THE ANIMALS - THE ANIMALS (1964)


Les fauves sont lâchés

Dès le départ, les Animals avaient deux handicaps a priori insurmontables. Ils étaient provinciaux (Newcastle), alors que tout se passait à Londres en ce début des années 60. Pire (quoique), ils étaient pas très mignons et mal habillés, et les magazines parlant de musique pour les jeunes préféraient évidemment mettre dans leurs pages les beaucoup plus flashy Stones, Beatles, Kinks, Who, …

Ayant réussi à percer, et pas avec des titres de troisième zone ou des demi-succès, ils auraient pu être les égaux des plus grands. Et ils se retrouvent à peu près aussi oubliés que, au hasard, les Small Faces ou les Pretty Things … La faute à deux caractères de cochon à l’ego démesuré. Alan Price, d’abord. Manipulateur de Vox et de Farfisa, ce claviériste quelconque avait cependant fondé le groupe et recruté ceux qui devaient l’accompagner au sein du Alan Price Combo. Parmi eux, un chanteur au gosier de feu, Eric Burdon, une des plus grandes voix « noires » anglaises de tous les temps, catalyseur et détonateur du groupe sur scène, entraînant les autres dans des prestations sauvages où ils allaient se faire surnommer par leurs fans « The Animals », un nom qui leur restera. Burdon et Price ne s’entendront pas, et c’est Price qui quittera le premier le groupe qu’il avait mis sur pied.

Souriez, c'est pour la photo ... Animals 1964
Quand le succès arrivera, ce sera Burdon la star. Qui prendra très vite le melon, et jugeant le reste du groupe indigne de son auguste personne, s’en ira tenter l’aventure dans le San Francisco de la fin des sixties. Entre temps, il aura formé les New Animals pour une paire de disques que tout le monde a oublié. En plus de Burdon, deux autres des Animals rentreront dans la postérité, le bassiste des débuts Chas Chandler qui deviendra le directeur artistique et manager de Jimi Hendrix ; et aussi un des guitaristes des New Animals, Andrew Somers, que l’on retrouvera rebaptisé Andy Summers dans The Police … « Tu t’égares là, tu nous en parles de ton vieux skeud ? » me souffle t-on … Bon OK, reprenons …

« The Animals », parfois appelé aussi « Volume 1 » est le premier disque des Animals en 1964. Avec cette pochette-là, il s’agissait originellement de la version anglaise du 33T, sur laquelle ne figurait pas leur premier énorme succès « The House of  the Rising Sun », que l’on trouvait par contre sur la version américaine du disque. Aujourd’hui avec la réédition Cd, ce genre de détail n’a pas grande importance, ce titre et une demi-douzaine d’autres se trouvent dans la section bonus …

A l’origine, « The Animals » comprenait douze titres, dont onze reprises. Et des reprises de « classiques » américains du blues, du rythm’n’blues ou du rock’n’roll. La couleur des influences est clairement annoncée. Le disque est réalisé à Londres par Mickie Most, qui après une courte carrière de chanteur de variété, fait avec les Animals ses premiers pas en tant que producteur. Il n’y a dans ce disque rien de rare, d’aventureux. Les Animals font ce que leurs premiers fans attendaient certainement d’eux, ils envoient la sauce, dans le sillage de leur hurleur de chanteur. Résultat, question sauvagerie, on n’est pas loin du premier Pretty Things, ce qui n’est pas rien. Mais avec un soupçon de couleur et de chaleur, dû aux claviers, peu utilisés de la sorte à l’époque. Les résultats sont cependant un peu inégaux, le groupe étant énorme quand il s’attaque à John Lee Hooker (trois titres, « I’m mad again », et surtout « Boom boom » et « Dimples », caractérisques du « son » Animals). A l’inverse, les reprises de Chuck Berry (« Memphis Tennessee » et « Around and around ») peinent à retrouver l’entrain des versions initiales. Les Animals jouent lourd, agressif, et font dans l’hommage appuyé. Le premier titre (« The story of Bo Diddley »), est certes une reprise du classique de Diddley, mais part ensuite dans un hommage référencé, citant les noms des groupes anglais ou américains de l’époque et des bribes de leurs chansons, revenant sur d’autres classiques de Diddley, … Voulzy a dû l’écouter avant de sortir son « Rockcollection », les ressemblances sont plus que troublantes …

La progression des Animals sera fulgurante, leur second single, rien de moins que « The house of the Rising Sun » va devenir un énorme hit mondial. Un vieux titre dont l’origine se perd quasiment dans la nuit des temps, déjà repris par quantité de gens, et qui vante les mérites d’un bordel louisianais (Johnny Hallyday, beaucoup plus prude, le transformera en pénitencier dans sa (bonne) version). Les provinciaux de Newcastle vont devenir des résidents londoniens, les hits (« We’re gotta get out of this place », « Don’t let me be misunderstood », …) vont s’enchaîner … Même s’ils ne renieront jamais leurs racines rythm’n’blues, le son du groupe va s’alléger, s’orienter de plus en plus vers le format pop, et les Animals vont rivaliser pendant une paire d’années (64-65) avec tous les illustres occupants du sommet des hit-parades.

Plus que le suivant (« Animals Tracks »), c’est ce premier disque qui représente le mieux le groupe, sa rusticité et sa sauvagerie …