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JOHN PRINE - JOHN PRINE (1971)


 (Trop) classique

Faire en 1971 du Bob Dylan 1965 (période électro-acoustique « Subterranean homesick blues ») n’est pas une mauvaise idée. Mais ce n’est pas non plus très original.

John Prine récemment : Brassens revival ?
Il me semble que ce Cd de l’américain John Prine, souvent considéré comme son meilleur, est le premier qu’il a publié. Ce folk teinté de country est le parfait reflet d’une culture américaine de l’époque, engagée et militante, avec ses morceaux sur la guerre du Vietnam et la drogue (ici le classique « Sam Stone » sur un ancien soldat héroïnomane).

En plus de Dylan, les Byrds ne sont pas loin (avec sa photo de pochette style grange campagnarde, on pense à celle de « Notorious Byrd Brothers »), tout comme Crosby, Stills & Nash ou les Eagles des débuts. On navigue donc avec « John Prine » en terrain connu.

Trop peut-être, car ce Cd ne satisfera pleinement que les amateurs d’un genre musical souvent ignoré en France, les autres seront vite lassés par une certaine monotonie des instrumentations et des arrangements.


MIOSSEC - BOIRE (1995)


 Rue de la Soif

Ce premier disque de Miossec au milieu des années 90 avait marqué le Landerneau de la chanson rock. On y découvrait un type plus tout jeune (30 balais), balançant contre vents, marées et sons ambiants ses folk songs avinées. Le fantôme de Gainsbourg fut réquisitionné pour un étiquetage facile. Certes, on trouve des choses « écrites » sur les disques de Miossec (il a été journaliste et nègre pour une maison d’édition), il se fait photographier clope au bec et regard éteint par l’alcool de la veille pour une pochette qu’on peut faire voisiner avec celle de Gainsbarre en trave sur « Love on the beat » … et c’est à peu près tout. Les univers esquissés par les deux n’ont rien à voir.

Il est des nooôôôtres ...
Miossec vient d’une culture folk. Pas le folk engagé et à message des Guthrie ou Dylan destiné à changer le monde ou la vie des gens, ici il est seulement question de raconter le quotidien du vulgaire pékin, de sa vie moche et de son existence morose, avec la picole comme fil rouge. Miossec ne charge pas non plus la mule sur le côté breton de l’affaire et ne s’empêtre pas dans la facilité d’un pénible revival celtique, avec en point de mire les bardes barbus comme Stivell ou Dan Ar Braz.

Le cadre musical qui entoure les courtes tranches de vie décrites s’articule autour d’une orchestration minimale, à base seulement de grattes acoustiques et d’une basse au service d’un talent mélodique indiscutable. Pas la moindre trace de batterie au long de ce Cd, et seuls quelques accords martelés de piano sur « Recouvrance » ou de très rares guitares électriques sursaturées et stridentes (sur « Crachons veux-tu bien », « Des moments de plaisir », « La fille à qui je pense », ou le dernier titre caché  plutôt expérimental) sont présents.

On pense quelquefois au minimalisme des Violent Femmes, à une version acoustique de Noir Désir et forcément à ce que feront plus tard par ici les Louise Attaque, le pénible crin-crin de la bande à Gaetan Roussel en moins…

Le talent mélodique, un Cd assez court (les 40 syndicales minutes), et les titres s’enchaînent sans donner l’impression de répétition … quelques uns surnagent du lot, les deux premiers, « Non, non, non, non, je ne suis pas saoul » qui définit le cadre acoustique et ce phrasé de Miossec entre voix parlée et chantée, et « Regarde un peu la France », le moins intimiste de tous, qui cabosse les portraits du Ministre de l’Intérieur de l’époque, homme de SAC et de corde et de l’entiaré du Vatican … La meilleure réussite du disque étant pour moi « La fille à qui je pense », reprise à Johnny Hallyday et transformée en  une sorte de folk-grunge avec ses couplets acoustiques et son irrésistible refrain hurlé et électrifié.

A noter que Miossec, souvent réduit à son chanteur et leader Christophe Miossec est un groupe (Miossec, Guillaume Jouan et Bruno Leroux).

Du même sur ce blog :
L'Etreinte







JOHN MARTYN - SOLID AIR (1973)


Son plus connu ...

John Martyn faisait du folk. Mais pas comme tout le monde. Ou pas seulement comme tous les autres. Lui mettait en plus une partie de son âme dans chaque morceau. Et s’investissait totalement dans sa musique, dans la Musique. Aucune barrière, aucun assemblage a priori disparate ne le rebutaient.

Son folk se teintait de jazz (« Solid Air » le morceau-titre, « Don’t want to know » que n’aurait pas renié son ami Nick Drake), de relectures toutes personnelles de standards du blues (« I’d rather be the Devil »). Les sonorités celtiques « zeppeliniennes » sont aussi là (« Over the hill »).

Ajoutez à cela un jeu de guitare inventif et une voix malléable capable de passer en quelques secondes du murmure au hurlement, et vous obtenez un des meilleurs artistes anglais du début des 70’s.

Malgré la qualité de ses disques (tous des échecs commerciaux), John Martyn est un des « oubliés » de l’Histoire du rock.

Mort début 2009 dans l’indifférence quasi-générale, y compris de la plupart des médias dits « spécialisés ».







BILLY BRAGG & WILCO - MERMAID AVENUE (1998)


Woody Guthrie still alive ...

Il y a des disques qui ont une histoire. Celle de « Mermaid Avenue » est étonnante.

A l’origine du projet, on trouve Billy Bragg, le Besancenot du folk anglais et créateur dans les années 80 du Red Wedge, courant musical et politisé (contre les exactions en tous genres du gouvernement Thatcher). Un Billy Bragg à la carrière sympathique mais à la célébrité confinée par essence à l’Angleterre.

Un jour qu’il se produisait dans un festival folk aux Etats-Unis, il reprend une chanson de Woody Guthrie. Dans le public, la fille de Guthrie, qui le contacte et lui montre des textes se son père jamais mis en musique.

Bragg s’attelle au travail et a l’idée d’appeler à la rescousse Wilco, groupe de country-rock méconnu, auteur d’un « Being there » salué par la critique et boudé par le public, et dirigé par Jeff Tweedy et Jay Bennett.

Le résultat sera ce « Mermaid Avenue », du nom de la rue où vivait Woody Guthrie à Brooklyn.

C'est pas bien de piquer les chemises à Neil Young ...
Et alors qu’avec un tel projet et Billy Bragg dans le coup, on était en droit de s’attendre à un de ses machins habituels (des folks acoustiques revêches et bruts dans l’esprit de ce faisait Guthrie), l’apport des Wilco va donner un des meilleurs disques de country-rock depuis les débuts du genre fin 60’s – début 70’s, un de ces disques intemporels dans la lignée de ceux de Gene Clark ou Gram Parsons.

Le 1er titre, un honky-tonk avec chœurs genre chansons de marins montre que tout est possible dans ces adaptations. « California Stars » suit sur un mid-tempo éclairé par de lumineuses parties de slide. « Way over … » fait tellement penser à du Gram Parsons qu’on s’attendrait à voir arriver le contre-chant d’Emmylou Harris. En fait, c’est celui de Natalie Merchant (10 000 Maniacs) que l’on retrouve ensuite seule au chant sur le merveilleux « Birds and Ships ».

« Hoodoo Voodoo » est construit comme un morceau de REM dans les 80’s, un exercice de style troublant et parfaitement réussi. « At my Window » renvoie à l’axe Byrds  - Petty, avant qu’arrive, au mitan du Cd le plus roots (juste Bragg et une guitare acoustique) et le plus court des titres, une déclaration d’amour à Ingrid Bergman (l’irradiante actrice de « Casablanca ») dont Guthrie était secrètement amoureux.

Un bluegrass sautillant ensuite (« Christ for President »), « I guess I planted » lui sonne comme un inédit du 1er Traveling Wilburys, « One by One » est du Dylan période « Blood on the Tracks », « Eisler on the go » ressemble à une de ces ballades post-nebraskaïennes comme Springsteen en tartine sur ses albums depuis trente ans.

« Hesitating Beauty » est lui juste un country-rock de base, le seul titre anecdotique du Cd. Un court morceau pianoté à la Randy Newman introduit le final épique, « The Unwelcome guest » grandiose ballade dévastée avec slide larmoyante, piano et harmonica traînards.

« Mermaid Avenue » : 15 titres et pas un seul à jeter. J’en connais pas beaucoup des Cds comme ça.

Il y a eu une suite « Mermaid Avenue 2 », comme toutes les suites, moins réussie.

Billy Bragg a continué à faire du Billy Bragg.
Wilco ont sorti l’année d’après un « Summerteeth » excellent et qui a commencé à vraiment faire parler d’eux. Avant en 2002, après un imbroglio ubuesque avec leur maison de disques un « Yankee Hotel Foxtrot » d’anthologie, accessoirement un des deux-trois meilleurs disques des années 2000.


NICK DRAKE - BRYTER LAYTER (1970)


Rayon de soleil

Dans la discographie rachitique de Nick Drake (trois disques, tous indispensables, celui-ci est le second), « Bryter Layter » est le plus enjoué. Enfin, enjoué selon les critères à Nick Drake, on est quand même assez loin de la Compagnie Créole.

Par rapport à « Five leaves left », le tempo s’accélère, les instruments sont plus nombreux (la rythmique de Fairport Convention, John Cale aux claviers, le disciple number one Richard Thompson à la gratte électrique, des cuivres, des cordes, …), même si la confection sonore reste la même (Joe Boyd à la production, Robert Kirby aux miraculeux arrangements de cordes).

On ne sait trop pourquoi ce changement notable par rapport à l’épure minimale du premier disque a eu lieu (en tout cas moi j’en sais rien ; si quelqu’un a des infos, je suis preneur …), mais dès le premier titre (un court instrumental guilleret et cuivré originalement baptisé « Introduction »), le ton est donné. « Bryter Layter » sera un disque plus léger, moins oppressant que son prédécesseur. Et cette atmosphère vaporeuse, aérienne, portée par des mélodies qui du coup paraissent encore plus parfaites et la voix brumeuse de Drake va perdurer tout du long du disque, même si quelques titres (les plus sobres) rappellent évidemment « Five leaves left »…

« Bryter Layter » est pour moi le disque le plus beau et le plus immédiatement accessible de Drake, avec mentions particulières pour des titres comme « One of these things first » (mélodie fragile à la limite de la rupture soulignée par les claviers de Cale) et le magnifique « Poor boy », avec ses chœurs féminins (P.P. Arnold est dans le coup) et son sax free-jazz …

Cd "Akuma No Uta" de Boris
Cette éclaircie dans la tête et la musique de l’amoureux transi de Françoise Hardy (elle aime à raconter qu’il passait des heures assis sans bouger et sans un mot à la regarder et l’écouter dans le studio londonien où elle enregistrait) ne durera pas et son ultime « Pink moon » sera beaucoup plus sombre …

A noter que la pochette de « Bryter Layter » (Nick Drake à côté de ses pompes) a été reprise (pastichée ?) par les nippons bruyants de Boris.



THE BYRDS - ORIGINAL SINGLES VOLUME I 1964 - 1967 (1967)



Un peu léger ...

16 titres de 64 à 67 constituant un parfait best-of  des débuts de carrière des Byrds.

Mais bon le Cd ne dure que 41 minutes, et même s’il s’agit de la réédition d’un vinyle, des morceaux supplémentaires auraient pu être rajoutés pour profiter de la capacité du support.

Ensuite, les titres ne sont pas remastérisés, alors que la plupart (tous ?) des albums studio du groupe ont été superbement réédités par leur label Columbia dans les années 90.

Tout ceci ne fait pas de ce Cd la meilleure compilation des Byrds sur le marché, même si elle offre une excellente approche de la période « Beatles » du groupe.

Tous les premiers hits, les plus connus et les plus universels sont là, de « Mr Tambourine Man » (reprise de Dylan sortie avant l’original du Zim), à la scie catho (« Turn turn turn), des merveilles (« I’ll feel a whole lot better ») écrites par Gene Clark, viré parce qu’il faisait de l’ombre aux deux stars auto-proclamées McGuinn et Crosby, à la grinçante « So you want to be a rock’n’roll star » (tout le Tom Petty sound en deux minutes) …

A conseiller juste pour une première découverte …


Des mêmes sur ce blog : 

RICKIE LEE JONES - PIRATES (1981)


En quête d'identité ?

Rickie Lee Jones est souvent affublée du surnom de « Tom Waits au féminin ». Et même si elle a partagé beaucoup de choses avec lui, et pas seulement son univers musical, cette comparaison est essentiellement due à son 1er album, celui de « Chuck E’s in Love ».
Et malgré elle, Rickie Lee Jones est souvent réduite à ce premier superbe disque. Et à tous les clichés qui lui sont rattachés : Los Angeles, le Tropicana Motel, l’alcool, les drogues, Tom Waits et ses amis …
« Pirates » affirme une certaine forme de rupture avec tout cela. Ambiances et morceaux plus sophistiqués, voire quelques fois ambitieux (« Traces of the Western Slopes »). Avec derrière la crème des requins de studio (Lukather de Toto, Fagen de Steely Dan, …). Moins bluesy et plus jazzy que le précédent, ce « Pirates » évoque parfois Steely Dan ou Joni Mitchell. Mélancolie et tristesse sont au cœur de ces huit titres.
Malheureusement pour Rickie Lee Jones les dés étaient déjà jetés (et pipés). Elle était la clocharde céleste de son premier disque, et avec ce changement de cap de « Pirates », ne trouvera plus qu’un succès critique et public confidentiel. Mais il a généré malgré tout quelques poignées de fans inconditionnels. Et c’est très bien ainsi.










NICK DRAKE - FIVE LEAVES LEFT (1969)


En chute libre ...

Nick Drake n’est jamais cité parmi les morts « flamboyants » de la fin des 60’s début des 70’s (Hendrix, Morrison, Joplin, B Jones,  …). Il n’a laissé que trois disques officiels, dont ce « Five laves left » de 1969 est le premier, qui ont été totalement méconnus et ignorés par ses contemporains.
Nick Drake, c’est le sens du dénuement appliqué au folk, avec des textes d’un pessimisme absolu. Une voix techniquement quelconque et limitée, des mélodies austères et glaciales, qui ne sont que l’aspect visible du désordre intérieur de son auteur. Qui après quelques séjours en hôpital psychiatrique, finira par trouver la mort à la suite de l’absorption (accidentelle ? suicide ?) d’une surdose médicamenteuse.
Ce disque est fait de petits riens. Produit par Joe Boyd (aux manettes sur le 1er Pink Floyd), mais surtout enluminé par des arrangements somptueux de cordes de John Kirby, venues en droite ligne de la musique baroque. « Way to blue », la bien nommée « Cello song », « Thoughts of  Mary Jane », « Fruit tree » offrent un écrin magique, évanescent et vaporeux sur lesquels Drake expose les tourments de son âme… Comme l’impression de voir quelqu’un en équilibre au bord d’un précipice dans lequel il finit toujours par basculer…
Ce disque, ignoré par tous lors de sa sortie, deviendra au fil du temps une œuvre culte, et Nick Drake sera cité comme une référence majeure par des gens aussi divers que ses amis Richard et Linda Thompson, John Martyn, puis plus tard par Kate Bush, REM, Paul Weller, … Et bien sûr par tous les groupes cultivant une certaine idée de la tristesse et du spleen dans l’Angleterre de la fin des 90’s (Belle & Sebastien, Tindersticks, …)
« Five leaves left » est un Cd magique à ranger pas très loin de ceux de Syd Barrett.





BRUCE SPRINGSTEEN - NEBRASKA (1982)



Unplugged

Et si ce machin, à la pochette austère et blafarde, était le meilleur disque de Springsteen ?
Entre deux déferlantes électriques pas toujours exemptes de reproches (« The River » et « Born in the USA »), Springsteen, seul avec sa guitare et son harmonica, se prend en même temps pour Dylan et Neil Young, et nous livre un disque de folk-rock plein d’histoires tristes et désabusées de l’Amérique profonde, celles des petites gens.
Ceux qui ne voyaient en Springsteen que le Boss, maître des cérémonies électriques de son E Street Band, oublient qu’à la base, c’est un conteur d’histoires et qu’il est autant influencé par les folk-singers que par les pionniers rock’n’roll.
Il nous livre là des merveilles : la ballade « Mansion on the hill », le rock’n’roll minimaliste de « Johnny 99 », « State Trooper » (son électricité discrète et menaçante, son phrasé proche de l’Alan Vega de Suicide), la rythmée « Open all night » que Mark Knopfler de Dire Straits a dû écouter avant d’écrire « Walk of life », …
Avant la mode lancée par MTV, Springsteen faisait de l’ « Unplugged », et rien n’est à jeter de ces quarante minutes magiques.

Du même sur ce blog :
Born To Run
Darkness On The Edge Of Town
Live / 1975-1985


















NEIL YOUNG - HARVEST (1972)


Universel

Quitte à ne pas être très original, autant asséner d’entrée qu’effectivement ce disque est incontournable. Une des pierres angulaires du rock, toutes chapelles confondues. En fait, c’est souvent le Cd que possèdent ceux qui n’ont qu’un seul Cd de Neil Young.
Son plus connu, son plus accessible (et pourtant avoir réussir à vendre des camions d’un album de country hors des USA tient du prodige, mais « Harvest » est prodigieux), son seul n°1 (« Heart of gold »), et tous les vrais fans du Canadien à chemise de bûcheron à carreaux vous le diront, pas son meilleur (perso, c’est « Weld », tout de rage électrique et de larsens à la tonne).
Tous les morceaux sont bons, mais deux surtout sont chargés d’histoires et d’anecdotes.
« Alabama » sur le racisme latent de cet Etat du Sud, ce qui entraînera une riposte musicale énergique des par ailleurs excellents Lynyrd Skynyrd (« Sweet home Alabama » en substance « si le Sud des USA te plaît pas, retourne au Canada »).
« The needle et the damage done », la chanson la plus grave du Cd, parle des ravages de l’héroïne dans l’entourage de Neil Young, et comme un sinistre augure, anticipe notamment la mort par overdose de son guitariste Danny Whitten. Cette chanson aura une suite trois ans plus tard : ce sera un album tragique, désespéré, le plus sombre de Neil Young : « Tonight’s the night ».

Du même sur ce blog :
Everybody Knows This Is Nowhere
On The Beach
The Monsanto Years






VAN MORRISON - HARD NOSE THE HIGHWAY (1973)




En roue libre ...
Il y a dans ce Cd comme une odeur de cendre, comme si le brasier de trop plein d’âme qui consumait Van the Man depuis quasiment une décennie, était, lentement mais sûrement, en train de s’éteindre. Ou, pour être plus méchant, comme des vapeurs de formol ou de naphtaline, comme si tout ce qu’il nous est donné d’écouter sur ce « Hard nose the highway », on le connaissait déjà par cœur.
Ce disque n’est pas mauvais, il est juste ennuyeux. Ici, nulle trace de ces bouffées sanguines qui faisaient éructer au jeune Irlandais des « Gloria » ou des « Mystic eyes », lui faisaient pulvériser les classiques du répertoire soul et rythm’n’blues du temps des Them. Pas non plus de ces grandes envolées mystiques où son gosier de feu incendiait les tempos jazzy de ses premiers disques solo, avec mention particulière à « Moondance », mon préféré …
Avec « Hard nose … », Van Morrison déroule … Il faut quand même lui savoir gré de ne rien céder aux airs du temps de ce début des 70’s, de ne pas faire rugir guitares et amplis Marshall, de ne pas se perdre dans des redondances pompières classico-progressives. Van Morrison reste lui-même, le souffle épique qui le caractérisait jusque là en moins.
« Snow in San Anselmo » et « Warm love » qui ouvrent le disque sont pour moi nettement au-dessus des autres titres… Van Morrison n’est pas « fini », témoin le double live « It’s too late to stop now » qui suivra, où, boosté par le public, il démontre qu’il est toujours capable de se transcender et de transcender son répertoire.
« Hard nose … » marque pour moi un tournant dans sa carrière. Désormais, on ne sera plus impressionné par ses disques, on les écoutera juste poliment. En essayant de réfréner des bâillements …

Du même sur ce blog :
Moondance




RUFUS WAINWRIGHT - WANT TWO (2004)


Piano Man

En voilà un qui porte un nom lui interdisant la médiocrité. Parce qu’on n’aurait pas fini de se gausser. Pensez, le fils à Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle, neveu d’Anna McGarrigle, frère aîné de Martha Wainwright … Que des musiciens dans la famille, et des parents très cotés dans leur Canada natal.
Ce « Want two » est un disque ambitieux, résultant des séances qui avaient également produit « Want one » quelques mois plus tôt. Il faut être assez sûr de soi et de son talent pour commencer un disque par un titre incantatoire en latin (« Agnus Dei »), prière sublime qui jette un pont entre le « Hallelujah » version Jeff Buckley et le qawwali de Nusrat Fateh Ali Khan. Un titre qui d’entrée file des frissons. « The one you love » qui suit est la chanson pop parfaite, forcément sous forte influence anglaise de la chose, avec chœurs féminins séraphiques.
Après pareille entame, on se dit que l’on tient là un très grand disque. Et puis, insidieusement, on déchante. Tout le cœur du Cd repose sur des tempos traînants, avec piano omniprésent, et clins d’œil plus qu’appuyés à la musique classique ou baroque. Et un parti pris souvent agaçant de chanter dans un registre proche de celui de Jeff Buckley, la qualité d’écriture en moins. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si « Memphis Skyline » est un hommage au noyé du Mississippi … Et à la longue, cette préciosité de l’instrumentation, ces parties de piano chiadées, cette voix affectée et maniérée, finissent par lasser.
Bon, des disques plus pénibles que celui-là, on en connaît. Des tas, même. Et il faut reconnaître que Wainwright sait composer, mais pendant une demi-heure on a l’impression d’entendre toujours le même titre. Et par un curieux effet de symétrie, il faut arriver aux dernières plages pour retrouver la qualité aperçue au début. « Crumb by crumb », pop planante et psychédélique, comme une chute de « Meddle » du Floyd, le duo avec Antony (des Johnsons), sur lequel l’empilement de vibrato de l’irréelle voix de l’Anglais fait merveille, sur une structure rythmique qui n’est pas sans rappeler celles des Talking Heads période « Remain in light ». Beaucoup plus anecdotique est la courte reprise d’un titre d’Arletty chantée, une fois n’est pas coutume quand il s’agit d’anglo-saxons, dans un français très compréhensible (Rufus Wainwright est à peu près bilingue).
Il faut aussi évoquer l’homosexualité revendiquée de Wainwright, car le thème revient dans certains titres, notamment un « Gay Messiah », qui vaut plus par le caractère iconoclaste du texte que par l’accompagnement musical.
En définitive, un disque quelque peu frustrant, car on a l’impression, malgré une bonne poignée d’excellents morceaux, que Rufus Wainwright est passé à côté de la réalisation d’une œuvre majeure.












ANTOINE - ANTOINE (1966)





Oh Yeah ?


Antoine, c’est une météorite. Qui a traversé le paysage musical en l’an de grâce 1966, avant de se perdre en Italie (le pays de ses origines) et de prendre l’eau dans tous les sens du terme, ne réapparaissant par chez nous avec des bluettes sans intérêt que dans les prime time de Drucker, Sabatier et consorts (« On l’appelle Cannelle », cette sorte d’horreurs), ou dans les spots de pub pour vanter les prétendus mérites de binocles (sur ce point, exactement comme son « ennemi » Johnny, mais il en sera question forcément de l’Hallyday dans ce commentaire), quand il fallait rafistoler son rafiot ou en changer …
Antoine s’est retrouvé affublé du titre de beatnik. Déjà à peu près un contresens, comme tout ce qui touche la culture de la jeunesse en France. La culture beat est à l’origine littéraire et américaine (Kerouac leur père à tous, ses disciples Ginsberg, Burroughs, …). Antoine s’est arrêté à la partie musicale de l’affaire, les Woody Guthrie, Ramblin’ Jack Elliott, Bob Dylan. Et encore par l’intermédiaire de leur admirateur principal, son copain le folkeux anglais Donovan (ils sont en photo ensemble sur le livret). Le folk est un genre inexistant en France au milieu des années 60, où seul Hugues Aufray s’escrime à adapter sans trop de succès les premières rengaines de Dylan.
Ce « Antoine », à l’origine un 33 T compilant des Eps, est composés de folks qui doivent beaucoup au petit frisé de Duluth, qu’ils soient acoustiques (« Petite fille ») ou électriques (« Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? », « Ne t’en fais pas ils rêvent », cette dernière faisant, et pas seulement par sa durée de plus de cinq minutes, irrésistiblement penser à « Like a rolling stone »). La jolie ballade à arpèges est aussi présente (« Bruit de roses », « J’ai oublié la nuit »), il y a même une incursion (ratée) vers le rythm’n’blues (« Métamorphoses exceptionnelles »). Voire vers la soul, avec « Une autre autoroute », titre à la mélodie voisine du « Stand by me » de Ben E. King, et saupoudré d’arrangements de sirtaki et de solos d’harmonica, pour moi « musicalement » le meilleur titre du Cd …
Mais ce n’est pas vraiment la musique qui a fait le succès d’Antoine, son backing-band, les Problèmes (futurs Charlots) ne se montrant guère irrésistible instrumentalement. Avec Antoine, c’est au niveau des textes que se situe l’essentiel. Non pas que des chanteurs à texte, il n’y en ait pas, à la limite il n’y a jamais eu que ça en France. Mais tous ces types qui semblent n’avoir jamais été jeunes (la sainte trinité Brel, Brassens, Ferré) sont des vieux qui font des disques pour des vieux. Antoine a 20 ans, et joue pour les gens de son âge, avec les mots et les thèmes que des jeunes comprennent. Le succès colossal des « Elucubrations » (tout est dit dans le titre, c’est du n’importe quoi qui rime) sera un rayon de soleil iconoclaste dans la France rance et grise de De Gaulle. Antoine ne respecte rien ni personne et le chante. Il n’est qu’à voir la réaction du pauvre Hallyday, brocardé dans une strophe, qui répondra par un « Cheveux longs, idées courtes » avant de se prendre lui-même quelques mois plus tard, en inconséquent pantin manipulé qu’il a toujours été, pour  un hippie.
Antoine ne se contente pas du délire informel des « Elucubrations ». D’autres titres mettent le doigt avec une longueur d’avance sur des problèmes dont va s’emparer la jeunesse et qui vont devenir récurrents dans la fin de la décennie. « La loi de 1920 », sur cette antique loi anti-avortement, montre toutes les batailles qu’avaient encore à mener les femmes dans la France gaullienne. Les pamphlets anti-militaristes (« La guerre », la comptine au vitriol « Pourquoi ces canons ») préfigurent les grandes vagues d’insoumission soixante-huitardes.
En tout cas, ce disque vaut bien mieux que l’image de skipper vaguement anar souriant et sympa que se coltine Antoine depuis des décennies. En 1966 , Antoine jetait les fondations de premières barricades qui allaient finir par pousser partout.
Même si avec cette réédition (d’excellente qualité sonore, soit dit en passant) la légende en prend un coup. On apprend ainsi dans les notes que tous ces titres que l’on croyait écrits par Antoine, ont en fait été pour la plupart déposés à la SACEM cosignés par un certain François Renoult. La légende de l’Antoine, rebelle auteur-compositeur-interprète seul contre tous se retrouve quelque peu écornée.
Le succès des « Elucubrations » ouvrait une voie pavée d’or pour la suite de sa carrière. Il n’en sera rien …
La suite au prochain épisode …