VAN HALEN - VAN HALEN (1978)


Un Van de fraîcheur ...

Ils en étaient où, les chevelus du hard, en pleine bourrasque punk ? Pas au mieux … un peu secoués, comme tous les notables du rock-business, par tous ces jeunes iconoclastes à cheveux courts qui n’hésitaient pas à brocarder, à jeter dans la même poubelle que les progueux, les jazz-rockeux, les Claptoneux et les Stoneux, tous les Led Zep, Sabbath, Kiss et Aerosmith …
Faut dire que pour le hard, c’était le temps qui commençait à l’être, hard … Beaucoup n’étaient plus au mieux de leur forme (Deep Purple, quelqu’un ?), et la sacro-sainte hégémonie anglo-américaine se voyait contestée par des Irlandais (Thin Lizzy), des Australiens (AC/DC), même les Teutons fourbissaient leurs armes et le « Tokyo tapes » allait placer gagnant la Panzer Division des Scorpions … Le hard, c’était une affaire de codes, de symboles. Du blues hypertrophié à grands coups de guitares Gibson – amplis Marshall, et des auras mystérieuses, ténébreuses, entretenues à grand renfort de tenues noires (Blackmore), de messes de la même couleur (le Sabb), de propos ésotérico-mystiques (Blue Oyster Cult), de cabaret décadent gore (Alice Cooper), d’heroic-fantasy corrigée à la mode Achille Zavatta (Kiss), d’accointances avec l’occulte (Jimmy Page et son manoir de Crowley), … Et puis, le hard, ça avait un côté prolo (jouer sans relâche, travailler la technique à grands renforts de solos de tout ce qui tombait sous la main, en donner au public pour son argent, plein de watts, de lights, …)
Curieusement, le hard allait se refaire la cerise là où ne l’attendait pas, dans un de ces endroits où on le croyait proscrit. Los Angeles (plus exactement sa banlieue, Pasadena), la ville du fric, de la nonchalance et du soleil rois.
Elles est pas belle la vie des Van Halen ?
Et tout ça, cette insouciance festive de beau gosse, Van Halen allait le symboliser tout en reprenant à son compte et à sa manière les fondamentaux du genre. Les trois premiers morceaux de ce disque, leur premier, sont à bien des égards exemplaires. « Runnin’ with the Devil », tout est dit dans le titre, on caresse le côté obscur de la chose musicale (allusion transparente à Robert Johnson et son pacte faustien au fameux crossroad, mais ici on sent bien que c’est pour rire). « Eruption » qui suit, la démonstration technique insensée (le fameux tapping d’Eddie Van Halen). « You really got me », la reprise des anciens (même si les Kinks, c’est pas exactement du hard, mais ils l’ont presque inventé avec ce titre). Tout est dit avec ce fabuleux (si, si) tiercé introductif. Dans lequel perce déjà tout l’aspect rigolard qui sera la marque de fabrique du Van Halen période David Lee Roth (et qu’on ne vienne pas me parler de la version « sérieuse » avec Sammy Hagard).
Van Halen, c’est une affaire de potes, deux frangins à la guitare et à la batterie, un alcoolo à la basse et le chanteur beau gosse, souvent affublé de lycra moule-burnes, ce qui aura pour effet immédiat de faire venir des légions de California girls aux concerts. Van Halen, c’est malin, surtout au niveau sonore, loin de la purée de pois de la concurrence. Le cinquième membre du groupe sera de fait Ted Templeman, le metteur en sons attitré des Doobie Bros, parangons du son West-Coast bien léché. Van Halen deviendra le Parrain du hard FM, basant tout sur la qualité mélodique nickel-chrome, et des morceaux au format radiophonique (trois minutes chrono). Les headbangers de base se grattèrent un peu la tignasse au début devant ce groupe bien loin des schémas convenus, avant de lui faire un triomphe.
Faut dire qu’il y a de quoi réjouir tous les amateurs de rock qui dépote, puisqu’on trouve également dans ce premier disque quelques sérieuses ruades comme « Don’t talkin’ » ou « On fire ». et puis, ce qui sera aussi une marque de fabrique du groupe, quelques potacheries second degré (« I’m the one » du rockabilly hard ?, « Atomic punk » !?, « Ice cream man » country à la sauce jumpbilly ?) qui ont dû hérisser les purs et durs du métal lourd. Et puis, comme on sent un peu l’influence d’Aerosmith (« Feel your love tonight »), les Van Halen ont glissé la ballade très Tyler-Perry « Jamie’s cryin’ » le truc imparable pour faire fondre les programmateurs radio FM.
Cette première salve a eu un succès considérable. Les rares hardeux qui renâclaient devant cette bourrasque de bonne humeur communicative ont de toute façon ramassé son successeur « Van Halen II », beaucoup plus « méchant » en pleine poire. Van Halen a pris son temps, mettant pendant cinq ans les USA à ses pieds à coup de tournées incessantes, avant de faire succomber le reste du monde avec « 1984 », leur plus gros succès mais aussi le début de la fin …

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1984