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DEF LEPPARD - HYSTERIA (1987)

 

Les premiers de la classe ...

Dans le monde très concurrentiel du rock, comme dans une finale olympique de 100 m, c’est jamais bon de prendre un mauvais départ. C’est pourtant ce qu’avaient fait les Def Leppard, groupe de minots de Sheffied (ville industrielle sinistrée du milieu de l’Angleterre, patrie de Joe Cocker, puis plus tard de Pulp et des Arctic Monkeys entre autres) lorsqu’ils avaient débuté au début des années 80, dans ce que l’on a imaginativement appelé la New Wave of British Heavy Metal. Les grands gagnants furent très vite Iron Maiden, Saxon et Judas Priest récoltèrent les accessits, et seuls les complétistes forcenés s’intéressèrent au cas Def Leppard.


Un groupe de potes, boys next door, moulinant gentiment un hard-rock de série B. Ils auraient pu devenir les Budgie ou les Wicked Lady de leur génération, jusqu’à ce qu’une bonne fée Clochette (en l’occurrence celle de « Hells Bell ») se penche sur leur berceau. Robert John « Mutt » Lange fut le catalyseur et l’accélérateur de la carrière de Def Leppard. Un producteur très radio friendly (il venait de « domestiquer » le son d’AC/DC en produisant « Highway to hell » et « Back in Black », et en faisant passer les Australopithèques au niveau supérieur question ventes), mais aussi un producteur « intrusif » (capable de participer à l’écriture et de « réorienter » le son du groupe).

Dès « High & dry » en 1981, Lange s’était occupé de la production de Def Leppard. Changement de braquet et d’implication avec le suivant, « Pyromania » (1983). Le succès du groupe devient exponentiel (plus de dix millions de copies/monde dépotées), tournées incessantes all around the world, Def Leppard devient une grosse machine qui compte dans le music business. Et puis l’accident industriel. Rick Allen, grand amateur de vitesse au volant de voitures de sports, se plante grave et y laisse un bras. Assez gênant quand on est batteur. Qu’à cela ne tienne, les autres musicos, dans un réflexe plus Spinal Tap que nature, le conservent, il aménage son kit, et après les moins connus garagistes sixties américains Moulty & The Barbarians, Def Leppard devient un groupe avec un batteur manchot …


« Hysteria » sera dès lors mis en chantier avec le difficile challenge de succéder au multi platiné « Hysteria ». Pour cela, Lange et Def Leppard vont pousser un peu plus loin le bouchon du son mainstream. Globalement, on s’écarte du hard rock stricto sensu. Aucun risque de confusion avec les grands anciens (le Zep, Purple, Le Sab, Aerosmith, …), pas plus qu’avec les contemporains dans une surenchère de bruit et de fureur (Maiden, les nouveaux arrivants Metallica, avec tout le speed-trash-machin dans leur sillage). S’il fallait trouver quelque chose d’approchant, ce serait les Scorpions de « Love at first sting », et tout le hard FM américain (Foreigner, la Bénatar, …, ce genre de choses). Intéressant (?) de constater que sur douze titres (pour plus d’une heure), pas la moindre trace d’un solo de guitare (quand on veut en foutre plein les oreilles et qu’on a pas de virtuoses des six-cordes dans le groupe, on a pas vraiment le choix). Rien que ce détail suffit à montrer que l’on quitte subrepticement le monde du hard … et qu’on lorgne effrontément vers celui des passages radio.

« Hysteria » en fout plein les oreilles. Trop à mon avis, mais bon comme personne en a rien à secouer de mon avis … L’intro accrocheuse, une marque de fabrique de Lange, est minutieusement travaillée. On n’oublie pas de mettre dans le tracklisting une paire de balades viriles (l’énorme succès « Still loving you » est passé par là). Et même si on communique pas là-dessus (quoi que …) en ce milieu des 80’s où les synthés sont rois, on n’en met pas un seul dans le disque. Tous ces arrangements tarabiscotés, ces enjolivures sonores sont faites en poussant dans ses derniers retranchements technologiques le traitement des guitares.

Le succès de « Hysteria » sera équivalent, voire meilleur que celui de « Pyromania » et Def Leppard entrera dans le club très très fermé des gens ayant vendu plus de dix millions de copies de deux albums consécutifs (on parle là de gens comme Michael Jackson, les Eagles, les Spice Girls, Madonna, autrement dit du très beaucoup mainstream). On est avec ce genre de disques dans l’irrationnel le plus complet, ainsi sept (oui, quatre et trois) singles en seront extraits (comme sur « Thriller » de Michou J.), chose inimaginable pour une rondelle sortie sous l’étiquette « hard ». Les boys next door, même s’ils ont pas grand-chose de sexy, vont faire la une des journaux et magazines (spécialisés ou pas), et on verra beaucoup leurs trombines, coiffures chiadées, fringues de bad boys milliardaires, brillants comme une Dacia neuve (ils ont rien de Ferrari du rock, les pauvres gosses).

Bling-bling attitude sur scène ...

Bon, trente cinq ans plus tard, il faut en retenir quoi, de cette histoire ? Un son peaufiné à l’extrême, un truc bien propre, bien joli, et, comment dire, bien ringard aujourd’hui. Tout ce déluge d’effets sonores, ces montées chromatiques hyper-prévisibles étaient bien là pour ratisser large, et tant pis pour l’art (l’hard ?).

De la litanie de singles, on peu retenir, par ordre d’apparition, « Rocket » (hymne, comme la plupart d’ailleurs, de stade), « Animal » (le plus effrontément FM ?), « Pour some sugar on me » (très bêtement et méchamment efficace, mix entre « We will rock you » de Queen et « I love rock’n’roll » de Joan Jett), et la ballade mid-tempo « Hysteria ». De toutes façons, tout se ressemble, la recherche de l’hymne à stades semblant être le plus grand dénominateur commun de tout le tracklisting, mais sur la longueur, tout ce formatage finit par être quelque peu épuisant …

« Hysteria », c’est le sommet et aussi un peu le chant du cygne des Def Leppard. Condamnés, comme Sisyphe, à pousser pour l’éternité leur gros caillou sonore ripoliné. De toute façon, ils étaient cuits. Les Metallica allaient enclencher la vitesse supérieure, et l’espèce de glam metal des Leppard, allait se voir copier (Motley Crue et une ribambelle d’autres), avant de se faire déborder par cinq toxicos teigneux traînant dans tous les endroits chelous de Sunset Boulevard … On ne remerciera jamais assez les Guns’N’Roses et leur premier disque d’avoir fait le ménage dans le genre …



THE CURE - SEVENTEEN SECONDS (1980)


 Cold Wave ...

Un beau jour, dans les années 2000, parce qu’il ne sortait plus que des mauvais disques, ou que plus personne n’en achetait, ou les deux, y’a un manager fûté qui a dit à ses poulains qu’ils avaient qu’à rejouer en concert l’intégralité et dans l’ordre des titres leurs vieux disques, ceux que les gens aimaient et avaient achetés. Je sais pas qui a eu l’idée, ni qui a commencé, mais tous les quadra-quinquas voire plus du rock s’y sont collés. On prenait la masterpiece de la disco, on étirait un peu les morceaux, une heure passait, rideau, deux ou trois hits en rappel et l’affaire était dans le sac, merci chers fans pour votre contribution au quotidien de nos vieux jours …

Gallup, Tolhurst, Smith & Hartley : The Cure 1980

Cure n’a pas échappé à la règle. Sauf que jouer un disque en entier, une poignée de titres en rappel et plier les gaules au bout d’une heure et quart de scène, c’était pas vraiment le genre de Robert Smith, qui dans ce cas-là aurait passé plus de temps à se crêper la tignasse, se maquiller le groin avec du noir, du blanc et du rouge à lèvres pétard, qu’à être sur scène. Parce qu’à l’instar d’un autre vioque du New Jersey et de ses poteaux de la rue E, Smith tient facilement trois heures sur les planches … et donc la solution pour coller à l’air du temps et en donner au public pour son argent fut pour les Cure de ne pas jouer l’intégralité d’un vieux disque, mais l’intégralité de trois vieux disques en concert. Ainsi, lors d’une tournée dont j’ai la flemme de rechercher la date, furent successivement balancés au public « Seventeen seconds », « Pornography » et « Desintigration » dans leur intégralité, plus quelques rappels, et il n’était pas rare que le groupe reste beaucoup plus de trois heures sur scène …

Tout ce pensum introductif pour dire que « Seventeen seconds » est un disque important pour les Cure. Apparus trop tard pour être les Sex Pistols ou les Clash et trop tôt pour être Eurythmics ou Depeche Mode, l’avenir des Cure semblait incertain. Les premiers titres du groupe partaient dans tous les sens, que ce soit sur le premier « Three imaginary boys », ou sur la compilation (ouais, je sais, sortir une compilation après seulement un disque, c’est pas très malin, mais Cure sortait plein de 45 T et de maxis, et cette compile « Boys don’t cry » c’était un peu une façon de prendre le train en marche pour ceux qui avaient raté le premier Lp). Et à propos de train, pas grand-monde l’a pris, le Cure des débuts est un groupe confidentiel dont la ligne musicale n’est pas vraiment définie, et au futur en forme de point d'interrogation.


Parce que Cure n’est pas un groupe. Robert Smith écrase tout le monde, c’est le Lider Maximo, et ça commence à défiler dans le casting … Manière de faire se poser des questions sur l’avenir de Cure, il va faire une pige comme guitariste chez Siouxsie & the Banshees. Après quelques mois d’existence, l’avenir des Cure est déjà une totale spéculation.

Robert Smith garde son pote batteur Laurence Tolhurst, vire le bassiste Michael Dempsey, embauche Simon Gallup à la place, et complète le line-up avec aux claviers un certain Matthieu Hartley, qui ne passera même pas un an dans le groupe et dont on a perdu la trace depuis … Les Three Imaginary Boys devenus quatre comme les Mousquetaires vont aller en studio pour en sortir « Seventeen seconds ». Et avec « Seventeen seconds » va commencer à s’écrire la saga Cure …

Finies les reprises saugrenues d’Hendrix, les tourneries pop, les petits rocks épileptiques et autres incongruités antérieures, et place au Cure sound, celui qui va quasiment définir une génération, celle des années 80. Quand la formule sera rodée et définitive, on verra les rues encombrées de silhouettes unisexes très Walking Dead, longs cheveux crêpés, orbites noircies, fond de teint farineux, lèvres carmin vif, fringues noires et baskets montantes blanches sans lacets. Le look de Robert Smith dans les eighties sera le plus copié, avant la décennie suivante celui de Kurt Cobain (mais là, c’était plus facile, moins disruptif …).

Niveau look, on n’en est pas encore là avec « Seventeen seconds ». Smith a vingt et un ans, le cheveu court, et une bonne bouille ronde sympathique … le parfait boy next door en somme. Niveau musique, par contre, ça commence à se démarquer de toute concurrence. Non pas que ce soit foncièrement original. On sent que Robert Smith (qui est le compositeur quasi unique et exclusif du groupe) a pas mal écouté Joy Division, et Cure s’essaie à sa façon à reproduire le martèlement rythmique du groupe de Manchester. Le tempo est lent, métronomique, les instruments forment un magma sonore d’où s’extraient des arpèges de guitare ou de piano, la basse est très mélodique (souvent une Fender VI à six cordes), le chant est fort, aigu, plaintif, et des mots tels que « cry », « scream », « tears », « blood », « dark », « rain », commencent à se poser comme la base lexicale des textes de Smith.

« Seventeen seconds » n’est pas parfait, mais la formule qu’il propose n’aura pas besoin de beaucoup d’évolutions pour devenir un des marqueurs sonores les plus facilement identifiables du rock. Qu’on l’aime ou pas, le son des Cure, on le reconnait instantanément …

Le disque débute par un instrumental (« A reflection ») tout en lenteur enchevêtrée de piano et guitare. « Play for today » qui suit est un des sommets de la rondelle, avec ce son de batterie tellement trafiqué (Mike Hedge, producteur depuis les débuts, Chris Parry, patron de leur label Fiction Records et Bob Smith co-produisent) qu’on la croirait électronique. L’intro, comme souvent chez Cure, atteint ou dépasse la minute, la voix de Smith trouve son registre qui la fait instantanément reconnaître. Seuls des synthés un peu datés et un rythme plutôt allegro (pour Cure s’entend) montrent les tâtonnements dans la mise en place du classic Cure sound…


Et « Seventeen seconds » c’est un peu ça tout le temps. C’est un disque de mise en place, un premier chapitre (d’ailleurs avec ses deux suivants « Faith » et « Pornography », on parlera souvent – au grand dam de Smith, et il a raison, « Pornography » est brûlant comme du métal en fusion » - de la trilogie « glaciale » de Cure). Il y a des petits trucs, qui à la réécoute à l’aune de tous ses successeurs, piquent les tympans. Si Smith sait commencer ses morceaux par de longues intros, il ne sait pas toujours les finir, certaines fins de titres sont plutôt abruptes (« Secrets », « M »). Parfois tout est en place et les titres auraient pu figurer sur au hasard, « The Head on the door », comme par exemple « In your eyes ». D’autres fois, des petits détails, parce que l’ensemble est quand même un bloc homogène, rendent un titre quelconque (« Three »).

Deux titres se démarquent. Leur premier single classé (31 dans les charts anglais, c’est pas « Seventeen seconds » qui a rendu Smith millionnaire) est « A forest », pas grand-chose à dire, c’est du classic Cure, et accessoirement le titre le plus joué par le groupe sur scène. L’autre titre majeur, c’est « M » qui met en avant ce côté « on sautille dans le désespoir », qui décliné et dupliqué par la suite (« In between days », « Why can’t I be you ») remplira bien les poches de Fatbob. Petite parenthèse sur les succès de The Cure. Leur titre peut-être le plus connu, « Boys don’t cry » (en gros mise en forme musicale joyeuse du désespoir) qui réunit les qualités de « M » et « A forest », est sorti en single avant la parution de « Seventeen seconds » sans obtenir le moindre succès. Ce n’est que lorsque la gloire du groupe sera atteinte que Smith le ressortira en 86 pour là faire un carton mondial …

« Seventeen seconds » tant par sa musique que par sa pochette (des arbres morts ou au moins sans feuilles dans le brouillard) sera le premier grand marqueur de ce qu’on appellera cold wave. Car même si l’expression a déjà été utilisée pour d’autres (Siouxsie, Wire, P.I.L., …), c’est The Cure qui en deviendra la figure de proue …

Un disque bien rafraîchissant par les temps de canicule …


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Pornography



PUBLIC IMAGE - PUBLIC IMAGE (1978)


 Bad Religion ?

Tout commence avec les Sex Pistols … ou plutôt tout commence avec la fin des Sex Pistols. Le plus célèbre – provocateur – vendu (rayer la ou les mentions inutiles) orchestre punk, une fois paru son manifeste « Nevermind the bollocks » part vite en sucette (merci au crétin ingérable Sid Vicious, et aux divagations managériales de Malcolm McLaren), de toute façon, comment aurait-il pu en être autrement, les Sex Pistols par définition et essence n’étaient pas faits pour durer …

Walker, Levene, Wobble & Lydon : Public Image 1978

Le premier à claquer la porte (il ne supportait pas McLaren) et signer de fait la mort du groupe est Johnny Rotten. Qui reprend son état-civil (John Lydon), et entend montrer à la Terre entière que son génie n’a pas besoin d’un groupe de bras cassés et de McLaren pour éclater à la face du monde … Lydon étant quelque peu connu, il n’a pas trop de mal à monter un groupe. Et tant qu’à faire, il choisit pour l’accompagner des gens qu’il connaît depuis longtemps. Keith Levene à la guitare. Pote de Vicious et ayant fait partie d’une des formations du Clash avant qu’ils enregistrent leur premier disque pour CBS. Jah Wobble tiendra la basse. Lui et Lydon se connaissent depuis des années, il a appris la basse de façon autodidacte parce qu’il est fan de reggae et de dub, et n'a pas la réputation d’un type commode, ses poings étant son principal outil de communication … Le batteur (Jim Walker) sera recruté via une petite annonce.

Au départ et encore plus une fois la machine Public Image en marche, il sera évident que c’est le groupe de Lydon. Il faut des envies de généalogiste pour recenser tous ceux qui participeront au groupe, censé être encore en activité, même si ses parutions sont très épisodiques depuis le début des années 90. La première formation n’échappe pas à la règle du turn-over. Le batteur ne fera qu’un album, Jah Wobble se fera virer en 1980, et Keith Levene en 83, ces deux-là gardant une rancune certaine à Lydon …

« Public Image » le single inaugurera la carrière de Public Image le groupe. Et assure la transition avec les Pistols. On est en terrain sonore connu (la voix de Lydon, la pulsation rock brute de décoffrage), avec un petit côté grinçant et répétitif en plus. Ce titre ouvrira la seconde face du vinyle original.


Qui atteint pile les quarante syndicales minutes. Au prix de quelques délayages. Faut dire que le budget alloué par Branson et Virgin a surtout servi en « remontants » divers et variés, et que cette bande d’ingérables n’est pas forcément la bienvenue dans un studio d’enregistrement (la légende – mais en est-ce une – prétend que Jah Wobble démolira un ingé-son tatillon et pas convaincu de sa technique à la quatre-cordes). D’où des titres à rallonge (quatre titres sur huit flirtent où dépassent les six minutes, voire les neuf pour « Theme »), assez loin des formats punks de 2’30 alors de rigueur, des mixages étonnants (« Attack » beaucoup plus mat et étouffé que ce que l’on avait entendu jusque-là, ou « Fodderstompf » le reggae-dub expérimental et mutant final) montrent que du personnel qualifié et compétent n’est pas inutile en studio, surtout quand le trio a eu l’idée saugrenue de produire la rondelle …

Il n’en reste pas moins que « Public Image » constituera une déflagration non négligeable dans le landernau musical londonien. Par facilité linguistique, on appellera ce nouveau son post-punk, étiquette facile et qui permettra de ranger tous ceux qui s’en inspireront (… ou pas, il suffira qu’ils ne respectent pas les « règles » originelles du punk pour s’en trouver affublés).

« Public Image » n’invente rien, mais pioche et assemble des choses que l’on n’avait pas l’habitude de voir frayer ensemble (un peu de musique industrielle, de rock, de krautrock, de punk-rock, de prog même, le Johnny est très fan de Peter Hammill le chanteur de Van der Graaf Generator, et ça s’entend parfois). Technique musicale rudimentaire oblige, on est dans le lancinant, le crissant, le grinçant et le répétitif. Hormis des schémas de batterie saccadés, l’approche musicale est assez souvent celle du reggae, avec basse en avant et guitare à contre-temps (mais jouée façon tronçonneuse). Maintenant on a entendu des millions de groupes (pas forcément les plus doués) jouer comme ça, mais force est de reconnaître qu’en 1978, c’était plutôt novateur.

Et puis, ne surtout pas oublier que Lydon, en plus d’une technique de chant assez particulière, genre muezzin qui appelle les fidèles à la prière, est un type qui n’a pas la langue dans sa poche (avoir affaire à lui en interview ou en conférence de presse était un exercice attendu – et redouté – par tous les journaleux rock), et un certain sens des punchlines qui dépasse largement les capacités de Praud, Bouleau, Salamé ou Polony.


Sur « Public Image » le thème central est la religion (chrétienne en l’occurrence, mais Lydon les déteste toutes). Le Paradis est appelé à aller se faire foutre dès le premier titre (« Theme »), titre noirâtre sur la mort (le verbe « to die » revient bien une vingtaine de fois). C’est encore pire sur les deux « Religion ». Le « Religion I » est juste un court speech ultra-violent (1’25) contre l’Eglise catholique. Et manière d’enfoncer le clou dans les paumes des mains ou la plante des pieds de ceux qui auraient pas saisi, les mêmes paroles sont mises en musiques sur « Religion II ». Et cerise confite sur l’hostie rance, « Annalisa » sur une trame de rock assez simple et basique, donne le point de vue de Lydon sur Anneliese Michel, jeune allemande prétendument possédée et exorcisée 67 (!) fois, jusqu’à ce qu’elle meure la vingtaine à peine dépassée …

Pour être tout à fait exhaustif, mentionnons « Low life » qui ne vaut que pour les psalmodies nasillardes de Lydon.

Lequel, quoi qu’il ait pu en dire, n’a pas atteint avec Public Image l’aura naturellement indépassable des Sex Pistols. Livré à lui-même, avec des comparses extatiques aux ordres, Public Image (qui s’appellera selon les circonstances Public Image, Public Image Ltd, ou P.I.L.) deviendra vite une carricature de son premier disque (« Metal Box » est aussi bon, la suite ne sera que dégringolade artistique), n’obtenant son seul vrai succès qu’avec le single bâclé et (donc forcément) répétitif « This is not a love song » …


THE SMITHS - THE QUEEN IS DEAD (1986)

 

Rois et Reine ...

Et s’il ne devait en rester qu’un des disques des Smiths, ce serait celui-là. Loin, très loin au-dessus des autres, n’en déplaise au fan-club (ou aux Inrocks, ce qui revient au même). Et pourtant, quand il sort, ce « The Queen is dead », troisième disque du groupe, les Smiths n’ont déjà plus rien à prouver. Et il n’y a même pas deux ans et demi qu’ils ont fait paraître leur inaugural album éponyme.


Entre-temps, ils sont devenus une institution en Angleterre, dernière sensation de rock indé à guitares. Dans un paysage musical gangréné par de la pop à synthés, ils s’obstinent dans une formule guitare-basse-batterie-chant … Bien aidés pour atteindre les sommets par les machins de plus en plus pompiers que publient les acclamés une paire d’années plus tôt U2 et Simple Minds (de toutes façons disqualifiés pour le titre de meilleur groupe anglais, les premiers sont Irish et les seconds Scottish). Tous les magazines musicaux anglais vouent une vénération aux Smiths. Faut dire que les Anglais aiment bien le rock, surtout quand c’est eux qui le font. Et donc, plus les groupes forcent sur le « so british », plus le public local leur fait un triomphe. Après les Jam et en attendant Oasis, c’est l’heure des Smiths … même Londres, pourtant souvent jalouse et aimant afficher une supériorité arrogante vis-à-vis des ploucs provinciaux, s’entiche de ces Mancuniens. Ailleurs dans le monde, que dalle, au mieux un succès d’estime… Un peu normal, les Smiths ne sont pas les Beatles, et ne cultivent pas l’universalisme musical.

Et ne changent rien avec « The Queen is dead ». Qui débute par le morceau éponyme, rengaine uchronique (et un des plus longs titres enregistrés par les Smiths, plus de six minutes) se moquant du grand dadais de Charles, appelé à régner maintenant que sa mère est morte. Caustique et moins direct que le « God save the Queen » des Pistols, mais pas moins malin. On reste au second degré (un Anglais digne de ce nom ne doit pas s’attaquer de quelque façon que ce soit à la Couronne). Ce ne sera pas toujours le cas. Morrissey deux ans plus tard sur son premier disque solo chantera un peu équivoque « Margaret on the guillotine » (vous me direz, Thatcher était pas Reine …).

Morrissey & Marr

Fidèles à leur réputation friendly gay, les Smiths mettent un beau mâle sur la pochette (Alain Delon, photo tirée du peu connu film « L’insoumis » d’Alain Cavalier), et reconduisent une méthode gagnante. Marr compose toutes les musiques, Morrissey tous les textes, Stephen Street est à la console (même si cette fois-ci Marr et Morrissey co-produisent avec lui). Les progrès viennent d’une qualité mélodique supérieure, sans titres de remplissage un peu bâclés, d’un chant tout en micro-nuances de Morrissey (finies les pénibles montées dans les aigus), et d’un Johnny Marr qui se lâche à la guitare. Sans foutre les Marshall sur onze, sans se perdre dans des solos pentatoniques à rallonge (d’autant plus que les Smiths ont très peu à voir avec les gammes bluesy) « The queen is dead » est le disque qui permet de comprendre pourquoi ce type discret et taiseux est considéré comme le meilleur guitariste des années 80 ;

Et il contraste avec l’exubérance de Morrissey au niveau des textes, qui prend un malin plaisir à cultiver une sorte d’impressionnisme loufoque (la mélodie la plus enjouée, celle de « Cemetary Gates », est une visite des pierres tombales des grands poètes romantiques anglais, Wilde, Yeats, Keats). Le gars est capable d’hommages littéraires, mais ne dédaigne pas le nonsensique complet (« Frankly Mr Shankly » et sa mélodie sautillante, l’exubérant « Somme girls are bigger than others »). Comme souvent, Morrissey est là où on ne l’attend pas, Marr a plusieurs fois évoqué sa surprise de le voir écrire des paroles légères sur des rythmes tristes et inversement, de mettre les refrains sur ce qu’il avait composé comme couplets, … ce sont ces contrastes surprenants qui participent aussi au charme des Smiths …

Mais point n’est besoin d’une licence de musicologie ou d’une maîtrise parfaite de la poésie de la langue anglaise pour apprécier ce disque. Il y a des choses d’une évidence immédiate. « I know it’s over » par exemple, la ballade sixties revisitée façon crooner avec un  Morrissey sur les traces vocales de Sinatra. Quand on sait combien se sont vautrés dans le pathos ou la grandiloquence dans ce genre d’exercice, on apprécie d’autant plus ici le résultat.


Les Smiths, comme les plus grands sont aussi un groupe à singles. Pas forcément présents sur les albums, même si ici on a trois qui ont bien marché dans les charts : « Bigmouth strikes again », le meilleur selon moi avec un grandiose Johnny Marr, « There is a light that never goes out », et son riff présentant des similitudes troublantes avec celui de « There she goes again » du Velvet Underground, et « The boy with the thorn on his side », un peu surchargé à mon goût, sur la thématique de la jalousie passionnelle meurtrière. Je lui préfère le loufoque, enjoué et moqueur « Vicar in a tutu ». Et s’il faut trouver un maillon faible à cette rondelle, ce sera « Never had no one ever » (un peu trop) tourbillonnant et (un peu trop) lyrique …

« The Queen is dead » sera l’apogée des Smiths. Un autre disque suivra qui sent l’épuisement du filon (« Strangeways, here we come »), Marr aura envie d’explorer d’autres horizons musicaux, Morrissey (ancien président du fan-club anglais des New York Dolls) voudra mettre un peu de paillettes glam dans ses chansons, et la section rythmique Rourke et Joyce en aura assez de jouer les faire-valoir anonymes des deux stars qui se partagent l’écriture …


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The Smiths


FISHBONE - TRUTH AND SOUL (1988)

 

Random ...

Fin des années 80, le machin qui devait révolutionner nos oreilles s’appelait fusion. Fusion, on en causait depuis longtemps, mais ça rimait depuis Miles Davis et ses disciples avec jazz (no way donc). Vers 1988, plein de types essayaient de faire rimer ça avec du rock au sens large. En pole position pour rafler la mise, trois groupes : Urban Dance Squad, Living Colour et Fishbone. Deux-trois ans plus tard, les incontestables gagnants de l’affaire seraient Rage Against The Machine et Red Hot Chili Peppers, réduits à leurs acronymes (RATM, RHCP). Et les trois autres ? Aux oubliettes de l’histoire même si bon an mal an, je crois qu’ils existent tous encore …


Fishbone donc. Une bande de potes blacks de Los Angeles qui à l’époque de « Truth and soul » jouaient ensemble depuis une dizaine d’années et n’avaient sorti qu’un seul disque ignoré de tous. La Columbia qui les avait signés allait miser sur eux et les envoyer avec du budget en studio. Et aux manettes le malin David Khane, qui savait comment faire sonner un disque pour faire tinter les tiroir-caisse (il venait d’emmener les Bangles au jackpot avec « Different light », on le retrouvera bien plus tard derrière les Strokes ou Lana Del Rey).

Résultat : mitigé, très. Sans que les types de Fishbone soient en cause (ils assurent musicalement, sont plusieurs à composer correctement, ont un leader charismatique, …), ni Khane (il a fait son job pour « Truth and soul »), s’impliquant même dans l’écriture de quelques titres). Là où ça coince, c’est que leur fusion musicale, ils l’ont pas faite comme tous les autres. Quand certains comme RATM se sont contentés de mélanger phrasé rap et riffs zeppeliniens jusqu’à plus soif, les Fishbone ont fait des titres ne mélangeant rien, mais s’inspirant chacun d’un courant musical (de la soul, du rhythm’n’blues, du jazz, de la ballade acoustique, du hardcore, de la country, du ska, …). Un peu comme si tu allais chez Deezer, Spotify et leurs semblables épiciers de streaming en mp3, et que tu prennes une lecture aléatoire de leur catalogue … on appelle ça passer du coq à l’âne …

Angelo Moore

« Truth and soul » part dans tous les sens, et même au-delà. Ça commence par une bizarrerie, une reprise plutôt lourdingue de « Freddie’s dead » de Curtis Mayfield (sur la fabuleuse B.O. du film « Superfly »). Chant viril, ambiance power trio hendrixien (avec cuivres à la place des violons de l’originale), perso ça me laisse plus que circonspect, et je me demande si mettre ce machin d’entrée était un choix judicieux … D’autant que le titre qui suit, « Ma and Pa », ska festif comme si les Specials avaient bouffé une troupe de clowns, est plutôt sympa et un des meilleurs morceaux de la rondelle …

Ensuite, les Fishbone, s’évertuent à aligner des titres sans aucun rapport entre eux, même pas la façon de les appréhender au niveau sonore. Certes, on trouve des cuivres, normal, y’en a deux ou trois qui soufflent dedans dans le groupe, dont le chanteur Angelo Moore, symbolique figure de proue de la troupe (d’ailleurs c’est le seul avec un guitariste à assurer depuis quarante ans le line-up original). Globalement, c’est plutôt rythmé (Pink Floyd ou les Cure ne semblent pas être la tasse de thé du groupe), mais c’est tellement ressemblant à des choses déjà entendues (et souvent en mieux) qu’on n’en voit pas très bien l’utilité …


Allez, petit inventaire à la Prévert. Vous aimez le punk hardcore à la Bad Brains ? « Subliminal fascism » est pour vous … Un peu de Talking Heads période « Remain in light » ? « One day » fera l’affaire (tout juste, c’est pas terrible du tout comme titre) … La soul blanche des Dexys Midnight Runners ? Y’a ça en stock, ça s’appelle « Mighty long way » … Le disco caraïbe de Kid Creole ? « Question of life » est pour vous (malheureusement sans les chœurs sexy des Coconuts) … Un peu de jazz festif à la Luis Prima ? Pas de problème, rendez-vous piste 7 « I like to hide behind my glasses » … Les basses slappées des derniers jours du disco vous manquent ? « Bonin’ in the boneyard » va vous ravir … Une jolie ballade acoustique un peu boursouflée, de celles qui feront la fortune des RHCP ? Faut pousser jusqu’à la dernière piste, « Change » … Une saugrenue trame country ? Accrochez vos Stetson avec « Slow bus movin’ » … Vous rêvez d’entendre Danny (Pas très) Brillant reprendre les Andrews Sisters ? Précipitez-vous sur « In the name of swing » … Et on pourrait jouer à ce petit jeu pour l’ensemble des quatorze titres …

Bon, faut être honnête (si, si, ça peut m’arriver), certains morceaux sont plutôt sympathiques. « Ghetto soundwave » qu’on dirait sorti de « Sandinista ! » du Clash est pas mal du tout, le reggae-soul de « Pouring rain » tient la route, en plus des « Ma and Pa » et « Change » déjà cités …

Conclusion mathématique : un tiers de réussites, deux tiers sans grand intérêt …


JOY DIVISION - CLOSER (1980)

 

Mémoires d'Outre-Tombe ...

17 mai 1980 : Ian Curtis, chanteur dépressif et épileptique de Joy Division se dispute pour la énième fois avec sa femme dans la soirée. Il a une vie sentimentale compliquée, marié jeune, père d’une petite fille, vit avec une autre femme et veut divorcer. L’épouse légitime se casse chez sa mère, Ian Curtis regarde à la télé « Stroszek » ("La ballade de Bruno" en français) de Werner Herzog (pas exactement une comédie, c’est l’histoire d’un musicien raté qui finit par se suicider), puis manière de rester dans l’ambiance se passe en boucle « The Idiot » d’Iggy Pop (pas vraiment le genre de disques de fin de banquet). Après cette nuit joviale, au petit matin du 18 Mai, Ian Curtis se pend dans sa cuisine.

Ian Curtis

Le groupe devait partir sous peu pour une tournée américaine. Pas sûr que les bouffeurs de burgers auraient fait un triomphe aux broyeurs de noir anglais, mais Joy Division traversait pas l’Atlantique sans rien dans la besace. Un single (« Love will tear us apart ») était en cours de pressage et était le meilleur titre écrit par le groupe. Un trente-trois tours (fini d’enregistrer, sur lequel ne figure pas « Love … ») devait le suivre. Et forcément tout s’est écroulé … et écoulé en quantités (la mort est très vendeuse dans le rock), sans toutefois atteindre des ventes mirobolantes…

Parce que Joy Division n’est pas un groupe facile, flirtant (et inventant aussi un peu) avec le post-punk, le gothique, la cold wave, autant de genres musicaux que tout un chacun n’écoute pas forcément au lever, manière de commencer la journée de bonne humeur. Evidemment, la mort de Curtis va amplifier le nom et l’importance de son groupe. Le débat le plus récurrent du rock va se mettre en place. D’un côté les adorateurs de la première heure qui vous diront que c’était mieux avant, et de l’autre ceux qui rejoignent la caravane et vous assènent que c’est bien mieux maintenant …

Je vois mes millions de lecteurs, les yeux hagards, la bave aux lèvres, attendre mon indiscutable verdict : puisqu’ils en ont fait que deux (sans compter bien sûr tous ces machins post-mortem exhumés et le plus souvent sans aucun intérêt), quel est le meilleur disque de Joy Division, lequel faut-il avoir sur ses étagères. Ma réponse sera claire nette et précise : soit aucun des deux, soit les deux …

Summer, Curtis, Morris & Hook : Joy Division

Non « Closer » n’est pas à ranger dans le tiroir éculé (de ta mère) du toujours difficile second album obligatoirement moins bon que le premier, cet axiome vaseux de ceux qui n’y comprennent rien (ça marche pour les Doors, Pink Floyd, le Clash, mais pas pour les Beatles, les Stones ou Led Zeppelin, y’a quand même des trous dans la raquette de la démonstration) … Les deux disques de Joy Division se ressemblent. Avec des nuances. « Unknown pleasures » est un disque de Martin Hannett qui produit Joy Division, « Closer » est un disque de Joy Division produit par Martin Hannett … et c’est pas pour le plaisir de sortir une affirmation cryptique que je dis ça. Sortez vos crayons, prenez des notes, je m’explique.

Le son de « Unknown pleasures » est inouï au sens premier du terme. Cette façon de faire sonner la batterie, de distribuer les instruments dans l’espace, de remplir cet espace avec un minimum de sons, cette appétence pour les stridences, quand c’est sorti, y’avait rien qui ressemblait. Et Hannett rejoignait dès son coup d’essai le club très fermé de ces producteurs qui ont révolutionné le son, aux côtés de George Martin, Phil Spector, et Lee Perry (liste close). Une telle démonstration d’innovation faisait pour moi passer les morceaux du groupe au second plan, c’était le son loin devant, avant tout le reste.

La production de « Closer » est moins démonstrative, moins innovante. Foncièrement originale, mais axée sur des éléments essentiels. La batterie reproduit les schémas complexes du motorik (on pense souvent à Jaki Liebezeit de Can) et évite quasi absolument toute utilisation des cymbales. La basse très en avant amène la mélodie (comme dans le funk), sauf que chez Joy Division rien ne sonne funky. La guitare ponctue les séquences rythmiques au lieu de les diriger, au strict opposée du blues et de ses dérivés. Tout est overdubbé sur plusieurs pistes et passé par tout un tas de bidules (échos, delays, flangers, …) commandés depuis la table de mixage. Et par-dessus tout ça la voix de baryton triste de Curtis va aussi loin dans les graves que celle de Jim Morrison sur « L.A. Woman ».


Mais derrière la chape de plomb, New Order met de l’écriture, de la mélodie. Des chansons. Radicales. Flippantes. Sombres. Mais des chansons. Sans envie qu’elles plaisent et qu’elles finissent sur les playlists FM.

Joy Division, c’est la matrice d’une grosse partie de la musique des années 80, et pas toujours la pire. Rajoutez à Joy Division l’envie de faire une soirée disco, et vous obtenez New Order. Si vous voulez un peu plus de mélodie, vous tombez sur la trilogie dite « glaciale » des Cure. Un peu plus de synthés, vous obtenez OMD, l’Eurythmics des débuts et tous ces groupes à synthés du début de la décennie. Refilez à Joy Division des pilules de toutes les couleurs, et vous obtenez Happy Mondays, Stone Roses, House of Love … Beaucoup des descendants, reconnus ou pas de Joy Division viendront comme eux de Manchester. Les années 80 seront celles de la lutte d’influence avec Londres, la province qui tient musicalement la dragée haute à la capitale n’était pas chose envisageable jusque-là. L’affaire deviendra mondiale dans les années 90 avec la (fausse) guerre Oasis – Blur.

Beaucoup des influences évidentes sont dans « Closer ». La froideur des Cure, elle est dans « Twenty four hours », les synthés prennent le dessus sur « Decades », New Order est en filigrane dans « A means to an end » ou la danse (macabre) de « Isolation ». D’autres titres renvoient eux aux maîtres inspirateurs de Joy Division. « Atrocity exhibition » et sa rythmique c’est Can, « Colony », c’est Bowie qui ferait du glam dans des catacombes, Heart and soul » malgré son titre de standard jazz, évoque Suicide …

Association d’idées, la pochette de « Closer » est une de celles qui se remarquent, renforçant à l’extrême le côté dark du groupe. Comme celle de « Unknown pleasures », elle est l’œuvre de Peter Saville, retouchant une photo d’une composition sculpturale géante de Pietà prise dans un cimetière italien. Après le suicide de Curtis, beaucoup crieront à la prémonition. Peut être beaucoup plus prosaïquement, elle représente parfaitement ce qu’on trouve dans le disque …


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Unknown Pleasures

J.J. CALE - GRASSHOPPER (1982)

 

Sautillant …

Pour s’y retrouver facilement dans la discographie de JJ Cale, c’est pas très compliqué : plus ses disques sont anciens, meilleurs ils sont. Sachant que les moins bons disques du JJ valent les meilleurs de ses nombreux disciples (au rang des plus célèbres on trouve Clapton et Knopfler). Ceci posé, on peut parler de ce « Grasshopper ».

Paru en 1982, alors que Cale a déjà construit mythe et légende, et après une décennie de frénésie créatrice … Frénésie créatrice à son rythme (une quinzaine de rondelles en quarante ans de carrière).  « Grasshopper » est le septième. Pas besoin de compter, le suivant, fidèle à la fainéantise légendaire (et donc comme toutes les légendes, plutôt fausse) sera imaginativement baptisé « #8 ».

Alors que ce qui caractérisait le Cale des débuts c’était ce côté traînard, acoustique et épuré, au service de mélodies de première bourre, au début des 80’s, tel un Robert Pirès laidback, JJ Cale a musclé son jeu. Peut-être influencé par ceux qui le reprenaient (les riffs électriques du Clapton de « Cocaïne »), Cale se branche sur secteur et pousse les potards vers la droite. Bon pas sur onze non plus, mais suffisamment fort pour réveiller les crotales qui somnolent à côté de sa caravane dans le désert à côté de Tulsa, Oklahoma. Même si là aussi, l’histoire du misanthrope solitaire dans son mobil-home est à nuancer. Cale a pris épouse (Christine Lakeland, qui s’impliquera de plus en plus dans l’œuvre de son mec, on y reviendra), ne dédaigne pas bouffer du bitume (ou du tarmac) pour aller enregistrer (Nashville et Los Angeles  pour ce « Grasshopper »), et sait s’entourer (outre le fidèle alter ego Audie Ashworth à la coproduction, des pointures généralement issues du milieu des requins de studio country viennent cachetonner, et des types reconnus comme le guitariste Reggie Young ou le pianiste David Briggs – le producteur de Neil Young – sont présents sur de nombreux titres).

Donc avec « Grasshopper » JJ Cale fait du rock des années 80 (aujourd’hui, on appellerait ça du dad rock), ce qui le concernant, sonne presque comme une insulte. Cale vaut (et a fait) mieux que ces petits boogies sautillants, ces blues en roue libre, ces rhythm’n’blues blanchis, ces reggae (putain du reggae …) très approximatifs, ces instrumentaux bâclés. Le plus souvent, Cale, perdant sans doute la raison et tout sens de la mesure et du bon goût, se laisse même aller à chanter, ou au moins à chantonner.

Il ne reste que deux choses du JJ Cale des débuts. La concision (quatorze en trente-cinq minutes, fans des solos de Bonamachin ou du Stevie Ray à chapeau, circulez) et l’écriture (même s’il s’applique parfois à bien les pourrir, tous ses titres sont écrits couplet, refrain, pont, chorus, solo, arrangements, il manque rien). Et Cale qui a toujours su éviter tout de même l’écueil de la surcharge, montre qu’il est capable de torcher un titre rien qu’avec sa voix et sa guitare acoustique (« Drifters wife » comme du Dylan rêche des débuts). Et cette concision et cet art de l’écriture sauvent – presque – ce disque.

C Lakeland & JJ Cale

Il y a quelques bons morceaux. Dont « City girls » d’entrée. Mélodie voisine du « Train du soir » de Manset (alors dans sa période sous influence Dire Straits) et sautillements boogie (honteusement pompés par … Dire Straits pour « Walk of life », le monde est parfois petit …). On trouve ce titre sur toutes les compiles de Cale. Où il voisine souvent avec « Devil in disguise », le meilleur titre de ce « Grasshopper », petit boogie sans prétention, alliant simplicité, composition et interprétation parfaites. A côté de cette honnête doublette introductive, les douze morceaux suivants sont un peu à la traîne. Ça sonne bien trop souvent roue libre complète, voire pire quand Cale livre des titres désinvoltes, limite foutage de gueule, genre « vous voulez du blues, du rhythm’n’blues, du reggae, du jazzy … eh bien tenez … ». Se pointent alors sans conviction des « Don’t step ahead of the blues », « Nobody but you » (avec section de cuivres ?!), « Does your mama like to reggae », l’instrumental final « Dr Jive ». Et quand la Lakeland, telle une Yoko Ono sudiste, devient envahissante (heureusement la plupart du temps elle se contente d’harmoniser et d’un peu de guitare rythmique), se mêlant d’écriture, d’arrangements et de chanter en duo, on touche le fond (le « Does your mama …» déjà évoqué), ou lorgne assez lourdement vers les charts (« Don’t wait » comme du Creedence anorexique).

Il faut souvent dans ce « Grasshopper » savoir se contenter de peu … comme de la jolie intro au piano de la balade à bout de souffle « You keep me hangin on » (rien à voir avec le hit des Supremes), le petit riff métallique de « Can’t live here », le rendu sonore qui renvoie aux débuts du JJ de « A think going on » (mais à la mélodie totalement inconsistante), le joli gimmick de « Mississippi River » …

De ces petits bouts de talent éparpillés, à cette époque-là, Clapton s’en serait volontiers contenté (il entamait une relation musicale honteuse avec rien de moins que Phil Collins, comme quoi trois quilles de cognac par jour, ça attaque pas que le foie, ça touche aussi les oreilles, putain Phil Collins …). Et pas très loin, Knopfler et son banquier prenaient des notes et allaient passer à la caisse …

Et JJ Cale dans tout ça ? Comme d’hab il vendait que dalle, et devait s’en foutre …


Du même sur ce blog :

BASEMENT 5 - 1965-1980 (1980)

 

Punky reggae party ...

Basement 5 est un groupe météoritique. En comptant large, deux ans d’existence, de 1978 à 1980. Avec de plus une instabilité remarquable. Le groupe a été fondé par Don Letts, un nom qui doit bien dire quelque chose aux connaisseurs du Clash. C’est lui qui aura souvent en charge la partie visuelle de la bande à Strummer et Jones (photos, vidéo-clips, reportages), avant de co-fonder Big audio Dynamite avec Mick Jones, une fois celui-ci viré du Clash …

Letts fonde donc et est le leader de Basement 5. Rôle qu’il abandonnera assez vite, jusqu’à ce qu’il soit remplacé par un autre gars à dreadlocks, Dennis Morris. Pas vraiment une superstar, mais pas un inconnu non plus. Il fut pendant des années le photographe officiel de Bob Marley (on lui doit de nombreuses pochettes de disques du Bob) avant d’être celui des Sex Pistols. Il suivra immédiatement Lydon dans l’aventure PIL (c’est Morris qui réalisera le logo du groupe, ainsi que le célèbre packaging de la « Metal Box »).

Dennis Morris

Morris est un Anglais d’origine jamaïcaine, arrivé en Angleterre en 1965 (d’où le titre du disque, censé (re)présenter la société anglaise et son évolution de son arrivée à la date de réalisation de la rondelle). Morris ne succèdera pas seulement nominativement à Letts, il prendra également la direction totale du groupe : conception du graphisme et du logo de Basement 5 (pas sa meilleure création), définition de la direction musicale et du thème des titres, participation à l’écriture de tous les titres et chant lead. Bon, Morris n’est pas à la base Otis Redding, et les grosses quantités de weed inhalées n’aident pas à éclaircir sa tessiture vocale. Au résultat, le chant (ou plutôt les déclamations) ressemble assez à celui de Joey Starr. D’autant qu’au niveau phrasé, on est chez Morris entre reggae et rap …

Musicalement, on a toujours en filigrane des structures reggae. Les colleurs d’étiquette vous diront que Basement 5 c’est du post-punk. Chronologiquement, on peut pas leur donner tort, même si l’aspect post punk se borne à recopier le son de PIL, les Basement 5 n’ont pas vraiment fait avancer quelque schmilblick que ce soit … Mais le groupe a pu compter durant sa courte activité discographique (un simple, ce « 1965-1980 », et « In dub » un maxi 45-T reprenant quelques titres de « 1965-1980 » en version dub, comme son intitulé l’indique) sur un joker. Et pas n’importe quel joker, Martin Hannett himself. Qui est comme tout le monde (?) sait, le producteur des deux mythiques disques de Joy Division. Et on retrouve sur ce « 1965-1980 » toutes les caractéristiques de la production de Hannett, et cette noirceur sonore oppressante, que le tempo soit lent ou rapide. Et son travail avec Basement 5 a le mérite de mettre les choses au clair : le son de Joy Division, qui allait inspirer des générations de déprimés tendance suicidaire, il a bel et bien été inventé par Hannett, la bande à Curtis n’y est pour pas grand-chose …

Dès lors, l’écheveau est facile à dérouler : Basement 5, c’est à l’exacte intersection de PIL et Joy Division aux prises avec un reggae lent et lourd … et avec le cousin de Joey Starr au chant. En clair amateurs de fanfreluches, fioritures et guipures sonores flatteuses pour l’oreille, passez votre chemin. Pour les textes, le militantisme marxiste de Strummer semble être la référence évidente (en encore plus agressif et mordant dans le ton, Morris ayant la malchance (?) de ne pas être blanc. Les lignes de convergence avec le Clash sont nombreuses. Si vous voulez savoir d’où viennent les sirènes de police utilisées en rythmique sur « Police on my back » (sur « Sandinista » fin 80), écoutez le premier titre de « 1965-1980 », « Riot » (certainement en référence au « White riot » de Vous-Savez-Qui).


Bizarrement, Basement 5 réussit à transformer un handicap, soit une rythmique reggae qui swingue comme un duo d’enclumes (et on parle même pas du batteur, qui dans un parfait scénario spinaltapien a quitté le groupe le premier jour d’enregistrement), en une machine de guerre tribale et énervée (un peu comme le feront les Bad Brains, eux aussi cousins sonores, de l’autre côté de l’Atlantique). Le disque sonne forcément monolithique tout en restant plutôt efficace, avec quelques titres qui surnagent, même si les influences sont assez transparentes le Clash pour « Hard work » et « Last white Christmas », PIL pour « No ball games » ou « Union games »). Plus rarement, des trouvailles qui semblent propres à Basement 5 se distinguent. « Immigration », sinueux avec guitare jazzy, ou l’ultime « Omegaman », annonciateur du raggamuffin (mix de reggae, de rap et d’effets électroniques), et doté d’un remarquable (?) et interminable fading de deux minutes.


Le plus bizarre dans cette affaire étant le boulot de Hannett. Peu de monde devait l’attendre sur un truc reggae. Il poussera avec Basement 5 le bouchon encore plus loin, produisant leur disque suivant, un maxi 45-T de cinq titres reprenant des titres de « 1965-1980 » en version dub. Des dubs lourds, lents et menaçants, assez éloignés dans l’esprit et le résultat des merveilles de – au hasard – Lee Perry revisitant les titres de Marley. Ces deux disques, qui représentent la quasi-totalité des enregistrements de Basement 5, devenus rares au fil des années, ont été réédités sur le même Cd par les gens du label belge Play It Again Sam au début des années 90.

Pour l’anecdote le look assez improbable que les Basement 5 affichent sur nombre de photos, vient d’une sorte de blague. En majorité noirs et en goguette dans une rue commerciale, ils sont rentrés dans un magasin londonien de sport dédié au ski, pour acheter les démesurées lunettes de soleil alors en vogue sur les pistes de poudreuse, et en sont ressortis équipés de pied en cap avec les combinaisons de ski flashy de l’époque …

Chacun est libre d’apprécier (ou pas) le résultat visuel …

Par contre, au niveau sonore, malgré quelques réserves, ça envoie bien le bois …




THE SMITHS - THE SMITHS (1984)

 

So British ...

Ouais, parce que plus anglais tu peux pas … déjà le nom du groupe. Choisi parce que Smith est le nom de famille le plus répandu du bon côté de la Manche (si l’on cause musique) … Mais c’est pas le tout d’avoir un nom qui va causer à ses concitoyens… Les Smiths, le temps de leur courte existence (une poignée d’années) furent chaque fois désignés par les lecteurs de la presse musicale (anglaise, évidemment) comme le meilleur groupe de l’année, voire du siècle. Une popularité mesurée à l’aune des Beatles et des Jam avant eux, et d’Oasis la décennie suivante.


Hors de la perfide Albion, que dalle … à tel point que le fan-club français du groupe, pour que l’on parle des Smiths dans les mags musicaux hexagonaux, n’eurent que la possibilité de créer le leur, de magazine musical. Ils le baptisèrent les Inrockuptibles, et bon an mal an, le mag persista dans une ligne éditoriale branchée, s’éloignant autant que les contraintes économiques le permettent, du mainstream, quitte à s’extasier pour des tocards terminaux … mais ceci est une autre histoire …

Les Smiths, donc … une curieuse entité bicéphale. A Johnny Marr la partie musicale. Le type est guitariste, jeune, et capable de fulgurances mélodiques remarquables. Il est considéré par ses pairs comme le guitariste le plus talentueux des 80’s, alors qu’il n’a strictement rien d’un virtuose qui s’expose et ne fait pas rugir des empilements de Marshall. Ce serait plutôt un taiseux discret.

Morrissey & Marr

Le contraire du chanteur et auteur des textes, le dénommé Steven Patrick Morrissey, dont le nom de famille lui servira de nom de scène. Lui, il cherche depuis quelque temps (il a vingt-trois ans, quatre ans de plus que Marr au début des Smiths) son quart d’heure de gloire dans l’underground artistique et musical (il a été président du fan-club anglais des New York Dolls, a fondé celui des Cramps, et se fait publier dans la presse anglaise grâce à de multiples lettres qu’il envoie aux rubriques « Courrier des lecteurs »). Il écrit des textes plutôt sombres et tordus. C’est un ami des deux (Billy Duffy, guitariste des hardeux steppenwolfiens The Cult) qui fera se rencontrer Marr et Morrissey. Leur alliage sera celui du feu et de la glace, Morrissey l’extraverti et Marr l’introverti. L’un cherche l’ombre, l’autre fait un numéro assez étrange sur scène, chante et danse lascivement comme un pantin désarticulé. Signe décoratif notoire des premiers temps, Morrissey est grand consommateur de glaïeuls, glissés dans son dos dans la ceinture du pantalon. Les fleuristes de Manchester seront en rupture de stock les soirs de concert, les filles du public inondant la scène de glaïeuls… Morrissey apparaît comme un sex symbol … las, les groupies doivent déchanter, le chanteur revendique une activité sexuelle quasi nulle (il se prétend tour à tour vierge, homo, bi) et ses fréquentations amoureuses et ses goûts sexuels resteront mystérieux longtemps (il est très occasionnellement gay) malgré une nuée de paparazzi qui le traquent … Par contre, il gardera un sens de la communication exacerbé, parfois acéré et direct (intituler une chanson sur Thatcher « Margaret on the guillotine » est plutôt explicite), parfois beaucoup plus abscons (« Suffer little children », on en recausera plus bas de celle-là), voire navrant (de multiples prises de position certes alambiquées mais tellement souvent répétées qui ont montré dès la fin des 80’s une certaine affinité avec les théories du National Front anglais, copie conforme du parti de la Le Pen family)…

La préhistoire des Smiths, c’est le parcours classique dans le total anonymat, de multiples groupes avec de multiples comparses, avant que la bonne formule se mette en place, et que les Smiths viennent au monde. Détail géographique plus qu’important, les Smiths sont de la scène de Manchester et fortement influencés par les « stars » locales récentes (Buzzcocks, Joy Division, The Fall). Bien que d’emblée les Smiths aient un succès aussi conséquent qu’imprévisible, et ce dès leurs trois premiers singles, « Hand in glove », « This charming man » et « What difference does it make », qui se comporteront fort honorablement dans les charts nationaux.


Ces trois titres sont présents dans leur première rondelle dont au sujet de laquelle il est question ici, ce qui ne sera pas toujours le cas (comme au hasard les Beatles, nombreux seront les singles des Smiths qui ne figureront pas dans leurs albums).

« Hand in glove », un de leurs titres les plus évidents, aura une vie après les Smiths. Morrissey assiègera quasiment le staff de Sandie Shaw (une de ses idoles, chanteuse pieds nus des sixties, qui avait touché le firmament avec « Puppet on a string », scie gagnante de l’Eurovision en 1967, et tombée aux oubliettes depuis), la quadragénaire diva reprendra la chanson pour un numéro un anglais. « This charming man » sera un des classiques absolus des Smiths, typique du Smiths sounds, et introduit par un riff qui me semble repiqué sur celui de « Souvenirs, souvenirs » de feu le mari de Laeticia Boudou.  « What difference … » j’ai beaucoup de mal avec celle-là parce que Morrissey, encore à la recherche de son style vocal, passe la moitié du titre à se forcer à piailler dans les suraigus, et putain ça fait trop mal aux oreilles …

Mêmes tics vocaux, mêmes causes et mêmes effets pour « Miserable lie ». Tout ça pour dire que « The Smiths », s’il constituera pour certains une révélation et se vendra très très bien, n’est pas pour moi un indispensable, ni même pas un de ces début albums qui marquent leur époque. Les Smiths se cherchent encore et ne se trouvent pas toujours. Il se dégage de ce premier disque une certaine uniformité qui vire parfois à la monotonie. Marr ne se lâche pas encore aux compositions, et Morrissey cherche encore sa voix. Avant d’être totalement originaux par la suite, les Smiths piochent leurs musiques aux frontières du rock (« You’ve got everything now », « What difference … »), ou même du ska (« Pretty girls make graves »).


Mais surtout les Smiths sont à l’opposé de ce qui marche, qui se vent par camions. Inutile de chercher chez eux le gros son de batterie à la « Born in the USA », les démonstrations virtuoses d’un Prince, le racolage commercial d’une Madonna, … Les Smiths seront les rois de la mélodie mid-tempo (« Still ill »), de la ballade cabossée de crooner (« I don’t owe you anything »). Avec des paroles qui claquent et font réagir. Ici, la controverse viendra de « Suffer little children », qui fait allusion à des meurtres d’enfants par un serial killer dans la région de Manchester. Les faits sont récents, et les prénoms des victimes sont cités. Polémique (Victor), des familles seront offusquées, d’autres reconnaissantes, les textes de Morrissey, toujours impersonnels, laissent la porte ouverte à toutes les interprétations, et cette ambiguïté littéraire sera sa marque de fabrique.

Et les Smiths feront aussi causer avec leurs pochettes. Ils mettront souvent en photo des icônes masculines ou gay (voire les deux). Ici, c’est Joe d’Alessandro (photo extraite du film « Flesh » d’Andy Warhol), il y aura Jean Marais sur un single en 87, et Alain Delon sur leur chef-d’œuvre « The Queen is dead » en 86.

Les Smiths, vu leur succès, seront souvent cités comme références (enfin, Morrissey et Marr, tout le monde a oublié le nom de la section rythmique), leur style sera vite reconnaissable aux premières mesures, mais musicalement, peu se réclameront de leur influence. Ont-ils placé la barre trop haute, ou ne sont-ils que des étoiles filantes au cœur d’une décennie musicale souvent décriée ?

Vous avez deux heures pour répondre …


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