Un artiste culte, Ian Hunter. Un de ces types qui a
failli être tout en haut, qui vent pas tripette, mais qui peut compter sur des
fans acharnés qui achètent tous ses disques. Logé à la même enseigne que lui,
et pour situer, on peut citer Elliott Murphy ou Graham Parker. Devraient monter
un club, tous les trois. Futures très grosses stars en devenir des années 70
qui n’ont jamais vraiment concrétisé, et qui ont trouvé leur plus grand nombre
de fans en s’expatriant (Murphy l’Américain en France, les deux British aux
States).
Hunter, je le suis depuis Mott The Hoople … sans
être un forcené de ses productions … de loin en loin, je vais voir ce qu’il
fait. Là, franchement, j’aurais pas misé un kopeck sur lui pour ce nouveau
siècle. Parce qu’à force trop vieux (le bonhomme est né avant que Adolf
envahisse les Polaks, donc plus vieux que les Stones, Dylan, Macca et tous les
autres), et parce qu’un jour il avait rejoint le club de tous les ringards du
rock, le Ringo Starr All-Star Band. Et Hunter était de la promo comportant
également la sublime mais oubliée batteuse de Prince Sheila E, mais aussi les
affreux Hogdson (Supertramp) et Lake (Emerson, Lui-Même & Palmer). Et
devant un parterre de cheveux gris ou blancs (pour ceux qui avaient encore des
cheveux), entre un « Logical song », un « Yellow
submarine » et une reprise de Little Richard ou Elvis qu’il accompagnait à
la guitare, Hunter venait deux fois au micro dans la soirée. Une fois pour
« All the young dudes », le coup d’après pour « Once bitten,
twice shy »… Un peu triste, voire pathétique … Quarante ans de sang et de
sueur au service du rock pour sept ou huit minutes devant les projos et une
troupe en goguette de vieilles mémères à yorkshires …
Ian Hunter 2007 |
Ian Hunter, c’est pourtant un mec bien. Qui a pas
bougé d’un iota depuis la fin des années 60. Tu vois une photo de lui aux
débuts de Mott et une aujourd’hui, c’est la même. Les bouclettes rousses à la
Dylan 66-67, et les éternelles dark shades (ça fait le look, mais dans son cas
c’est une nécessité, il est très myope). Dès le départ, Hunter a su ce qu’il
voulait faire, ou plutôt être : un clone de Bob Dylan. Malheureusement pour
lui, il a toujours dû composer avec de fortes personnalités qui ont croisé sa
carrière quand tout pouvait réussir (Guy Stevens, Mick Ralphs, David Bowie,
Mick Ronson), s’est retrouvé pseudo-héros glam ou chanteur devant des
guitaristes envahissants … Et surtout, dans tous les cas, prié de laisser toute
tentative de dylanerie au vestiaire.
Il s’est rattrapé en solo, à partir du milieu des
seventies, mais bon, n’est pas Dylan qui veut … et Hunter, qui avait ferraillé
pendant des années pour se hisser tout en haut du London qui swingue, allait se
consacrer à une musique beaucoup plus roots, beaucoup moins liée à la mode, ce
genre de chose qu’on appelle maintenant americana.
Et ce « Shrunken heads » (ça y est, j’y
arrive, mais bon, venez pas me raconter que vous saviez tout ce qui précède, je
vous croirais pas … enfin, pas tous …), je vais vous dire un truc, il est
excellent. Contre toute attente (enfin, la mienne …). Non seulement Hunter fait
maintenant du Dylan 70’s avec la voix du Dylan des 90’s (c’est à dire bien
mieux que ce que fait Dylan maintenant), mais en plus il rocke comme
Springsteen et Seger savent plus, ou ballade comme … seuls les Anglais (genre
Rod Stewart, Jagger, Burdon, …) ont toujours su faire quand ils se prenaient
pour des chanteurs Américains.
Evidemment, personne l’a acheté « Shrunken
… » … Petit label, genre musical pas à la mode (euphémisme), et puis,
Hunter lui-même y croyait pas vraiment. C’est enregistré façon bœuf en studio
(on les entend parfois se caler au début, parler, et rigoler à la fin), juste
pour le fun, aucune pression, pas de comptes à rendre, plus rien à foutre du
fuckin’ success… c’est peut-être d’ailleurs pour ça que ça fonctionne. Mais
attention, le boulot est pas salopé pour autant, ça assure. Preuve que c’est pas
une vaste blague, y’a le dénommé Jeff Tweedy qui vient duoter sur trois titres
… oui, oui, le Jeff Tweedy de Wilco, celui-là même … Wilco étant je le rappelle
le meilleur groupe américain de ce siècle qui aura ma peau …
Ian Hunter live 2013 |
Bon, « Shrunken … », on le comparera pas
non plus à « Born to run » ou « Blonde on blonde ». Parce
qui si tout est grosso modo honnête sur la onzaine de titres, y’en a
trois-quatre qui s’oublient vite, hyper-prévisibles et convenus, sans la petite
trouvaille, le petit gimmick, le break, la mélodie du refrain, le lick de
guitare qui donnent à un morceau un goût de revenez-y. Par contre, quand tout s’emmanche bien, on
se régale d’écouter des « Words (big mouth) » avec un Hunter
tellement Dylan des meilleurs jours que c’en est troublant, des rocks velus et
couillus pour hommes comme « Fuss about notin’ » ou
« Strecht », les ballades éternelles made in 70’s comme « Read
‘em ‘n’ weep » ou « Shrunken heads » (là, on jurerait les Faces
qui accompagnent un Rod Stewart – en petite forme le Rod car Hunter n’a quand
même pas le gosier d’acier de l’Ecossais au fort tarin). Et puis, il y a le
titre qui aurait pu être celui de toute une génération (enfin, celle de Hunter,
celle des vieux de la vieille encore en vie), l’excellemment bien nommé
« I am what I hated when I was young ». Dommage que ce « My
generation » pour cheveux blancs soit gâché par la plus grosse (la
seule ?) faute de goût du disque, un ridicule accompagnement country avec
banjos et tout le tremblement. Non, mon pauvre Ian, t’aurais pas dû te prendre
sur ce coup pour Waylon Jennings, t’es pas crédible une seconde dans cet
exercice …
Aux dernières nouvelles, sa septième décennie bien
entamée, Hunter qui de toute façons est bien incapable de faire autre chose,
continue de sortir des disques (encore un cette année). En accélérant même les
cadences de parution …