MIKE NICHOLS - LE LAUREAT (1967)

 

Mrs. Robinson ...

On va commencer par la fin … le support. Apparemment une version de 2021 d’un Blu-ray plus ancien, distribué par Studio Canal via Universal. Studio Canal, ils sont souvent coupables de rondelles bâclées genre service minimum. Cette version du « Lauréat » est tout bonnement somptueuse. D’après une restauration du film en 4K (c’est juste du 1K sur le Blu-ray, mais ça suffit, les films vieux de plusieurs décennies supportent pas toujours très bien la très haute résolution), son 5.1 DTS en V.O… Et au moins six ou sept heures de bonus, dont trois commentaires intégraux du film (Mike Nichols & Steven Soderbergh, Dustin Hoffman & Katharine Ross, et un prof de cinéma (?) allemand). Commentaires pas toujours captivants sur la durée (notamment celui du prof allemand, qui fait du commentaire audio stricto sensu, nous décrivant ce qu’on voit à l’image, mais c’est une joie de l’entendre prononcer dans sa langue natale des « Mizzizz Robinnzzzonn »). Se rajoutent quasi une heure d’interview de Mike Nichols (sur l’ensemble de sa carrière, mais « Le lauréat » y tient une place importante), un exposé sur la place du film dans le cinéma des 60’s, des interventions de personnalités pour qui il a vraiment compté (avec notamment un Henry Rollins, théoricien du punk hardcore et tous tatouages en avant, qu’on ne s’attendait pas forcément à retrouver là), un laïus sur la musique dans le film (par là aussi une Allemande, filmée chez elle devant sa bibliothèque dans laquelle on voit des milliers de bouquins, mais pas un seul vinyle ou Cd, d’où une intervention farcie de clichés, d’approximations et d’inexactitudes), le screen test d’une longue scène entre Hoffman et Ross qu’on ne retrouvera pas dans le film, des interviews d’acteurs et de gens qui ont participé à l’élaboration du film, et j’en passe … Le tout intégralement sous-titré en français, ce qui là aussi est suffisamment rare pour être souligné …

Hoffman, Bancroft & Nichols

« Le Lauréat » c’est d’abord un bouquin. De Charles Webb, paru en 1962, écrit alors qu’il n’avait que 21 ans, et inspiré par le milieu étudiant californien dont il faisait partie. Les droits du bouquin sont quasi immédiatement rachetés par un petit producteur, Lawrence Turman, qui y met toutes ses économies (1000 dollars). Il donne le bouquin à lire à son copain Mike Nichols, les deux compères décident d’essayer de l’adapter au cinéma. Ce sera le premier film de Nichols. Un premier scénariste, Calder Willinghan bosse sur le projet, rien de bon n’en sort, et c’est finalement un quasi inconnu, Buck Henry qui reprend le boulot. Contrats léonins hollywoodiens, c’est Willingham (qui n’y est pour rien) qui voit son nom cité en premier dans les crédits du film. Buck Henry aura cependant une contrepartie, c’est lui qui interprète le réceptionniste hilarant du Taft Hotel dans le film, ce qui lui vaudra d’entamer une carrière intéressante de seconds rôles et d’écriture de scénarios.

Le réalisateur, c’est donc Mike Nichols. D’origine allemande (il a fui avec ses parents le régime nazi), parcours à l’Actor’s Studio, connu des initiés pour son duo comique à succès avec Elaine May, il se tourne à New York vers la mise en scène théâtrale, où son boulot est remarqué et reconnu, et c’est un pote de Robert Redford. D’ailleurs dès que le projet « Le Lauréat » est mis en chantier, le quatuor d’acteurs envisagé se compose de Robert Redford, Candice Bergen (Benjamin et Elaine), Ronald Reagan (!) et Doris Day (?) pour les parents Robinson. Problème, la préparation du film prend trois ans, et entre-temps Nichols va tourner son premier long-métrage. Pas exactement n’importe lequel, puisqu’il s’agit de « Qui a peur de Virginia Woolf ? » avec le couple Burton-Taylor recréant dans un huis-clos les engueulades avinées qui étaient leur quotidien dans la vraie vie. Pluie d’Oscars et de nominations à la clé, et donc les choses peuvent s’accélérer pour la mise en chantier du « Lauréat ».


« Qui a peur … » a été tourné en noir et blanc. « Le Lauréat » sera aussi en noir et blanc, mais en couleurs … Je m’explique. Grâce au génie (mot parfois vite utilisé, mais qui ici prend tout son sens) du directeur photo Robert Surtees, doyen de l’équipe du film. Des images en couleurs donc mais tout en contrastes clair/obscur, noir/blanc. Colossal boulot sur les éclairages pour obtenir ces contrastes, grosse imagination pour les costumes (la mère de Benjamin, jouée par Elizabeth Wilson, actrice de théâtre, connaissance Nichols, et personnage le plus drôle du film, est toujours habillée en noir et blanc). Avant toute autre considération, « Le Lauréat » est un chef-d’œuvre visuel. Un plan génial toutes les dix minutes, en gros. Les plus remarquables, la caméra subjective d’un Ben en tenue de plongée à travers son masque, les personnages filmés dos au soleil quand Ben est dans la piscine, la jambe de Mrs. Robinson en train de remettre ses bas au premier plan avec Ben au second plan (le visuel de beaucoup de supports vidéo), l’arrivée de Mrs. Robinson lors du premier rendez-vous à l’hôtel que l’on voit se refléter dans la table en verre, la même dans l’entrebâillement de la porte lors de l’aveu de Ben à Elaine, … et le plus beau de tous, ce plan en légère contre plongée des deux amoureux à l’hôtel avec cadrage à l’oblique (déjà vu dans « Citizen Kane », et dont Welles (ab)usera dans « La soif du mal »).

Les belles images, ça flatte les pupilles, mais si ça donne de belles scènes, c’est encore mieux. De ce côté-là, ça se bouscule aussi. Ça se bouscule tellement, qu’il n’y a pratiquement rien à jeter pendant une heure trois-quarts. Certes, Nichols est un metteur en scène maniaque et les scènes étaient très écrites. On apprend cependant que quelques-unes parmi les plus mémorables sont dues à des improvisations. Deux exemples. Quand Benjamin ramène Mrs. Robinson chez elle et qu’elle commence salement à l’allumer assise au bar, lorsque Benjamin est en face d’elle mais pas dans l’axe de la caméra, Anne Bancroft pose une jambe sur un tabouret, dévoilant à Dustin Hoffman ses sous-vêtements, c’était pas dans le script, et ça n’a fait que rajouter un vrai trouble à celui qu’il jouait. Retour de manivelle, lors de la première rencontre dans la chambre d’hôtel, Hoffman n’était pas bon. Au bout de quelques prises, Nichols le prend à part, et lui dit de se comporter comme la première fois qu’il a touché une fille. Et donc quand Bancroft enlève son chemisier, il lui pose gauchement la main sur le sein. Elle est surprise, on le voit une fraction de seconde dans ses yeux, elle improvise en frottant son chemisier comme si elle enlevait une tache ou de la poussière. Là Hoffman disjoncte, sent le fou-rire le gagner, tourne le dos et va se cogner la tête contre un mur pour évacuer le fou-rire. Bancroft croit que la scène va être coupée, c’est très visible par son relâchement, Hoffman revient, enchaîne sur le dialogue écrit, et elle le suit. Ce morceau de scène improvisé a été gardé et ce flottement dans le jeu des deux acteurs bien apparent participe pourtant à sa réussite.

Esprit d'Orson Welles, sors de ce corps ...

Le casting du « Lauréat » va se révéler exceptionnel. Il va lancer la carrière de Dustin Hoffman, choisi sur une intuition inspirée de Nichols et Turman. Hoffman est un acteur de théâtre new-yorkais qui commence à faire parler de lui. Il vient de prendre une agent, qui lui conseille de tenter l’audition à Los Angeles. Il y va sans conviction, ne reçoit pas un bon accueil de Nichols, qui lui fait cependant faire un bout d’essai avec une autre quasi débutante, Katharine Ross. Toutes les parties concernées l’avouent, ils sont tous les deux choisis un peu par défaut, étant jugés moins mauvais que les autres acteurs castés. Anne Bancroft, l’autre sommet du triangle majeur du film était elle un des premiers choix des producteurs, et livre une fantastique performance de garce intégrale. Autre anecdote, l’acteur quasi débutant qui devait jouer Mr. Robinson avait été choisi depuis quelque temps. Voyant que les débuts du tournage étaient sans cesse reportés, il a rendu son contrat et est allé tourner un autre film. Ce choix, vu le succès qu’a rencontré « Le Lauréat », aurait pu lui être fatal. Il faut croire que pour lui les planètes étaient bien alignées. Cet acteur c’est Gene Hackmann et le casting qu’il a rejoint c’est celui de « Bonnie & Clyde » …

De belles images, des scènes d’anthologie, des acteurs magnifiques, c’est déjà beaucoup. Mais « Le Lauréat » a connu un immense succès parce qu’il raconte une histoire qui fait exploser les codes convenus et puritains du cinéma hollywoodien. Avec un autre film « scandaleux », « Bonnie & Clyde », il va poser les jalons de ce qu’on appellera par la suite le Nouvel Hollywood, quand au début des années 70, de nouveaux réalisateurs (Scorsese, Coppola, Spielberg, …) et de nouveaux acteurs (De Niro, Dunaway, Pacino, Redford, Nicholson, Streep, …) viendront à leur tour bousculer l’establishment … L’histoire du « Lauréat » est ancrée dans son époque, ces années soixante où tous les codes moraux et sociaux établis commencent à voler en éclats. La trame générale n’est pas forcément originale au cinéma. « Le Lauréat », c’est Dustin Hoffman, fils de famille CSP+ comme on dirait aujourd’hui qui vient brillamment de finir un cycle d’études lui assurant à l’avenir une belle réussite professionnelle. Lors de la réception donnée en son honneur par ses parents, il se fait brancher violemment par une de leurs amies, Mrs Robinson, et va entamer avec elle une liaison purement sexuelle. Jusqu’à ce que la fille des Robinson, Elaine rentre à la maison quelques semaines plus tard et impressionne rapidement le puceau maintenant dévergondé. La mère-amante va devenir jalouse et rivale, et la fille ne va évidemment pas apprécier la situation.

Le point de départ, l’histoire d’amour avec une grande différence d’âge n’est pas nouvelle. « Lolita » bien sûr, mais même le couple Scarlett O’Hara – Rhett Butler dans « Autant en emporte le vent » avaient labouré avec succès (et scandale) le même terrain. « Harold et Maude » explorera de façon plus sensible et poétique le même sujet, et tout le monde s’y mettra par la suite, même en France (Cayatte avec « Mourir d’aimer » sur l’affaire Gabrielle Russier, jusqu’au douteux Brisseau avec « Noce blanche »). « Le Lauréat » ne se contente pas d’un point de départ, il nous montre aussi le cheminement des personnages. Ce qui pousse Mrs. Robinson a jouer les cougars, l’évolution de Benjamin qui s’extrait peu à peu de son rôle d’objet et d’esclave sexuel, l’évolution des relations entre Ben et Elaine, du mépris sordide affiché par le premier au début, jusqu’à l’enlèvement final … Ce film dans lequel tout est permis, et surtout ce qui relève de l’interdit bien-pensant s’ancre parfaitement dans les bouleversements qui secouent la Californie de la seconde moitié des sixties (les hippies de San Francisco, la drogue, l’amour libre, la contre-culture surtout musicale, …).

Et bien avant que ça vienne à l’idée de Mylène la Fermière, la génération désenchantée, elle est dans « Le Lauréat ». De la seconde scène, plan fixe sur un Dustin Hoffman raide sinon rigide sur un tapis-roulant d’aéroport pendant que défile le générique et qu’il y a en fond sonore « The sounds of silence » (« Hello darkness my old friend, I’ll come to talk with you again … »), jusqu’à la dernière, avec Hoffman et Ross qui une fois les rires et l’adrénaline de leur escapade retombés, fixent du fond du bus l’objectif de la caméra et qu’on voit l’inquiétude poindre dans leur regard. Et la question se pose : peut-il y avoir une happy end, de l’avenir et de l’espoir dans un monde dans lequel on se sent étranger ?


Un des rares reproches faits à Nichols c’est d’avoir zappé voire sous-estimé ces éléments contemporains à son scénario. Oui et non, le bouquin a été écrit en 62 et adapté fidèlement, mais Nichols le raccroche à 66-67 avec le personnage du logeur de Benjamin à San Francisco (extraordinaire second rôle de Norman Fell) et son questionnement répété et suspicieux à Benjamin pour savoir s’il ne fait pas partie de ces jeunes étudiants « agitateurs ». Sur le tournage, l’équipe du film s’est retrouvée en connexion avec l’actualité, les étudiants du campus de Berkeley où ont été tournées des scènes, se montrant réservés voire hostiles à l’arrivée des caméras et des acteurs … Et puis Nichols s’est raccroché à l’actualité musicale de son époque, en confiant l’essentiel de la bande-son à Simon et Garfunkel, on y reviendra … Autre ratiocination de comptables dénigreurs, l’âge des protagonistes, précisé dans le bouquin et cité dans le film. Ben a 21 ans (Hoffman en a 30), Elaine aussi (Ross en a 26), Mrs. Robinson 42 ans (Bancroft en a 35). Le jeu des acteurs (et aussi le talent des maquilleuses) gomment ces différences d’âge …

Des cathos aussi ont vu rouge. La base de l’histoire (une femme mariée qui débauche le fils de ses amis) n’était pas faite pour leur plaire, mais le final du film les a … crucifiés. Généralement, dans toutes les comédies romantiques, le mariage est arrêté avant le « oui » fatidique. Ici, il a été prononcé et le mariage vole en éclats quelques secondes plus tard. Les forces de la bien-pensance sont repoussées par Hoffman qui se sert d’une croix comme d’un épée, avant d’utiliser cette croix pour condamner la porte de l’église et s’enfuir avec la mariée consentante … ça a fait tousser dans les évêchés … pour l’anecdote, une autre controverse est purement fortuite. La scène a été tournée dans une vraie église louée pour l’occasion. D’après le scénario Hoffman devait frapper violemment la cloison de verre à coups de poing. Le pasteur du cru, resté pour surveiller le tournage, a pris peur pour son carreau géant, et menacé d’expulser toute l’équipe si la scène était tournée de cette façon. D’où un Hoffman obligé de frapper le grand carreau avec les paumes de ses mains, bras écartés. Ceux qui en avaient envie ont vu un nouveau blasphème dans cette pose christique, ce qui n’était pour le coup pas prémédité …

Dans la même lignée, on a eu droit à quelques gloussements des ligues bien-pensantes à cause de l’apparition de façon subliminale du nombril et des seins d’Anne Bancroft, quand Benjamin la raccompagne chez elle et qu’elle s’offre à lui. Le scandale a failli être évité. Anne Bancroft avait refusé d’apparaître seins nus. Nichols dépêcha des assistants dans des clubs de strip-tease pour trouver une professionnelle présentant à peu près les mêmes caractéristiques morphologiques. Pas de chance, la première amenée sur le plateau refusa d’être filmée et il fallut de nouveau courir les clubs pour en ramener une autre, juste avant que Nichols ne se décide à abandonner ces plans fugaces. Par contre, aucune remarque concernant la strip-teaseuse (en fait une étudiante en médecine) qui effectue son effeuillage façon burlesque et vient faire tourner ses plumes sur les épaules de Katharine Ross. Le fait qu’une soit dans le film une bourgeoise mère de famille et l’autre une danseuse de cabaret provoquerait-il chez les ligues de vertu des réactions différentes ?


« Le Lauréat » est également novateur dans la façon d’utiliser la musique. Il est présenté comme le premier film ayant utilisé une majorité de musique pop (donc récente et contemporaine) dans sa bande son. Je veux bien, si on considère que « Quatre garçons dans le vent » de Richard Lester n’est pas un film, ce qui reste malgré tout à démontrer. Mais soit. Dans « Le Lauréat » les transitions musicales sont signées Dave Grusin que l’on retrouvera souvent sur les musiques des films de Pollack. Le reste est de Paul Simon (et Garfunkel). Le duo pop-folk commençait à percer sur la côte Est et en bon new-yorkais Nichols avait acheté leur disque (il n’apparaît pas très connaisseur en matière de pop-rock-folk-machin cela dit) « The sound of silence » qu’il écoutait tous les jours selon ses dires. Il a pris contact avec la Columbia pour les droits (et un peu avec Paul Simon). La Columbia les lui a accordés (et même ceux du suivant « Parsley, sage, rosemary & thyme »), Paul Simon devant même fournir pour l’occasion une chanson originale. Ce qu’il avait plus ou moins oublié et que Nichols lui a rappelé lors d’une rencontre de travail. Simon a profité de l’occasion pour quasiment se débarrasser d’une ébauche de titre (il n’y avait de finalisés qu’une mélodie et un couplet, pour une durée d’une minute et demie), initialement baptisé « Mrs Roosevelt » et qu’il a transformé en « Mrs Robinson ». On entend trois fois ce titre, une fois sifflé, une fois en instrumental et une fois avec les paroles existantes à ce moment-là. Le succès du film et la mélodie entêtante du morceau ont conduit Paul Simon à en terminer l’écriture et c’est devenu un des incontournables du duo …

Après des heures d’avis d’intervenants sur les bonus, un point reste en suspens. Si les influences du « Lauréat » sur des films à venir paraissent indiscutables, d’où vient « Le Lauréat » au niveau cinématographique ? Nichols dit que son film préféré est « Un tramway nommé Désir », ce qui peut se comprendre, Nichols vient du théâtre et le film de Kazan est l’adaptation de la pièce de théâtre, et notamment grâce à Brando, dégage une sensualité voire une sexualité implicites. Un intervenant nous dit que Nichols aimait la Nouvelle Vague française. Manque de bol, on a droit à un bout d’interview hallucinant où Nichols, jusque-là mais également ensuite très calme, modéré, courtois, so british pourrait-on dire, se lâche contre les critiques français toujours aussi nuls, parlant de ces « froggies qui n’y comprennent rien ». On s’explique pas trop ce mépris quasi insultant, quand on sait que les critiques français, notamment ceux des Cahiers du Cinéma sont devenus des Truffaut ou Godard … Alors, la Nouvelle Vague et Nichols ? Ben je vais vous donner mon avis …

Qu’il le reconnaisse pas, que des gens s’en soient aperçus ou pas, il me semble que « Le Lauréat » doit pas mal au « Mépris » de Godard. Pour deux raisons. La première est un détail visuel. La voiture offerte par ses parents à Benjamin pour son diplôme et qu’on voit dans beaucoup de scènes est un cabriolet Alfa Roméo Spider rouge. Exactement le même modèle couleur comprise que celui que conduit Jack Palance dans « le Mépris » … Coïncidence troublante. Mais la similitude la plus flagrante vient de la plus longue scène du « Lauréat » située au milieu du film. On y voit dans une chambre d’hôtel Ben et Mrs. Robinson avoir une longue discussion parfois très tendue où tous les ressorts psychologiques des personnages sont explorés. On comprend pourquoi elle l’a branché, les relations inexistantes avec son mari, celles de quasi haine pour sa fille, et on voit Ben en train de se débarrasser de sa timidité complexée et de vouloir rompre avec son unique rôle d’objet sexuel. On passe de disputes et de paroles blessantes échangées en réconciliations, de faux-départs en vrais retours, d’habillages puis de déshabillages. Si c’est pas un quasi copier-coller de la scène d’une demi-heure entre Bardot et Piccoli dans « Le Mépris », je veux bien passer le reste de l’hiver à regarder l’intégrale des Tuche en boucle …

Happy end ? 

Tous ceux qui ont participé au « Lauréat » seront les stars de l’année 68. Plus dure sera la chute pour beaucoup. Seul Dustin Hoffman deviendra une énorme star hollywoodienne. Ross n’aura droit qu’à un autre second rôle populaire (dans « Butch Cassidy et le Kid ») avant de disparaître du haut des castings, Anne Bancroft ne retrouvera plus également de succès équivalent. Et Mike Nichols, de demi-succès publics en critiques pas trop mauvaises (mais jamais en même temps) aura au terme de ses deux premiers films fini son parcours en haut du box-office…

Et puisqu’on est entré depuis longtemps dans la longueur de chronique vraiment déraisonnable, tant qu’à faire, un mot sur Hoffman et #metoo. Il a été souvent cité comme au mieux ayant eu des comportements déplacés envers des femmes (actrices ou pas) du milieu du cinéma. Et les histoires pas toujours drôles le concernant commencent avec « Le Lauréat ». C’est lui qui le dit dans une interview solo donnée à l’occasion de la restauration et de la sortie du film en Blu-ray et que l’on trouve dans les bonus. Il a selon ses termes « pincé » les fesses de Katharina Ross lors d’une prise, pour selon lui, la motiver pour la scène. Il reconnaît qu’une fois la prise terminée, elle était folle de rage de ce geste et le lui a fait savoir sans ménagement. Selon lui, c’est oublié et ils sont devenus bons amis … Il n’empêche que lorsqu’ils commentent tous les deux le film (une quarantaine d’années après sa sortie), il lui tient des propos assez équivoques, proches d’une drague lourdingue, et au son de sa voix, et surtout de ses silences, on sent que Katharina Ross est loin d’apprécier ses compliments douteux …

Ceci étant, vous l’aurez compris, film indispensable …