SCORPIONS - BEST OF VOL.2 (1984)

 

La rigueur germanique ...

Il fut un temps que les moins de vingt ans …etc … Scorpions fut dans les années 80, un groupe au succès énorme. Voire démesuré. Des marqueurs d’une époque s’étant hissé au top à force de travail. Parce que les Scorpions, c’est pas les plus doués ou les plus flamboyants de l’histoire du rock. Juste des bosseurs, construisant disque après disque, tournée après tournée, les fondations de leur succès. Atteignant leur apogée musicale avec « Blackout » (1982), et leur apogée commerciale avec l’équivoque et centriste « Love at first sting » (1984).


Autres temps … l’épopée commerciale des Scorpions serait inenvisageable aujourd’hui, à cause de trois pochettes de disques, celles de « Lovedrive », « Animal magnetism » et surtout celle de « Virgin killer ». C’était avant les Chiennes de Garde, les tweets forcenés de la Schiappa, les hashtags accusateurs, et les velléités de quelques-unes, parties de bons sentiments égalitaires et auto-transformées en mégères tentant d’instaurer une dictature matriarcale … Bon, ces trois pochettes sont bien machistes, et celle de « Virgin Killer » (un procès – perdu – pour pédopornographie a même été intenté des décennies plus tard), euh … pas pire que - au hasard – celle de Blindfaith … En fait, ces trois pochettes, c’est juste une des preuves d’un goût douteux des Scorpions. Ils mériteraient autant de procès pour les fringues immondes dont ils s’attifaient (des machins léopards, puis à zébrures, et une fois le larfeuille bien garni de dollars, futes moulants en cuir et brushings défiant les lois de l’apesanteur, sauf Meine qui cachait son début de calvitie sous des casquettes de gavroche, en cuir forcément …). Bon, les Scorpions étaient allemands (de Hanovre l’industrielle, ce qui en soi constitue une circonstance atténuante), passaient leur temps à sans cesse remettre sur le métier leur ouvrage, et en bons employés de RCA puis d’EMI, ne s’occupaient que de musique, et pas de tout le reste …

Ce « Best of Volume 2 », pas vraiment grand monde en était demandeur. Sauf que les Scorpions triomphaient avec « Love at first sting », paru chez EMI, et donc RCA chez qui ils avaient passé les seventies, a voulu se faire un peu de brouzouf avec leur fonds de catalogue (un premier Best of des années RCA était sorti à l’époque de « Lovedrive », comme par hasard …). Déjà un best of seventies des Scorpions (qui plus est un Volume 2), c’est soit un contresens, soit un oxymore. Les Scorpions squattaient pas les radios, et encore moins les hit-parades.


Et on peut pas vraiment dire que les Scorpions, c’était la révolution de quoi que ce soit en marche. Sauf qu’à force d’obstination, bien aidés par Dieter Dierks qui fut pour eux beaucoup plus qu’un simple producteur, de disques qui s’amélioraient au fur et à mesure des sorties, et de prestations scéniques où le cochon de payant en avait pour son argent (les Scorpions étaient à l’heure, pas bourrés ou défoncés, faisaient du mieux qu’ils pouvaient sur scène, à une époque où des types s’écroulaient au bout de trois titres et où d’autres se ridiculisaient dans des morceaux qui duraient trois quart d’heure …). Et donc pas surprenant que ce soit un disque en public (« Tokyo Tapes ») qui soit de très loin leur meilleur des seventies. Les Scorpions c’était le sérieux Mercedes appliqué au hard rock.

Les Scorpions, leur âme, leur Malcolm Young, c’est Rudolf Schenker. Guitariste rythmique à Flying V, et auteur de quasiment toutes les musiques du groupe. Le Rudolf, même s’il se cache pas sur scène (il prend d’ailleurs quelques solos), il laisse la lumière à Klaus Meine (voix de cristal dans les aigus) et à Uli Jon Roth.

Un cas celui-là. Un des plus doués gratouilleurs de manche dans une décennie peu avare de guitar heroes, et un type définitivement ailleurs. Il fera plus ou moins son Clapton quand le succès arrivera, et déguerpira pour une carrière parallèle que pour être gentil on qualifiera de mésestimée … Le Uli est un de ces guitaristes obnubilés par Hendrix. Qui se divisent en deux catégories, les imitateurs laborieux (Trower, Marino, plus tard SR Vaughan, etc …), et ceux qui ont essayé de saisir l’esprit du Jimi (là il sont moins nombreux, Randy California et Uli Jon Roth, liste close pour les 70’s). Si le reste du groupe a les pieds sur Terre, Roth, lui est ailleurs, dans son univers cosmique, et ne s’adresse à ses semblables que par l’intermédiaire de sa guitare, dont il a inventé son propre modèle, la Sky Guitar (« The sky is crying », titre … d’Hendrix, évidemment). C’est Roth qui transcende « Tokyo tapes », et tirera musicalement durant toute la décennie le groupe vers le haut …


Et ça tombe bien, il y a dans ce « Volume 2 » trois extraits de « Tokyo Tapes », dont le cosmique, forcément cosmique « We’ll burn the sky », qui clôture la rondelle et suit une des rares compos signées Roth « Sun in my hand », hommage sonore évident au « Axis : Bold as love » de … Hendrix, of course …

Pour le reste, on trouve les prémices et la mise en place de tout ce qui a fait la trademark Scorpions, le son clair et mélodique (merci Dieter Dierks sur la plupart des titres), la simplicité classique (des titres plutôt courts, extrapolations sur les bases de rock’n’roll basique), et de temps en temps quelques dérapages (toujours contrôlés, hein, rigueur teutonne oblige) vers des rivages plus heavy … Avec toutes les caractéristiques du hard seventies, les relents du rock lourd psychédélique (« Looking for fire »), l’inspiration (imitation ?) du Zeppelin (l’intro très « Stairway to heaven » de « The need a million » qui fait également la part belle à d’inattendues guitares surf), les essais de ballade musclée (« Crying days », comme un brouillon de « Still loving you ») …

Cas à part dans le rock allemand de l’époque (pas de morceaux de demi-heure farcis de synthés, pas de krautrock, pas de prog qui ont fourni en ces temps-là le gros des troupes sonores prussiennes), les Scorpions ont toujours eu en ligne de mire le rock anglo-saxon et le public international qui va avec. De ce côté-là, mission accomplie …



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