires) est parti à fond dans les
drogues de toutes sortes (Neil Young est clean), avant de partir définitivement
en sucette à Altamont. Le roadie (Bruce Berry) et le guitariste (Danny Whitten)
de Neil Young sont morts d’overdose. Sa femme (l’actrice Carrie Snodgress,
celle à qui est dédiée « A man needs a maid » sur
« Harvest ») est en train de le quitter.
« On the beach » est forcément imprégné de
tout ceci, et les textes font clairement allusion à ces gens ou ces événements.
La musique n’est guère plus joviale, Young et ses musiciens (une partie du
Crazy Horse, des anciens de The Band), se complaisent dans des tempos
traînards, tout en électricité sournoise et saturée (la marque de fabrique de
ses meilleurs disques), martelant des atmosphères sombres, sépulcrales,
oppressantes. La voix nue de Young file le frisson par sa fragilité (« See
the sky »), il y a une paire d’éclaircies sonores (l’introductif country-rock « Walk on », la
country d’avant que la country existe « For the turnstyles »), et
puis en gros tout le reste, d’une noirceur compacte, tous ces morceaux avec
blues dans le titre (« Vampire blues », « Ambulance blues
», « Revolution blues ») qui tiennent bien sûr beaucoup plus d’un
état d’esprit que du strict respect des douze mesures chères à Muddy Waters. La
seconde face du 33T original constituant à elle seule un océan de déprime
rarement égalé dans le rock avec son lancinant tryptique « On the
beach » - « Motion picture » - « Ambulance blues ».
Neil Young a sorti une bonne dizaine de disques
rigoureusement indispensables. « On the beach » en fait partie…
Du même sur ce blog :
Everybody Knows This Is Nowhere
Harvest
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