Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien ...
Faisons comme si … comme si ce disque était le meilleur
de Noir Désir, et un des meilleurs disques de rock (le meilleur ?) jamais
sorti en France … en oubliant tout le reste … comme si plus rien n’avait
d’importance …
Des années que je l’avais pas écouté, comme tous les
autres de Noir Dèz. De toutes façons, depuis qu’il était sorti, je l’avais mis
sur la platine tant de fois que je le connais par cœur …
J’ai jamais été fan (trop vieux, tout çà, y’a bien
longtemps que je suis plus fan de personne…), mais force est de reconnaître que
Noir Désir fut le groupe d’une génération, comme dix ans plus tôt Téléphone.
L’oasis dans le désert qu’a toujours plus ou moins été le paysage rock
français, en état de tchernobylisation quasi permanent. Apprécié, Noir Désir le
fut, avec un succès qui ira même s’amplifiant, alors que la qualité de leurs
disques déclinera dans les années 90. Et surtout Noir Désir fut un groupe
respecté. Tatillon sur la communication, sur l’art et la façon de dire les
choses. S’impliquant sans trop de tapage médiatique (à l’opposé des Enfoirés
qui portent bien leur nom, tout pour
l’auto-pub et pas grand-chose pour la cause) pour des causes plutôt éloignés
des sunlights des médias mais qui n’en valaient pas moins les autres …
Un groupe très soucieux, pointilleux même, sur son image
et sa communication. Fonctionnant à la soviétique, avec un porte-parole
officiel le batteur Denis Barthe, et s’entêtant à véhiculer une image
communautaire, alors que tous les regards se focalisaient sur la belle gueule
du chanteur Bertrand Cantat. Un groupe qui faisait tout pour rester honnête et
intègre dans la jungle du show-biz qui a vu tant de croisés des bonnes causes
céder aux sirènes du vedettariat et du bling-bling facile. Un groupe qui
voulait être un exemple et un modèle, défenseur d’idéaux quelque peu
romantiques et de causes chevaleresques, où l’on retrouvait souvent les mêmes
noms accolés au sien (Zebda, Manu Chao, Rodolphe Burger, … qui a dit
Cali ? tu sors …).
Jusqu’à cet hôtel de Vilnius par une nuit de juillet
2003, où Cantat, héros concerné certifié, chargé comme une mule, a ressemelé sa
meuf … on connaît la suite, coma, mort clinique, opérations désespérées et RIP
Marie Trintignant … dream is over … ce type cité en exemple s’était conduit
comme le gros con de beauf qui bu trop de rouge et balance quelques bourre-pif
à sa bourgeoise. Le procès, la taule, le repentir, rien à secouer. Pour tout un
tas de gens, les masques étaient tombés. Cantat, le Jim Morrison français,
n’était qu’un putain d’assassin … Et que fit-il et que dit-il du fond de ses
taules concernant Noir Désir ? Rien … et que firent et dirent les
autres ? quelques déclarations elliptiques ou sibyllines, certifiées pure
langue de bois … choquant, en tout cas pour moi …
Il faudra attendre des années (Novembre 2010), bien après
la libération de Cantat et moult atermoiements, pour que Sergio Teyssot-Gay
(par ses collaborations annexes le moins noirdésir-dépendant du lot) quitte le
groupe, entraînant la dissolution officielle de celui-ci dans la foulée … Il
était temps de mettre un terme à cette
tragique mascarade. Pour n’avoir pas été capable de prendre cette
décision, la seule qui vaille eu égard à ce que ce groupe représentait en
termes de valeurs humaines, immédiatement après la tragédie de Vilnius, j’ai
trouvé ces gens détestables … à faire passer Ted Nugent pour un type bien ou
Nadine Morano pour une femme intelligente et de bon goût … Et j’ai zappé leurs
disques, ce qui n’est pas forcément plus intelligent …
Là, j’ai failli l’écouter « Tostaky » … puis
finalement je me le suis passé en accéléré dans la tête, et l’ai reposé sur
l’étagère …
Je sais qu’il y a tout Noir Désir dans ce disque, le seul
qui s’approche du cataclysme que ces types déclenchaient sur scène. Les
obsessions hardcore, les tentations noisy, les envolées lyriques, l’ombre
tutélaire du Gun Club de Jeffrey Lee Pierce, la poésie baudelairienne à deux
balles de Cantat mais déclamée avec tant de tripes qu’on peut la croire
géniale, ce bruit blanc porté par la guitare de Sergio qui fout par son jeu
dans la même poubelle une litanie de guitar-heroes bluesy, ces titres rêches à
prendre ou à laisser balancés dans ta face, ce sentiment de vie bouillonnante
qui se dégage de chaque note, cette impression que ces gars ne calculaient pas,
ne trichaient pas (ou beaucoup moins que d’autres) … Les Noir Désir avaient
fait avec « Tostaky » un disque qui n’a rien à envier à ceux de leur
héros, de leurs références à eux …
Un jour je le réécouterai …